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Nouvelles : Le commun des mortels
Publié par icare le 06-12-2015 23:20:00 ( 840 lectures ) Articles du même auteur



Le commun des mortels

La route se déroulait devant ses yeux fatigués. Il était encore tôt dans l'après midi, mais en cette saison la nuit tombait vite. Enveloppant petit à petit toute chose ici bas de son manteau de velours obscur. Inlassablement, la route déroulait son scénario, écrit il y a déjà longtemps au travers le calcaire et la garrigue.

Rémi roulait tranquillement, on ne croisait que rarement d'autres véhicules sur cet axe secondaire. En plein jour le paysage était magnifique sous le soleil brulant de cette région au sud de ce pays du sud. Au loin les moyennes montagnes, paraissaient proches. Parfois enneigées elles formaient une multitude d'arrières plan, comme autant de promesses de nouveaux mondes. Mais qu' importe à cette heure elles n'étaient pas visibles. La lumière rasante découpait les enchevêtrements de chênes verts de part et d'autre de la route dans le ciel orange.

Le ruban serpentait sur une trentaine de kilomètres traversant le plateau de verdure. La Toyota Corrola ronronnait de contentement, et sautillait sur les nombreuses irrégularités du revêtement. IL fallait conduire assez prudemment, car la route étroite n'était pas marquée et laissait paraitre parfois ses blessures. Comme une veille femme aux rides nombreuses, peut à peut délaissée. Qui se souciait de combler ses nids de poule ou arranger ses abords peut à peut envahis de racines. La route jouait sa vie, et livrait une lutte perdue d'avance contre la garrigue. Mais elle était toujours là et Rémi aimait cette route qu'il a tant de fois emprunté. Cette route faisait partie de lui, elle le faisait se sentir libre et par la même occasion vivant.

Rémi connaissait bien cette route et il la préférai à la route principale pourtant plus rapide et plus sure qui contournait le plateau par l'est. Pendant ce qui lui paru un instant, son esprit quitta la voiture, il pensait à cette fille qu'il avait connu quelques années en arrière. Puis il se demanda pourquoi tout avait foiré comme ça, et comment il avait pu être aussi idiot. Plus généralement il se demanda pourquoi tout ce qu'il touchait semblait inévitablement se terminer droit dans le mur. Il en conclut pour ne plus y penser, que la chance devait exister et que jusqu’à présent il ne l'avais connu que de dos. Et puis malgré quelques revers de fortune, il était là dans sa voiture, au chaud sur cette route dans cette nuit enveloppante. Une douce torpeur chassa ses idées mélancoliques, et il se sentait bien tout à coup. Ce qu' il lui fallait c'était aller de l'avant, et c'est justement ce qu'il faisait. La suite de virages serrés achevant la montée sur le plateau lui rappela qu'il était jusqu'alors occupé à conduire. Sur le bas coté dans le clair obscur, immobiles, des yeux brillants regardèrent passer la voiture rouge.

S’enfonçant dans la garrigue et dans la nuit Rémi profita de la longue ligne droite pour pousser la voiture. La vielle Toyota accéléra poussivement mais régulièrement. Elle produisait une multitude de petits bruits singuliers, des petits craquements des petits couinements. Au fur et à mesure que la vitesse augmentait, les couinements, se faisaient plus insistants, plus nombreux, plus forts. L'instant suivant le volant se mis à trembler, Rémi se mis à trembler à son tour, puis tout l'habitacle se mit à les imiter. La direction devenue aléatoire, Rémi relâchât la pression de son pied sur la pédale, puis la voiture entrainée par sa masse semblait continuer à glisser sans contraintes dans l'espace. Elle décèlera lentement, les bruits se turent petit à petit, les petits bruits persistèrent. Satisfait de la réponse des chevaux, Rémi se sentait bien dans ce cocon de métal à l'abri du reste du monde, défiant sur commande l'espace et le temps. Il alluma la radio mais elle ne fit aucun son.

En réglant son rétroviseur intérieur il aperçu son œil dans le coin droit, puis regarda derrière, il ne se passait rien. IL faisait noir derrière, une nuit noire, une nuit d'encre, une nuit d'encre noire. Comme il roulait toujours sur la route, il repensa à la fille qu'il avait autrefois connu. Il essaya de se l'imaginer aujourd'hui, elle devait avoir beaucoup changé, puis il se demanda ou elle pouvait être en ce moment et si elle était bien. Enfin il se demanda si elle pensait a lui de temps en temps. Avant Rémi pensait qu'il suffisait de regarder le soleil ou la lune, et de penser à une personne pour entrer en contact. Comme tout le monde regarde à un moment ou un autre le soleil, et comme tout le monde regarde la lune un moment ou un autre. Rémi était un peut rêveur un peut à coté de ses pompes, et du coup assez mal dans ses basquettes. Ce qui ne devait pas faire de lui une exception, et encore moins un être exceptionnel. Il était un jour tombé de son perchoir, en s'apercevant qu'en fin de compte il était extrêmement commun. Il changea la fréquence de la radio, mais aucun son n'en sortit.

La suite du voyage lui prouva qu'il était également extrêmement mortel. L'histoire d'amour entre lui et cette fille était terminée, avant même d'avoir commencée. L'histoire d'amour entre la Toyota et la route qui semblait pourtant bien tangible pris fin subitement. La voiture quitta la route, ou peut être l'inverse, ou bien de commun accord ils décidèrent de se quitter. En définitive peut importe qui avait pris la décision, il s'agissait bien là a n'en pas douter d'une rupture. Une rupture soudaine, une rupture brutale, une rupture définitive. Rémi s'attendait alors au pire car il savait pour en avoir fait les frais qu'une rupture fait toujours mal. Continuant malgré lui sur sa lancée Rémi dont le cerveau suivait toujours la route ne comprenait pas. Il y avait trop de données a analyser trop de paramètres trop de changements rapide autours de lui. Il se trouvait dans la position de l'enfant qui voit ses parents se trahir, se déchirer et partir en claquant les portes. Déchiré, il l'était lui aussi contraint d'en suivre un et de laisser l'autre. Rémi trouvait cette situation très injuste, soudain il eut peur d'avoir lui même provoqué les évènements. La Toyota disparue dans le maquis comme avalée, dans un fracas de tôle et de bris de vitres. Juste après, sur la route tout était calme.

Rémi regardait la lune, mais il ne la voyait pas, la lune, elle pouvait le voir mais regardait ailleurs. Ses yeux étaient vides, remplis de l'inertie du vide. Son crane vide avait comme un bigbang miniature formé des constellations de cervelle sur le pare brise de la voiture. Des secousses nerveuses, d'une intensité de 5 sur l'échelle de Richter secouaient Rémi. De ça et la, des éruptions de lave rouge jaillissaient par intermittence des nombreux cratères formés sur sa peau. Une coulée de lave visqueuse recouvrit lentement son visage, Rémi devenait rouge tomate comme le rouge tomate de sa voiture. Mais Rémi souriait, il n'avait plus peur, il n'avait plus mal, il avait quitté cette route pour une autre. IL souriait car si il avait cessé d'être vivant, il n'avait jamais cessé d'être libre. La roue arrière de la Toyota tournait dans le vide, la radio se mit à jouer « on the road again ».

Nos vies sont faites de routes, certaines sont grandes d'autre plus petites, certaines sont des chemins de traverse. Sachez choisir votre route ou c'est la route qui vous choisira.

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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