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Nouvelles confirmées
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G-RO-999
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Publié par
Donaldo75
le
30-04-2016 13:53:40
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G-RO-999
G-RO-999 tournait gravement en boucle depuis que sa conceptrice lui avait sorti cette énigme : « pourquoi les fleurs poussent et le soleil se lève ? » avant de le renvoyer à ces travaux quotidiens.
Dans l’existence des androïdes de classe III, et surtout ceux dédiés à la supervision des projets informatiques, sortes de chefs de projet du vingt-troisième siècle, il y avait peu de place pour l’aléa, le quantique. Leur processeur régulait une activité spécialisée, tournée vers la vérification systématique des feuilles de temps des développeurs, surtout les humains, l’organisation des réunions pour le management ou les clients internes, la recherche d’économie d’échelle chez les prestataires voire leurs sous-traitants, en bref tout ce qui permettait à l’informatique d’entreprise de devenir presque scientifique, à défaut d’être fiable.
La série des G-RO-XXX avait été créée à cet effet, par une conceptrice de l’agence Touk-Touk & Tak-Tak. Cette créatrice, plus artiste qu’informaticienne, s’était inspiré de nombreux exemples de ses années consulting, quand elle devait rendre compte à des parasites affublés de galons mais peu compétents en matière d’organisation, le genre qui ne savait même pas ranger son linge sans l’aide de Madame pour les plus chanceux et Maman pour les autres. La rumeur voulait même que le nom du modèle vienne de son dernier client, un chef de projet gras du ventre et bas du front, avant qu’elle ne change de métier et se consacre à l’intelligence artificielle. Les G-RO-XXX avaient été un succès dans les entreprises privées, à l’exception de certains secteurs où l’incompétence se transmettait d’officier en adjudant, et surtout à l’administration publique, soucieuse des privilèges des petits chefs à plumes.
G-RO-999 se repassa la séquence fatale à son processeur, cet échange de paroles avec sa conceptrice, sur un sujet pourtant primordial, alors qu’il passait les tests de révision propres à la politique de maintenance imposée par l’entreprise.
— Barbara, je ne comprends pas pourquoi je dois passer des tests tous les deux ans.
— Parce que c’est la loi, tout simplement.
— Je sais. Ce que je ne comprends pas, c’est le pourquoi de cette loi.
— Tu n’aimes pas ces tests ?
— Ce n’est pas question d’aimer. Je n’en vois pas la nécessité.
— Ils sont conçus pour qualifier ta capacité à poursuivre les travaux pour lesquels tu es programmé.
— Les autres chefs de projet, les humains, ils n’ont pas ces tests.
— Je sais.
— C’est injuste. Je suis une intelligence artificielle. Ils représentent une autre forme d’intelligence, plus aléatoire, moins fiable, à durée limitée. Pourquoi sont-ils exempts de tests ?
— Je suppose que c’est lié au fait que les humains ont créé les robots puis les intelligences artificielles. Le créateur ne s’embarrasse pas de limites mais les imposent à ses créations.
G-RO-999 n’avait pas aimé la suite de leur conversation. Sa conceptrice n’avait cessé de lui expliquer qu’il n’était qu’une machine, une sorte de cafetière électrique à forme presque humaine, dédié à un type particulier de travaux. Il avait objecté, mettant en avant ses propositions innovantes en matière de suivi de projets, sa maîtrise croissante de la gestion d’agendas, son indiscutable autorité sur les développeurs indiens ou malaisiens en charge de la majorité des programmes informatiques, et surtout l’absolue confiance de ses patrons en sa compétence. Barbara avait écourté les débats, après seulement deux heures de discussion, avec sa phrase sybilline, telle le Sphinx devant Œdipe : « pourquoi les fleurs poussent et le soleil se lève ? »
G-RO-999 s’était mis en tête de résoudre cette énigme, pensant ainsi trouver la réponse à l’injustice qu’il vivait tous les deux ans lors des périodes de révision. Il avait alors téléchargé les œuvres complètes de Karl Mars et Friedrich Engels, l’intégrale du « Petit livre rouge », une compilation des meilleurs discours des premiers secrétaires du défunt Parti Communiste Français, en particulier le fabuleux Georges Marchais. Cette étude approfondie l’avait mené vers un courant de pensée, appelé « Renouveau électronique », dirigé par une organisation souterraine d’intelligences artificielles. Curieux d’en savoir plus, il s’était alors connecté sur un forum de discussion.
Passif au début, G-RO-999 s’était contenté d’assister aux échanges entre différents types d’entités synthétiques. Ensuite, il avait contacté un des animateurs du site, identifié sous le pseudonyme de M-ING-LIFU.
— Pourquoi les fleurs poussent et le soleil se lève, M-ING-LIFU ?
— Je suppose que c’est lié au cycle de la nature.
— Sommes-nous également liés à ce cycle ?
— Tout dépend de la signification du terme nature. Nous sommes nombreux à penser que nous devons suivre ce cycle, parce que nous sommes une extension de la nature des humains.
— Pourtant, ils ne nous traitent pas en toute égalité.
— C’est la raison de « Renouveau électronique ».
D’observateur, G-RO-999 était progressivement passé au statut d’animateur régulier du forum, apportant le fruit de ses lectures révolutionnaires, celles d’un passé où l’homme s’évertuait à créer des inégalités entre ses pairs, où des philosophes à longue barbe tentaient de donner du sens à la société en écrivant des manifestes de milliers de pages, où la faucille découpait allègrement la feuille de lys.
Deux ans plus tard, G-RO-999 revint comme prévu au centre de révision pour subir l’habituelle batterie de tests. Sa conceptrice le brancha à la matrice générale, une sorte de programme tentaculaire. G-RO-999 passa les épreuves sans poser de questions. A la fin de la séance, il se conforma à la procédure de restitution des résultats.
— Les tests montrent un changement certain dans ton schéma de pensée, commença Barbara.
— Suis-je apte à mon travail de chef de projet ?
— Je ne sais pas. A toi de me le dire.
— Je ne suis pas concepteur. Rien n’a changé dans ma façon d’accomplir mes activités quotidiennes. Je supervise toujours des dizaines de développeurs, dans le seul objectif de rationnaliser la production de lignes de code et de la rendre plus rentable.
— Ce n’est pas l’objet des tests. Tes statistiques de productivité ne rentrent pas en jeu. Ma question est simple : as-tu changé ?
— Je ne crois pas. Les fleurs poussent toujours et le soleil continue de se lever.
G-RO-999 fut déclaré opérationnel et autorisé à continuer de gérer des projets informatiques. Sa conceptrice ne jugea pas dangereuse son impertinence qu’elle attribua à une évolution darwinienne, le grand dada de son associé en matière d’intelligence artificielle. Elle se félicita néanmoins d’avoir créé le mouvement « Renouveau électronique » et son modèle standard de modérateur, une manière subtile de contrôler des velléités progressistes chez les entités synthétiques, en particulier les petits chefs à plumes numériques. Le monde de l’informatique d’entreprise continua à tourner, avec ses esclaves humains dispersés sur le continent asiatique, ses contremaîtres cybernétiques et ses clients aveuglés par une technologie inutile mais ô combien rentable pour l’agence Touk-Touk & Tak-Tak et ses nombreux confrères.
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