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Nouvelles confirmées : L'arrivant XVII
Publié par Loriane le 29-07-2012 16:00:00 ( 1337 lectures ) Articles du même auteur
Nouvelles confirmées



J'étais sur la terrasse, regardant les deux silhouettes dans le noir.
Matthieu soudain était à mes côtés, puis Clhoé vint vite nous rejoindre, puis les trois petits arrivèrent rapidement, ils étaient dégoulinants d'eau, enroulés dans une serviette, ils avaient interrompu leur douche et couraient jusqu'ici, curieux et surpris par les cris de colère de leur père.
Celui-ci était toujours en bas de l'escalier et tempêtait sans se calmer.
" C'est une histoire de fou, on y arrivera jamais ! et comment on va faire quand Marcelle et Marie-pierre seront là ?"
Je le rassurais.
" Bon, ben ! je retourne demain à RFO !!!..."
JF, montait lentement les marches, il pétaradait et insultait Gaston.
Il s'assit lourdement comme désespéré, il se prit la tête dans les mains.
"Je ne comprends rien à cette histoire, pourquoi il vient ici ? pourquoi chez nous ? et toi, tu l'as pas vu rentrer ? Mais il rentre comment ?"
"Non, je ne savais même pas qu'il était revenu, je ne l'ai pas vu rentrer, je suis comme toi, je ne comprends rien !!"
"Les enfants venez tous ici, immédiatement !"
Ça sentait le tribunal, et les trois petits revenaient sur leur pas, avec l'air inquiet.
"Bon, maintenant il faut qu'on comprenne, qui lui ouvre la grille ? répondez franchement !
Le silence était parfait, cinq paires d'yeux fixaient Jf sans piper mot.
" Vous êtes sûrs que c'est pas vous qui le faites entrer ? Si c'est vous, vous pouvez le dire "
" non, c'est pas moi "
" C'est pas moi, papa, "
La réponse vint en un chœur parfait de toutes les petites et moins petites voix.
Et je les croyais, d'une part parce qu'' ils n'étaient jamais descendus dans le jardin depuis leur retour et d'autre part parce que je ne les pensais pas capables de jouer à ça, ça ne leur ressemblait pas du tout."
"Mais enfin, toi tu l'as vu ? Tu as une idée de l'endroit par lequel il passe ?"
"C'est la deuxième fois que tu me le demandes, non, je ne sais toujours pas comment il rentre dans le jardin, je n'en ai aucune idée, et même, c'est idiot ce que tu dis, parce que dis moi comment il est rentré de la presqu'île ? hein comment ? en téléportation ?
JF effondré répétait :
"mais c'est quoi ce chien ? c'est qui ? c'est un truc de fou ! "
" je reconnais que c'est plus que bizarre! je repasse une annonce demain"
"Bon, fichez le camp, allez vous laver en vitesse, et je ne veux entendre personne me parler de ce chien ... personne... d'accord ?"
Le ton était sans réplique possible, ça bardait, il y avait comme de l'électricité dans l'air.
La réunion familiale cessa, les enfants retournèrent à leur tâche sans discuter et sans poser de question, ils étaient silencieux, ils devaient craindre que les foudres paternelles ne leurs tombent dessus, l'ambiance n'était pas à la joie
En mettant le couvert, j'entendais les lamentations de JF qui marmonnait dans son coin.
" Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de fou ? il sort d'où ce bestiau ? pourquoi nous ? qu'est-ce qu'on lui a fait à cet animal ? et pis comment y rentre ? ça devient une question de principe, il faut qu'il foute le camp d'ici ! il est pas invité merde alors ! un tupapa'u :! j'ten foutrais des tupapa'us ! si je prends celui qui le ramène toujours ici ...."
" C'est personne papa, il revient tout seul parce que c'est mon copain et ...."
" RODERIC !"
Tous ses frères et soeurs en colère, s'étaient tournés vers lui en faisant chorus et en le fusillant du regard.
"Mais ferme là !"
"Vous êtes tous, tous méchants, vous êtes pas beaux ! pas beaux ..."
Rodéric couru vers moi et s'accrocha à mes jambes en pleurnichant, il m'enserrait de ses bras, je ne pouvais plus ni avancer, ni reculer, impuissante, mon couteau à éplucher à la main, les doigts sales de jus de tomates.
Je dus interrompre mes travaux de cuisine pour laver mes mains et le prendre dans mes bras.
La soirée était gâchée, les bonnes nuits et les bisous du soir furent un peu tristounets.

Je me réveillais, en me disant que les moqueries à RFO seraient bruyantes, je pensais, je vais me faire salement "charrier".
Je montais dans la voiture avec Rodéric, quand JF plus en retard que jamais, me cria depuis sa propre voiture, juste avant de démarrer en trombe.:
"Ne passe pas d'annonce, laisse tomber, j'ai une autre idée "
"Qu'est-ce que tu veux faire ?"
"Ce soir, je t'explique ce soir"
Bon, visiblement il venait d'avoir une fulgurance de l'esprit mais je ne voyais pas ce qu'il voulait faire de ce chien.
Moi-même je ne voyais pas la solution, hormis le garder, quitte à gérer des problèmes supplémentaires, mais JF avait dit dans sa colère "c'est une question de principe" et ce genre de pensée est toujours un sérieux handicap à la résolution d'un problème quel qu'il soit, car elle annonce toujours un blocage sévère.
Plus tard dans la journée, en remontant à l'heure du déjeuner, je pus constater que Rodéric était toujours grognon, il était fâché contre toute la famille, et il ne m’épargnait pas plus que les autres.
Le petit monsieur ne faisait pas de détail, nous étions "tous" très méchants.
Mais contre toute attente, après le repas, il s'endormit paisiblement. et je pus travailler calmement, ce qui était une bonne chose car je devais en plus de mon travail habituel, préparer ma réunion de parents d’élèves et la réunion de l'association des "gens de l'Est" qui avait lieu le lendemain soir.
"C'est exagéré qu'on se fasse disputer, c'est pas notre faute"
Clhoé était venue se planter devant moi, elle croquait son stylo, et tenait à dire son désaccord.
Elle assumait comme toujours son rôle de rebelle, leader, meneur de révolution, représentant et porte parole du peuple-enfants opprimé.
Puis Matthieu entendant sa sœur attaquer sortit de sa chambre pour la rejoindre, et les trois petits suivirent. Tous les enfants avaient besoin de parler.
" Papa et moi, on est un peu dépassé, mais je sais, vous n'y êtes pour rien, ne vous inquiétez pas, on va trouver une solution"
Nous commencions à bavarder, mais je m'interrompis pour écouter, car une musique venait du cimetière.
Je me mis debout pour regarder d'où venait la musique si dansante, ce beau tamure.
Depuis la terrasse, je regardai en bas, vers le cimetière qui côtoyait notre jardin.
il n'y avait à ce moment là, encore que quelques tombes, sur ce champ immense qui était la partie supérieure du cimetière et qui venait d'être aménagée tout récemment.
Toute une famille, soit une bonne dizaine de personnes, venait d'arriver et s'était réunie là.
Ils avaient garé le pick-up un peu plus loin sous le plus gros manguier, ils avaient sorti le peue qui servirait de nappe.
Il y avait là composant ce grand groupe, la grand 'mère qui était assise avec les plus petits enfants autour d'elle, pendant que les plus grands couraient partout, il y avait aussi le grand-père qui préparait le feu pour cuire le uru, et la mère, le père, les frères, les sœurs, les cousins, en résumé les adultes, avaient eux sortis du véhicule, des brosses à lessiver, brosse chiendent et des balais, des éponges, en résumé, le nécessaire pour un bon nettoyage.
Tout ce petit monde écoutait la radio qui sortait, volume à fond, du véhicule et qui certainement les soutenait, les stimulait dans leurs grands travaux de ménage.
"Ouais !!! ouais! c'est chouette ! Il va y avoir un enterrement"
J'étais stupéfaite de la réaction des petits, visiblement ils se réjouissaient du spectacle qui allait suivre. Devenaient-ils Tahitiens pour, pour vivre avec sérénité un événement réputé fort triste en Europe, pour ne pas plus dramatiser que cela ce genre de cérémonie ?
Cette acceptation sereine de la mort, semblait si incompréhensible à un "farani", à un européen.
Nous ne devions pas oublier que les Maoris ont une origine asiatique et qu'ils en ont conservés un certain fatalisme, et une philosophie sans violence, même devant la mort.
La famille en bas, s'activait avec entrain, ils frottaient, ils grattaient, ils nettoyaient la tombe qui devait attendre incessamment, probablement sans délai un nouvel arrivant.
Chaque année pour le premier Novembre les cimetières se remplissaient de cette armée de fourmis travailleuses, qui venaient offrir une journée de plaisir aux morts, ils venaient les visiter, pique-niquer près d'eux, attablés souvent sur les caveaux, ils venaient leur faire partager leur bonheur de vivants.
Pendant que les fares Tahitiens restaient sobres, hormis les fenêtres décorées de tissus colorés, les tombes elles étaient peintes, brossées, fleuries, agrémentées de coquillages, ornées de collier, elles étaient enjolivées de belles façons; A croire que les arts et la beauté sont pour les morts, les vivants eux ont la vie.
Un jour un ami qui possédait un magasin dans Papeete me confiait que la plus grande vente de peinture sur l'île se faisait pour la Toussaint, au moment de la remise en état des cimetières.
Surprenant ?! non ?
Dans le cimetière la tombe était maintenant blanche et propre, le uru cuit avait été mangé avec l'inévitable punu puatoro, les mangues ramassées sur le sol avaient complété le menu, le grand-père fatigué et désœuvré s'était assoupi, il ronflait fort, couché en chien de fusil sur la tombe, ombragée, d'à côté.
Le reste de la famille, avait rangé les outils de nettoyage et presque tous s'étaient maintenant allongés pour un petit somme réparateur en attendant le convoi funèbre qui devait venir par la route en lacet venant d'en bas.
Ils se tenaient allongés l'un contre l'autre certains étaient sous le miro, quelque uns sous le manguier, d'autres sous le grand pandanus, et d'autres encore avaient préféré les pierres tombales qui se trouvaient à l'ombre
Ils ont de la chance les morts ici, quand ils ont de la visite, c'est plaisant, les vivants viennent leur offrir la joie d'être vivant.
Bien sûr, il y a des larmes, bien sûr il y a la souffrance de la séparation, bien sûr il y a des regrets, bien sûr la peine est là mais, en revanche, le drame, les cris, je ne les ai jamais vu là-bas.
Tout était calme .
Les dormeurs sous les arbres et sur les sépultures, avaient baissé la radio. Peut-être pour mieux dormir, mais plus vraisemblablement pour être, comme c'était le cas, avertis quand le moteur du corbillard annoncerait l'arrivée de l'enterrement.
Derrière la voiture qui montait au pas, les chants étaient calmes, à mi-voix. les chanteur épargnaient leur souffle, probablement pour supporter l'effort de la montée.
Le groupe était important, les fleurs très nombreuses. Le corbillard s'était arrêté, et des hommes musclés descendaient le cercueil, qu'ils déposaient sur le sol devant la sépulture qui venait d'être "toilettée".
"c'est qui ?"
En bonne petite française, Virginie parlait à voix basse, alors que nous nous trouvions à une cinquantaine de mètres du groupe. Ce sentiment de respect, et de crainte devant la mort qu'elle manifestait si jeune, tendait à prouver que le conditionnement se fait tôt et se montre efficace, imprimé et probablement indélébile.
"Je ne sais pas mais, Ils ne t'entendent pas bichette, et tu vois eux parlent normalement"
On entendait en effet les voix depuis notre "loge" en surplomb du cimetière.
Et enfin, ce que nous attendions tous vint pour notre plus grande joie : les chants.
Les chants Tahitiens sont une pure merveille, un bonheur pour les oreilles et pour l'âme.
La polyphonie des chants polynésiens est un instant de pur bonheur.
Les voix féminines, hautes, pures et claires, ces voix célestes sont tempérées par la puissance des voix masculines. C'était une harmonie, libre instinctive et divine.
Deux petites mains avaient pris les miennes.
Je sentais les enfants émus, Matthieu avait pris dans ses bras Rodéric, il avait dû être réveillé par les chants et il s'était levé.
Tous mes petits étaient là, à mes côtés, vivants et en bonne santé. Que dire ?
Clhoé me serra le bras.
"Maman ! maman regarde dans le cimetière, à côté du tipanier rose"
"Lequel ?"
" Près du chemin"
Je regardais, et je vis une silhouette noire, assise là et qui regardait la cérémonie, Gaston semblait écouter les chants. La grille était bien fermée et personne n'était sorti.
"Il est là depuis le début" confirma Sacha
" Gaston c'est mon copain, et moi ..."
"On sait Rodéric "
Lui répondirent plusieurs voix agacées. Je ne comprenais pas ce mystère.
" Mais par où il est passé, comment il est sorti du jardin ????"
"Alors ça on sait pas" confirmèrent tous les enfants.

Loriane Lydia Maleville

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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