les petites mélodies de la chasse d'eau

Date 28-02-2013 13:10:00 | Catégorie : Nouvelles


Nina aimait pas beaucoup Noel. Les fêtes sont avant tout familiales et question famille, on l’étalait pas trop avec Nina.

Surtout de mon côté, évadé discret que j’étais, d’une famille juste là, pas loin ; mais à l’autre bout de ma galaxie. Le manque de quelqu’un vient avant tout d’une absence de présence que l’on cherche à combler malgré la distance. Quand j’ai découvert qu’on me cherchait pas, j’ai compris que j’étais orphelin depuis le début. Simplement là pour être là, lâché par la cigogne au hasard, sur la tête d’un homme et d’une femme qui ne savaient pas trop quoi faire de moi. Alors, ils ont fait comme la cigogne. Famille, tu parles, L’ ARNAQUE ! Déraciné que j’étais, au milieu de nulle part, perdu dans la masse. Un chêne parmi tant d’autres dans la grande forêt de l’humanité. Les biens pensants, ou les donneurs de leçons, appelez les comme vous voudrez, en connaissent davantage sur la botanique que sur cette chose qu’on appel, amour, terreau de la race des vivants. Ils sont plus nombreux qu’on ne le croit, toujours impeccables sans jamais rien de travers à se draper dans le voile, flou et nauséabond, de l’exemplarité.

Pour Nina, c’était pas pareil. Le poids des années, la distance et le refus pour elle d’adhérer à une culture, un mode de pensée étroit qui ne lui correspondait en rien avaient eu raison des liens familiaux qu’elle aurait pu entretenir avec les uns et les autres. Il n’y a qu’avec Mémé, la maman par excellence, qu’elle touchait du doigt cette famille qui lui avait donné son nom. Et depuis que Mémé s’en était allé voir les anges et tous les saints, Nina ne touchait qu’un rêve du bout du cœur et quelque fois un membre de sa famille lointaine du bout d’un téléphone.

Alors les fêtes, même si on s’en foutait, fallait quand même marquer le coup, histoire de pas sombrer dans le désespoir, le silence impitoyable des pièces vides qui laissent passer les rires joyeux des voisins. Fallait qu’on se joue la comédie, que tout se passe bien, qu’il y est de la joie de vivre pleins les murs, des cadeaux, des bonnes choses à manger sur la table pour laisser passer ce moment sans qu’il ne déchire la surface de nos âmes en papier.

Le 22 décembre, je savais toujours pas comment j’étais censé travailler pour les 2 réveillons. J’avais bien en tête les mots de Jorgi, mais je pouvais pas imaginer Nina toute seule à la maison à regarder les murs et à penser à des jours meilleurs. J’interrogeais Justin, David et toute la clic et tout le monde en était au même point que moi. Bobby était à la manœuvre et faisait son maximum pour nous gâcher la vie. Notre détresse le faisait bander, y a des gens comme ça.

Je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose avec le Bobby. Je pouvais pas compter sur sa gentillesse, son humanité, il savait pas ce que c’était. Ce genre de type acceptait toute sorte de marché dès que ça devait lui rapporter quelque chose. Fallait seulement que je trouve quoi, une chose, quelqu’un qui aurait assez d’intérêt à ses yeux pour pouvoir le toucher aux fondations, à la pierre.

C’est Momo qui m’à donné l’idée, malgré lui, par ses actes.

Monsieur Puma venait de le mettre à pieds. Toute la brasserie trafiquait depuis tellement longtemps qu’un jour ou l’autre fallait bien que ça tombe pour rétablir l’équilibre entre les faibles et les puissants. Et chacun sait que les puissants, quelques soient leurs vertus, sans sortent toujours dès qu’il s’agit d’avoir du papier dans les poches. Là, c’était tomber sur le plus gros poisson de la brasserie. Momo. Une justice quelque part.

Mais Momo l’entendait pas de cette oreille. Pour lui, c’était pas un travail comme pour nous tous, mais belle et bien une affaire, son affaire qu’il gérait en bon patron. Et Momo ne se couchait pas comme ça. Un ancien poids lourd comme lui, vous pensez.

Le 23 décembre au soir, j’attaquais à 18 heures, bras ballants, pas d’appétit et toujours cette neige qui m’empêchait d’avancer comme je voulais. Même le ciel m’empêchait. Monsieur Puma arrive dans sa BM, serein, le costume impeccable et le regard tranchant accroché à ses verres qui tombaient sur son nez. Il a pas eu le temps de poser le pied par terre qu’une main à surgit par l’ouverture de la portière et cette main est venue accrocher sa cravate pour la tirer hors de la voiture avec le père Puma accroché au bout.

- MAIS QU’EST-CE QUI SE PASSE !!!! Qu’il gueulait.
- Ta gueule ! Répondit une voix.

Quand il fut sur ses 2 jambes en total déséquilibre, une autre main surgit, une main comme un marteau qui vint s’écraser sur son œil droit. BOUM !!!

- MAIS QUE ME VOULEZ VOUS ????? Qu’il gueulait toujours.
- Ta gueule ! Ta gueule répondit l’autre voix.

Tout le monde mangeait à la brasserie. Les clients n’allaient pas tarder pour le premier service du soir. J’étais le seul loufiat qui était pas à table. Le seul devant la brasserie à assister à la scène avec aussi Bobby qui se cachait à l’intérieur derrière les grandes plantes vertes de l’entrée. Il savait pas que je l’avais repéré.

Puma m’avait pas vu. Bien trop occupé à se plaindre pour sauver sa peau. Il aurait pu lui arriver n’importe quoi, j’aurai pas bouger le petit doigt.

- Donne-moi tes clefs enculé !!! Lui dit la première voix.
- Euh quoi ????

La deuxième voix rentra à nouveau en action.

- Donne tes clefs de bagnole !

Puma ne réagissait pas, alors il envoya aussi sec un direct du droit qui vint une nouvelle fois s’écraser sur l’œil droit de Puma. RE- BOUM !!!

Puma chancelait. Totalement désorienté qu’il était, perdu, hagard.

Il mit les mains dans ses poches, mais ne trouva pas ses clefs.

- Je ne sais pas où elles sont, vous m’entendez !!!!!
- Nous on sait répondirent les 2 voix.

Première voix asséna un coup de pied latéral qui attrapa Puma sur les 2 genoux et au même moment, deuxième voix qui était préposé aux poings, fit son travail, ce qui termina de déséquilibré Puma qui s’écroula de tout son poids, de toute sa peur, sur le bitume crasseux de neige sous dans la nuit étoilée.

Les 2 voix étaient en train de s’installer au volant et au moment où première voix allait tourner la clef restée sur le contact, une autre main surgie, plus massive, rapide, impitoyable.

- T’ES QUI ENCULE, EH ! ARRETE, ARREEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEETE !!!!!!!!!!!

La main ne parlait pas. Cette main était experte dans l’art de faire mal. Nez, œil, front, cheveux, coup, nuque. La main occupait toute la surface qu’elle pouvait parcourir, elle ne ratait rien, consciencieuse, méticuleuse, chaque morceau de chair était touché, marqué, pénétré, un troupeau de hyènes dans la main du diable.

Première voix se retrouva rapidement en dehors de la BM sans que la porte ne fût une seule fois ouverte. Juste la vitre et encore qu’à moitié.

La main frappa première voix et l’attrapa entre la mâchoire et l’oreille. Première voix avait l’arcade ouverte, le nez plein de sang qui coulait jusqu’à sa lèvre supérieure fendu. Chaque partie de sa tête le faisait souffrir, impossible de réagir, peur, impuissance, douleur.

Première voix était prêt à mourir.

- T’es qui enculé ? Chuchotait première voix.
- Dégage ou je te tue.

La main fit le tour de la BM pour s’occuper de deuxième voix ; mais deuxième voix avait filé depuis longtemps. Quand la main revint côté conducteur, il vit première voix qui rampait au sol tant bien que mal, un vers de terre laissant par moment des gouttes de sang sur la neige qui brillait dans la nuit. Il avait son compte.

Puma était toujours par terre, immobile, terrorisé. La main s’approcha de lui et l’aida à se relever.

- Vous n’avez rien Monsieur PUMA ? Lui demanda la main.
- Mais que c’est- il passé……..

Puma se frottait la tête essayant de reprendre ses esprits.

- Merci Momo.
- C’est rien Monsieur Puma…..Vous voyez tant que je suis là, il peut rien vous arriver.

Momo aida Puma à rentrer dans la brasserie pour qu’on lui donne les premiers soins.

Puma ne fit aucune déclaration à la police. Il accrocha sur le mur de son bureau qui lui faisait face, une photo de sa fille de 5 ans qu’il venait d’adopter au Mexique. Pendant une semaine, personne n’entendit parler de lui. Il paraît qu’il restait assis, là, à méditer sur cette photo. Un fantôme, une paix royale pour nous.

Le lendemain, Momo réintégra son poste comme avant, tout pareil.



J’ai pensé : « t’as raison Momo, la chance faut la provoquer ».

Après tout, j’avais décidé d’aller voir ailleurs après le 31. Donc, si eux et moi ont s’entendaient pas, copains pas copains, c’était pas grave. Pour une fois, c’est moi qui les tenais. Ils avaient trop besoins de moi, pendant les fêtes, pour porter leurs assiettes.

Je suis rentré dans la brasserie, c’était le remue-ménage. Tout le monde avait vu Momo tenir le bras à Puma pour le conduire dans son antre et aussi son œil tout noir, et aussi le visage de Momo déguisé pour la circonstance avec le regard attentionné de l’enfant pour sa mère.

J’ai pris la direction des plantes vertes. Bobby était toujours à côté et faisait comme si de rien n’était.

- Vient voir par-là petite fiotte que je lui dis.
- QUOI ! Comment oses-tu…..
- Ecoutes moi bien …. Petite fiotte. Si tu crois que personne a vu ton petit manège pendant que Puma était en train de danser sur le trottoir, tu te goures ! J’étais bien là et toi aussi, et j’ai fait un joli polaroïd pendant que tu te cachais derrière les plantes vertes, petite fiotte.
- Mais….Mais qu’est- ce que tu veux….Pourquoi tu….
- Je veux mon 24 et mon 25 décembre, sinon les photos se retrouvent dans les mains de Puma dans les 5 minutes. Il pourra t’admirer en train de pisser dans ton pantalon à arroser les plantes vertes.

Je me suis retourné, paisible, calme et rassuré. Je tenais mon homme et mon Noël avec Nina.




Cet article provient de L'ORée des Rêves votre site pour lire écrire publier poèmes nouvelles en ligne
http://www.loree-des-reves.com

L'url pour cet article est :
http://www.loree-des-reves.com/modules/xnews/article.php?storyid=1804