Le pain.

Date 09-04-2013 20:30:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Je vais vous parler d'un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, et je ne dirai pas systèmatiquement " tant mieux ".
Le pain. Cet aliment que les enfants mangent maintenant si peu, puisque leurs parents les fournissent volontiers en biscuits, gâteaux et raffinements divers, en remplacement de la bonne vieille tartine qui a fait les délices de tant de générations.
.Il n'était alors pas question de savoir ce que nous aurions pour notre quatre heures, mais de ce que nous aurions dessus.Et une expression me viens à l'esprit, à l'instant, une phrase qui courait en let-motiv à ce moment de la journée, quand nous demandions notre goûter :- " Du pain, de beurr' , de suc', te-mère ? ". Une tartine de beurre était une friandise dès lors qu'elle était saupoudrée de sucre en poudre.
Le plus courant était le morceau de pain accompagné de deux ou trois carrés de chocolat. Il y avait la tartine de margarine, la tartine de saindoux la tartine frottée d'ail, et la tartine nature, sans rien, délicieuse quand la grosse tranche de pain de quatre livres était taillée dans un pain frais, à la croûte dorée et craquante.
Et puis il y avait des quatre heures sans tartines et, par conséquent, des raids sur les vergers.
Ceux de ma génération se souviennent des restrictions du pain, qui ont duré quelques années après la guerre.
Mon père qui, comme tous les hommes de son époque, se faisait un devoir de ne rien faire à la maison, avait, je m'en souviens toujours, la pénible tâche, le soir, de couper les tranches de pain,à table.Je n'ai pas le droit de dire que nous en manquions, non, mais il était mesuré avec prudence.Papa avait inventé le petit jeu de la plus fine tranche de pain que nous pouvions avoir,et nous admirions sa dextèrité à ciseler ses petites tranches qu'il nous distribuait.
Qui se souvient des miettes ?
Il y a quelques temps, le plus âgé de mes petits-fils me regardait à table, avec un sourire étonné : j'étais en train de picorer, avec le bout de mon index , les miettes de pain autour de moi, en les portant, machinalement, à ma bouche.
- " Qu'est-ce que tu fais, papy ? tu fais comme les poules ? "
Je n'ai pas eu envie de lui expliquer qu'il fut une époque où tout le monde le faisait. Mon père, justement, avait gardé, en vieillissant, l'habitude, à table, de regrouper, dans le creux de sa main, les miettes de pain, après la coupe en morceaux, et de les manger une par une, en discutant.
Acheter du pain était une affaire sèrieuse.Les baguettes étaient un luxe franchement inutile. Le pain de deux livres, plus courant, mais surtout le pain de quatre livres était le plus demandé. En fait, les gens se sont petit à petit habitués à acheter le pain à la pièce. Il était bien stipulé, sur des affichettes, dans chaque boulangerie, le prix du pain au kilo. Quand nous demandions un ou deux kilos de pain, la boulangère, systématiquement, coupait un gros morceau de pain pour l'ajouter au pain dit de deux ou quatre livres. ça s'appelait ' la pesée '.

Un après-midi, en 1950 ou 51, à l'école communale de garçons :
C'était un après-midi venteux et froid.
Depuis la récréation, nous étions regroupés, toutes classes confondues, alignés en rangs dans la cour de l'école, pendant que le directeur faisait les cent pas, en attendant qu'un coupable se dénonce.
Un maître avait trouvé, dans les urinoirs, un gros morceau de pain. Du pain ! l'objet même symbolisant le travail, la sueur, la peine et la faim de ceux qui en manquaient !
Je ne pense pas qu'il y ait pu y avoir, dans notre milieu et à nos âge, un ' soupeur' . Il y avait donc, parmi nous, un malfaisant qui ne connaissait pas la valeur du pain.
Personne ne s'est dénoncé et, de mauvais grè, après avoir fait durer l'attente après l'heure de sortie, le directeur nous permit de partir.

Maintenant, je suis plutôt choqué quand, proposant du pain, à table, à un enfant, la mère, trop souvent dise : - " Non non, il n'en mange jamais. Je prèfère qu'il finisse son assiette." Ce que le cher bambin ne fera pas, s'il déclare ne plus avoir faim, en attendant le dessert.
Je ne pense pas que ce soit un bon choix. C'est vraiment les gâter que de trop les gâter....

Le pain ? Je suis totalement incapable d'avaler une seule bouchée de viande si elle n'est pas accompagnée d'un morceau de pain.
Allez savoir pourquoi...




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