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Date 09-05-2013 22:50:00 | Catégorie : Nouvelles


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Je balayais la cuisine, mon fils Thierry, 6 ans, jouait avec ses copains dans le parc réservé aux enfants de la cité militaire française basée en Allemagne, ce parc était situé en face de notre appartement et les petits français s'y retrouvaient régulièrement.

Brusquement je ressentie une douleur au creux du ventre, une douleur inconnue, mystérieuse : une explosion centrée dans l'abdomen avec - tel un caillou jeté dans l'eau - une onde de choc déferlant jusqu'aux épaules en diminuant d'intensité aux cercles exterieurs, et surtout une pensée foudroyante, écrasante: Thierry se meurt en cet instant précis.

Sans qu'aucun son ne sorte de ma bouche, je criais " non, pas ça ... !!! " implorant je ne sais quel esprit supérieur imaginaire.

Mon balai toujours à la main, j' étais paralysée, hypnotisée par cette pensée effroyable, j' étais hors du temps, un silence de plomb m'entourait, j'étais seule avec ce pressentiment affreux.
Puis, comme une vague qui se retire, la douleur régressa rapidement, jusqu' à disparaître dans son épicentre.
Je repris mes esprits, juste en face de moi, accrochée au mur, la pendule indiquait 16 h 20
Retrouvant dans le même temps mon autonomie, je courus à la fenêtre donnant sur le parc, cherchant à voir mon fils parmi tous les enfants, mais sous le coup de l'émotion, j'étais incapable de me souvenir quels vêtements il portait ce jour là!!! cette défaillance de ma part, me fit monter les larmes aux yeux. De si loin, je ne le reconnaissais pas et je culpabilisais.
Les enfants jouaient normalement, j'entendais leurs cris, aucun attroupement, aucun affolement visible, les quelques mamans, principalement des épouses de militaires comme moi, assises sur les bancs continuaient leurs conversations entre elles.
Nous nous connaissions pratiquement toutes, nos maris étant souvent absents, il régnait entre nous, un esprit d'entraide, de connivence, certaines de ces femmes, éloignées de leur famille supportaient mal le fait d'avoir dû aussi quitter leur job, quelquefois bien rémunéré, pour suivre leur mari muté dans un pays ... même pas ensoleillé.

Pensant que Thierry avait peut être quitté le parc malgré mes constantes recommandations, je courus sur le balcon qui donnait sur la voie rapide: les voitures continuaient de circuler sans encombre, sans accident apparent.

Tous les sens en alerte, j'appréhendais d'entendre l'arrivée d'une ambulance ou de la police allemande, allant sans cesse d'un point d'observation à l'autre, je me demandais qu'elle décision prendre: me rendre au parc, en face, ou coté opposé, sur la voie rapide ? il y avait aussi la station service un peu plus loin.... avait- il accompagné un copain pour acheter quelques bonbons ?

Je décidais de rester en alerte à mon poste d'observation du deuxième étage, redoutant l' annonce d'un événement qui bouleverserait notre vie à jamais: la perte d'un enfant.

Après quelques allés-retours, et beaucoup de persévérance, je finis par apercevoir enfin la tête blonde de mon fils chéri dans le parc, ouff ! Je remerciais le ciel, consciente d'échapper au pire drame.

Tout doucement le calme revint dans mon esprit, je me sentais victime d'un épouvantable cauchemar toute éveillée; cela allait- il devenir une habitude de mon cerveau ? allais- je devenir folle ? allais-je empoisonner ma famille avec des pressentiments idiots ?

Un long moment plus tard, je me suis dit que, aller faire mes quelques courses à pied, me permettrait d'évacuer ce stress que je sentais encore bien présent.

Je marchais sur le trottoir, quand j'ai entendue une voix de femme m'interpeller, je connaissais cette dame seulement de vue; nous nous approchâmes l'une de l'autre.
-" Bonjour, j'étais au parc cet après midi, il y avait votre fils, je l'ai vu mort... balançoire..... un millimétre de sa tête... un plus grand....je m'en souviendrai toute ma vie...
J'avais du mal a assimiler tous les mots, je retenais seulement les principaux.
Cherchant à faire un rapprochement avec mon pressentiment, j'ai demandé :
- "Il était quelle heure ? "
Elle réfléchit une seconde et me dit:
- " je sortais de .... j'allais .....et d un ton affirmatif me dit :
- '" il était entre 16 h 15 et 16 h 30 ".
Je ne savais quoi dire, c'était troublant, inexpliqué, mystérieux. J'ai murmuré" un merci", un "au revoir" et suis partie, conscience d'avoir vécu quelque chose d'assez incroyable que je n'avais nullement envie de raconter.


Récemment, ma petite fille de 9 ans - fille de Thierry - m'a demandé :
- " Mamy, tu es croyante ? "
- " Après un temps de réflexion,analysant mes sentiments et voulant lui répondre au plus juste, je lui dis :
-"Je ne crois pas en un dieu tel qu' on le décrit dans la bible et je ne prie pas, mais par une expérience vécue, je sais qu'il existe des liens mystérieux entre les êtres, des choses que l'on ne s'explique pas encore, trop compliquées sans doute, trop grandes, inconcevables pour nos petits cerveaux.... "
Et je lui ai raconté ce que j'avais vécu, un jour, alors que son papa n'était encore qu'un petit garçon.






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