Un soir de juillet

Date 18-07-2013 00:10:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


« Je rentre du travail et la chaleur est écrasante. Pourtant, personne n’a le droit de se plaindre parce que juin a été calamiteux. Moi, je n’aime pas la chaleur et j’ai envie de me plaindre, mais ce soir je suis seul à la maison. Je pourrai me plaindre d’un tas de choses, et en particulier de mes collègues que je ne peux plus voir en peinture. En rentrant du boulot, j’ai décidé alors de m’allonger sur le transat et de me laisser aller à la morosité que m’inspirent ces fortes chaleurs et tout ces imbéciles qui semblent s’acharner sur moi. Une petite demi-heure passe et puis le téléphone sonne ; j’arrive trop tard, mais je m’en fiche pas mal, parce qu’à mon avis, c’est encore un démarchage… Maintenant que je suis debout, je décide de me préparer un verre bien frais de Pulco citron. Je n’aime pas ça, je préfère les boissons sucrées, mais ce n’est pas bon si l’on veut garder la ligne. Je n’aime pas non plus me laisser aller à la morosité trop longtemps. Je décide alors d’entreprendre un peu de travail physique, rien de mieux pour chasser la mélancolie.

Comme La maison est presque neuve, il y a toujours quelque chose à faire à l’extérieur. Je décide alors de déplacer les innombrables tuiles abandonnées le long d’un mur, pour y ranger bientôt le bois pour l’hiver que l’on devrait d’ici peu me livrer.

J’ai fait poser des panneaux photovoltaïques, il paraît qu’à long terme c’est rentable. Aussi, je voulais faire un geste pour l’environnement. La nature me l’a bien rendu. Nous avons eu pour printemps plus de nuages et de froid qu’en pourrait tolérer un automne précoce et vigoureux. Bref, voilà pourquoi toutes ces tuiles…

Ca fait du bien un peu d’effort, ça vide la tête (j’ai des collègues qui en font trop...).

Et puis soudain, mes voisins me sortent de mon emballement au travail.

Ils rient à gorges déployées et c’est à coup sûr pour me faire chier. Je ne vois pas ce qu’il y a de si drôle à remplir un coffre de toit de tous les gadgets inutiles que l’on emmène en vacances et dont on ne se servira probablement pas. Ma maison est en contrebas et je pense qu’ils assurent délibérément le spectacle. Ils font du bruit parce qu’ils sont heureux. Je crois qu’ils le font exprès. C’est dingue comme le reste du monde semble ne plus exister pour les gens heureux. Tout ça m’est bien égal, et peut-être même qu’ils se moquent de moi. Moi aussi j’ai remarqué que ma 107 tient à peu près la taille de leur coffre de toit.

Là encore, je m’en fou complètement ; cela prouve que je ne suis pas attaché aux choses bassement matérielles de ce pauvre monde. A moins que le constat soit plus affligeant ; à bientôt quarante balais, ma petite vie ne me permet pas d’incarner celui dont j’avais tant rêvé d’être.

Cela ne me coupe pas l’appétit pour autant. Il y aura bien quelque chose à grignoter dans le frigo. Quelques tomates de supermarché, et aussi quelques carottes oubliées dans le tiroir à légumes feront mon affaire. Une fois la partie noire abîmée des carottes enlevée il sera toujours possible de les râper. Une fois dans cet état, on ne peut plus présager de leur hypothétique mollesse ou fraîcheur.

Dans mon assiette, mes tomates Savéol, dont le pied ne s’est sans doute sustenté que sur un pain de laine de roche détrempé d’engrais chimiques, mêmes tranchées et assaisonnées, restent des tomates sans saveur, bien loin de celles qui ont bu tant de soleil et ont trempées leurs racines dans l’humus frais d’un jardin.

Je décide alors d’échapper à mon assiette en me plongeant dans le journal télévisé ; pathétique !!!

Une ministre de la France a pleuré à l’assemblée nationale parce que quelqu’un lui a dit (en résumant un peu) que son mari était un gros con qui chiait sur la république… Je reprendrais bien alors une bouchée de ces savoureuses tomates, à moins que je ne m’octroie une autre bouchée de ces carottes suspectes.

Elle ne sera quand même pas la première à réaliser que son mari est un gros con, (qui peut-être boit à contre cœur du Pulco citron pour garder un semblant de ligne ?). D’autres l’on fait avant elle.

Heureusement ce soir, le journal télévisé relate aussi des faits bien plus dramatiques.

Il n’est que la télé pour rendre le malheur aussi bruyant.

Je ne vais pas me coucher trop tard car avec cette chaleur je vais sans doute très mal dormir, d’autant plus que mes fenêtres seront ouvertes…

Et puis il y a ces voisins dont le départ en vacances se fera sans doute au cœur de cette nuit. C’est certain, ils vont me réveiller quand enfin j’aurai trouvé le sommeil.

Ils feront certainement encore plus de bruit parce qu’ils seront davantage heureux.

Moi, ma maison restera silencieuse, sans aucun bruit.

Aujourd’hui, ma femme est partie avec les enfants. ».




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