Adrien Lafleur (fin)

Date 17-09-2013 19:28:09 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Six heures! Alcide n'est pas encore rentré.

La chambre baille, s'étire, frémit, s'ébranle puis se tait. Seul reste Sana, couché.

Depuis trois jours il n'est pas retourné au chantier. Le contremaître lui avait dit de ne pas se montrer, qu'il le contacterait.

Par des indiscrétions, le mec avait appris que des inspecteurs du travail devaient opérer un contrôle imminent.

Dans la matinée, Sana se rend aux bureaux de "Alphazur" une association de quartier où on lui avait déjà offert de l'écoute et de l'aide...

Il demande à Hélène de lui lire le manuscrit. Elle considère le document et... :"Sana, tu connais les chiffres, reclasse tout ça et reviens demain à dix huit heures trente!"

Au moment convenu la lecture commençe. Elle est rapidement interrompue par: "tu sais, je ne pourrais pas tout te lire ce soir, Il te faudra revenir".

Elle reprend la lecture.

L'histoire met plein de fleurs dans la bouche d'Hélène.

Ca lui parfume les mots.

Bien en haut sur l'histoire, comme un dessin d'enfant...Un rond jaune avec des bâtonnets tout autour.

A l'interieur du rond, un croissant de bouche, tourné côté sourire.

Les histoires c'est bizarre, ça peut rapidement déparfumer les mots,

ranger les bâtons d'or,

renverser les sourires.

Ca peut aussi, perfide, clouer un "r" dans "mot"

Passé trois heures, la vingt sixième minute lâche: "Aprés moi le bonheur!"

Puis: "Depuis déjà longtemps que mes yeux pleurent sans larmes,

l'eau, l'air et mes rires gardent le goût du sel".

"Mais je sais maintenant que je recommencerai... Sur la pointes des pieds, je tendrais le doigt au ciel

pour récolter encore des coulures de miel, du bon miel de soleil... "

Et puis plus rien... Si!

Un truc rajouté au crayon.Un truc comme une éclipse. Un cercle barré d'un croissant glissant vers un sourire.

Sana fait alors ce qu'il n'a plus fait depuis neuf cent vingt sept jours,

depuis ce gribouillage frénétique de dix huit centimètres de long sur du papier de sismographe,

depuis que l'encre du stylet,devenue venimeuse, ratura pendant presque trois minutes,

la vie de milliers de personnes;

depuis, qu'une morsure au ventre, il remonta en courrant la route de Kenscoff,

et que ses mains jetèrent toute leur rage dans le tumulus fumant,

extipérent les corps trop mous de thérèse et de Stélina, sa mère, sa petite soeur;

Sana fait ce qu'il n'avait jamais plus fait,

il pleure.

La bouche presqu'au sourire, il pleure.















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