Nous marcherons dans le ciel!

Date 04-12-2013 23:40:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


"Le refuge Caron lui offre une saleté de nuit.

Son corps n'est qu'un linge mouillé mis à sécher sur la rebord de la fenêtre du dortoir.

Un linge lourd qui se plit sur l'embrasure et vomit son estomac acide.

A deux heures du matin lui vient une sorte de sommeil.

... la sonnerie du réveil lui a resservi sa rengaine.

On vient lui remuer l'épaule. il demande la grâce de trois tours de trotteuse.

Il lui en fallut beaucoup plus, de ces boucles de temps.

Les deux cordées prennent enfin la trace.



Il est cinq heures moins le quart et ils sont les derniers a quitter le refuge.

Pour autant, il n'accelère pas l'allure, les filles ne tiendraient pas.

Il avance avec Manon, Elisabeth et Nadia les suivent de prés.


Chacun d'eux porte en diadème une petite étoile. elle les guide sur les chemins du ciel.

Plus haut d'autres étoiles s'étiolent car violine le jour.

Comme à chaque fois il ressent du bonheur à être ici.

le bonheur aujourd'hui lui met du rose, lui met de l'eau sur le bord des paupières.

Il met de l'eau de rose tout autour de son coeur.

Alors, il se souvient.

il y a douze ans, déjà:

"Un jour nous irons marcher dans le ciel!

Ensemble tous les quatre, dans un grand ciel bleu et blanc!"

Manon dit:" Ah! je sais!

un hélicoptère nous protera sur un grand nuage et on pourra se promener dessus!"

Nadia : "Mais non! papa veut dire qu'il nous emmenera avec lui en montagne!"

"Exact! mais ca ne sera pas la montagne de cet été, nous irons bien plus haut!"

"Nous irons sur des sommets qui conservent leur bonnet blanc même pendant l'été".

Elisabeth tempère:"ce n'est pas pour demain les filles, auparavent il faudra vous aguérir!"

" C'est quoi maman, vous aguérir?"...


Tandis qu'elles redescendent, quelques cordées les croisent.

Ils longent à présent la longue barre de séracs: une carrière de glace.

Des cassures taillent des tours puissantes.

Des tours anguleuses arrimées dans les airs par la grâce du gel.


Ca y est!

Ils marchent dans le ciel!

Et puis ils se rassemblent, ils se tiennent aux épaules.

La quadrature s'arrondie, s'adoucie, leurs casques s'entrechoquent.

Ils font un lanterneau sur le grand dôme blanc.

Sans clameurs ni sonnailles.

Les grandes joies donnent du silence au dehors, de la lumière au dedans.

Au coeur du lanterneau de la chair de lumière.

Ils sont hauts dans le jour, ils sont prés du soleil.

Alors, à peine le temps de nommer les cimes voisines, de nommer le "Pic sans Nom";

à peine le temps d'un doigt vers le Mont Blanc, qu'il leur faut revenir.


Ils repassent sous les séracs.

Huit cent mètres en dessous, les dernières cordées qui les précèdent

atteignent le redoux de pente du glacier Blanc.

C'est à ce moment là que cédent les soudures et la grâce du gel.

Là! Un craquement funeste et un cri plein de voix.

Un chaos de glace passe, les emporte, le recrache aussitôt.

Il se retrouve seul, abandonné sur le bord du malheur.

A son ventre, un bout de corde pend.

En cisaillant la corde, des arêtes de glace ont scindé leurs destins,

l'ont jeté dans "l'insoupçonnable", l'ont jeté dans "l'insoutenable".



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