Vous connaissez grand'mère ?

Date 04-05-2012 22:00:00 | Catégorie : Nouvelles


En espérant vous distraire, voici une petite page de mon autobiographie qui, compte tenu de mon âge, est déjà assez longue.
Natif de la Corrèze, la Normandie a été une des nombreuses étapes de mon existence. C' est au Havre que j' ai fait la connaissance de ma grand-mère. Un évènement qu' on n' oublie pas...


GRAND-MÈRE :

Dans ma petite enfance, j’ ai eu deux grosses émotions dans la même journée: j’ ai découvert la mer et j’ ai fait la connaissance de grand-mère, la mère de maman.

Face à La Manche, d’ un seul coup, sans m’ y attendre, un jour de tempête sous un ciel chargé de gros nuages gris sombre, ça m’ a filé une pétoche terrible!

Une grosse masse liquide, pour moi, jusqu’ à ce jour, c’ était la Corrèze, qui coulait, peinarde, sous le pont de La Bouvie, mais cette étendue monstrueuse qui hurlait en se fracassant sur des galets qui faisaient un bruit d’ enfer en roulant les uns sur les autres !

Figurez-vous que j’ éprouve encore de l’ angoisse aujourd’hui, face à cette mer.

C’ était peut-être pas la bonne préparation pour m’ emmener voir ma grand-mère.

On avait beau être en 1947, des grand’mères folkloriques comme elles, fallait être préparé!

Elle était originaire de Bernay, dans l’ eure. Enfin…de la campagne, près de Bernay, et avait définitivement adopté la dernière mode de sa propre grand-mère.

D’ abord, situons le lieu de la rencontre. Après la mer, s’ enfoncer dans une forêt profonde, ça aussi, c’ était de l’ inédit. Mon père ne connaissait qu’ une seule histoire, et il me la racontait plutôt’ gore ‘, pour faire de moi un homme; c’ était le petit chaperon rouge ! Alors, le coup de la forêt, pour aller voir ma grand-mère….

Mais on y arrive, à grand-mère. Pour ceux qui on lu la BD « dame Tartine « , l’ effort d’ imagination est terminé. Pour les autres, j’ interviens ;

Un chignon sur une tête ronde à lunettes rondes, des joues’ rouge normand’ et un accent du terroir que maman me traduisait .

Voici le résultat de mes investigations du moment et de ceux à venir : grand’mère portait une jupe noire qui tombait jusqu’ à terre. En dessous, elle avait une multitude de jupons, mais le premier était celui qui, apparemment, comptait le plus : sur le devant, il avait une immense poche , grande comme un sac, qui lui servait de sac, justement . Pour payer ses courses, elle avait un large mouvement circulaire du bras qui, dans sa rotation, attrapait le bas de la robe, la soulevait et disparaissait en partie dans la fameuse poche. Il réapparaissait avec le porte-monnaie de grand-mère. Un porte-monnaie que j’ ai toujours vu gonflé de billets qui débordaient tout autour.

Il y avait plein de choses étonnantes , dans la grande poche. Entre autres, sa tabatière .
Alors là, voir grand-mère sniffer, c’ était quelque chose !

Le même mouvement du bras et hop, la tabatière apparaissait . Mais suivez bien la manœuvre car on aborde là une technique archaïque que vous ne rencontrerez plus jamais.

La tabatière dans la main droite, elle en soulevait le couvercle à l’ aide du pouce de la même main. Sa main gauche, synchronisée, était déjà en route pour prélever une grosse pincée de poudre noire, avec le pouce et l’ index. Sans temps mort, la poudre était déposée dans le creux formé entre le pouce et l’ index de la main qui tenait la tabatière . Vous suivez ? Parce que, maintenant, le rituel va s’ emballer .
La main gauche, désormais libre, va effectuer un foudroyant voyage vers la poche, en raflant, au passage, la tabatière qu’ elle va refermer durant le début du voyage, disparaître dans la poche et en ressortir aussitôt avec un vaste mouchoir qui, dans le mouvement ascendant du bras, sera secoué énergiquement pour qu’ il se déploie largement .

Sitôt remontée, la main gauche ( tenant le mouchoir ), dirigera son pouce vers une narine de grand’mère et l’ écrase . Le premier sniff engrangera l’ exacte moitié du tabac. .L’ index de la main gauche va alors écraser l’ autre narine pour le deuxième sniff.
Le temps s’ arrête . Grand-mère est immobile , figée comme une statue ….Puis son menton se lève lentement, lentement, tandis que sa bouche commence à s’ entrouvrir….Et brusquement , l’ explosion, un cataclysme qui la plie en deux dans un énorme « atchoum » qui atterrit dans le mouchoir et vous fait sursauter, même si ça fait un sacré bout de temps que vous vous y préparez.

S’ ensuivait alors l’ inévitable : - « Ha ! Ça fait du bien ! «

Tellement de bien qu’ elle tenait, une fois de temps en temps, à ce que je bénéficie des bienfaits de son remède miracle . Vous décrire ses effets sur moi mériterait une longue narration que je vous éviterai, ne serait-ce que pour la curiosité que vous pourriez avoir d’ en tenter l’ expérience .

Bon, vous connaissez grand-mère .

Elle avait, dès qu’ elle m’ a découvert, pris des résolutions à mon égard. Par exemple, elle avait décrété que je manquais de globules rouges ( ?? ) et avait pris aussitôt les décisions adéquates . Pauvre de moi … Moi qui ne pouvait absolument pas voir une trace rouge dans ma viande et pour qui maman coupait le bifteck en petits dés avant de le carboniser ! Grand’ mère m’ emmenait avec elle à la boucherie chevaline et expliquait à la clientèle que j’ avais besoin de me retaper, montrait ,à qui s’ en fichait à quel point je manquais de quelque chose là, et là , et achetait un énorme steak à mon intention. Quelle journée de supplice…Elle montrait un peu la viande à la flamme, de loin , me semblait-il, et me plaçait devant une assiette qui débordait d’ une viande dégoulinant de sang. Pour ‘ mon bien’, je n’ avais le droit de sortir de table qu’ une fois mon assiette vidée J’ ai passé des heures à avaler, avec des hauts-le cœur , des tout petits morceaux, jusqu’ à ce que mon assiette soit vide…

Mais...Grand-mère...Tu m' as manqué...











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