Mes chers amis- 2

Date 28-05-2012 18:00:00 | Catégorie : Nouvelles


Mactou :



Il avait un prénom et un nom, comme tout le monde, mais pour tout le monde, c’était Mactou, une association de mots à la mode normande . Il était tout, sauf mon ami, mais comme il était persuadé que j’étais le sien, je lui rends cet hommage posthume.

Je vais tâcher de le définir avec bienveillance et objectivité ( je sais, c’ est inconciliable ).

Le père de Mactou était un dur. Ses oncles, ses frères aînés étaient des durs. Lui, aurait bien voulu. Il en avait les ingrédients: la méchanceté, mais une méchanceté souriante. Le vice, mais son sourire désarmait, la malveillance, mais il avait le don de faire soupçonner les autres, la malhonnêteté mais on le prenait souvent sur le fait. Au centre de formation professionnel ( celui où Ti-Louis avait fait un séjour ), il s’était fabriqué une légende : on racontait que, lorsqu’il était de sortie, il suffisait de le prendre par les épaules et de le secouer un peu pour qu’ une pluie d’outils tombe au sol. Je n’en doute pas, tout ce qui était visible lui appartenait.

Il se faisait qu’il avait une admiration sans limite pour ma personne, obstinée, sans lacune, à tel point qu’il ne m’a jamais, au grand jamais, fait la moindre entourloupe . C’en était suspect. Je l’ignorais, c’était tout ce que je pouvais faire, compte tenu de sa correction envers moi. Mais quel affreux jojo ! Le genre de type à étouffer de rire après avoir fait un croche-pied à un aveugle. Un exemple: un jour que je promenais avec Ti-Louis sur un trottoir, en ville, Mactou, sur ma demande, marchait sur le trottoir d’en face, avec une autre crapule de la même envergure. Des hurlements, des cris, des bruits de freinage brusques.

Sur le trottoir d’en face, les deux compères venaient de massacrer un passant qui gisait, maintenant, en sang, dans une vitrine brisée .Quand, plus tard, nous leur avons demandé pourquoi ils avaient fait cela, ils se sont regardé en rigolant . On les avait provoqués ? Non…Il avait une sale tête ? savaient pas….Non. Ils s’emmerdaient.

Quand je sortais de chez moi pour aller voir Ti-Louis, Mactou était assis dans le caniveau, à m’attendre. Il se levait quand j’étais passé et c'était parti pour la journée; il nous suivait, un peu en retrait, près à nous rendre service si l’idée nous en venait. Parfois, quand même ( ce n’était pas un chien ) , on lui parlait un peu et il s’approchait. On l’a toujours regretté. Si on longeait la nationale, pour nous amuser, il lançait un grand coup de sifflet. Il avait le don de pouvoir imiter le sifflet de gendarme, par stridulation de la langue. Ça ne ratait pas: les voitures,qui passaient donnaient de grands coups de freins et Mactou filait en riant aux éclats pendant que les portières s’ouvraient. Qu’ est-ce qu’ on pouvait faire d’ autre que de le suivre.? Et puis on le remettait en quarantaine.

Mactou avait une peur panique des filles. Mes petits succès devaient être pour beaucoup dans son intérêt pour ma personne. Aussi, il était notoire que la vertu de Mactou était intacte.

Les grandes prairies Normandes réservent bien des surprises, lorsqu’ on va y chercher des champignons. Pour certains, cela fini par une carapate devant une horde de vaches en furie. Mactou, lui, y a rencontrer sa bonne fée !

Il a rompu la loi du silence pour nous raconter sa merveilleuse aventure.
Parti aux champignons dans les plaines environnantes, il a aperçu au loi la fi’ Louise. C’ était une nymphomane, en soin permanent, bien connu par tous les mâles du canton et de ses abords. Elle avait des soirs de bals où son carnet de danses ressemblait à un bottin maltraité.

Elle aperçut Mactou. On peut affirmer qu’ il a été violé, dans la mesure où il a couru moins vite qu’ elle.

Et qu’ on ne vienne pas me dire que le viol d’ un homme n’ est pas possible ! Comme Mactou nous l’ a expliqué, il s’ est défendu, mais la fi’ Louise avait une force décuplée par sa passion obsédante. Alors, la chair est faible…

Une bonne chose de faite .

Quelques années après mon départ, à l’occasion d’ un voyage au pays, j’ ai appris que Mactou s’ était marié.Avec la Titine. Ils ont eu un pot immense tous les deux : Mactou, personne n’en voulait, Titine, tout le monde s’en servait !

Des années sont passées sans que j'entende parler d’eux.

C’ est à Fos sur mer que j’ai appris. Décidément, Fos sera un point de chute pour bien des ouvriers de Normandie.

Dans un terminal pétrolier, je rencontre toute une équipe de mon ancienne commune, dont des gars de mon ' village'. On parle un peu de tout le monde et on arrive à parler de Mactou.

- « Tu n’es pas au courant ? « me dit l’ un d’eux. Je n’étais évidemment au courant de rien .

- « Attends. « Il va vers sa voiture et m’en ramène un exemplaire du journal Détective.

En première page, en gros plan, Mactou me faisait son grand sourire de communiant Le titre était explicite : il avait éventré l’amant de sa femme qui se moquait de son infortune. J’ai alors lu l’article et je vous prie de m’ en excuser, je me suis tordu de rire. La description du crime, par lui- même, n’avait rien d’original: Mactou était cocu avant, pendant et après son mariage. Ça, il s’en fichait. Mais qu’un mal élevé vienne lui en faire le reproche et se moque de lui sous son nez, jamais !

D’ autant plus que Titine était encore au lit et entendait tout, pendant que son amant faisait un break en buvant du gros rouge avec Mactou. Et l’amour-propre, alors !

Non. Ce qui m’a fait beaucoup rire, c’ était le lyrisme que le reporter avait apporté à son texte. Une preuve flagrante qu’ il n’avait jamais, au grand jamais, été se renseigner sur place. En voici un petit résumé à sa manière :



« Les deux tourtereaux avaient fait connaissance à la fête du village. Rougissant tous deux, ils avaient ressenti ,une forte attirance l’un vers l’autre. Et c est par un beau soir de printemps, dans le jardin du père de la jeune fille ( ! ! ! Sa baraque était près du bassin de traitement des eaux usées ! ) que le jeune homme demanda sa main à Titine.



J’ ai demandé, il y a peu de temps , à une amie de là-bas, ce qu’ était devenu Mactou. Elle m’ a répondu, à la mode du pays : - « Mactou ? Ah ben y’ a ben longtemps qu’ il est mort ! «



Requiescat in pace…..




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