On ne fait pas d'omelette...

Date 11-04-2015 13:50:00 | Catégorie : Nouvelles confirmées


Voici ma réponse (un peu détournée) au défi d'Istenozot :

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Qui aurait cru un jour que le destin des humains serait entre mes mains ?

Tout a commencé par une sorte de casting pour entrer dans un parti politique. À l’époque, j’étais un acteur intermittent, plus inter que mi-temps. Les fins de mois étaient difficiles, tout autant que les débuts d’ailleurs et mon propriétaire était sur le point de m’expulser en m’accusant de n’être qu’un bâilleur qui bâillait aux corneilles. Du Corneille ? J’aurais tant aimé en jouer. J’avais donc d’envisagé un changement radical de carrière. La politique me paraissait une bonne reconversion. Il était de notoriété publique que tous les politiciens prenaient des cours de théâtre, alors pourquoi un acteur ne pouvait-il pas percer en politique ?

J’avais le choix entre les quatre partis en place. Il était loin le temps de la simple opposition gauche-droite. Nous étions maintenant affublés d’un système quadripartite. Les Nordistes prônaient un Etat qui interviendrait totalement dans la vie des citoyens en organisant le logement, la nourriture, le travail afin que chacun ne manque de rien. Chacun serait donc une cellule d’un grand organisme avec les Nordistes en guise de cellules grises. Les sudistes, à l’opposé, voulaient offrir toute liberté au citoyen dans l’organisation de sa vie et celle de la communauté. Les citoyens seraient des électrons libres et, de par leur nature humaine, ils s’auto-organiseraient à l’aide des Sudistes. Les Occidentalistes mettaient en avant le progrès technologique pour faire évoluer la société vers un avenir dit « meilleur ». Enfin, les Orientalistes se voulaient tous zens, luttaient activement contre toute forme de violence, prônaient le bio et le végétalisme. Ces derniers s’apparentaient fortement aux hippies des années 1960. Et c’est cette mentalité qui m’avait séduit, bercé avec les chansons de Bob Dylan et Janis Joplin qui résonnaient dans la maison de mes arrière-grands-parents.

J’ai donc répondu à une petite annonce faisant état d’un poste pour un contrat à durée non définie, nécessitant de longs voyages et la capacité de jouer la comédie. Je passai divers tests un peu étranges. Il me fallut réciter des textes avec le plus de persuasion possible face à un public censé représenter un électorat moyen, passer des heures dans une pièce sombre et exigüe sans céder à la panique, subir une pression de quatre atmosphères dans une machine et finalement passer au détecteur de mensonges. Nous étions plusieurs milliers de candidats et je finis fièrement le premier, notamment grâce à ma grande capacité à servir des mensonges éhontés sans faire sourciller la machine.

Dès que j’eus apposé ma signature au bas d’un contrat m’engageant à garder secret toutes les missions qui me seraient confiées, je fus amené dans une pièce au sous-sol du palais royal de Bruxelles. Là, je découvris une énorme machine ovoïde qui trônait au centre de la pièce. Elle brillait intensément malgré l’obscurité ambiante. On m’expliqua qu’elle était arrivée de l’espace il y a quelques semaines et qu’elle contenait un message extraterrestre dans toutes les langues parlées sur terre. Dans la version française, une voix synthétique au fort accent canadien demandait d’envoyer un spécimen humain via le vaisseau qui viendrait expliquer sa civilisation. S’il pouvait prouver que les hommes respectaient leur planète et les autres êtres vivants avec lesquels ils cohabitaient, ils auraient la vie sauve. Dans le cas contraire ou sans nouvelles avant le solstice d’été, l’invasion commencerait avec une extermination à la clé.

Pendant plusieurs semaines, je fus formé à présenter une version idyllique et édulcorée de notre planète, à force d’images tronquées et de témoignages d’autres acteurs de toutes les races, moins bons que moi bien sûr !

Et puis vint le jour J, l’heure H, la minute M. J’entrai dans le vaisseau spatial avec tout mon matériel ainsi qu’une boîte contenant une spécialité culinaire à offrir à nos envahisseurs potentiels, histoire de ne pas arriver les mains vides. Le voyage fut extrêmement long et ennuyeux. Quel bonheur de sentir l’engin se poser sur la terre ferme. J’enfilai ma combinaison de cosmonaute avant de sortir à l’air libre, pour autant qu’il y ait de l’air dans cette atmosphère jaunâtre. Je me retrouvai face à une masse d’êtres très étranges. Leurs corps présentaient une forme ovoïde, leurs crânes posés directement sur leurs troncs, faute de cou, étaient chauves. Leurs jambes étaient courtes et leurs pieds palmés. Comment des créatures aussi ridicules pouvaient-ils constituer une menace pour l’espèce humaine ? Nous avons échangé des regards interrogateurs et amusés de découvrir l’apparence de l’autre. Je pris la parole afin de les saluer poliment. Un être à la tête surdimensionnée s’approcha de moi et me rendit mon salut. Il m’expliqua qu’il avait étudié toutes les langues humaines en captant nos ondes radio.

Je fus installé dans une habitation ressemblant à un poulailler géant. Je goutai de la nourriture totalement inconnue mais qui ressemblait à du muesli. J’étais apparemment sur une planète faisant partie d’un système parallèle au nôtre. Leur étoile s’appelait Lampawile et ressemblait au soleil, à part qu’elle avait, elle aussi, une forme ovoïde. Un crâne d’œuf à l’allure militaire me fit découvrir les images des planètes qu’ils avaient exterminées avant de s’intéresser à la Terre. Je lui en demandai la raison. Il m’expliqua simplement que des êtres incapables de respecter leur environnement n’étaient bons qu’à être éliminés, comme n’importe quel nuisible.

Le lendemain, je fus sollicité afin de présenter mon exposé à la crème des chefs de la planète. J’installai tout mon matériel et commençai mon discours, traduit simultanément par la grosse tête. Je vantai toutes les qualités écologiques, le grand cœur, les attitudes respectueuses et altruistes de mes semblables, les prenant comme exemples pour tous les peuples des autres planètes habitées. Mon discours avait de quoi faire pâlir d’envie tout candidat en campagne. Mon pouvoir de persuasion ne souffrait aucune limite.
Une fois mon speech terminé, j’eus droit à un tonnerre d’applaudissements généré par les pieds palmés de l’auditoire, frappés au sol. S’ensuivit une série de questions dont la première concernait notre nourriture. Je certifiai que les humains étaient végétaliens, pas question de mettre à mort des animaux ou de voler des œufs afin d’assouvir notre faim.

Fort de mon succès, je brandis fièrement la boîte contenant le cadeau des humains à ces extraterrestres mi-œufs mi-oiseaux. Si j’avais su, j’en aurais vérifié le contenu avant de l’ouvrir. Il y a ainsi des actes dans la vie d’un homme que l’on regrette toute sa vie, surtout lorsqu’ils l’écourtent.

C’est en découvrant, en même temps que mes hôtes improbables, ce que contenait la boîte que je compris que mon destin et celui de toute l’humanité venait d’être scellé. Ce sont les yeux désormais rouges de colère qui me dévisagent. L’entente, ou du moins une relation pacifique, qui aurait pu naître entre les terriens et cette forme de vie extraterrestre est carrément morte dans l’œuf à cause… d’une cocotte de poulet entier à la Chimay !




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