Le prince Yoruba et le poète de nulle part

Date 30-07-2015 15:00:00 | Catégorie : Poèmes confirmés



Au temps où les Wolofs avaient l’empire Djolof
Au temps où les califes occupaient Cordoba
Au temps où l’ile de Man avait son roi Olaf
L’Etat d’Ifé avait son prince Yoruba

Et du fleuve Niger jusqu’au plateau de Jos
Tirant sa puissance d’Oduduwa lui-même
Ce maitre d’univers régnait en roi féroce
En digne descendant de l’Orisha suprême

Tuant, brûlant les champs et violentant les femmes
Le prince était cruel, le prince était tyran
Son peuple mourait jeune, faute de mil ou d’igname
Mais que peut-on y faire ? Disait-on, soupirant

Ainsi allait la vie sur les terres du prince
Chacun allait dolant, perclus de sa douleur
Et la vie était dure et le ciel était mince
On allait à la mort en appelant son heure

Il était un homme seul : un poète, un griot
Venu tantôt d’Egypte, tantôt de Tombouctou
Un homme à moitié sage, un homme à moitié sot
Parlant un peu de rien, parlant un peu de tout

Partout où il allait dans le royaume d’Oyo
Les villageois l’oyaient de leurs simples oreilles
Et parfois l’on riait aux ineptes fabliaux
Où l’on entrevoyait d’autres monts et merveilles

« Qui est ce fabuliste, cet affabulateur ?
Qui distrait mes sujets de leurs vies quotidiennes ? »
S’indigna le despote du haut de sa hauteur
« Qu’on cesse de leur chanter d’idiotes cantilènes »

« - Mais ce n’est qu’un pauvre homme qui vit de charité !
Qui conte des histoires d’ailleurs ou de naguère
Ce n’est qu’un akalat qui ne fait que chanter !
Ce n’est qu’un peu de vent ! Que des paroles en l’air ! »

Et plus la populace soutenait son champion
Plus l’inique Alaafin sentait monter son ire
Afin de faire taire ce vent de sédition
Dans la ville capitale, l’aède on fit venir

Sur la grande esplanade dominant la cité
Sous un grand Karité, arbre digne et austère
Lui, le pauvre poète on fit exécuter
Et pour toujours sa voix, sa pauvre voix fit taire



Mais les grands dominants épris d’ordre public
Devraient se méfier des murmures rémanents
Persistance des têtes qu’on plante sur des piques :
Le peuple se leva, et tua son tyran





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