Je ne sais pas quoi en penser ?

J'ai attendu cela depuis tellement longtemps... Je ne me sens pas différente.
J'ai eu beau me regarder et me redécouvrir, devant mon miroir, je ne suis pas plus belle, je ne suis pas plus femme. J'ai simplement l'impression d'avoir appris quelque chose de nouveau, presque immédiatement oublié. S'il n'y avait pas ses marques sur mon corps, ses brûlures roses dans mon cou, j'aurais peine à croire que, ça y est.
On m'a dit un jour, alors que j'étais en terminale, que j'aimais C. avec un cœur naïf d'adolescente et que Ch. et J. ont commencé à nous interroger sur l'état de notre virginité, oui, on m'a dit :

« Laisse passer la première fois. Commence avec la seconde. Ce sera beaucoup mieux. »

J'ai menti. Je lui ai fait croire que je ne l'étais pas, que pour moi les histoires d'un soir c'est monnaie courante. Nous avons fait ça comme des bêtes, il y avait des draps partout, des vêtements arrachés aux quatre coins de la chambre. Cette bicoque... Je n'ai pas saigné. J'ai eu mal, un peu, puis il y a eu quelque chose de mieux, de beaucoup mieux. C'était amusant, on n'arrivait à rien, on riait comme des idiots et le sommier grinçait. J'étais dessus, lui dessous, et moi qui pensais me découvrir discrète, je me suis bien trompée. Quand ça a été mon tour de glisser en dessous, il a écrasé ma bouche d'une main pour que je ne réveille pas toute la maisonnée. Il m'écrasait, me malmenait, ne me ménageait pas. Et pour tout dire, c'est comme ça que je le voulais.

« Vas-y molo, ça fait un moment... »
« D'accord. »

J'ai la joue marquée d'un suçon. Mon cou est tout violacé. On a mordu, griffé, ahané, et c'est comme si j'avais toujours su faire ça. J'ai eu un moment de pudeur au moment où il arrachait ma petite culotte, mais bien vite, il s'est estompé. Je ne pouvais pas reculer, je ne devais pas reculer.
J'avais décidé que ce serait lui. Pas d'autres options possibles.

Au départ, nous étions trois. Il y avait le dernier invité, qui est resté jusqu'à six heures du matin. L'autre colocataire est remonté dans sa propre chambre, pour dormir, parce que j'essayais de lui colorier la figure, pendant qu'il comatait. Nous n'étions plus que trois. J'ai cru qu'il ne partirait jamais. Depuis le début, j'avais une idée derrière la tête. Quand la soirée a commencé, j'ai même changé mes sous-vêtements, au cas où. Comme quoi.
Il a fini par s'en aller. Nous laissant seuls dans la chambre. Mais il est remonté une fois, parce qu'il avait oublié son sac. Quand il est est reparti, j'ai fermé la porte à clé.
J'ai recommencé à le colorier avec mes stabylos, alors qu'il commençait à s'endormir. Fallait pas qu'il dorme. Nous avons lutté. Entre chatouilles qui excusaient des mains baladeuses et entrelacs de jambes, j'ai tendu les lèvres. J'ai cru qu'il ne le ferait pas. J'ai cru qu'il avait trop peur de ce que ça impliquerait, des on-dit. Mais les baisers ont commencé, et avec eux, le reste.

« Tu vas me dire que tu n'avais pas planifié ça ? Coquine. »
« Non, pas du tout. Bon, peut-être un tout petit peu... Mais vraiment à peine, alors. »

L'alcool ne nous a pas aidés. Au bout de deux capotes usées, nous n'avions toujours pas réussi à bien faire. Je l'ai chevauché, et j'ai prétendu que c'était ma position préférée. Ce n'est pas tout à fait faux ; c'est celle que je trouve la plus gracieuse, la plus belle, même si jusqu'à présent je... je ne l'avais jamais mise en pratique.
Une pause et quelques éclats de rire plus tard, il a attrapé de quoi se couvrir. Je ne voyais mes vêtements nulle part.

« Je suis encore entièrement nue. »
« Hm. Ce n'est pas pour me déplaire. »

Câlins et papouilles, les yeux tournés vers le plafond. Je me suis retournée pour poser la tête sur son épaule, ou sur son bras, peu importe. Et puis, on a recommencé.

« Doucement, pas si vite. Ne sois pas si passionnée. »
« Je ne peux pas être autrement ! »

C'est difficile de s'accorder. La chevauchée est définitivement la meilleure position. Mon ventre contre son ventre, nos respirations et nos râles, tout ça, ce n'était pas inconnu, j'en suis sûre. D'ailleurs je n'ai même pas souffert. Pas comme ce pauvre sommier.
Je me suis mise à penser à L., « Si ma mère me voyait ». Ça m'a fait sourire, rire, même. C'est vrai, si maman m'avait vue...
Il a joui. J'ai failli. Dans l'urgence, il m'a fait descendre, et, allongée les bras au-dessus de la tête, je l'ai fiévreusement laissé m'achever à l'agilité de ses doigts. Victoire. Libération.

« Alors finalement tu n'étais plus vierge. ».

C'était une question qu'ils m'avaient posée l'année dernière, plusieurs fois, et à laquelle j'ai toujours répondu de manière évasive. Je l'ai regardé dans les yeux et je lui ai dit « Non. », oh la menteuse.
Il fallait que ce soit clair. Je ne veux pas que quoi que ce soit change dans l'ambiance de la maison. Et puis allongée là, alors que lui-même me parlait de ses aventures avec son ex, ma fierté a parlé à ma place. « C'est naturel de faire l'amour », a-t-il dit une fois, pour se moquer des avances des autres, que je repousse souvent.

Je ne sais pas comment je vais me débrouiller avec mes marques, moi qui doit rentrer vendredi soir chez mes parents. Il préfère que je n'en parle pas. (Lui non plus.) Mais c'est compréhensible.
Alors... Je ne suis plus vierge ?

by Shoupichapachoups -