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#371 Georges-Pierre Seurat
Loriane Posté le : 28/03/2015 18:34
Le 29 mars 1891, à 31 ans meurt Georges-Pierre Seurat

à Paris né à Paris le 2 décembre 1859, dessinateur et peintre français, pionnier de la technique de chromo-luminarisme, ou peinture optique, appelée plus couramment pointillisme ou divisionnisme. Peintre de genre, figures, portraits, paysages animés, paysages, peintre à la gouache, dessinateur. Il appartient au mouvement divisionnisme, Il est influencé par Rembrandt, Goya, Puvis de Chavannes,Ingres, Eugène Chevreul . Ses maîtres sont Henri Lehmann. Ses Œuvres les plus réputées sont : Une baignade à Asnières, Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte, Les Poseuses, La Parade, Chahut, Le Cirque

En bref

De sa brève période de production intensive est née une œuvre dont les contemporains ne retinrent que les aspects les plus superficiels, mais dont les échos se sont répercutés longuement sur les générations suivantes. Inextricable conjonction d'une problématique intellectuelle et d'une insolente séduction, dit de lui André Chastel, qui lui assigne une place similaire à celles qu'occupèrent Mallarmé pour la poésie et Schönberg pour la musique. Moins évidente, de prime abord, que celle de Cézanne, l'influence de Seurat fut, cependant, déterminante pour certains développements du cubisme, de l'orphisme, du futurisme, de la non-figuration
Seurat était fils d'un huissier ; dès l'âge de sept ans, il dessine ; à seize ans, il fréquente une école d'art municipale où il fait la connaissance d'Edmond Aman-Jean 1860-1936, qui demeurera un de ses amis les plus intimes. En 1876, il suit des cours à l'École nationale des beaux-arts, où il est admis en 1878 dans la section de peinture ; il a comme professeur un élève d'Ingres, Henri Lehmann 1814-1882. Il visite fréquemment le musée du Louvre et lit l'ouvrage du chimiste Eugène Chevreul De la loi du contraste simultané des couleurs 1839.
Né le 2 décembre 1859 à Paris dans une famille bourgeoise aisée, installée 110, boulevard Magenta, Georges-Pierre Seurat, après avoir suivi des cours de dessin dans une école municipale, est admis en février 1878 à l'École des beaux-arts. Dans l'atelier d'Henri Lehmann, ancien élève d'Ingres, il suit sans éclat et avec assiduité le cursus académique ; en mai 1879, frappé par la quatrième exposition impressionniste, il loue avec ses amis Ernest Laurent et Edmond Aman-Jean un studio rue de l'Arbalète, puis, ayant fait une année de volontariat militaire à Brest de novembre 1879 à novembre 1880, il s'installe rue de Chabrol.
En 1879, il loue un atelier avec ses amis Aman-Jean et Ernest Laurent 1860-1929. Ils prennent tous la décision de quitter l'École après avoir vu la quatrième exposition des impressionnistes. Seurat doit, d'ailleurs, partir, pour faire son service militaire, un an à Brest, où il dessine beaucoup.
Rentré à Paris en 1880, il poursuit ses lectures des physiciens spécialisés dans l'optique Maxwell, Helmholtz, O. N. Rood, etc., étudie les œuvres de Delacroix et fréquente l'atelier de Puvis de Chavannes. Il travaille à sa première grande composition, la Baignade Tate Gallery, Londres, qui sera refusée au Salon de 1884 et dont l'élaboration minutieuse nous est attestée par des dizaines d'esquisses peintes et de dessins. Le tableau est exposé la même année au premier Salon des artistes indépendants, où Seurat se trouve en compagnie des peintres qui formeront le groupe néo-impressionniste : Charles Angrand, Albert Dubois-Pillet, Henri Cross et surtout Paul Signac ; avec ce dernier, son cadet de quatre ans, Seurat aura désormais de fructueux échanges, et leurs voies de recherche resteront parallèles.
Grâce à Camille Pissarro, tous deux exposent à la huitième et dernière exposition des impressionnistes 1886 ; ils vont rendre visite à Chevreul et subissent l'influence de Charles Henry, auteur d'une Introduction à une esthétique scientifique 1885.

Sa vie

Georges-Pierre Seurat naît le 2 décembre 1859 à Paris, dans une famille bourgeoise. Son père Chrysostome Antoine Seurat, un huissier de justice auprès du tribunal de la Seine, est un homme solitaire, un caractère dont hérite son fils. Sa mère, Ernestine Faivre, a une sœur, Anaïs, épouse de Paul Haumonté, marchand de toile et peintre amateur qui comptera dans la première formation du jeune Georges.
Georges Seurat peindra sa tante sur son lit de mort en 1887.
En 1877, il s'inscrit aux Beaux-arts et fréquente l'atelier d'Henri Lehmann mais ses études sont interrompues par son service militaire qu'il effectue à Brest, où il réalise de nombreuses esquisses de bateaux, de plages et de la mer. En 1882, il se consacre à la maîtrise du noir et blanc et commence à peindre réellement.
Il invente la technique du chromo-luminarisme plus couramment appelé pointillisme, qui s'inspire des écrits du scientifique Michel-Eugène Chevreul sur la loi du contraste simultané des couleurs, du critique Charles Blanc Grammaire des arts du dessin, 1867, d'Ogden Rood La Théorie scientifique des couleurs, 1881. Il achève, en 1884, Une baignade à Asnières Londres, National Gallery, le premier des six grands tableaux qu'il va peindre dans sa courte vie. Sa technique séduit rapidement de jeunes peintres, Paul Signac, Henri-Edmond Cross, Charles Angrand, Maximilien Luce, ainsi que Camille Pissarro.
Seurat participera à la formation de la Société des artistes indépendants, ouverte sans jury ni récompenses. Il est fortement soutenu dans ses recherches picturales par le critique Félix Fénéon, qui acquerra Une baignade à Asnières, sera son exécuteur testamentaire avec Paul Signac et Maximilien Luce, et l'initiateur du catalogue raisonné de son œuvre - achevé par César M. de Hauke en 1961.
L'été 1890, le peintre réside à Gravelines, où il exécute quatre toiles de marines ainsi que quelques dessins et croquetons , petits panneaux de bois peints qu'il avait ainsi baptisés. Ses paysages assujettissent la nature aux rigoureuses ponctuations de sa théorie des couleurs, et il s’en dégage une paix intérieure prenant superbement le pas sur la confusion de la réalité. Il écrit une révision des concordances entre les caractères des tons sombres ou claires, des teintes froides ou chaudes, des lignes tombantes et tristes ou ascendantes et gaies. À son retour à Paris, il met en projet son tableau Le Cirque qu'il montre, inachevé, au huitième Salon des Indépendants.
Seurat est un grand peintre inconnu , écrivait Lucie Cousturier en 1921 dans une des premières biographies consacrées au peintre d'Un dimanche à la Grande Jatte. 1884 The Art Institute, Chicago. Malgré une place très vite établie dans l'histoire de l'art moderne, notamment au moment du cubisme, la gloire des bons vieux impressionnistes comme il disait Cézanne, Renoir, Monet ne s'est jamais vraiment décidée à faire de lui un grand peintre populaire.
Il rencontra Vincent Van Gogh en février 1887, et ce dialogue étonnant semble démontrer à quel point son art porte en lui-même un élément irréductible à toute identification psychologique, à quel point il est intimidant, lumineux et obscur à la fois, à l'image exacte des dessins exécutés au crayon Conté. L'enquête des historiens parcourt des circuits qui peuvent être recomposés par des documents ou des sources indiqués par l'artiste lui-même, mais la dimension intellectuelle du tableau ne s'y laisse jamais réduire. La technique de Seurat fut une sorte de malentendu contrôlé, et son œuvre définit entre l'individu, la société, l'art un ensemble de valeurs dont on commence à mieux sonder le caractère de profonde nouveauté.
Sa vie, brève, laisse constater de rapides mutations esthétiques, mais cette évolution est en même temps soumise à des contradictions réitérées. On mesure les rythmes d'une métropole contemporaine, confrontés au silence des paysages de mer ; on suit un échange énigmatique entre le monumental et sa réduction lumineuse, La Tour Eiffel, Fine Arts Museum, San Francisco, entre le détail insignifiant et une présence quasi surnaturelle, entre le tableau et ses référents : l'art classique, l'affiche, les études préparatoires. L'ordre et la frénésie établissent une mystérieuse division nerveuse qui libère une forme de puissance anarchique dans les lois de la composition. Depuis Petit Homme au parapet vers 1881 ou Le Faucheur vers 1882, Metropolitan Museum, New York, la science de Seurat s'applique à développer le germe d'une œuvre interrompue par la mort et pourtant totalement réalisée.

Vers une formule optique

La vie de Seurat est un mélange de conventions, d'effacement dans la norme et de secret. Il meurt à trente et un ans, le 29 mars 1891, d'une maladie foudroyante qui révèle à ses amis et à ses proches son union avec le modèle de Jeune Femme se poudrant Courtault Institute, Londres. Grave, calme et doux, taciturne, selon Henri de Régnier, on l'a décrit aussi très compliqué Signac, obstiné, pensif, farouche, austère. Lucie Cousturier eut l'intuition d'une urgence inquiète et sourde en évoquant un regard brûlant et une voix psychologique, étranglée par l'impatience. Avec son je-m'en-foutisme bien connu, Degas a parlé du notaire, mais Gustave Kahn a vu le même individu plus pittoresquement coiffé d'un caloquet de feutre et d'un costume plus bigarré. L'esprit d'ordre et de méthode, l'esprit de conquête et d'aventure brûlent, en vérité, l'énergie d'un homme qui peint jour et nuit et qui meurt aussi de fatigue morale et d'épuisement.
Le résultat de cette période de formation à la fois conventionnelle et très personnelle est sanctionné par le succès du portrait d'Aman-Jean au Salon de 1883, salué par le critique Roger Marx. Puvis de Chavannes s'intéresse à ce petit groupe d'artistes qui dessinent et travaillent souvent sur le motif autour de Paris. Seurat n'a jamais vraiment cessé d'apprendre ni d'approfondir le sens de sa recherche comme en témoigne, à partir de 1886, l'attention qu'il porte aux travaux et à la personnalité de Charles Henry qui avait publié en 1884, dans La Revue contemporaine, son Introduction à une esthétique scientifique ; mais sa formation est marquée, dès le collège, comme il a tenu à le spécifier plus tard, par des lectures qui orientent définitivement la marche de son esprit.
Il y a lu la Grammaire des arts du dessin de Charles Blanc 1867 et l'essai du même auteur sur Eugène Delacroix publié dans la Gazette des beaux-arts en 1864. On y trouve un ensemble d'idées qui définissent le sens d'une beauté optique dégagée du ton local avec, en particulier, la prise de conscience nécessaire des principes de la couleur : Le coloris s'apprend comme la musique. » Blanc souligne l'importance des phénomènes de la perception simultanée des couleurs, exposés dans l'ouvrage du chimiste Eugène Chevreul, mais l'exemple de Delacroix est là pour rappeler que le prisme d'une pensée s'interpose toujours entre la réalité et le spectateur. Modern Chromatics New York, 1879 d'Ogden Rood, paru en traduction française en 1881 sous le titre La Théorie scientifique des couleurs, confirme dans le domaine de la physique une somme d'observations personnelles empiriques, en établissant la distinction entre la teinte lumière et la teinte pigment. Ainsi en 1890, au terme d'une élaboration trop complexe pour être résumée, Seurat pourra inscrire en tête d'un mémorandum reprenant les étapes de sa pensée : La pureté de l'élément spectral étant la clef de voûte de ma technique..., mais cette technique âprement revendiquée n'a jamais pu être elle-même purifiée d'un mélange qui venait celui-là d'une âme ardente et haute.
En 1883, Seurat entreprend les études pour sa première grande composition deux mètres sur trois, Une baignade, Asnières National Gallery, Londres, dont le caractère impressionniste par l'éclat des couleurs, la touche balayée, le sujet et le site se trouve confronté à un principe de composition et de réalisation mêlant croquetons et dessins dans un souci d'équilibre monumental qui parut paradoxal : C'est un faux Puvis de Chavannes, s'écrie Paul Alexis dont Seurat fera le portrait en 1888. Exposé à la buvette du Salon des artistes indépendants du 15 mai au 1er juillet 1884, le tableau déconcerte et retient l'attention de jeunes peintres qui vont jouer un rôle décisif dans la fondation de la Société des artistes indépendants au début de juin 1884. Pendant l'été, installé dans un nouvel atelier, 128 bis, boulevard de Clichy, Seurat commence dans un climat nouveau une autre composition ambitieuse : Un dimanche à la Grande Jatte. 1884, exposée en mai 1886 à la huitième exposition de peinture, la dernière des impressionnistes.
La genèse de cette toile, paradigme complet et systématique de cette nouvelle peinture Félix Fénéon, a été précisée par un peintre soucieux d'établir sa paternité antérieure vis-à-vis de Pissarro et de Signac. Mais une susceptibilité de cette nature éclaire surtout à nos yeux la méthode et le rythme d'un travail déterminé par l'expérience et, en priorité, celle de la lumière sur le motif. Il le répétera à Émile Verhaeren : les paysages d'été alternent avec le programme d'hiver centré sur une grande toile.
La Grande Jatte entre dans cette organisation fondamentale qui, au sens propre, divise la vie du peintre. L'Île de la Grande Jatte collection particulière, toile peinte dans l'été de 1884, figure à la première Exposition des indépendants en décembre 1884 ; elle est présentée comme une étude contemporaine de ce qu'il appelle la composition ou encore le tableau : 1884 Grande Jatte étude exposition des indépendants 1884-1885 Grande Jatte composition 1885 études à la Grande Jatte et à Grandcamp reprise de la Grande Jatte composition 1886 octobre. L'été de 1885 marque, en effet, le début d'une suite de séjours sur les côtes de la Manche : Grandcamp, Honfleur 1886, Port-en-Bessin 1888, Le Crotoy 1889, Gravelines 1890.
Le Bec du Hoc Tate Gallery, Londres, La Rade de Grandcamp collection particulière mais aussi La Seine à Courbevoie musée d'Orsay, Paris ou Les Pêcheurs musée d'Art moderne, Troyes contribuèrent, en mai 1886, à souligner ce qui, dans la Grande Jatte, apparut comme une fumisterie.
Avec son génie de critique, Fénéon publie alors, dans La Vogue, une analyse qui donne au lecteur les moyens de comprendre le principe de la division du ton et de la touche. Le critique prélève un décimètre carré de la pelouse du premier plan pour montrer comment la teinte locale, le vert, sert de base à une structure de touches et de couleurs que la lumière achromatise selon une ligne de démarcation entre ombre et soleil où intervient le jeu subtil des complémentaires : Cette pelouse dans l'ombre : des touches, en majorité, donnent la valeur locale de l'herbe ; d'autres, orangées, se clairsèment, exprimant la peu sensible action solaire ; d'autres, de pourpre, font intervenir la complémentaire du vert ; un bleu cyané, provoqué par la proximité d'une nappe d'herbe au soleil, accumule ses criblures vers la ligne de démarcation et les raréfie progressivement en deçà.
À la formation de cette nappe elle-même ne concourent que deux éléments, du vert, de l'orangé solaire, toute réaction mourant sous un si furieux assaut de lumière. Précisant, à partir de l'ombre, les différents mérites d'une luminosité visant au mélange optique, il justifie entièrement le sujet par une complète soumission au plein air. Les critiques furent généralement sensibles à un symbolisme moderne dans le traitement des figures où une certaine dose de caricature se mêle à une définition formelle hiératique et primitive qui renouvelle l'observation réaliste : Un pêcheur à la ligne, un simple calicot assis sur l'herbe se fixent dans l'attitude hiératique qu'affectent les ibis sur les obélisques Maurice Hermel.

Divisionnisme et anarchie

À Honfleur, du 21 juin à la mi-août 1886, Seurat entreprend sept tableaux, parmi lesquels Coin d'un bassin Kröller-Müller Museum, Otterlo exposé aux Indépendants dès son retour à Paris. Achevée au cours de l'automne et pendant l'hiver, la série se caractérise par une conception plus organique des points de vue : un format plus réduit évoque le port et ses quais Entrée du port, Bout de la jetée, La Maria, un autre les abords et la baie de Seine Le Phare d'Honfleur, La Grève du Bas-Butin, Embouchure de la Seine. Dès la fin de 1886, Seurat commence Les Poseuses Barnes Foundation, Merion, tableau qui ne sera pas achevé avant l'Exposition des indépendants de 1888 22 mars-3 mai et qui porte le divisionnisme dans le domaine classique par excellence, celui du nu. Mais la nudité du modèle s'inscrit dans les données complexes du travail en atelier et engendre un dialogue étonnant avec la perspective chromo-luminariste de la Grande Jatte. Fénéon notera l'incidence des travaux de Charles Henry sur l'ancien élève de Lehmann et l'admirateur de Puvis : Par une fantaisie pseudo-scientifique, l'ombrelle rouge, l'ombrelle paille et le bas vert s'orientent selon la direction qu'ont le rouge, le jaune et le vert sur le cercle chromatique d'Henry. Ce dernier, en effet, avait développé dès 1884 certaines idées d'Humbert de Superville et de Charles Blanc en liant l'expression des émotions aux directions du mouvement. Déjà, Seurat avait relevé dans Les Phénomènes de la vision de David Sutter articles parus dans L'Art en février-mars 1880 tout un ensemble de préceptes et d'observations, mais le Cercle chromatique d'Henry 1888 intégrait de façon simple l'essentiel de ces données concernant la ligne, la teinte et le ton. Parade de cirque Metropolitan Museum, New York, exposé également en 1888 et qui évoque le fameux cirque Corvi, marque avec éclat l'intérêt du peintre pour les spectacles de la vie urbaine nocturne.

Georges Seurat les poseuses

Six paysages, exposés aux XX à Bruxelles en février 1889, résultent du séjour d'été en 1888 à Port-en-Bessin. Deux paysages sont peints au Crotoy dans l'été de 1889 et exposés aux Indépendants en septembre-octobre 1889. Ces séries traduisent la nature profonde des deux sites, et la recherche lumineuse et formelle vise à inscrire l'expérience émotionnelle de l'espace dans des rythmes associant l'artifice à l'illusion, le fini et l'infini, le calcul et l'informe comme on pourrait le constater dans les ciels ou les bordures : Le Crotoy, amont Institute of Arts, Detroit, Le Crotoy, aval collection Niarchos. Exposés ensemble aux Indépendants de mars-avril 1890, Jeune Femme se poudrant et Chahut Kröller-Müller, Otterlo juxtaposent deux réalités secrètement complices : le spectacle d'une danse osée sur une scène de café-concert et le portrait de Madeleine Knobloch qui vient d'avoir un fils reconnu par Seurat et prénommé Pierre-Georges. À l'image du pot de fleurs dans le miroir qui, sur la remarque d'un ami, est venu censurer son autoportrait, le peintre cache désormais sa vie et s'isole dans l'atelier du passage de l'Élysée-des-Beaux-Arts, où il peint Cirque, ultime tableau consacré au monde tout proche des plaisirs populaires, à peine achevé pour les Indépendants de mars 1891. Seurat renouvelle son approche méthodique de l'espace, de la ligne, de la couleur en intégrant le mouvement circulaire, grâce au numéro de l'écuyère du cirque Fernando. Dans le même temps, quatre paysages du chenal de Gravelines semblent porter le contraste et la division à leur intensité maximale.

La disparition subite du peintre ne fait que rendre plus évident un abîme que son art n'a jamais cessé d'explorer et d'ouvrir : celui qui, dans la distance de la vue, lie l'expérience et la pensée au système de la représentation. Éric Darragon

Il meurt subitement, pendant l'exposition, à l'âge de 31 ans, probablement des suites d'une angine infectieuse ou diphtérie. Sa famille découvrira à cette occasion qu'il entretenait depuis plusieurs années une liaison avec Madeleine Knobloch, de qui il avait eu un fils, Pierre Georges Knobloch, né le 16 février 1891, et qui devait d'ailleurs décéder deux semaines après son père, de la même infection. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.
Seurat incarnait une nouvelle génération de peintres qui annonçait la désintégration de l’idéal impressionniste et l’avènement de conceptions nouvelles.

Les techniques du peintre

Au cours de sa brève existence, ce peintre cérébral, cultivé, sophistiqué, dépasse avec détermination l’immédiateté “romantique” de la peinture impressionniste pour élaborer une méthode picturale fondée sur des lois scientifique précises et révolutionner le concept même de l’art figuratif. Son problème étant de trouver un lien entre l’art et la science et, plus précisément, entre la peinture, la physiologie et la psychologie de la perfection
La théorie de la peinture de Seurat se fonde sur l’optique ou plus précisément sur un concept appelé le chromo-luminarisme. Celui-ci repose sur l'idée que la lumière résulte de la combinaison de plusieurs couleurs, et que donc un ensemble de points colorés juxtaposés peuvent, observés depuis une certaine distance, recomposer l’unité de ton et rendre la vibration lumineuse avec d’avantage d’exactitude. Georges Seurat s'est notamment inspiré des recherches que le chimiste français Eugène Chevreul avait menées à l'occasion de travaux de restauration de tapisseries, et s'est en particulier beaucoup intéressé à son essai De la loi du contraste simultané des couleurs, publié en 1839.

Œuvres

Ses six œuvres principales, peintures définitives pour lesquelles Seurat a réalisé plusieurs dessins et esquisses peintes qu'on retrouve aujourd'hui dans quelques collections publiques ou plus rarement sur le marché de l'art, sont :
Une baignade à Asnières, 1884 Londres, National Gallery
Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte, 1884-1886 Chicago, Institut d'art
Les Poseuses, 1886-1888 Philadelphie, Fondation Barnes
La Parade, 1887-1888 New York, Metropolitan Museum of Art
Chahut, 1890 Otterlo, musée Kröller-Müller
Le Cirque, 1891 Paris, musée d'Orsay

Parmi les autres œuvres :

Sous-bois à Pontaubert 1881-1882 - Metropolitan Museum of Art
Paysage d'Île-de-France 1881-1882 - Musée des beaux-arts de Bordeaux
La Banlieue 1882-1883 - Musée d'art moderne de Troyes
Les Pêcheurs à la ligne 1883 - Musée d'art moderne de Troyes
Vue de Fort-Samson 1885 - Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
Le Bec du Hoc, Grandcamp 1885 - Tate, Londres
Pont de Courbevoie, 1886-1887 - Courtauld Gallery, Londres
Port-en-Bessin, avant-port, marée haute 1888 - Musée d'Orsay, Paris
Port-en-Bessin, avant-port, marée basse 1888 - Musée d'art de Saint-Louis, Saint-Louis
Port-en-Bessin, le pont et les quais 1888 - Minneapolis Institute of Arts, Minneapolis
Port-en-Bessin, les grues et la persée 1888 - National Gallery of Art, Washington
La Seine à la Grande-Jatte 1888 - Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles
La Tour Eiffel 1889 - Musée des beaux-arts de San Francisco
Femme se poudrant Madeleine Knobloch 1890 - Courtauld Gallery, Londres
Le Chenal à Gravelines 1890 - Indianapolis Museum of Art

Bibliographie Dictionnaire Bénézit

W. Pach, Seurat, New York : Duffield & co., The Arts, 1923.
L. Cousturier, Georges Seurat, Paris : G. Crès & Cie, 1926.
C. Roger-Marx, Seurat, Paris : G. Crès, 1931.
R. Rey, La Renaissance du sentiment classique dans la peinture française à la fin du xixe siècle : Degas, Gauguin, Renoir, Cézanne, Seurat, Paris : Les Beaux-Arts, 1931.
J. de Laprade, Seurat, Paris : J. Taupin, 1945.
J. Rewald, Seurat, Paris : A. Michel, 1948.
(en) Seurat : paintings and drawings, D. C. Rich et R. L. Herbert, catalogue de l'exposition Chicago, The Art Institute-New York, MOMA, 1958, Chicago : Institut d'art, 1958.
H. Dorra et J. Rewald, Seurat. L'œuvre peint : biographie et catalogue critique, Paris : Les Beaux-Arts, 1959.
C. M. de Hauke, Seurat et son œuvre, Paris : Gründ, 1961, 2 vol.
(en) R. L. Herbert, Seurat's Drawings, New York, Shorewood Publishers, 1962.
(en) W. Homer, Seurat and the science of painting, Cambridge, 1964.
(it) L. Hautecoeur, Georges Seurat, Milano : F. Fabbri, 1972.
F. Minervino, Tout l'œuvre peint de Seurat, Paris : Flammarion, 1973. Préface d'André Chastel.
Antoine Terrasse, L'Univers de Seurat - Les Carnets de dessins, Diffusion Weber, 1976.
A. Madeleine-Perdrillat, Seurat, Genève : Skira, 1990.
A. Distel, Seurat, Paris : Édition du Chêne, 1992.
P. Courthion, Seurat, Paris : Cercle d'Art, 1969. Nouv. éd., 1994.
Seurat, R. L. Herbert et Fr. Cachin, catalogue de l'exposition (Paris, Grand Palais- New York, The Metropolitan Museum, 1991, Paris : Réunion des musées nationaux, 1991.
H. Duchting, Seurat, Cologne : Taschen, 1999.
R. L. Herbert, Seurat: drawings and paintings, Yale : Yale University Press, 2001.
Seurat and the making of 'La Grande Jatte', catalogue de l'exposition Chicago : The Art Institute, 2004, Chicago : The Art Institute, 2004.

Iconographie

Ernest Laurent, Portrait de Georges Seurat, 1883, fusain sur papier, Paris, Département des arts graphiques du musée du Louvre6

Postimpressionnisme

Mouvements
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#372 Jules Dupré
Loriane Posté le : 03/04/2015 22:05
Le 5 avril 1811 à Nantes naît Jules Dupré

mort à L'Isle-Adam, le 6 octobre 1889, peintre paysagiste français apparenté à l'école de Barbizon.

En bref

Il débuta comme décorateur de porcelaine dans la fabrique de son père. Après un bref passage dans l'atelier du paysagiste Diébolt, il préféra peindre seul, plantant son chevalet sur le motif. Peu après son premier Salon 1831, il connut Théodore Rousseau et travailla avec lui en si étroite liaison qu'il est difficile de discerner la part d'influence que l'un exerça sur l'autre. Ils parcoururent la France, peignant côte à côte jusqu'à ce que leur amitié sombrât, en 1849. La Vanne 1846, Louvre, une des œuvres maîtresses de Dupré, est l'exemple le plus concret de cette association. Il fut également frappé par les paysagistes anglais Constable découverts à Londres en 1834 et par les Néerlandais du xviie s., qu'il démarqua l'Abreuvoir, 1836, musée de Reims ; Sur la route, 1856, Chicago, Art Inst.. Dupré fut un homme de contradiction. Bien qu'il fût l'un des artistes les plus représentatifs de l'école de Barbizon, il n'y vint qu'accidentellement et, à l'opposé de ses émules, son romantisme s'accrut avec le temps. Dans ses dernières œuvres, souvent inspirées par les côtes de la mer du Nord, il fit preuve d'un emportement dans la touche et d'un lyrisme oubliés des contemporains la Pointe des dunes, v. 1875, Glasgow, Art Gal.. Il a également laissé de belles eaux-fortes. Il est particulièrement bien représenté au Louvre par une série de 25 tableaux, ainsi qu'au musée Mesdag de La Haye 7 œuvres, à celui de Reims et à Chicago Art Inst..
Son frère, Victor Limoges 1816 – Paris 1879, fut son élève. Il laissa des paysages très proches des siens, sans atteindre pourtant à son autorité.


Sa vie

Son père, originaire de L'Isle-Adam, dirige une manufacture de porcelaine à Parmain avant de s'établir à Nantes. Le jeune garçon, adolescent, s'initie très tôt à l'art du décor sur céramique1 et admira toute sa vie Théodore Géricault, Claude le Lorrain et Rembrandt.

En 1823, il arrive à Paris à l'âge de douze ans, il travaille chez un oncle qui emploie Auguste Raffet, Louis Cabat et Narcisse Díaz de la Peña. Puis, il est admis dans l'atelier du paysagiste Jean-Marie Diébolt et vend ses premières peintures à Paris. Devenu l'ami du paysagiste Louis Cabat, celui-ci le persuade d'abandonner la céramique pour peindre des scènes de genre et des paysages de plein air. Il étudie les peintres hollandais et en 1831 expose pour la première fois au Salon. Il voyage en Angleterre pour étudier Constable, le maître du paysage anglais, qui influencera profondément son œuvre. En 1832, il séjourne dans le Berry avec Cabat et en 1833 expose quatre œuvres au Salon et obtient une médaille de seconde classe comme peintre de genre et devient l'ami des peintres Alexandre-Gabriel Decamps, Constant Troyon, Eugène Lami et Théodore Rousseau. Lors du Salon de 1835, Eugène Delacroix le félicite pour la facture de ses ciels. Il reçoit chez lui de nombreux artistes comme Ary Scheffer ou Antoine-Louis Barye.
Il voyage en Normandie et dans l'Indre où il participa avec de nombreux autres peintres à l'École de Crozant dans les vallées creusoises. Il fréquente Barbizon avec Rousseau. Il aurait eu en 1846 une liaison avec George Sand et essaie, sans succès, de fonder un Salon indépendant et sans jury. L'attribution de la Légion d'honneur le brouille avec Rousseau qui lui ne l'a pas reçue.
Il s'installe à L'Isle-Adam et se consacre à son art. Hélène Quantinet qui fut son élève et maîtresse depuis plusieurs années décède en 1857. En 1860 il épouse Stéphanie-Augustine Moreau avec qui il a déjà deux enfants. Il peint généralement des paysages campagnards aux ciels tourmentés, mais aussi des séries de marines influencées par Gustave Courbet lors de ses séjours estivaux à Cayeux-sur-Mer, parfois en compagnie de Jean-François Millet. En 1881, l'État lui achète Le Matin et Le Soir et les expose au musée du Luxembourg.

Fort apprécié pour ses paysages, considéré souvent comme l'un des précurseurs de l'impressionnisme, Jules Dupré est issu de cette génération de peintres qui, à partir de 1830, formèrent autour de Théodore Rousseau l'école de Barbizon, l'une des tendances du courant réaliste.
Le doyen des critiques réalistes, Théophile Thoré Thoré-Bürger, ne concevait-il pas l'art comme une manifestation de l'amour de la nature ?
L'effet dans la nature, disait-il, c'est comme la physionomie d'une passion ou encore l'art exprime l'être dans ses harmonies ambiantes, et le moindre coin de campagne a une percée sur le ciel et tient à l'infini. C'est précisément dans ce climat de communion intime avec la nature que Dupré développera son expérience de peintre.
Il commence par décorer des assiettes dans la fabrique de porcelaines paternelle près de L'Isle-Adam, puis à Paris, vers 1823, chez l'un de ses oncles faïencier. C'est là qu'il fait connaissance de Diaz, lui aussi décorateur porcelainier, et de Constant Troyon, ouvrier peintre à la manufacture de Sèvres.
Il entre par la suite dans l'atelier de Jean-Michel Diébolt, paysagiste et animalier, élève de Demarne. Ses premiers travaux lui valent une participation à l'exposition de 1830 au palais du Luxembourg Intérieur d'une cour, vallée de Montmorency et Intérieur d'un bois.
L'année suivante, Dupré expose pour la première fois au Salon sept paysages, parmi lesquels Intérieur de forêt dans la Haute-Vienne, Vue de L'Isle-Adam et Intérieur de cour, où se révèle l'influence de Cabat, Huet, Flers et plus particulièrement de son ami Théodore Rousseau dont il partageait les exigences à l'égard de la nature.
Il en discutait souvent à Barbizon, près de la forêt de Fontainebleau, à l'auberge du père Ganne, où avaient coutume de se réunir les grands paysagistes du moment. Dédaignant les sujets historiques ou anecdotiques, Dupré trouvait dans la nature une juste réponse à son désir profond de solitude.
Il s'efforçait d'oublier tous les préceptes officiels réglant les savantes compositions de paysages historiques ou héroïques pour ne s'imprégner au contraire que du spectacle de la campagne dans ses divers aspects ; mettant sans cesse à l'épreuve la fidélité de son observation, il cherchait l'élément correspondant à son tempérament, un aspect défini auquel il imprimait sa note personnelle.
Toujours en quête de nouveaux terroirs, Dupré se déplace dans différentes régions de France. Il est, en 1833, dans le Berry en compagnie de Troyon, puis avec Cabat dans l'Indre ; il visite l'estuaire de la Seine et les côtes normandes, la forêt de Compiègne et la forêt de L'Isle-Adam, mais c'est encore le Limousin qu'il connaît et apprécie le mieux. Chacune de ces étapes est marquée d'intenses études.
Invité à se rendre près de Southampton, il s'intéresse vivement à l'œuvre de ses confrères anglais, Constable et Bonington ; à son retour, Dupré présente au Salon de 1835 une Vue prise à Southampton qui remporte un très grand succès. Il avait auparavant participé au Salon de 1833, et obtenu une médaille Vue prise aux environs de Paris, Vue de cour, vallée de Montmorency, L'Heure de la soupe, et au Salon de 1834.
En 1842, le peintre reçoit une commande du duc d'Orléans, Le Repos des moissonneurs. Après le Salon de 1852, où il présente d'excellentes toiles comme Soleil couchant, Pacage, Entrée d'un hameau dans les Landes, Dupré renonce aux expositions annuelles. C'est à cette époque qu'il s'établit à L'Isle-Adam où il peut travailler à sa guise dans un cadre reposant et pittoresque, jaloux de son isolement. Il oriente alors ses recherches sur les effets de lumière en s'inspirant de Ruisdaël et de Claude Lorrain pour qui il eut une grande admiration. Il ne travaillait pas vraiment en plein air et se contentait d'y faire des études qu'il reprenait ensuite dans son atelier. Certes, cette méthode facilitait la poursuite des effets cherchés, mais exposait l'artiste aux dangers de la composition.
La nature demeure alors un objet susceptible d'interprétation, elle n'est pas encore la source directe de sensations pures comme chez les impressionnistes. Dupré pratique une peinture grasse aux empâtements épais qui donnent parfois à ses œuvres un aspect sévère.
Il participe à l'Exposition universelle de 1867 avec La Vanne, La Forêt de Compiègne, Une bergerie dans le Berry, Souvenir des Landes, Un marais dans la Sologne. Pendant la guerre de 1870, il se retire à Cayeux-sur-Mer et il évoque alors avec beaucoup de nostalgie les flots lumineux de l'Océan et les clairs de lune. Comme s'il s'agissait d'un ultime hommage, il fut représenté à l'Exposition universelle de 1889, l'année même de sa mort, par de très nombreuses toiles, dont Un ravin, Le Marais. À la vente de son atelier, qui eut lieu à la fin de 1890, le duc d'Aumale acheta l'une de ses dernières compositions, l'admirable Rentrée à la ferme, soleil couchant, musée Condé, Chantilly. Dupré s'est adonné aussi à la lithographie, et il a publié un certain nombre de ses œuvres dans L'Artiste. Bernard Puig Castaing.

En 1889, il est promu commandeur de la Légion d'honneur. Il meurt à L'Isle-Adam en 1889.

En 1890, sa famille procède à la vente de son atelier et de sa collection dont le produit s'élève à 208 660 francs. Il a un jeune frère également peintre : Léon Victor Dupré 1816-1879

Jules Dupré et ses contemporains

Ses relations avec Théodore Rousseau, fraternelles, romantiques, souvent orageuses, quasi exclusives à certaines périodes, ont suscité bien des commentaires. L'influence réciproque des deux hommes constitue une des clefs de l'évolution de leurs œuvres.
Bien que Vincent van Gogh n'ait probablement jamais rencontré Dupré lors des séjours parisiens, celui-ci manifeste toute sa vie une profonde admiration pour son aîné et porte sur son œuvre un regard d'une grande acuité. Sur une durée de quinze ans, une soixantaine de mentions est identifiable dans la correspondance de van Gogh, le plus souvent adressée à son frère Théo. Ces lettres contiennent des descriptions enthousiastes des œuvres de Dupré. Le peintre incarne à ses yeux le romantisme à la française et il associe fréquemment son nom à celui de Victor Hugo. En parlant du roman Quatrevingt-treize qu'il vient de lire, il écrit : « ...Cela est peint, je veux dire : écrit comme Decamps ou Jules Dupré ont peint... ».

Œuvres

Dessins, aquarelles

20 novembre 1895- Lettre accompagnée d'un dessin, dessin à l'encre sur papier, vente Deburaux, Barbizon, le 3 juin 2007, lot n°215, p.100 du catalogue : "L'école de Barbizon"
s.d. - La Charette , aquarelle préparatoire, reprenant le tableaudu Louvre, Sbd, dim; 7,5 x 9cm vente Deburaux, Barbizon, le 3 juin 2007, lmot n°135, p.65 cu catalogue:"L'école de Barbizon"

Peintures

1860 ca - Chaumière à Cayeux , hst, Sbg, dim; , vente Deburaux, Barbizon, le 3 juin 2007, lmot n°138, p.67 du catalogue:"L'école de Barbizon"
1880-1885 ca - Pêcheurs près du chêne , hsp, Sbg, dim; 22 x 16cm, vente Deburaux, Barbizon, le 3 juin 2007, lmot n°136, p.65 du catalogue:"L'école de Barbizon"
s.d. - Vaches à la mare près de grands chênes , hst, Sbg, dim; 54,5 x 65cm,vente Deburaux, Barbizon, le 3 juin 2007, lmot n°137, p.66. du catalogue:"L'école de Barbizon", ancienne collection de l'amiral Cecil Sandford à Londres et de Sir Dedekam Juell.

Collections publiques Peintures

La Ferme, musée des beaux-arts de Budapest
Beauvais, hôtel de la préfecture de l'Oise, Paysage, huile sur bois, 0,235 × 0,33
Musée départemental de l'Oise à Beauvais:
Moulin et champ de blé, huile sur papier et toile, 0,45 × 0,375
La vache blanche, huile sur toile, 0,10 × 0,20
Musée des beaux-arts et d'archéologie de Châlons-en-Champagne:
La fenaison, huile sur toile
Paysage aux vieux chênes, huile sur toile
Musée Condé à Chantilly:
Le port saint Nicolas à Paris, huile sur toile, 0,38 × 0,46
Soleil couchant, huile sur toile, 0,89 × 1,17
Musée Magnin, à Dijon : La mare, huile sur toile, 0,405 × 0,33
Musée d'Évreux: Paysage maritime, huile sur carton, signée en bas à droite : J. Dupré, 0,23 × 40,8 cm
Musée du Vieux-Château Laval : Paysage avec figures, huile sur toile, 0,65 × 0,575
Musée des beaux-arts de Lille : La Bataille d'Hondschoote, huile sur toile, 3,70 × 4,48. Les paysages sont de Jules Dupré et les personnages ont été peints par Eugène Lami
Londres, The Wallace Collection : Crossing the Bridge, huile sur toile, 0,484 × 0,64
Musée des beaux-arts de Lyon : Marine, huile sur toile, 0,555 × 0,85
Musée Grobet-Labadié à Marseille:
Paysage, effet de nuit, huile sur carton et toile, 0,15 × 0,18
Rivière au soleil couchant, huile sur bois, 0,079 × 0,167
New York :
Metropolitan Museum of Art : Vallée de la Loire, huile sur bois, 0,273 × 0,489
New York, Frick Collection, La rivière, huile sur toile, 0,432 × 0,584
Paris:
Mobilier national : L'automne, huile sur toile, 0,32 × 0,46
Musée du Louvre département des peintures:
Bords de rivière, huile sur bois, 0,152 × 0,255
L'abreuvoir et le grand chêne, huile sur toile, 0,82 × 1,20
L'étang, huile sur toile, 0,55 × 0,65
La ferme, huile sur toile, 0,225 × 0,35
Les landes, huile sur toile, 0,66 × 0,925
Marine, huile sur toile, 0,89 × 1,155
Paysage, huile sur bois, 0,22 × 0,435
Paysage avec rivière, huile sur bois, 0,245 × 0,42
La petite charrette, huile sur toile, 0,25 × 0,33
Portrait de l'artiste, huile sur toile, 0,555 × 0,465
Portrait de Madame Seraille, tante de l'artiste, huile sur toile, 0,63 × 0,52
Soleil couchant après l'orage, huile sur bois, 0,47 × 0,565
Soleil couchant sur un marais, huile sur bois, 0,52 × 0,76
Vaches au bord de l'eau, huile sur bois, 0,24 × 0,325
Musée d'Orsay:
Le chemin de la ferme, huile sur toile, 0,305 × 0,54
Le chêne, huile sur toile, 0,60 × 0,73
La mare aux chênes, huile sur toile, 1,02 × 0,84
La mare près du moulin, huile sur bois, 0,32 × 0,41
La vanne, huile sur toile, 0,51 × 0,69
Musée des beaux-arts de Rennes :
Paysage, huile sur bois, 0,215 × 0,41
Paysage à la mare, huile sur bois, 0,22 × 0,32
musée des beaux-arts:
Paysage marin, huile sur toile, 0,735 × 0,92
Saint-Louis Art Museum : Paysage avec vache, huile sur toile, 0,413 × 0,705
National Gallery of Art, à Washington : Le vieux chêne, huile sur toile, 0,321 × 0,415

Dessins

Paris:
Musée du Louvre département des Arts graphiques:
Cour de ferme
Homme assis, coiffé d'un chapeau à larges bords
Vue prise dans le Morvan, aux environs de Torcy Aube
Musée national Eugène-Delacroix : La plaine

Copies

Le Puy-en-Velay:
Musée Crozatier, :
Cour de ferme, copie peinte par François Gabriel de Becdelièvre
Étude de troncs d'arbres, copie peinte par François Gabriel de Becdelièvre

Élèves

Octave de Champeaux 1827-1903
Robert Mols 1848-1903

Iconographie

Citations

« Quand je regarde un tableau, le sujet m'est égal; je demande: où est l'homme, où est la poétique, où est l'homme. » Jules Dupré
« La nature n'est rien, l'homme est tout. » Jules Dupré


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#373 Jean-Honoré Fragonard
Loriane Posté le : 03/04/2015 22:31
Le 5 avril 1732 à Grasse naît Jean-Honoré Nicolas Fragonard

mort, à 74 ans le 22 août 1806 à Paris, un des principaux peintres, dessinateur français du XVIIIe siècle. Il fut peintre d'histoires, de genre et de paysages.Il est formé à l'académie de france à ROME. Ses maîtres sont Chardin, Boucher et Charles André van Loo, il appartient au mouvement artistique Rococo. Il reçoit pour récompenses le Prix de Rome. Ses Œuvres réputées sont : Les Hasards heureux de l'escarpolette, La Liseuse, Le Verrou

En bref

Jean Honoré Fragonard, né à Grasse pendant les belles années du règne de Louis XV, est mort à Paris, Napoléon étant le maître de l'Europe. À vingt ans, il avait obtenu la première place au concours de Rome ; à soixante, il était membre du Conservatoire des arts et fut, à ce titre, l'un des organisateurs du futur musée du Louvre.
Provençal de naissance, Fragonard n'est guère âgé que de six ans lorsque sa famille se fixe à Paris. Sa vocation s'affirme vite et il devient l'élève de Chardin et de Boucher. Par cet apprentissage, il acquiert une maîtrise technique sans faille : dans un siècle où l'on s'entendait au métier, Fragonard est l'un de ceux qui peignent le mieux.
Ayant obtenu en 1752 le prix de Rome, il passe en Italie les années de 1756 à 1761. Le directeur de l'Académie de France est alors Natoire, qui surveille attentivement ses élèves. Fragonard travaille avec zèle et acquiert une connaissance très étendue de la peinture italienne, qu'il approfondira encore lors d'un second voyage en 1773-1774. C'est à Rome qu'il se lie avec l'abbé de Saint-Non et Hubert Robert, qui deviendront ses deux grands amis. Dès son retour en France, il est reçu à l'Académie de peinture. Malgré ces débuts éclatants, il apparaît vite qu'il ne cherche pas une carrière officielle et il se consacre délibérément à une clientèle d'amateurs. Vivant dans l'aisance, heureux dans sa famille, il mène une existence paisible que les troubles politiques de la fin du siècle n'affecteront guère.

Sa vie

Jean-Honoré est fils de François Fragonard, garçon gantier, et de Françoise Petit. Après le décès à dix mois de son petit frère Joseph, il reste enfant unique. Jean Honoré Fragonard quitte sa ville natale à l'âge de six ans pour s'installer avec sa famille à Paris, où se déroule la plus grande partie de sa carrière. Les dispositions artistiques de Fragonard sont précoces et c'est le notaire chez qui il devient clerc à treize ans qui remarque ses dons artistiques. Après avoir quelque temps travaillé avec Jean Siméon Chardin, il entre comme apprenti, à l'âge de quatorze ans, dans l'atelier de François Boucher. C'est grâce à lui que le jeune Fragonard affirme ses dons et apprend à copier les maîtres. Boucher le présente bientôt au prestigieux Grand prix de Peinture de l'Académie royale qu'il remporta en 1752.
Une carrière dans la peinture d'histoire lui semble alors toute tracée. Il entre alors durant trois années à l'École royale des élèves protégés alors dirigée par le peintre Carle Van Loo. Fragonard effectue son Grand Tour et part en 1756 pour l'Académie de France à Rome en compagnie de son ami Hubert Robert un autre peintre ayant remporté le prix de Rome et l'architecte Victor Louis.
Il y résidera jusqu'au mois d'avril 1761 et y est notamment influencé par le peintre Giambattista Tiepolo et le style baroque de Pierre de Cortone, mais il s'épuise à pasticher les grands maîtres selon un style encore académique. Jean-Claude Richard de Saint-Non devient, à cette époque, son protecteur et principal commanditaire. Il quitte dès lors la Ville éternelle pour la France durant un long périple achevé en septembre à travers les villes de Florence, Bologne et Venise notamment.
Il se distingue d'abord dans le genre sérieux et donna en 1752 son tableau de Jéroboam sacrifiant aux idoles Paris, École des Beaux-Arts qui est justement admiré. C'est ce tableau qui lui fait gagner le Grand prix de l'Académie royale de Peinture. Il obtient un atelier au Louvre où il vit et est chargé de décorer la galerie Apollon.
En 1765, son tableau Corésus et Calirrhoé, commandé pour la manufacture des Gobelins pour la tenture des amours des dieux, le fait entrer à l'Académie. Mais, désespérant d'atteindre au premier rang dans ce genre classique, il le quitte pour le genre érotique, dans lequel ses toiles galantes obtiennent le plus grand succès auprès de la Cour licencieuse de Louis XV. Il devient bientôt le peintre à la mode, peint des paysages illusionnistes et des portraits puis des tableaux de cabinets. En 1769, il se marie avec Marie-Anne Gérard 1745-1823, une peintre en miniature aussi originaire de Grasse, belle-sœur de Marguerite Gérard. Cette même année naît leur première fille Rosalie 1769-1788.

En 1773, après un voyage en Flandre pendant l'été, le fermier général Pierre-Jacques-Onésyme Bergeret de Grandcourt lui propose d'être son guide pour un voyage en Italie, puis en Europe centrale, qui débutera en octobre. Bergeret de Grandcourt était comte de Nègrepelisse, et l'itinéraire du voyage, à l'aller, passe par cette localité, où la petite troupe de voyageurs séjourne une quinzaine de jours. Fragonard y dessine le château, propriété de Bergeret. Le voyage prend fin en septembre 1774 après les visites successives de Vienne, Prague, Dresde, Francfort et enfin Strasbourg.
En 1780, le couple Fragonard donne naissance à un nouvel enfant Alexandre-Évariste Fragonard 1780-1850, qui deviendra lui aussi artiste. Huit ans plus tard meurt leur fille Rosalie à seulement 19 ans au château de Cassan en région parisienne. Après un séjour à Grasse 1790-91, Fragonard devient membre de la Commune des Arts en 1793. Par la suite, Fragonard est nommé l'un des conservateurs du musée du Louvre par l'Assemblée nationale à la suite de l'intervention de Jacques-Louis David.
En 1805, tous les artistes résidents, dont Fragonard, sont expulsés du Louvre par décret impérial, consécutif à la réorganisation de l'édifice en musée Napoléon. La disparition de l'aristocratie commanditaire ruinée ou exilée lui fait perdre sa grande fortune. Il s'installe alors chez son ami Veri, au Palais Royal. L'année suivante, il meurt, apparemment terrassé par une congestion cérébrale dans son nouveau logement situé aux galeries du Palais-Royal. Les funérailles sont célébrées à l'église Saint-Roch. Il est inhumé dans l'ancien cimetière de Montmartre, où sa tombe n'est plus visible.

Une trop grande célébrité peut nuire à la gloire véritable. En effet, le nom de Fragonard n'est pas de ceux que l'on doit tirer de l'oubli ; sa réputation a toujours été grande, mais faussée par des malentendus. Fragonard passe communément pour un peintre galant et virtuose, l'incarnation parfaite, avec Boucher, du XVIIIe siècle spirituel, léger et polisson. C'est oublier que, lorsqu'il commence à peindre, la Régence est déjà bien loin, et que seize années seulement le séparent de David, qui fut son ami. C'est ramener toute une production, qui fut abondante et diverse, à La Gimblette et à L'Escarpolette.
Au demeurant, ce peintre mal jugé est aussi un peintre mal connu : il reste des obscurités et des incertitudes dans la chronologie et le catalogue. Pourtant, on possède assez d'œuvres sûres et datées pour que l'on puisse essayer de dégager les traits principaux de cette attachante figure. Il y a bien chez Fragonard un artiste gracieux, virtuose, quelque peu immoral, la seule image que la postérité semble avoir retenue. Mais il y a aussi un génie audacieux, dont la place dans la seconde moitié du XVIIIe siècle français et européen est tout à fait originale.

Le peintre de la douceur de vivre

Restif de La Bretonne, Laclos, André de Nerciat et Sade sont les contemporains de Fragonard. Le goût de la galanterie, allant jusqu'au libertinage et même jusqu'à la pornographie, demeure vivace. Les représentations scabreuses sont loin de déplaire au peintre académicien, et certains de ses tableaux les plus célèbres appartiennent à cette veine. En 1767, il exécute Les Hasards heureux de l'escarpolette Londres, galerie Wallace : la robe satinée de la jeune personne sur la balançoire fait une tache rose au milieu du feuillage ; on voit seulement une jambe dans un bas argenté. La belle pose sur l'indiscret, qui s'est caché dans un buisson devant elle, un regard dont la coquetterie ne trahit guère d'alarme. Plus ouvertement grivois sont des tableaux comme La Jeune Fille faisant jouer son chien dans son lit collection particulière, connu sous le nom de La Gimblette ou Le Feu aux poudres musée du Louvre : draps en désordre, chairs nues modelées en rose et bleu, allusions obscènes à peine déguisées dans le sujet ou le titre même des œuvres.
Ce sont des peintures de ce genre qui ont fait la réputation de Fragonard. À bien les regarder pourtant, il apparaît qu'il n'y est fait nulle part à une sensualité morbide ou dépravée. Le tableau des Baigneuses, que conserve le Louvre, relève de la même inspiration : on y voit des jeunes filles s'ébattre dans un ruisseau, au milieu d'un bois ; c'est un enchevêtrement de corps nus, autour desquels bouillonnent l'eau et les draperies. L'atmosphère est voluptueuse, certes, mais le ton est celui de la gaieté et d'une sorte d'ivresse joyeuse, sans rien de trouble ou de pervers. Un pinceau léger, souple et fluide, suit la vivacité des mouvements, tourbillonne avec les formes et les reflets.

Le poète de l'amour et de la nature

Le succès indéniable, et justifié, qu'a rencontré Fragonard dans le genre de la peinture frivole et libertine ne révèle qu'un aspect d'un talent beaucoup plus large et plus divers. Il laisse assez vite de côté la peinture d'histoire, malgré l'accueil très favorable, enthousiaste même, qu'avait rencontré le Corésus et Callirrhoé 1765, Louvre, son tableau de réception à l'Académie. En revanche, dès son séjour à Rome, il avait montré un don tout particulier pour la peinture de paysage. À cette époque, ses productions se distinguent encore mal de celles de Hubert Robert, l'ami avec lequel il allait travailler à la campagne. Si l'on n'est pas sûr qu'il soit allé aux Pays-Bas, des tableaux comme L'Orage env. 1760, Louvre ou le Paysage aux laveuses musée de Grasse, avec leurs grands ciels nuageux et mouvementés, attestent au moins qu'il a dû longuement méditer la leçon des paysagistes hollandais.
La nature n'est pas le seul objet qui retienne son attention. Mais un trait du génie de Fragonard se décèle clairement dans cette sorte d'ouvrages : son amour et son sens profond de la réalité. Il est capable de les déployer aussi bien dans la nature morte, comme le montrent le guéridon de bois sombre et l'écharpe soyeuse à raies blanches du Baiser à la dérobée, musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg. On y reconnaît d'emblée l'élève de Chardin. Or c'est ce sens instinctif des objets comme des êtres vivants qui nous donne la clef de sa peinture galante. Il ne s'agit pas d'érotisme entendu au sens moderne du mot, mais tout simplement d'amour. L'Instant désiré Paris, coll. Arthur Veil-Picard montre, sur un lit, un garçon embrassant une fille. Ce pourrait n'être qu'une banale grivoiserie, mais l'élan passionné de l'amante, dont le corps nu forme une oblique qui commande la composition de tout le tableau, les bras enlacés, les visages à peine indiqués s'enlevant sur le fond indistinct de l'alcôve, tout est calculé pour rendre sensible le secret émoi de la chair.
La nuance de gravité que Fragonard sait donner au traitement des sujets en apparence les plus badins se remarque aussi dans ses travaux de décoration. On ne sait pas grand-chose de son activité dans ce domaine. Presque tous les ensembles sont détruits, ou au moins dispersés. Par chance, les panneaux peints pour Madame du Barry, à Louveciennes 1770-1773, sont conservés et réunis dans la collection Frick à New York. Fables galantes, semble-t-il ; mais une mystérieuse profusion de feuillages et de fleurs envahit les scènes où sont installés, tout petits dans leurs étincelants costumes, les personnages. Cet effet est encore plus évident dans la Fête à Saint-Cloud Banque de France. Là encore on a affaire à une scène, avec les coulisses que constituent les arbres des côtés et une grande échappée bleue au milieu ; des buissons prolifèrent sur le devant. Les forains qui s'agitent sur leurs minuscules estrades, le public qui les entoure, tout cela est enveloppé par l'immense respiration qui pénètre les nuages, les feuilles, les branches recourbées. Dans la Fête à Rambouillet Lisbonne, coll. Calouste Gulbenkian, il ne reste plus que l'eau qui se brise sur les rochers, une rive escarpée couverte de végétation, des frondaisons lointaines bouchant un ciel sombre. Le climat est presque dramatique ; l'accord qui régnait entre les hommes et la nature semble sur le point de se rompre : c'est déjà une vision romantique.
Fragonard appartient profondément au XVIIIe siècle. Avec les Guardi à Venise et Franz Anton Maulbertsch à Vienne, il est l'un des derniers représentants de la peinture rococo, arrivée au point extrême de son évolution. Le primat accordé à la touche le conduit parfois jusqu'aux tentatives les plus hardies et en un sens les plus modernes. Dans la série des portraits dits « de fantaisie », peints autour de 1770, un pinceau nerveux et rapide agence des traînées de couleur en réseaux presque arbitraires, sans même daigner toujours couvrir le fond. Comme Maulbertsch, les courants nouveaux de la peinture ne l'ont pas laissé indifférent ; la Fontaine d'Amour (env. 1785, Londres, galerie Wallace) présente des accents qui évoquent David ; la volonté de travailler dans le goût antique est évidente. D'autres œuvres renvoient au contraire, comme chez Francesco Guardi, l'écho d'une mélancolie et d'une inquiétude qui préludent au romantisme, comme on l'a déjà signalé. Aussi convient-il de corriger l'image que l'on se fait, trop souvent, d'un Fragonard qui serait seulement le plus grand parmi les petits maîtres. Georges Brunel

Famille

La famille de Fragonard comprenait de nombreux artistes :
Marguerite Gérard, sa belle-sœur et élève peintre intimiste ;
Marie-Anne Gérard, son épouse, miniaturiste ;
Alexandre-Évariste Fragonard, son fils ;
Théophile Fragonard, son petit-fils, fils d'Alexandre.
Son cousin, Honoré Fragonard, est un anatomiste célèbre dont les écorchés sont conservés dans le musée Fragonard, École Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort.
Il est l'arrière-grand-oncle de l'artiste-peintre Berthe Morisot, une célèbre impressionniste du siècle suivant.

Œuvre

À l'instar de François Boucher, Fragonard est considéré comme le peintre de la frivolité, du Rococo, bien qu'il ait peint dans de nombreux autres registres : grands paysages inspirés de peintres hollandais, peintures religieuses ou mythologiques, ou scène de bonheur familial notamment.
D'un trait virtuose, Fragonard savait montrer le tourbillonnement du monde par des gestes expressifs et gracieux ou des drapés pleins de vigueur. Fragonard est le dernier peintre d'une époque sur le déclin, ses scènes de genre seront bientôt rendues obsolètes par la dureté néoclassique de David, par la cruauté de la Révolution et celle de l'Empire.
Les scènes de genre de Fragonard sont volontiers égrillardes comme par exemple Les Hasards heureux de l'escarpolette, fantasme d'un commanditaire libidineux M. de Saint-Julien, receveur général des biens du clergé qui donna à l'artiste des conseils de mise en scène : « Je désirerais que vous peignissiez Madame sur une escarpolette qu'un évêque mettrait en branle. Vous me placerez de façon, moi, que je sois à portée de voir les jambes de cette belle enfant et mieux même, si vous voulez égayer votre tableau.
Mais même ces scènes effectivement frivoles peuvent être lues à un niveau différent, on peut y voir percer, souvent, une inquiétude, un sentiment de fin de fête parfois et cela rappelle Watteau ou encore le roman Point de lendemain par Vivant Denon, ou encore une menace diffuse : les couples dans l'intimité, les belles qui s'épouillent, les endormies, tout ce petit monde de grâce et de sympathie est observé par un peintre qui nous rappelle que la jeunesse ne dure pas et que les moments de tendresse lascive sont fugaces et rares.
Fragonard avait travaillé notamment avec Hubert Robert 1733-1808, leur collaboration fit l'objet d'une exposition à Rome à la Villa Médicis.

Le Verrou

Le Verrou, vers 1774-1778 - musée du Louvre, Paris.
Malgré les multiples analyses effectuées sur ce tableau, conservé au musée du Louvre, il n'y a pas eu une explication concise, mais plusieurs éventualités, quant à sa signification. S'agit-il d'un viol, ou d'une scène d'amour ?
Une esquisse de taille réduite 26 × 32,5 cm de ce tableau a été vendue chez Christie's le 17 décembre 1999 pour la somme de £5 281 500, lot no 95, soit environ 8 080 000 €6.
La version originale du Verrou a été acquise par le musée du Louvre en 1974. Elle fut conçue par le peintre comme pendant à l'Adoration des bergers offerte au Louvre en 1988 par monsieur et madame Roberto Polo. Sont ainsi opposés l'amour sacré et l'amour profane.
Le verrou a fait l'objet d'un arrêt classique de la première chambre civile de la Cour de cassation du 24 mars 1987, qui a fait jurisprudence sur la théorie de l'erreur en Droit des obligations français.

Les Progrès de l'amour dans le cœur d'une jeune fille

Ce projet fut commencé en 1771 à la suite d'une commande de Madame du Barry, la dernière maîtresse de Louis XV. Il consistait en quatre tableaux intitulés La Poursuite, La Surprise ou La Rencontre, L'Amant couronné et La Lettre d'amour et destinés à être installés au pavillon de Louveciennes dans le salon de forme ovale appelé aujourd'hui le salon Fragonard. Mais, quelque temps après l'installation, les tableaux furent rejetés car ils ne s'accordaient pas avec le style d'architecture néoclassique du pavillon.
Ainsi, Fragonard conserva tous les tableaux dans son atelier et les apporta avec lui quand il retourna à Grasse, sa ville natale. Il décida alors de les installer dans l'un des salons de la villa de son cousin, mais les murs restant encore vides après cette installation, Fragonard décida de peindre dix tableaux supplémentaires afin de meubler l'espace.
Les panneaux qui sont aujourd'hui à Grasse, dans la villa qui est devenue le musée Jean-Honoré Fragonard, sont des copies réalisées par Auguste de La Brély, avant la vente des originaux au collectionneur américain Pierpont-Morgan ensuite achetés par Frick en 1915, ils se trouvent aujourd'hui dans la Collection Frick de New York.
Cela fait au total quatorze tableaux que l'on peut diviser en trois groupes.

Six scènes d'amour :
La Poursuite
La Surprise ou La Rencontre
L'Amant couronné
La Lettre d'amour
L'Abandonnée
L'Amour triomphant
Quatre allégories des amours :
L'Amour en sentinelle
L'Amour folie
L'Amour poursuivant une colombe
L'Amour assassin
Quatre peintures décoratives.

Autres œuvres

L'Adoration des bergers, 1775 - Musée du Louvre, Paris.
Renaud dans les jardins d'Armide, huile sur toile, 72 × 90 cm, 1763, musée du Louvre, Paris.
L’Abreuvoir, 51 5 cm × 63 cm, vers 1765, musée des beaux-arts, Lyon
Les Hasards heureux de l'escarpolette, huile sur toile, 81 cm × 64 cm, 1767-1768, Wallace Collection, Londres.
Les Débuts du modèle, huile sur toile, 50 cm × 63 cm, 1769, musée Jacquemart-André, Paris.
Portrait de M. Meunier, dit autrefois Portrait de Diderot, vers 1769, huile sur toile, 81 × 65 cm, Musée du Louvre, Paris9.
Jean-Claude Richard de Saint-Non habillé à l'espagnole, v.1769, Musée national d'art de Catalogne, Barcelone.
L'Amour embrasant l'Univers, huile sur toile, 116 × 145 cm, vers 1770, Musée d'art, Toulon.
La Poursuite, huile sur toile, vers 1771, 67 × 38 cm, musée des beaux-arts, Angers.
La Surprise, huile sur toile, vers 1771, 67 × 38 cm, musée des beaux-arts, Angers.
La Liseuse, vers 1770–1772, National Gallery of Art, Washington.
L'Adoration des bergers, huile sur toile, 73 cm × 93 cm, 1775, musée du Louvre, Paris.
Le Rocher, 53 cm × 62 5 cm, vers 1780, musée des beaux-arts, Lyon
La Naissance de Vénus, Musée Grobet-Labadié, Marseille.
Le Baiser à la dérobée, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Jeune fille aux petits chiens, huile sur toile, 61 × 50 cm, collection particulière10.
Conversation galante, huile sur toile, 62 * 74 cm, Wallace Collection, Londres

Expositions récentes

Jean-Honoré Fragonard, dessins du Louvre, Musée du Louvre, du 3 décembre 2003 au 8 mars 200412.
Fragonard, les plaisirs d'un siècle, Musée Jacquemart-André, Paris, du 3 octobre 2007 au 13 janvier 2008
Les Fragonard de Besançon, musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon, du 8 décembre 2006 au 2 avril 2007.
Fragonard Dessinateur; Exposition au musée des Beaux-arts de Caen du 17 octobre 2009 au 18 janvier 2010. Il s'agit sous un autre titre de l'exposition de Besançon en 2006-2007.
De Watteau à Fragonard, les fêtes galantes, Musée Jacquemart-André, Paris, du 14 mars au 21 juillet 2014 .

Philatélie

En 1939 un premier timbre en faveur de la création d'un musée postal, d'une valeur de 40 centimes et surtaxe de 60 centimes, brun-lilas et brun et sépia, représentant "L'inspiration favorable" d'après Fragonard est émis par la poste. Il porte le n° YT 446
En 1962 deux timbres sont émis au profit de la Croix-Rouge, le premier, lilas-brun d'une valeur de 20 centimes et 10 centimes de surtaxe représente "Rosalie", et le second, vert, d'une valeur de 25 centimes et 10 centimes de surtaxe, représente "L'enfant en Pierrot". Ils sont mis en vente 1er jour le 8 décembre à Angoulême. Ils portent les n° YT 1366 et 1367.
En 1972 un timbre de 1 franc, polychrome, représentant "L'étude" est émis par la poste. Il est mis en vente 1er jour à Paris le 22 janvier. Il porte le n° YT 170218.


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#374 Fernando Botéro
Loriane Posté le : 17/04/2015 16:37
Le 19 avril 1932 à Medellín, naît Fernando Botero

aquarelliste et sculpteur colombien réputé pour ses personnages aux formes rondes et voluptueuses. Icône dans le monde de l'art, son travail est reconnu par les enfants et les adultes partout dans le monde. Il est considéré comme l'artiste vivant originaire d'Amérique latine le plus connu et cité dans le monde. il reçoit sa formation à l'Academia de Bellas Artes San Fernando de Madrid, il est influencé par la renaissance italienne, l'art précolombien, l'art populaire. Il reçoit en récompenses la Croix de Boyacá en 1977. Ses Œuvres les plus réputées sont : Nature morte à la mandoline en 1957, et Mona Lisa à l'âge de douze ans en 1959
S'étant lui-même surnommé ironiquement le plus colombien des artistes colombiens, il est l'un des rares peintres à connaître le succès et la gloire de son vivant. Sa carrière commence réellement en 1958, lorsqu'il gagne le premier prix du Salon des artistes colombiens, espagnol : Salón de Artistas Colombianos.
Au gré de ses nombreux voyages aux États-Unis et en Europe, Fernando Botero a développé un style qui lui est propre et dont sa Nature morte à la mandoline, datant de 1957, constitue la première manifestation. Ce style, que l'on peut remarquer tant dans ses peintures ou dessins que dans ses sculptures, lui permet de n'être associé à aucun mouvement ou courant, passé ou présent. Son œuvre est par ailleurs essentiellement inspirée de l'art précolombien et populaire.
Son épouse actuelle, Sophía Vári, est également peintre et sculpteur de statues monumentales. Le couple Botero vit et travaille aujourd'hui à Paris en France, mais aussi à New York aux États-Unis et à Pietrasanta près de Lucques en Toscane Italie.


En bref

À l’instigation de son oncle, le jeune Fernando Botero suit une école de tauromachie pendant plusieurs années, mais sa véritable vocation est l'art. Adolescent, il commence à peindre, puisant son inspiration dans l'art précolombien et le style colonial espagnol qui l'entourent, ainsi que dans l'œuvre politique du peintre muraliste mexicain Diego Rivera. Botero expose pour la première fois ses tableaux en 1948 et donne, deux ans plus tard, sa première exposition individuelle à Bogotá. Au début des années 1950, il part étudier la peinture à Madrid et gagne sa vie en faisant des copies de tableaux conservés au musée du Prado – notamment de Goya et Velázquez, ses idoles de l'époque –, qu'il vend aux touristes. Il consacre une grande partie des années 1950 à l'étude des trésors artistiques de Paris et de Florence.
C'est à cette époque que Botero commence à jouer sur les proportions et la taille des sujets qu'il peint. Quand il s'installe en 1960 à New York, il a trouvé son style : la représentation de personnages ronds et opulents. Ces œuvres renvoient à l'art populaire latino-américain, par l'emploi de couleurs vives et franches, de formes aux contours nets. Botero aime les surfaces lisses, sans texture, où disparaissent les coups de pinceau, comme dans La Famille du président 1967. Pour ce type de sujet, il s'inspire également des maîtres anciens qu'il a imités dans sa jeunesse : ses portraits de la bourgeoisie, des dignitaires politiques et religieux, renvoient clairement à la composition et au hiératisme des portraits officiels de Goya et Velázquez. Le grossissement des sujets, comme ceux de La Famille du président, a aussi une dimension satirique, comme si les personnages étaient gonflés de leur propre importance. Les autres toiles de cette période représentent des scènes de lupanar et des nus, où Botero dépeint les mœurs sexuelles sur un ton humoristique, et des portraits de famille empreints de douceur et de tendresse.
En 1973, Botero retourne à Paris et se tourne vers la sculpture. Il développe dans ses œuvres en trois dimensions les préoccupations qui hantent sa peinture, en privilégiant là encore les personnages aux formes rondes et volumineuses. En 1983, il installe son atelier de sculpture à Pietrasanta, en Italie. Ses sculptures monumentales en bronze, telles que Soldat romain 1985, Maternité 1989 et La Main gauche 1992, sont présentées dans des expositions en plein air dans le monde entier au cours des années 1990 (à Florence en 1991, sur les Champs-Elysées à Paris en 1992, sur Park Avenue à New York en 1993.
À partir des années 1980, il peint essentiellement des tableaux de tauromachie. Après avoir traité de la violence en Colombie, il dénonce, dans des huiles et dessins réalisés en 2004 et 2005, les tortures infligées aux détenus de la prison d'Abou Ghraib en Irak.
À plusieurs reprises, le peintre a fait don aux villes de Bogotá et de Medellín d’une partie de sa collection privée, constituée de ses propres créations, mais aussi d’œuvres d’autres artistes, tels que Auguste Renoir, Claude Monet, Pablo Picasso et Henry Moore.
Son réalisme, souvent très précis, mêle l'humour et le grotesque pour stigmatiser la laideur et l'absurdité du monde moderne.

Sa vie

Fernando Botero, de son nom complet Luis Fernando Botero Angulo est le fils de David Botero 1895-1936 et de Flora Angulo de Botero 1898-1972 qui eurent encore deux autres garçons, Juan David né en 1928 et Rodrigo né en 1936. Il passe son enfance à Medellín, dans le quartier Boston, où il est remarqué pour son habileté au football et à la danse.
Fernando Botero n'a que quatre ans lorsque son père, agent de commerce qui gagnait sa vie en parcourant à cheval la région de Medellín, meurt prématurément. Aidé par un de ses oncles, sa mère continue à l'élever avec ses deux frères.
À Medellín, il fait ses études primaires à l’Antioquia Ateneo et, grâce à une bourse scolaire, il poursuit ses études secondaires au collège jésuite Bolívar. En 1944, le jeune Fernando est inscrit par son oncle, adepte passionné de corrida, dans une école taurine où il passe deux années. Il est traumatisé par cette école, y développant en effet une peur des taureaux. Cependant, il reste fasciné par l'univers de la tauromachie et ses premiers dessins ont pour objet principal des toreros et des taureaux. Il peint ainsi plusieurs tableaux ayant pour thèmes les corridas, particulièrement lors des années 1980.
Dès 1948, alors que Botero a tout juste 16 ans, ses dessins sont publiés dans le supplément dominical d'El Colombiano qui est un des journaux les plus importants de Medellín. À cette époque, les principales influences de Botero sont l'art précolombien ainsi que les œuvres des muralistes mexicains tels que Diego Rivera en 1886-1957, José Clemente Orozco 1883-1949 et David Alfaro Siqueiros 1896-1974. Ses cours en histoire de l’art lui font également découvrir les peintres européens, et notamment Pablo Picasso. En 1949, peu de temps après avoir reçu un blâme du directeur de son collège pour des dessins de nus destinés à El Colombiano, Botero en est finalement expulsé pour avoir écrit un article sur l'art contemporain européen, Picasso y la inconformidad en el arte, Picasso et le non-conformisme en art publié dans l'édition du 17 juillet de El Colombiano. Il termine ses études au collège San José à Marinilla, ville proche de Medellín, puis au lycée de l'Université d'Antioquia.

Premières expositions

En janvier 1951, il s'envole pour la capitale, Bogota, où il fréquente diverses personnalités telles que l'écrivain colombien Jorge Zalamea. Il s'intéresse également à la littérature de Pablo Neruda 1904-1973 et de Federico García Lorca 1898-1936 et s'initie au courant littéraire du réalisme magique. En juin de la même année, il y présente sa première exposition individuelle, composée de vingt-cinq dessins, aquarelles, gouaches et tableaux à l’huile, à la galerie Leo Matiz. C'est un succès car il parvient à vendre quelques toiles, ce qui l'incite à continuer et à peindre à Tolú sur la côte caraïbe ainsi que sur les îles du Golfe de Morosquillo. Lors d'une deuxième exposition réalisée en mai 1952 par la même galerie, Botero présente les œuvres qu'il a réalisées sur la côte des Caraïbes. En août, grâce au tableau Frente al mar Sur la côte, il remporte le deuxième prix du neuvième Salon des artistes colombiens qui se tient à la Bibliothèque nationale de Bogotá. Puis, avec le montant du prix qui s'élève à 7 000 pesos, il décide de faire un voyage en Europe.

Ses débuts en Europe

En août 1952, après un court séjour à Barcelone, Botero se rend à Madrid où il s'inscrit à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando Real Academia de Bellas Artes de San Fernando. Au musée du Prado, il étudie les œuvres de maîtres espagnols comme Diego Vélasquez et Francisco de Goya qu'il prend pour modèles.
Par la suite, Botero effectue un court séjour en 1953 à Paris, où déçu par les œuvres contemporaines du Musée d'art moderne de la ville de Paris, il étudie les maîtres anciens au musée du Louvre. Puis, il part en Italie, dans la ville de Florence, où il est admis à l'Académie San Marco. Il y étudie les techniques de la fresque, attiré par l'art de la Renaissance italienne, et copie certaines œuvres de Giotto di Bondone et de Andrea del Castagno. Le soir, il apprend également l'art de la peinture à l'huile dans un atelier de la Via Panicale qui avait appartenu au peintre Giovanni Fattori. En 1954, il assiste à plusieurs conférences de l'historien de l'art italien Roberto Longhi à l'Université de Florence Università degli Studi di Firenze, s'intéressant de plus en plus au quattrocento à travers notamment l'œuvre des peintres Paolo Uccello et Piero della Francesca. Il sillonne le pays à moto, visitant Arezzo pour voir des peintures de Piero della Francesca, puis Venise, Sienne et d'autres centres historiques de l'art italien.

Retour en Amérique

En mars 1955, Fernando Botero décide de retourner à Bogota. Deux mois plus tard, son exposition de vingt peintures ramenées d'Italie à la Bibliothèque nationale s'avère être un échec, aucune peinture n'étant vendue et son œuvre étant vivement condamnée par les critiques, la seule référence alors admise étant l'École de Paris. Afin de pouvoir vivre, Botero travaille temporairement en tant que vendeur de pneus puis assure des travaux graphiques pour la presse. En décembre, il se marie avec Gloria Zea. Tous deux partent s'installer à Mexico en 1956 où naît Fernando, leur premier enfant.
En 1957, avec le tableau Nature morte à la mandoline, l'artiste découvre, pour la première fois, la possibilité de dilater les formes et d'exagérer les volumes. Il trouve ainsi un style qui lui est propre. En avril de cette même année, Botero se rend à Washington pour sa première exposition personnelle aux États-Unis organisée par l'Union Panaméricaine. Lors de son séjour sur le territoire américain, il visite plusieurs musées à New York dans lesquels il découvre l'expressionnisme abstrait. Il fait la rencontre de Tania Gres qui a ouvert une galerie à Washington et qui est pour lui un important soutien financier et moral.
En mai 1957, à Bogotá, il remporte le deuxième prix du dixième Salon des artistes colombiens pour sa peinture intitulée Contrepoint. En 1958, année de naissance de sa fille Lina, Botero est nommé professeur de peinture à l'Académie des arts Academia de Bellas Artes de Bogotá dans laquelle il demeure jusqu'en 1960, année qui voit la naissance de son deuxième fils, Juan Carlos. Alors que sa renommée ne cesse de grandir, ses services sont requis pour illustrer la nouvelle de l'écrivain Gabriel García Márquez intitulée Tuesday Siesta La sieste du mardi, illustrations qui seront également publiées dans El Tiempo, grand quotidien national. Lors du onzième Salon des artistes colombiens en 1958, sa peinture La alcoba nupcial La chambre des époux est rejetée par le jury. Finalement, Botero obtient le premier prix pour cette œuvre, le jury ayant reconsidéré son verdict suite à la vague de protestations engendrée par sa décision dans la Presse et le monde artistique de Bogotá. En 1959, il peint une série de dix tableaux d'après Vélasquez où l'on retrouve un style basé sur une peinture monochrome associé à des touches nerveuses qui rappellent l'expressionnisme abstrait.
En 1960, Botero quitte la Colombie pour la troisième fois et part vivre à New York. Il expose en octobre à la Galerie Gres les séries Nino de Vallecas d'après Vélasquez qui surprennent ses collectionneurs habitués aux peintures plus colorées des débuts de l'artiste. En novembre, il gagne le prix Guggenheim International Award pour la Colombie avec son œuvre La bataille de l'archi-diable. La même année, après un peu moins de cinq ans de vie commune, il quitte sa femme. En 1961, Dorothy Miller, directrice du musée d'art contemporain de New York Museum of Modern Art, achète la toile Mona Lisa, à l'âge de douze ans que Fernando a peinte en 1959 et qui est une parodie de La Joconde de Léonard de Vinci.
En 1964, l'artiste épouse Cecilia Zambrano d'avec qui il divorce en 1975. Sa peinture Pommes remporte le deuxième prix au Salon Intercol des Jeunes Artistes du musée d'Arts Modernes de Bogotá. Il étudie l'art du peintre baroque flamand Pierre Paul Rubens et réalise quatre tableaux d'après des portraits d'Hélène Fourment.

À travers le monde

À partir de 1967, Botero voyage régulièrement entre la Colombie, New York et l'Europe. Il visite ainsi l'Italie et l'Allemagne où il étudie l'œuvre de l'artiste allemand de la Renaissance Albrecht Dürer, ce qui lui donne l'inspiration pour réaliser une série de grands dessins au fusain sur toile nommée Dureroboteros. Durant cette période, Botero réalise également plusieurs peintures à partir du tableau Le Déjeuner sur l'herbe d'Édouard Manet. La première exposition du peintre colombien à Paris a lieu en septembre 1969, à la galerie Claude Bernard.
En 1970, Pedro, le troisième fils de Botero, naît à New York. Cet événement inspire au peintre une série de tableaux qui représente les premières années de la vie de son enfant comme Pedro à cheval 1971. En 1973, Botero quitte les États-Unis et s'installe à Paris où il réalise ses premières sculptures. En 1974, son fils Pedro, âgé de quatre ans, meurt dans un accident de la route en Espagne, le peintre lui-même étant grièvement blessé. Suite à cette tragédie, Botero réalise de nombreuses œuvres en mémoire de son fils décédé.
Entre 1976 et 1977, Botero s'adonne essentiellement à la sculpture, avec pour résultat la réalisation de vingt-cinq œuvres. En 1976, suite à une rétrospective de son œuvre au Musée d'art contemporain de Caracas, il se voit décerner la médaille Andrés Bello par le président du Venezuela. L'année suivante, il épouse Sophía Vári et, en reconnaissance des services rendus à la Colombie, reçoit la Croix de Boyacá par le gouvernement régional d'Antioquia.
En septembre 1981, il est invité par Vogue Paris à illustrer les collections de couture : il réalise une série de quinze peintures et douze dessins. Deux ans après, Fernando Botero réalise une série d'illustrations pour Chroniques d'une mort annoncée de Gabriel Garcia Márquez qui paraît dans le premier numéro de Vanity Fair et part installer un atelier à Pietrasanta en Italie, connue pour la qualité de ses fonderies, afin de pouvoir travailler sur ses sculptures. À partir de 1984, il peint presque exclusivement des scènes de tauromachie pendant deux ans. Ses tableaux intitulés La Corrida vont être exposés dans de nombreux pays tels que l'Allemagne Munich, Brême, l'Espagne, l'Italie Milan, Naples, le Japon ou le Venezuela.
Le 10 juin 1995, lors d'un attentat à Medellín qui cause la mort de 28 personnes et en blesse 217 autres, la sculpture de bronze de Botero, L'Oiseau, est détruite. En guise de message de paix, l'artiste fait don à la ville d'une nouvelle sculpture destinée à être placée près de celle qui a été pulvérisée. En 2004, Fernando Botero s'insurge contre les mauvais traitements subis par les prisonniers de la prison d'Abou Ghraib en Irak et entreprend une série d'œuvres inspirées de ces faits. En 2008, il est nommé docteur honoris causa par l'universidad autónoma de Nuevo León où il présenta une exposition de ses œuvres polémiques sur Abou Ghraib.

Œuvres artistiques, les sujets

Ses sujets de prédilection sont notamment les natures mortes, les nus féminins, les portraits de famille, les scènes de tauromachie ou celles de la vie quotidienne de la société colombienne. Botero introduit également des thèmes plus graves dans son œuvre tels que la violence en Colombie ou les tortures subies par les prisonniers de la prison d'Abou Ghraib.
Selon Botero, la corrida contient des éléments magiques pour un artiste tels que les couleurs vives, les mouvements dynamiques, le spectacle, la violence et la beauté. Il en est de même pour le costume du torero, le ruedo et ses barrières, l'arène et le public. Bien que n'étant pas indifférent à la controverse suscitée par la tauromachie, il défend sa valeur artistique et culturelle. Il estime ainsi que, pour une ville telle que Medellín, les taureaux sont de l'art, font partie de la culture espagnole et doivent être conservés car l'art ne peut pas disparaître.
Comme de nombreux autres peintres, Fernando Botero aime faire son autoportrait, se peignant ainsi souvent déguisé et vivant dans une toute autre époque. On peut, par exemple, citer ses peintures Autoportrait en conquistador 1986 ou Autoportrait en Vélasquez 1986.
Inspiré par les œuvres de quelques peintres célèbres, Botero s'est basé sur certaines de leurs peintures pour réaliser quelques tableaux, mais avec un style particulier. On peut notamment citer Mona Lisa qui s'inspire de La Joconde de Léonard De Vinci, Infanta Margarita qui reprend le personnage principal de la peinture Les Ménines de Diego Vélasquez ou encore Federico da Montefeltro, confectionné à partir d'une huile sur bois de Piero della Francesca. Botero explique en ces mots son choix de copier certaines œuvres :
Prendre pour modèle une peinture d'un autre peintre, ce que je fais souvent, c'est se mesurer à la puissance picturale d'une œuvre. Si la position esthétique que l'on a est absolument originale par rapport à celle à laquelle on se confronte, l'œuvre que l'on fait est elle-même originale.
Cependant, pour l'ensemble de son œuvre, Botero avoue ne pas travailler avec des modèles:
Je n’ai jamais travaillé avec des modèles. Un modèle pour moi constituerait une limitation à ma liberté de dessiner ou de peindre. Je n’ai jamais posé trois objets sur une table pour faire une nature morte. Je ne me suis jamais placé, non plus, dans un endroit particulier pour reproduire un paysage. En réalité, je n’ai besoin de rien devant moi. Mes choix de personnages sont arbitraires et tous sont le fruit de mon imagination.

Style

Malabarista y contorsionista
Botero, à l'instar d'autres artistes latino-américains de renommée, comme Diego Rivera, José Clemente Orozco ou David Alfaro Siqueiros, fut influencé par l'art européen. Alors que ces derniers s'inspiraient des révolutions picturales de l'époque, tel le cubisme, le peintre et sculpteur colombien profita de son séjour à Paris pour visiter les musées et s'inspirer des classiques de la Renaissance, jusqu'à Ingres. L'emploi de couleurs vives et franches est également omniprésent dans les peintures de Botero.
Fernando Botero a dû attendre la création de Nature morte à la mandoline pour obtenir un véritable succès. Cette toile représente un moment charnière parce qu’elle fixe son style qui est surtout marqué par la rondeur de ses personnages. Ainsi, Botero explique en ces mots la naissance de sa touche artistique personnelle :
J'avais toujours cherché à rendre le monumental dans mon œuvre. Un jour, après avoir énormément travaillé, j'ai pris un crayon au hasard et j'ai dessiné une mandoline aux formes très amples comme je le faisais toujours. Mais au moment de dessiner le trou au milieu de l'instrument, je l'ai fait beaucoup plus petit et, soudain la mandoline a pris des proportions d'une monumentalité extraordinaire ...
Généralement, dans l'œuvre de Botero, ses personnages n'expriment pas de sentiments ni d'états d'âmes, l'artiste gardant ainsi une attitude empreinte d'une impartialité détachée, même lorsqu'il fait le portrait de cardinaux ou de gens puissants. Mario Vargas Llosa parle même, à propos des peintures de Botero, d'un manque de dramatisme et d'une imperturbabilité préromantique. Dans la plupart des hommes et des femmes réalisés par Botero, et ce malgré leur poids, une impression de légèreté, de souplesse et de grâce en ressort. Enfin, à la question pourquoi ses personnages sont gros, Botero répond :
" Gros, mes personnages ? Non, ils ont du volume, c'est magique, c'est sensuel. Et c'est ça qui me passionne : retrouver le volume que la peinture contemporaine a complètement oublié ..."

Sculpture

Entre 1963 et 1964, Fernando Botero s'essaie à la sculpture. En raison de contraintes financières l'empêchant de travailler avec du bronze, il fait ses sculptures avec de la résine acrylique et de la sciure de bois. Il réalise notamment en 1964 Small Head Bishop, une sculpture peinte avec beaucoup de réalisme. Cependant, la matière étant trop poreuse, ne tenant pas dans le temps et sa consistance terreuse ne conviennent pas à Botero qui décide d'abandonner.
En 1973, après un long séjour à New York, Botero décide de s’établir à Paris où il s’initie de nouveau à la sculpture avec le bronze comme matériau. Pour Botero, cette forme d'art est le prolongement naturel de son univers pictural. En effet, ses personnages prennent leur pleine mesure grâce à l'espace en trois dimensions, leurs formes voluptueuses deviennent palpables et offrent ce que l’artiste appelle une alternative poétique à la réalité. Les œuvres sculpturales de Fernando Botero trouvent notamment leurs sources dans l'art de l'Égypte antique ou dans les premières cultures américaines. On peut aussi penser qu'elles se basent sur certains cultes, les femmes nues étant un exemple de fertilité pour des idoles préhistoriques ou les sphinx étant les gardiens des temples du monde antique.
Sa passion pour la sculpture est tellement importante pour l'artiste qu'il y consacre les années 1976 et 1977, période durant laquelle il crée vingt-cinq œuvres. Plusieurs sculptures de Botero ont été exposées en Europe, la première exposition de treize œuvres sculpturales se déroulant en 1977 au Grand Palais de Paris. En 1983, Fernando Botero installe un atelier à Pietrasanta en Italie, village connu pour l'abondance de marbre blanc et où s’approvisionnait Michel-Ange ainsi que pour la qualité de ses fonderies. Il y travaille le bronze et le marbre. Ses sculptures qui peuvent être de très grande taille, ont par exemple été exposées à Florence en 1991, sur l'avenue des Champs-Élysées à Paris en 1992 ou encore au Park Avenue de New York en 1993. Certaines de ses sculptures sont également installées dans des espaces publics de Lisbonne, Madrid, Munich, Singapour ou encore Tokyo. En 2007, sept statues en bronze, évaluées au total à 3,5 millions d'euros et placées dans une des fonderies de Pietrasanta, sont volées.

Dessins et aquarelles

Dans le travail de Fernando Botero, le dessin a toujours compté autant que la peinture ou la sculpture, même si cela reste un aspect de son art bien plus méconnu. Dans ses dessins, Botero, qui a créé plusieurs personnages qu'il utilise régulièrement, comme l'homme à la fine moustache présent dans plusieurs de ses peintures, dessins et sculptures, privilégie les couleurs telles que le noir et le blanc mais également des couleurs plus vives comme l'ocre, le jaune, le rose ou le vert.
Les dessins de Botero sont multiples. Dans un premier temps, on trouve les dessins préparatoires qui sont généralement de simples croquis esquissés au crayon sur des bouts de papier pour une éventuelle future peinture ou sculpture. Par ailleurs, les autres dessins sont réalisés comme des œuvres à part entière. En effet, ils reproduisent rarement une peinture exécutée à l'huile, l'inverse, à savoir la reproduction d'un dessin sur un tableau, étant également rare. Outre l'utilisation du crayon, certains dessins sont également exécutés au fusain sur toile La famille en 1990 ou à la sanguine Le lit en 1974, Trois musiciens en 1990.

Principales expositions

Dans le quartier La Candelaria, à Bogota, se trouve le musée Botero, d'accès gratuit pour tous. Ce musée expose des œuvres provenant de la collection personnelle de Botero qui en a fait don à la Colombie. On y retrouve 123 créations de Botero lui-même et 85 œuvres d'autres artistes comme Max Beckmann, Pierre Bonnard, Marc Chagall, Salvador Dalí, Joan Miró, Pablo Picasso ou Auguste Renoir, parmi les plus célèbres.
En 2006, Fernando Botero a exposé une série de 87 dessins et peintures qu’il a réalisés sur les tortures infligées par les militaires américains aux prisonniers de la prison d'Abou Ghraib dans une galerie new-yorkaise, à partir de photographies prises par les soldats américains et de leurs témoignages. Depuis cette exposition a voyagé, notamment à l'American University Museum de Washington DC, à l'université de Berkeley en 2007 et au Centre des Arts de Monterrey au Mexique en 2008.
En 2007, l’exposition intitulée L’univers baroque de Fernando Botero est présentée au Musée national des beaux-arts du Québec, à Québec. D'autres expositions ont eu lieu :

« Fernando Botero » 1951 et 1952 à la galerie Leo Matiz de Bogota.
« Fernando Botero » 1966 au Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden.
« Fernando Botero » 1979 au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden à Washington.
« Fernando Botero » : La Corrida 1985, monographie, à la galerie Marborough de New York.
« Fernando Botero » : peintures de tauromachie 1987, Musée Reina Sofía de Madrid
« Fernando Botero : 50 années de vie artistique 2001 à l'Antiguo Colegio de San Ildefonso, Mexico.
« Fund-Raiser Exhibition avec Sonia Falcone au Calvin Charles Gallery 2003 de Scottsdale, Arizona.
« Botero at Ebisu » 2004 à Tokyo.
« Fernando Botero » 2006 à Athènes.
« Abu Ghraib - El circo » 2008 à Valence.
« Via Crucis » 2011 à New York
Prix Fernando Botero
En décembre 2009, la Fondation des jeunes artistes colombiens décide de mettre fin à la remise du Prix Fernando Botero, qui récompensait depuis 2005 un jeune artiste colombien de moins de 35 ans pour un montant de 100 millions de pesos 34 000 euros, suite aux propos tenus dans la presse par l'artiste colombien qui déclarait être très mécontent des œuvres primées par un jury international.

Dons de ses œuvres

Lors de sa carrière d'artiste, Fernando Botero fait souvent don des œuvres qu'il a réalisées. Le musée de Zea à Medellín ouvre une nouvelle salle portant le nom de Salle Pedro Botero qui contient seize œuvres données par l'artiste colombien en souvenir de son fils décédé lors d'un accident de la route. En 1984, il fait don de plusieurs sculptures au musée d'Antioquia de Medellín et de dix-huit peintures au musée national de Bogotá. Il fait également un don issu de sa collection privée aux villes de Bogotá et de Medellín en 2000. Cette collection comprenait plus de deux cents peintures, dessins et sculptures de Botero ainsi qu'une centaine d'œuvres de divers artistes tels que Picasso, Monet, Renoir, Matisse, Henry Moore, etc. En 2012, Botero fait don au musée d'Antioquia des toiles et des dessins composant l'exposition « Viacrucis : la passion du Christ, soit 27 peintures à l'huile et 34 dessins. Ce nouveau don fait au musée d'Antioquia permet à cet établissement d'être celui ayant le plus grand nombre d'œuvres de l'artiste avec un total de 187 œuvres, en comptant les toiles, les dessins et les sculptures.

Œuvre littéraire

Contrairement à son travail artistique prolifique, Botero n'écrit que six histoires qui sont le reflet de son univers artistique. Selon sa fille Lina, ces textes sont rédigés en 1980 par Botero alors qu'il est contraint au repos à cause d'une grippe. Ne pouvant rester inactif, il décide alors d'écrire et d'illustrer des histoires courtes. Elles sont publiées pendant un temps le dimanche dans le journal colombien El Tiempo mais le peintre ne souhaite pas continuer sa carrière littéraire qui n'aura duré qu'un mois. Ces textes, qui révèlent le palais des beaux-arts de Mexico, à l'exception d'un dont l'illustration était irrécupérable.

Hommages

En 2008, l'Allemand Peter Schamoni réalise le documentaire Botero – Geboren in Medellín d'une durée de 90 minutes. Ce film est réalisé à l'occasion des 75 ans de la naissance de Fernando Botero et relate sa carrière de peintre et de sculpteur. Il est également présenté à l'occasion du Festival international du film sur l'art FIFA en mars 2010.


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#375 Véronèse
Loriane Posté le : 17/04/2015 19:47
Le 19 avril 1588, à Vérone meurt Paolo Caliari, dit Véronèse

né à Vérone ans la république de Venise en 1528, est un peintre maniériste italien de l'école Véronaise, il a pour maître Antonio Badille, ses oeuvres les plus réputées sont " Les noces de Cana, Le repas chez Lévi
Bien qu'il ait joui d'une réelle popularité de son vivant, notamment à Venise, il fut ignoré des critiques de son temps qui parlent de l’art vénitien, seul Francesco Sansovino parlant de lui dans son Guide de 1556. Pourtant, Véronèse constituait avec Titien et Le Tintoret le triumvirat des peintres vénitiens de la Renaissance tardive. Véronèse est connu comme un grand coloriste ainsi que pour ses décorations illusionnistes trompe-l’œil en fresque et huile. Ses travaux les plus connus sont des cycles narratifs raffinés, exécutés selon le style dramatique et coloré des maniéristes, avec des arrangements majestueux et scintillants.
Son véritable patronyme reste inconnu : le peintre ayant signé successivement Paolo Spezaped surnom paternel Paolo di Gabriele, Paolo da Verona ou Paolo Caliaro probable nom d’emprunt. La tradition de l’histoire de l'art parle de Paolo Caliari. Finalement, il sera connu sous le nom de Véronèse en raison de son lieu de naissance à Vérone.

En bref

Il est bien étrange qu'aucun des critiques qui rendirent compte de l'art vénitien au milieu du XVIe siècle, Aretino, Pino, Doni, Biondo, Dolce ne se soit intéressé à Véronèse. Celui-ci, en fait, ne fut découvert que par Francesco Sansovino, qui parle de lui dans son Guide de 1556. Peut-être paraissait-il trop extérieur à la sphère culturelle de la peinture vénitienne et faisait-il figure d'étranger sans grande importance.
Pourtant, il arriva à Venise en un moment providentiel, comme pour s'y voir assigner la tâche de porter à une solution – sinon à sa solution à lui – un ensemble d'exigences formelles du grand courant maniériste, qui vers le milieu du siècle avait pris une place prédominante. Tout en gardant son indépendance, il trouva à Venise un terrain convenant à son génie propre, non seulement dans le camp maniériste, qui eût été disposé à l'accueillir dès l'époque de Vasari, de Salviati ou des expériences romanistes de Titien lui-même, mais aussi en raison de tout ce que ce cadre comportait de faste et de lumière, et qui était destiné à devenir partie essentielle du discours de l'artiste.
Fils d'un spezapreda tailleur de pierre-sculpteur de Vérone, Paolo Caliari, dit Véronèse, est placé, dès l'âge de dix ans, pour y apprendre la peinture, chez Antonio Badile, mais il se plaît également, suivant l'exemple paternel, à faire des modèles en terre. Avide de connaître toutes les tendances qui vont de la tradition héritée de Mantegna à la génération véronaise du début du XVIe siècle, déjà représentée de diverses manières à Venise, il fréquente Gianfrancesco Caroto et Torbido, qui travaillent dans le style de Giorgione, Antonio Badile, coloriste classique mais original et Domenico Brusasorzi, compositeur fantasque ; il s'intéresse également aux suggestions froides des maîtres de Brescia, de Romanino à Savoldo et à Moretto, dont il voit des peintures dans les églises de la ville. Soudain, pourtant, il adopte une attitude d'indépendance, tout en restant fidèle, en vertu des liens anciens, à la pureté cérébrale de certaines gammes de couleurs propres au vieil héritage gothique, qui était bien représenté à Vérone.
Il est certain que la mystérieuse formation de Paolo s'explique en grande partie par la situation particulière de cette ville dans la géographie artistique de l'époque : proche de Mantoue et de Parme, ainsi que des routes conduisant à Venise, Vérone était par là ouverte aux trouvailles les plus inédites du maniérisme. Paolo fit probablement quelques voyages à Mantoue, qui lui procurèrent le moyen de connaître directement les œuvres de Giulio Romano à la Reggia et au palais du Te. Il n'y trouva pas seulement une incitation explicite à suivre le romanisme monumental, dans le sillage de Michel-Ange ou du dernier Raphaël, mais surtout, semble-t-il, l'occasion de revenir au sens architectural de l'espace, figures et couleurs s'ordonnant alors à l'intérieur de celui-ci.
Par Mantoue peut-être, ou directement à Parme, et, de toute manière, grâce aux gravures et aux dessins de Parmesan et de Primatice, Véronèse entra ensuite en relation avec la peinture de Corrège et reçut de ces exemples de très fortes impressions, surtout en raison de leur correspondance avec sa propre conception originelle de la couleur, qu'il était porté à traiter en des tons froids s'accordant à travers dissonances et contrastes plutôt que fondus dans une sorte de brassage.
À cette très vaste connaissance de la peinture s'ajoute, chez Véronèse, la recherche d'un sens particulier de la composition, qui semble relever d'une vocation personnelle et qui, lui non plus, n'est cependant pas gratuit : Paolo appartenait en effet à une famille de tailleurs de pierre et très tôt il se mit en rapport avec le plus grand architecte de Vérone, Michele Sanmicheli. Avec son classicisme maniériste, ce dernier unissait la leçon de Sangallo et celle de Giulio Romano, constituant ainsi, pour le jeune Paolo, un pont idéal qui devait le conduire directement à Palladio. Il est même possible que le rigoureux clair-obscur des créations de Sanmicheli ait inspiré le buon disegno de Véronèse, qui par la suite se tourna vers la sérénité de Palladio, comme ouvertement et dans une sorte d'harmonie de l'esprit.
Ce thème fondamental d'une composition de type architectural, qui acquiert lumière et sourire dans un équilibre paisible des couleurs, semble caractériser les toutes premières œuvres, qui sont bien révélatrices de Véronèse. La Madonna Bevilacqua-Lazise du musée de Vérone (jadis dans la chapelle achevée en 1548 à San Fermo) relève d'un style dont les traits essentiels se retrouvent parfois dans l'ambiance véronaise de Badile et de Caroto, ou même à Mantoue et à Parme. Déjà pourtant se détache, dans une absolue originalité, la couleur, encore ténue et un peu transparente, étendue en couches gris perle, tandis que sur les effets ainsi obtenus s'allient, en les soulignant souvent par des contrastes de tons chauds et froids, le jeu imprévu des ombres colorées, un goût recherché et joyeux pour le changement, la splendeur de l'agencement des nuances.
Au début des années soixante, Véronèse va franchement au-delà de toutes les expériences vénitiennes, du maniérisme de Parmesan aussi bien que du tonalisme de Titien. Arrivé dans la capitale vers 1551, il s'y affirme réellement en peignant la Pala Giustinian à San Francesco della Vigna, œuvre qui, tout en reprenant la composition de la Pala Pesaro de Titien, révèle dans la vivante juxtaposition de teintes claires et lumineuses, la pureté propre à l'artiste.
Lorsque Paolo entreprend, en 1555, de décorer l'église San Sebastiano, où il travailla ensuite à plusieurs reprises pendant des années, son style a désormais trouvé une expression stable, et il ne s'en est plus départi. L'objectif de Véronèse est alors non point la représentation dramatique ou idyllique de la réalité, comme chez Titien ou Bassano, ni la transfiguration hallucinatoire de celle-ci, comme chez Tintoret, mais plutôt une espèce de contemplation abstraite et joyeuse de la beauté.
Il suffit, pour s'en convaincre, de considérer le plafond de San Sebastiano, chef-d'œuvre qui remonte à la fin de la sixième décennie du siècle et où l'on reconnaît l'allégresse décorative propre au monde de Véronèse. Les rapprochements de teintes, la transparence des ombres, le caractère étincelant de la composition produisent l'inoubliable impression d'une peinture lumineuse, mélodieuse. À cet effet contribue de manière notable la technique de Paolo, laquelle dépasse à la fois le tonalisme de Titien, c'est-à-dire la fusion harmonieuse des teintes, et le luminisme de Tintoret et de Bassano, qui se caractérise par l'exaltation des intensités de couleur de la lumière contrastant avec l'obscurité, ce qui finit par donner une impression de noir sur blanc. Devançant les théories modernes de la décomposition de la lumière, Véronèse découvre d'instinct l'effet de luminosité qui découle de l'opposition de deux teintes complémentaires, c'est-à-dire de celles dont la fusion donnerait le blanc, la teinte la plus riche en lumière. Les rouges, les bleu ciel, les jaunes et les violets en viennent ainsi à créer sur ses toiles une myriade de plans lumineux, produisant un effet irréel, d'une extraordinaire intensité.

Sa vie

Véronèse est né vraisemblablement en 1528. Son père, Piero di Gabriele, est architecte et tailleur de pierre comme l'avaient été ses parents. Avec son épouse, Catarina, ils eurent dix enfants dont Véronèse, qui fut le septième et Benedetto de dix ans son cadet.
Très jeune, il commence par travailler dans l'atelier de son père à Rome. Il y acquiert une habileté de modeleur pour les figures et les ornements en relief. Toutefois, il manifeste très vite un penchant pour la peinture ce qui amène son père à le placer comme apprenti chez l'un de ses oncles Antonio Badille, issu d'une vieille famille de peintres locaux et qui possédait un atelier. Il étudie alors, outre les œuvres de Badille, qui deviendra plus tard son beau-père, celles des autres artistes de Vérone et des alentours comme les fresques et tableaux de Giovanni Maria Falconetto, Domenico et Francesco Morone, Girolamo Dai Libri, Giovanni Francesco Caroto, Francesco Torbido, etc.
De cet apprentissage auprès de l'école véronaise et des peintres locaux, il acquiert beaucoup de connaissances en matières d'architecture et de perspective, mais aussi la vivacité et l'élégance dans les figures, la dignité et le naturel dans les expressions, l'éclat et l'harmonie dans le jeu des colorations.
Alors qu'il n'avait pas encore vingt ans, Paul Véronèse avait déjà signé plusieurs retables pour des églises de Vérone et décoré des façades de maisons, ce qui lui avait donné une certaine réputation. Parmi les retables, il faut citer la pala qui est l'un des premiers chef-d'œuvre de Véronèse réalisée avant 1548 pour la chapelle de la famille Bevilacqua-Lazise.

Des débuts prometteurs

En 1548, il quitte sa ville natale et, grâce à sa renommée grandissante, il obtient et exécute plusieurs commandes. Il se rend quelque temps à Trévise où, en 1551; l'architecte Michele Sanmicheli le charge, avec le peintre Giovanni Battista Zelotti de décorer la villa Soranza, près de Castelfranco Veneto, qu'il venait de construire. Son travail y est remarqué par le cardinal Ercole Gonzague qui, l'année suivante, lui commande un tableau pour la cathédrale de Mantoue, la Tentation de saint Antoine musée des beaux-arts de Caen.
Par la suite, il décore la villa Emo à Fanzuolo, un hameau de la commune de Vedelago dans la province de Trévise, construite par l'architecte Andrea Palladio, qu'il avait rencontré à Vicence. On lui confie également la décoration du palais du Collatéral, à Thiene où, toujours en compagnie de Giovanni Battista Zelotti, il réalise, dans un style déjà très libre et personnel, plusieurs peintures de l'histoire ancienne Xerxès recevant les présents de Cyrus, le Mariage de Massinissa et de Sophonishe, Mucius Scaevola se brûlant le poing, le Festin d'Antoine et de Cléopâtre.
En 1560, il fait un voyage d’étude à Rome où il découvre Raphaël et Michel-Ange. Il y séjourne pendant deux ans.

L'installation à Venise

En 1552, il obtient une première commande pour l'église San Francesco della Vigna à Venise pour laquelle il réalise la Conversation sacrée. L'année suivante, sa réputation toujours grandissante amène le père Bernado Torlioni, prêtre de l'église San Sebastiano à Venise que Véronèse avait rencontré à Vérone, à le faire venir auprès de lui pour lui confier les peintures de l'église.
Il s'installe donc à Venise en 1553. Les commandes officielles sont nombreuses car il est devenu le peintre de la République. Il réalise notamment, en compagnie des peintres Giambattista Ponchino et Giovanni Battista Zelotti, les fresques des salles du conseil des Dix au palais des Doges. Véronèse exécuta notamment un médaillon qui décorait, en son centre, le plafond de la Salle des audiences : Jupiter foudroyant les Vices. Il décore également la salle de la Boussolla d'un Saint Marc couronnant les Vertus qui est à présent au musée du Louvre.
En 1555, il entreprend la réalisation du plafond de la sacristie de l'église San Sebastiano avec le Couronnement de la Vierge et les Quatre évangélistes. On lui demanda ensuite des panneaux ronds, ovales ou carrés, destinés à être insérés dans le plafond de la nef. Il y raconte trois scènes du Livre d'Esther, entourées d'ages, de balustrades décoratives et de figures allégoriques : Esther présentée au roi Assuérus, le Couronnement d'Esther et le Triomphe de Mardochée achevées le 31 octobre 1556, onze mois après leur commande. Cette série de chefs-d'œuvre a fait de cette petite église un lieu de pèlerinage pour tous les peintres postérieurs.
Avec le soutien de Titien et Jacopo Sansovino, il est désigné, avec six autres peintres célèbres dont Battista Franco, Giuseppe Porta, Bartolomeo Ammannati et Le Tintoret, pour participer à la décoration du plafond de la salle de la Libreria de la Biblioteca Marciana ou bibliothèque Saint-Marc. Il réalise notamment trois allégories la Musique, la Géométrie et l'Arithmétique, l'Honneur pour lesquels il obtint une prime, un collier d'or, qui lui est décerné publiquement par Titien.
Veronèse retourne quelques mois à Vérone, sa ville natale. De ce séjour, il laissera une série de peinture dans plusieurs édifices dont l'église Santa Maria della Vittoria Déposition de Croix et le musée municipal Portrait de Pace Guarienti.

La maturité

Véronèse revient à Venise où il est devenu le peintre à la mode, le décorateur favori des nobles et des ecclésiastiques. Sa popularité dépasse le seul cadre de la ville et s'étend aux provinces avoisinantes. Il reçoit des commandes de toute nature, des fresques ou des tableaux, des sujets profanes ou sacrés, des allégories ou des portraits…
Il est de nouveau invité à travailler à l'église San Sebastiano en 1558 où il fut chargé de peindre, sur la partie supérieure des murs, des séquences de la vie du saint. Entre 1559 et 1561, il décora les volets de l'orgue et le panneau de l'autel. On y voit La Vierge en gloire avec saint Sébastien et d'autres saints. Puis, un peu plus tard vers 1565, il réalisa pour le chœur de l'église trois œuvres illustrant d'autres événements de la vie du saint dont Saint Marc et saint Marcellin encouragés par saint Sébastien sur le chemin du martyre et Le Martyre de saint Sébastien
En 1562, Véronèse entreprend la décoration de la villa Barbaro à Maser en Vénétie appartenant à Daniel Barbaro et son frère, Marcantonio. Ceux-ci avaient engagé le célèbre architecte Andrea Palladio en 1556 pour la construction de leur villa et ils confièrent ensuite la décoration picturale à Véronèse que Daniel Barbaro avait rencontré vers 1553, lorsqu'il exécutait ses compositions pour la Salle des audiences au palais des Doges. Véronèse réalise dans cette villa des fresques qui marquent l'apogée de son art parmi lesquelles il faut citer L'Harmonie universelle, ou L'Amour divin entouré des dieux olympiques, Vénus et Vulcain avec Proserpine ou bien encore Bacchus et les nymphes. De très nombreuses pièces sont décorées des fresques de Véronèse et, partout, l'espace architectural est mis au défi grâce à l'usage de trompe-l’œil d'illusions picturales.
C'est à cette même période, entre 1562 et 1563, que Véronèse peint la plus célèbre de ses œuvres, Les Noces de Cana qui lui avait été commandée pour le réfectoire du monastère bénédictin de Penquesten situé sur l'Île de San Giorgio Maggiore, à Venise. Comme dans d'autres tableaux de Véronèse représentant un banquet, la scène reflète les festivités qui étaient courantes à l'époque dans la vie vénitienne. La peinture est immense avec presque dix mètres de large et elle contient plus d'une centaine de personnages, dont les portraits reconnaissables de Titien, de Tintoretto, et de Véronèse lui-même.
Il retourne dans sa ville natale de Vérone où, en 1566, il épouse Elena Badile avec qui il a quatre enfants dont Carlo et Gabriele qui travaillèrent avec lui plus tard.
En 1573, il défie le tribunal de l’Inquisition qui lui reproche des licences prises par rapport aux textes saints dans une Cène et qu’il sera condamné à amender. Véronèse n'en fera rien et rebaptisera simplement l'œuvre du nom de Le Repas chez Lévi, qu'elle porte encore aujourd'hui, bien qu'il s'agisse en réalité du dernier repas du Christ. On lui reproche d’avoir ajouté à l’épisode religieux quantité de personnages secondaires et anecdotiques, dont un perroquet ou encore deux hallebardiers buvant et un serviteur saignant du nez. La réponse nous est restée : Nous, les peintres, prenons des libertés tout comme les poètes et les fous.

Les thèmes mythologiques et les portraits

Ce langage, que l'on peut définir comme étant d'une sublime poésie décorative, trouve sa plus triomphale application dans les fresques des villas et des palais vénitiens. L'exemple le plus célèbre en est l'ornementation de la villa palladiana de Maser (environ 1560). Les paysages que Véronèse a peints sur les murs de cette demeure tendent à donner l'illusion que ces derniers s'ouvrent et qu'une lumière calme et diffuse émane de l'écran, refluant sur la couleur de l'ambiance, qui se fait douce et intime. Au-dessus, dans des lunettes et sur des plafonds dessinés selon des perspectives architecturales, des personnages mythologiques et des allégories, d'une originale transparence, créent un monde qui transcende, dans la clarté diaphane de ses teintes, la référence persistante aux formes monumentales du style de Michel-Ange.
Cette contexture lumineuse donne une tonalité particulière aux portraits qu'a peints Véronèse, ainsi qu'en témoigne la Gentildonna du musée du Louvre, toute vibrante d'une harmonieuse symphonie de bleu ciel et de roses. Il est certain, par ailleurs, qu'un souci d'abstraction formelle l'emporte sans exception dans tous les sujets profanes, qui auraient pu fournir à l'artiste l'occasion de se rapprocher d'une figuration plus ardente de la réalité : par ces sujets on peut entendre, outre les portraits, les scènes pour lesquelles Paolo trouvait une sûre inspiration dans la vie contemporaine, telles les représentations de la Cène. Le thème du repas biblique est pour lui un thème de prédilection, non certes pour des motifs religieux personnels, mais pour l'intérêt que présentent à ses yeux la foule multicolore, la grandiose distribution du cadre, qu'il peut peindre en des images toujours plus riches en couleurs, toujours plus éclatantes quant à la décoration.
Que ces représentations de la Cène puissent être surtout des prétextes pour la couleur, Paolo, d'ailleurs, le reconnaît lui-même, lorsque, dans Le Repas chez Lévi de l'Académie de Venise 1573, il n'hésite pas à placer des Allemands et des bouffons dans la suite de Jésus ou lorsque, dans la Les Noces de Cana du Louvre, il met au premier plan un concertino qui comprend, avec lui-même, ses trois grands émules : Titien, Tintoret et Bassano. Convoqué, pour ces fantaisies, devant le tribunal de l'Inquisition, il répond : " Nous autres peintres, nous prenons les mêmes libertés que les poètes et les fous. " Et il ajoute : " On m'a demandé de décorer le tableau à ma convenance, or il est grand et peut contenir de nombreux personnages... "

Véronèse peintre officiel

Parmi les plus importants travaux de la période suivante figure la décoration de la salle du Collège au Palais ducal 1575-1577. Le long de l'axe central du plafond, Paolo dispose les trois plus grands carrés et, tout autour, la série des Vertus, de sorte qu'une lumière des plus éclatantes semble se répandre sur le rebord doré des corniches. Ainsi le Collège fournit-il toute une mythologie d'images fraîches et lumineuses qui paraissent, comme les allégories peintes à la même époque pour l'empereur Rodolphe II 1576-1584, caractériser le triomphe du Siècle d'or de l'art et de la vie de Venise.
Il est indubitable que Véronèse atteint sa période la plus heureuse avec ces peintures, qui ont pour trait fondamental d'être en quelque sorte chantantes, mélodieuses et d'obéir à la recherche la plus mesurée de formes idéales. On peut citer, parmi ces allégories, Venise entre Hercule et Cérès de l'Académie de Venise, Hercule et l'Inspiration et Le Poète entre le Vice et la Vertu de la collection Frick à New York, ainsi que Mars et Vénus du Metropolitan Museum.
Les œuvres de la dernière décennie sont caractérisées par une certaine mélancolie et par une atténuation de la couleur solaire qui marquait la période moyenne de la carrière de l'artiste. On a l'impression que celui-ci, au contact de la lumière de Bassano, tend à se rapprocher de quelque façon d'une représentation plus naturaliste. Souvent apparaît un éclairage crépusculaire ou nocturne, d'une tonalité plus diffuse et affaiblie, comme dans l'angoissante atmosphère vert soufre de la Lucrèce de Vienne ; ou encore se manifeste une intention plus pathétique, comme dans le phosphorescent Miracle de Saint Pantaléon dans l'église San Pantalon à Venise. Peut-être est-ce là le signe d'un début de fatigue, mais le langage figuratif garde ses caractéristiques formelles dans la netteté du jeu de la couleur, qui est le jeu d'un artiste libre et d'un précurseur. Terisio Pignatti

La dernière période

Entre 1575 et 1577, Véronèse réalise, au palais des Doges, le Triomphe de Venise pour la salle du Grand Conseil et les Allégories de la Vertu pour la salle du Collège qui comptent parmi ses grands chefs-d’œuvre.
À partir de 1575, Véronèse s'intéresse davantage aux paysages, il abandonne progressivement les grandes compositions et porte plus d'intérêt aux petits formats où il s'exprimera d'une manière très lyrique. C’est de cette époque que datent les scènes mythologiques comme L’Enlèvement d'Europe et La Mort de Procris.
Il envisagea pourtant de concourir pour l'exécution d'une représentation du Paradis au palais des Doges. Ce concours eut ieu entre 1578 et 1582. Les artistes vénitiens les plus importants participèrent dont le Tintoret et Palma le jeune. Véronèse fut déclaré lauréat avec Francesco Bassano, et il lui fut confié l'exécution du groupe central. Il ne réalisa pas ce projet, mais on peut voir à Lille une esquisse qu'il avait préparée pour ce concours. Un nouveau concours fut organisé à la mort de Véronèse et c'est Jacopo Tintoretto qui réalisa le travail avec son fils.

Il meurt d’une pneumonie en 1588 à l'âge de 60 ans et est enterré dans l'église de San Sebastiano dont il a peint un grand nombre de fresques.

Après son décès, son frère Benedetto Caliari et deux de ses fils, Carlo et Gabriele qui hérite de l'atelier de Véronèse, achèvent certaines peintures que le maître n'avait pas finies sous le nom des Haeredes Pauli. Gabriele sera le dernier survivant de cet atelier et continue à peindre au moins jusqu'en 16035.

Son œuvre

Véronèse suivit le courant baroque, dans une aspiration au maniérisme.
Son œuvre comporte de nombreuses fresques d'inspiration religieuse mais également des tableaux profanes, essentiellement mythologiques ou allégoriques. Il met souvent en scène des tableaux monumentaux.
Il utilise des couleurs accentuées, il représente des scènes très détaillées, des personnages nettement dégagés des fonds, avec de forts contrastes, des architectures théâtrales et rythmées. Sa palette claire, ses ombres colorées, son univers poétique, la grâce sensuelle de ses personnages et son sens du décor en font un maître incontournable de la peinture du XVIe siècle.
Ses plus fameuses peintures murales demeurent celles décorant la villa Barbaro, à Maser Vénétie, ensemble illusionniste prenant place dans une architecture conçue par Andrea Palladio.
Il est également célèbre pour sa série de portraits aux visages éblouissants de naturel. Le maître s'intéresse surtout aux visages.

À sa mort, en 1588, Véronèse ne laisse pas d’école, mais son œuvre va influencer toute la peinture postérieure et de nombreux artistes comme Vélasquez ou Rubens puis, au XIXe siècle, les coloristes européens dont Delacroix et Cézanne.

Les noces de Cana

Cette immense composition a été commandée à Véronèse pour le réfectoire du couvent des bénédictins de San Giorgio Maggiore à Venise. Véronèse est âgé alors de 43 ans et c'est le peintre le plus fêté de la Sérénissime.
Il s'est agi de mettre en scène le premier miracle de Jésus, le changement d'eau en vin lors d'un banquet de noces. Véronèse mêle intimement le sacré et le profane, ne sacrifiant cependant point l'un à l'autre. La somptueuse architecture n'est autre qu'un hommage à un ami du peintre, Andrea Palladio, l'architecte de l'ensemble conventuel de San Giorgio Maggiore et du réfectoire en particulier, aux proportions admirables. Quant aux personnages – 132 figures en tout –, sauf Jésus et Marie, ils sont les contemporains du peintre, avec leurs vêtements somptueux et leurs riches joyaux. Une double légende voulait que cette noble assemblée – sorte de banquet idéal – présentât les traits de plusieurs souverains de l'époque. De même, le quatuor de musiciens au premier plan était censé représenter quatre célèbres peintres : le vieux Titien, Tintoret, Jacopo Bassano et Véronèse lui-même. Mais aucune preuve formelle ne vient étayer ces interprétations. Avec une virtuosité raffinée, Véronèse a su animer cette foule sans offrir un schéma confus, en variant les attitudes et en jouant sur d'harmonieux rapports de couleurs. Toute monotonie est ainsi évitée, sans toutefois empêcher une compréhension adéquate du sujet.
Une telle peinture, dont il ne faut pas sous-estimer la dimension religieuse, est en fait une des œuvres emblématiques par lesquelles Venise célèbre sa propre gloire, une gloire politique, une prospérité économique dont les fêtes sont les échos éclatants, elles-mêmes matérialisées par le pinceau du maître. Véronèse apparaît ici non seulement en tant que peintre, mais aussi en tant que témoin lucide d'une civilisation à son plus haut niveau d'incandescence.
La plus grande toile jamais peinte par Véronèse est entrée au Louvre comme prise de guerre, en 1798. Lorsque, après la chute de Napoléon, la France dut restituer ses prises de guerre artistiques, un échange fut négocié et ce fut le Repas chez Lévi 1573 qui regagna l'Italie. De 1989 à 1992, les Noces de Cana ont connu une restauration exemplaire qui a permis de mieux percevoir ce chef-d'œuvre du Cinquecento – ainsi le manteau rouge de l'intendant du festin, à gauche, débarrassé des repeints, est redevenu vert – et de mieux comprendre son élaboration et les liens qui l'unissent à la civilisation vénitienne de la haute Renaissance.


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#376 Canaletto
Loriane Posté le : 17/04/2015 20:04
Le 19 avril 1768 meurt Giovanni Antonio Canal Venise

à 70 ans, à Venise, né le 18 octobre 1697 à Venise peintre vénitien plus connu sous le nom de Canaletto, il est célèbre pour ses panoramas vedute de Venise. Il a pour élèves Bernardo Bellotto, Francesco Guardi dans le mouvement artistique Védutisme, son mécène est Joseph Smith
Il est influencé parMarco Ricci et Luca Carlevarijs
Il est l'un des représentants les plus importants, avec Bernardo Bellotto et Francesco Guardi, du «védutisme ou peinture de paysages urbains italien.
Ses peintures marient la rigueur géométrique de la perspective avec une représentation lumineuse du jeu des ombres et lumières, alliant l'ordonnancement des bâtiments avec le grouillement de la vie sur les eaux du grand canal ou la représentation commémorative des évènements solennels et fastueux. Ces représentations résultent à la fois d'une observation attentive de l'atmosphère, du choix de conditions précises de lumière pour chaque moment particulier de la journée et d'un dessin objectif selon les principes de la géométrie.

En bref

Antonio Canal dit Canaletto est un peintre d'Udine, Luca Carlevarijs, et un Hollandais, Gaspar van Wittel, qui furent à Venise, au début du XVIIIe siècle, les initiateurs de la peinture de vedute dont Canaletto allait devenir le plus brillant représentant.
Celui-ci avait commencé par travailler avec son père comme décorateur de théâtre. Il avait pu s'exercer ainsi à la mise en place harmonieuse des architectures en perspective dont il jouera plus tard en virtuose. Mais l'étape décisive de sa formation est, en 1719, un premier séjour à Rome, qui lui fait connaître l'œuvre de Pannini et l'oriente, définitivement et exclusivement, vers une carrière de védutiste. Revenu à Venise en 1720, il a très vite des amateurs assidus, surtout parmi les étrangers, grâce à Joseph Smith, collectionneur, marchand de tableaux et consul d'Angleterre. Joseph Smith commande à Canaletto d'innombrables vedute de Venise qu'il exporte vers son pays natal ou vend sur place aux touristes, heureux d'emporter comme souvenir de leur voyage ces images ensoleillées de La Place Saint-Marc, de La Giudecca, ou des Régates sur le Grand Canal. Le génie de Canaletto réside dans sa maîtrise à donner, à partir de relevés très précis, presque topographiques, une vision poétique du paysage urbain. La transparence des ciels, les modulations colorées des architectures et leurs reflets dans l'eau sont rendus avec une finesse qui restitue au spectateur le charme de Venise et où s'exprime la sensibilité d'un grand peintre.
En 1746, Joseph Smith envoie Canaletto à Londres où il séjourne quatre ans. Il y subit l'influence de la manière hollandaise, par l'intermédiaire de Jan van der Heyden, et incline vers un style plus artificiel. Mais les admirables eaux-fortes qu'il grave à cette époque gardent tout le pouvoir d'évocation de ses meilleures peintures. De retour à Venise, Canaletto exécute de nombreuses vues de la ville dont les personnages sont dus souvent à la collaboration de Guardi ou d'autres maîtres de l'époque.
Le succès international que connut Canaletto lui valut de nombreux imitateurs. Le plus doué d'entre eux fut son propre neveu, Bernardo Bellotto, qui répandit la formule du paysage urbain dans toutes les cours d'Europe. Marie-Geneviève de La Coste-Messelière

Sa vie

Giovanni Antonio Canal naît dans la paroisse de San Lio, près du Rialto. Il est fils d'un artiste vénitien, Bernardo Canal, peintre de scénographies et de décors de théâtre qui bénéficie d'une évidente autorité et d'une certaine aisance. Il existe bien à Venise une famille da Canal inscrite sur la Liste de familles nobles de Venise, mais sans lien avec Giovanni Antonio.
C'est dans l'atelier du père que Canaletto apprend la peinture. Dès 1716 il aide son père, avec son frère Cristoforo, à peindre les décors pour deux œuvres de Vivaldi et Fortunato Chelleri, représentés aux théâtres Sant'Angelo et San Cassiano à Venise.
En 1720, le jeune Giovanni est à Rome avec son père Bernardo pour réaliser les décors de deux drames théâtraux d'Alessandro Scarlatti, Tito Sempronio Gracco et Turno Aricino, que l'on joue au carnaval au Teatro Capriciana. Le livret mentionne que les décors sont réalisés par Bernardo Canal et son fils Antonio. Le voyage à Rome est décisif pour Giovanni Antonio Canal. C'est là qu'il a les premiers contacts avec les peintres du védutisme. Trois importants artistes qui excellent dans le genre des vedute constituent des références : le premier est Viviano Codazzi 1604 – 1670, qu'Antonio n'a pu connaître de son vivant, le seconde est Giovanni Paolo Panini et le troisième est le hollandais Caspar van Wittel appelé ultérieurement Gaspare Vanvitelli, considéré comme l'un des pères du vedutismo.
Les premières œuvres qui sont attribuées à Canaletto remontent aux années du séjour à Rome, même si pour certaines la paternité n'est pas encore assurée : ce sont Sainte Marie d'Aracœli et le Capitole et Temple d'Antonin et Faustine. Ces œuvres montrent un Giovanni Antonio Canal qui commence à s'affirmer, notamment dans le rendu impeccable de la perspective.

Les premières commandes

Revenu à Venise en 1720, Canaletto s'inscrit à la guilde la fraglia dei pittori veniziani des peintres. Il décide d'abandonner le décor de théâtre. Canaletto imite les vedutisti vénitiens qui sont ses précurseurs, et notamment Luca Carlevarijs et Marco Ricci, et commence à se consacrer à temps plein à la peinture de vues de la ville. Carlevarijs avait créé un marché propice, par ses propres tableaux de vues et de commémoration d'évènements solennels ; il avait d'ailleurs publié, dès 1703, un recueil de 103 eaux-fortes intitulé Le Fabriche e vedute di Venezia Monuments et vues de Venise, où il innove en proposant des vedute conçues en perspective.
Les premiers clients de Canaletto sont soit vénitiens, comme Zaccaria Sagredo 1653 - 1729, collectionneur de peintures, dessins et livres, neveu du doge Nicolò Sagredo, et les frères Giovanelli, qui commandent deux Caprices exécutés en 1723, soit d'origine germanique, comme Johann Joseph von Wallenstein 1684-1731. Ses premières commandes de vues de Venise sont quatre vedute peintes en 1723. Elles ont peut-être été commandées par le prince Joseph Wenzel Ier de Liechtenstein 1696-1772, soit directement, soit par l'intermédiaire de son ami Antonio Maria Zanetti l'Ancien. Ce sont le Grand Canal vers Rialto, peinture qui joue sur le contraste entre ombre et lumière, Bassin de San Marco depuis Giudecca, une Place Saint-Marc, vue de l'est qui est une des premières représentations de la Place Saint-Marc qui sera ensuite un des sujets préférés du Canaletto, et le Rio dei Mendicanti, œuvre représentant un quartier populaire.
Cette œuvre n'est pas dans la même lignée que les autres, dans la mesure où elle montre un côté plus sombre et délabré de la ville. D'ailleurs, aucun client ne lui demandera de revenir sur cette scène. Deux de ces tableaux sont conservés dans la collection de Mario Crespi à Milan et les deux autres à la Fondation Thyssen-Bornemisza, à Castagnola, un quartier de Lugano, en Suisse.
Il reçoit par ailleurs des commandes de diplomates et de résidents étrangers, tels le comte Jacques-Vincent Languet de Gergy, compte de Gergy 1667-1734. La première de ces compositions à caractère solennel et commémoratif est la Réception de l'ambassadeur français au palais ducal maintenant conservée au musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg et qui remonte à 1727, et Giambattista Colloredo-Waldsee 1656-1729, ambassadeur impérial à Venise de 1715 à 1726, hérités de Carlevarijs. D'ailleurs, Canaletto peint également l'entrée solennelle de l'ambassadeur impérial au palais des doges. Elle fait partie d'une longue série d’œuvres qui décrivent les fêtes de la République de Venise et reflètent la splendeur des célébrations de la Sérénissime.
Un des premiers tableaux vendus par Canaletto est intitulé SS. Giovanni e Paolo e la Scuola di S. Marco. Ce tableau a été présenté, selon l'agent de Stefano Conti8, lors de l'exposition annuelle de la Scuola di S. Rocco. Cette exposition est connue par un autre tableau de Canaletto, la Fête de la Saint-Roch, conservé à la National Gallery de Londres, et qui montre la procession annuelle du doge et de sa suite à l'église Saint-Roch, pour remercier le saint d'avoir sauvé la ville de la peste. Le tableau montre la procession passant devant l'exposition de tableaux qui a lieu à l'extérieur de l'école. On y voit un tableau ressemblant à ce que pourrait être une vue. Après la cérémonie, tout le monde allait visiter la scuola. Il est probable que Canaletto ait présenté le tableau de saint Jean et Paul, et que le tableau ait été acheté par l'ambassadeur impérial à cette occasion.
Sa technique et son adresse font en peu de temps des progrès considérables. Jusqu'en 1726 les tableaux, sont presque tous de grande dimensions un mètre et demi à deux mètres de large, plus de deux fois la taille des tableaux ultérieurs; ils sont peints sur un fond sombre pour ne pas laisser deviner la trame de la toile derrière sa peinture. Canaletto devient rapidement un des peintres les plus renommés de Venise et, au cours de la deuxième moitié des années 1720, les commandes affluent.
L'un de ses premiers commanditaires importants est le marchant Stefano Conti qui passe par l'entremise du peintre Alessandro Marchesini et commande à Canaletto quatre œuvres, parmi lesquelles une vue de Campo SS. Giovanni e Paolo. Alessandro Marchesini, peintre originaire de Vérone, installé à Venise aux environs de 1700, se découvre alors une vocation de négociant. Il agit pour le compte du collectionneur Stefano Conti. Celui-ci, après avoir constitué une collection d’œuvres, principalement de tableaux, vers 1705-1706, qu'il complète par des achats ponctuels ultérieurement, s'adresse à Marchesini à nouveau en 1725 pour d'autres tableaux. Quatre tableaux sont commandés, en deux temps, à Canaletto, et livrés en 1725 et 1726. Conti demande et obtient, pour chacun de ces tableaux, une description détaillée par l'artiste ce qui permet de savoir exactement de quels tableaux il s'agit. Ces tableaux étaient encore dans la collection Pillow dans les années 1950, maintenant dans la Pinacoteca Giovanni e Marella Agnelli qui contient en tout six Canalettos.
Alessandro Marchesini échange une ample correspondance avec Stefano Conti au sujet des tableaux, depuis le projet jusqu'à leur achèvement. Chaque semaine, il fait à Conti un compte-rendu écrit. Il semble avoir harcelé Canaletto pour faire avancer l'achèvement des tableaux, et aussi semble avoir tenté de se justifier auprès de Conti pour les retards constatés. C'est à ce propos qu'il affirme que la confection des tableaux prend plus longtemps parce que Canaletto les peint à l'extérieur, ce qui prendrait plus de temps. Links considère que Canaletto, comme tous les peintres de son époque, peignait en atelier; ce n'est qu'au XIXe siècle que l'on peint à l'extérieur. En revanche, Canaletto a certainement fait des repérages et esquisses, avec ou sans camera obscura. Marchesini se plaint aussi de l'âpreté de Canaletto dans les négociations sur les prix, mais là aussi, c'est de bonne guerre pour à la fois justifier le prix élevé que Conti devra payer, et pour montrer que sans son entremise, le prix aurait été encore bien plus élevé. Ces documents accréditent l'opinion que Canaletto est irascible, âpre au gain, ne tient pas ses délais, toutes affirmations à prendre avec prudence, car elles servent autant à valoriser le rôle de l'intermédiaire. On trouve les mêmes reproches faits par McSwiney, le premier des intermédiaires anglais.
Un autre client important de cette période est le Feldmarschall Johann Matthias von der Schulenburg, qui était en service à la République de Venise et en réforma l'armée. Passionné d'art, il constitue dans sa résidence de Ca' Loredan sur les bords du Grand Canal une importante collection d’œuvres d'artistes comme Raphaël, Le Corrège, Giorgione, Jules Romain. Schulenburg commande à Giovanni Antonio Canal notamment une vue de Corfou, pour célébrer la victoire obtenue par l'Allemand dans l'île grecque contre les Ottomans, et une Riva degli Schiavoni aujourd'hui conservée au Sir John Soane's Museum de Londres.

La rencontre avec Joseph Smith

Ayant acquis une réputation certaine, le Canaletto commence à être remarqué par des amateurs anglais : durant le xviiie siècle, Venise était très fréquentée par les jeunes gens de l'aristocratie britannique qui accomplissaient leur Grand Tour dont la ville lagunaire était une des étapes obligées.
Canaletto a les premiers contacts avec des commanditaires anglais par l'intermédiaire de Owen McSwiny, un impresario d'opéra et marchant d'art irlandais. L'irlandais Owen McSwiney est installé à Venise après avoir quitté l'Angleterre pour cause de faillite. Il a une activité intermittente d'agent pour impresarios londonien et de négociant et de conseil auprès de la clientèle anglaise pour l'achat de tableaux. Le plus important de ses commanditaires est le compte de March, duc de Richmond en 1723. Il arrive à convaincre le duc d'un projet assez unique, qualifié d'étrange et farfelu par un contemporain : faire réaliser vingt tableaux, allégories de tombeaux commémorant les grands hommes de l'histoire anglaise récente. En outre, ces tableaux seraient d'être peints en commun par un groupe de peintres, chacun se chargeant de la partie du tableau qui lui correspond le mieux. Les peintres sont, entre autres, Canaletto pour l'architecture et les bâtiments, Giovanni Battista Cimaroli pour les paysages et Giovanni Battista Piazzetta pour les personnages. En 1726, le projet est déjà bien avancé et deux tableaux sont terminés, dont l'un représente la tombe de lord Somers, grand chancelier d'Angleterre, un autre celle de John Tillotson, archevèque de Canterbury. Le duc achète dix tableaux qu'il conserve dans sa demeure de Goodwood, dans le Sussex. En même temps, Canaletto peint des vues sur cuivre, notamment un Grand Canal, le pont du Rialto vu du nord 1727 qui sont toujours visible au château de Goodwood.
En plus des vues, le Canaletto s'adonne progressivement, vers la fin des années 1720, aux représentations dites commémoratives. Les peintures commémoratives du Canaletto sont très spectaculaires et elles offrent un témoignage tangible de la splendeur des célébrations de la sérénissime. Parmi ces peintures figure un des chefs-d’œuvre les plus célèbres de l'artiste, le Bucentaure au Môle le jour de l'Ascension , dont la première version date de 1729. Le tableau est aujourd'hui conservé au Bowes Museum, en Angleterre. L’œuvre représente ce qui était peut-être la fête la plus connue des Vénitiens, le mariage de la mer. La fête avait lieu tous les ans le jour de l'Ascension. Dans la peinture, l'artiste représente le retour du Bucentaure, le bâtiment de parade, vers le palais des Doges, avec le grand navire entouré par un cortège d'une myriade de bateaux.
Son succès chez les clients anglais est rapide. Dès novembre 1727, McSwiney pouvait écrire au duc de Richmond, à propos de deux vues vénitiennes sur cuivre, sur un total de quatre, commandées à l'artiste, qu'il avait trop d'engagements pour pouvoir les honorer dans les délais convenus, et en déplorer les prix élevés.
Le plus important des agents de Canaletto, qui est à la fois mécène, client, conseiller, et avec qui il sera en relation pendant une trentaine d'années, est Joseph Smith. Dès ses débuts à Venise, Joseph Smith réussit ses affaires, et les mène à bien durant près de soixante ans. Il est consul britannique à Venise entre 1744 et 1760. Smith est un collectionneur passionné de tableaux, eaux-fortes, dessins, monnaies, mais surtout de livres. Il constitue une bibliothèque réputée. Quant aux tableaux, il possède, en plus des Canaletto, plusieurs capricci de Carlevarijs, quinze pièces de Rosalba, des œuvres de Sébastien et de Marco Ricci, et des tableaux de Zuccarelli.
De Canaletto, Smith obtient entre 1726 et 1727 six tableaux qu'il garde dans sa collection pendant près de quarante ans. Pour chacun d'eux, Canaletto réalise un dessin préalable, grâce auquel on peut suivre l'évolution entre le projet et sa réalisation. Ces six premiers tableaux sont des vues de la place Saint-Marc, et de la Piazetta. Canaletto réalise pour lui des œuvres comme la Régate sur le Grand Canal et un impressionnant Intérieur de Saint-Marc la nuit, une des rares peintures de nuit dans la production de l'artiste. Ce sont deux représentations commémoratives, réalisées au début des années 1730 et aujourd'hui conservées dans les collections royales d'Angleterre
Le lien avec Smith et le contact avec le monde anglo-saxon du Grand Tour sont décisifs pour Canaletto. La technique précise qu'il élabore à la fin des années 1720 — afin de se conformer au rationalisme éclairé des Anglais — est diamétralement opposée à celle de ses débuts : les toiles sont plus plus petites, et contiennent des architectures d'une perfection stupéfiante où des coups de pinceaux maîtrisés définissent les détails et les points lumineux.
Smith, après avoir été client, joue pour le Canaletto le rôle de mécène intéressé et d'intermédiaire avec la riche clientèle anglaise. En 1735 il fait paraître le Prospectus Magni Canalis Venetiarum, Description du Grand Canal de Venise. Le prospectus, dont le nom complet est Prospectus Magni Canalis Venetiarum, addito Certamino Nautico et Nundinis Venetis: Omnia sunt Expressa ex Tabulis XIV. Pictis ab Antonio Canale, in Aedibus Josephi Smith Angli, Delineante atque Incidente, Antonio Visentini, Anno MDCCXXV contient quatorze gravures, les douze premières sont des vues du Grand Canal, dans l'ordre où on peut les observer en descendant le canal, puis en tournant autour de la Salute, puis en revenant vers le Rialto : exactement ce que verrait un touriste qui fait le tour de Venise. Les deux dernières, en quelque sorte rajoutées, exaltent les festivités que peut offrir Venise, la fête du Bucentaure, et une Régates sur le Grand Canal. Les deux derniers tableaux sont plus récents autour de 1732. Le prospectus qui - selon les dires de Smith - est tiré en un nombre restreint d'exemplaires, doit remplir plusieurs fonctions : C'est d'abord, par son contenu et par sa taille, il mesure environ 40 × 60 cm, un livre agréable à lire, par son propre mérite artistique, car Antonio Visentini, le graveur, est un artiste de grande valeur. C'est ensuite un catalogue qui invite les personnes intéressées par le travail de Canaletto à aller voir les originaux in Aedibus Josephi Smith Angli, dans la demeure de l'Anglais Joseph Smith, et d'en commander éventuellement des semblables. Ce but semble avoir été atteint. C'est de plus un argument de fierté pour Smith de pouvoir montrer ses possessions à ses interlocuteurs anglais.
L'activité de négociant de Joseph Smith atteint son comble pendant la deuxième moitié des années 1730. D'importantes personnes de la noblesse britannique, comme le comte de Fitzwilliam, le duc de Bedford John Russell, le duc de Leeds Thomas Osborne et le comte de Carlisle Charles Howard commandent des tableaux du Canaletto. À cette période remontent d'importantes œuvres comme Le Doge à la fête de Saint-Roch, encore une œuvre au caractère commémoratif, conservée à la National Gallery de Londres et une autre vue de la place Saint-Marc, conservée à Cambridge aux États-Unis. D'autres œuvres exécutées pour les clients anglais sont Quai des Schiavoni vers l'est , réalisée vers 1738-1440 et conservée maintenant dans les musées du château des Sforza de Milan, une vue de Place Saint-Marc vers le sud-est conservée à Washington et une vue de l'angle nord-est conservée à Ottawa.
La comparaison avec la vue du prince du Liechtenstein de 1723 avec la vue du Fogg Art Museum permet d'observer l'évolution de Canaletto en une dizaine d'années. La différence entre les deux tableaux est saisissante. Autant le premier tableau est réaliste, un peu sombre, avec un ciel menaçant, et représente la place telle que l'on pouvait la voir probablement, autant le deuxième est plus clair, plus net, avec un ciel plus lumineux, idéalisé, bref tel qu'un touriste anglais aimerait voir la place : le dallage est parfait, savamment décoré de dalles claires et sombres et mis en perspective. Les stores aux fenêtres, à gauche, sont neufs et uniformément baissés à moitié, alors que sur le premier, ils sont déchirés et pendent de travers. Il n'y a presque plus de linge qui sèche, ce pourraient être des draps qu'on met à éventer. Les personnes sont propres, droits, dignes, oisifs, peu de personnel de service, les parasols des stands des marchands devant la cathédrale soigneusement ouverts et alignés. Tout cela fait partie des signes d'un tableau qualifié d'iconique par Links 2005.
Durant la période de 1730 à 1740, bien plus de cinquante tableaux ont été vendus, au duc de Bedford, à sir Harvey, au duc de Buckingham. Certaines de ces collections de tableaux ont été dispersées par la suite, d'autres, et notamment celle de Smith lui-même, sont conservées. La Royal Collection qui conserve les œuvres rachetés à Smith, compte à elle seule 85 œuvres, moitié peintures et moitié dessins. C'est cette période qui est la plus productive, et c'est à ce moment-là que les tableaux de Venise qui l'ont rendu célèbre ont été, pour la plupart, exécutés. Canaletto peint la lumière, la vie et les bâtiments avec une sensibilité et une luminosité inconnue avant lui.
Les tableaux vendus en Angleterre sans l'intermédiaire des Smith sont plutôt rares. On connaît des achats directs par Samuel Hill, Hugh Howard, John Conduitt. Mais la filière principale passe par John Smith, frère de Joseph Smith résidant à Londres. Il reçoit la commande, règle les avances, s'occupe du transport, et se porte garant de l'authenticité et de la qualité de l’œuvre. Le comte Carlisle, qui n'est pas passé par Smith, avait 17 tableaux de Canaletto dans son château de Howard avant le sinistre de 1940, mais ils étaient de qualité inégale.
Au début des années 1740, le marché du Canaletto se réduit considérablement à cause de la guerre de Succession d'Autriche 1740 -1748. Venise et l'Angleterre sont dans des camps opposés, et la guerre entraîne une forte diminution des visiteurs britanniques à Venise. En 1742, Smith fait paraître une deuxième édition du prospectus qui contient, en plus de la série originale, vingt-quatre autres gravures, composées de deux séries. Une première série décrit une nouvelle descente du Grand Canal suivie d'une remontée. La deuxième série est composée de Campi, églises est scuoli, suivie d'une vue de la place Saint-Marc.
Si Smith ne réussit plus à garantir à Canaletto un nombre satisfaisant de clients, c'est peut-être aussi parce que les plus importants commanditaires anglais avaient maintenant tous déjà acheté de ses œuvres. La situation personnelle de Canaletto est un peu compliquée : en 1744, son père meurt. Canaletto n'est pas riche. La mère de Canaletto possède bien deux maisons près de San Lio, mais apparemment elles ne rapportent rien. On pense que Canaletto a son atelier est situé à cet endroit. Il ne dispose pas d'autre bien. Il a deux sœurs qui sont peut-être à sa charge. L'absence de commandes invite Canaletto à voyager, avec son neveu Bernardo Bellotto, dans la péninsule de Padoue. Il fait de nombreuses esquisses et dessins. La production - apparemment réduite - pendant les années 1741-1744 donne une idée de la rapidité de travail19 : en plus des eaux-fortes, on compte chez Smith cinq vues romaines, cinq vues vénitiennes et treize dessus de porte. Les dessins comprennent les vues de la région de Padoue, et une douzaine de vues de Rome. Il peint aussi, pour d'autres clients, des vues romaines et de capricci. Même s'il est apparemment peu actif, il est sans arrêt au travail. Le style de Michele Marieschi, à la mode, influe sur les dernières vues de Canaletto qui deviennent plus grises, et dont la perspective est accentuée. Les traits sont durcis et ont perdu leur vie
La dernière commande vénitienne de Canaletto avant son départ est le dessin du campanile sur la place Saint-Marc, frappé par la foudre le 23 avril 1745.

La période anglaise

Canaletto part pour Londres en 1746, âgé de 49 ans. De nombreux peintres italiens avant lui avaient fait des séjours en Angleterre, attirés par les possibilités offertes ; parmi eux, les Riccis, Pellegrini, Amigoni, Bellucci. George Vertue, antiquaire, graveur, et chroniqueur, note dans un de ses carnets :
la fin mai 1746 arrive à Londres, en provenance de Venise, le célèbre peintre de vues Canaletti de Venise, la multitude de ses œuvres faites à l'étranger pour de nobles anglais et gentilshommes lui a procuré une grande réputation & par ses excellents talents et l'excellence dans ce domaine, il est tenu en grand estime et sans doute ses vues et les œuvres qu'il réalisera ici donneront la même satisfaction - bien que beaucoup de personnes possèdent déjà beaucoup de ses tableaux.
Pour préparer son arrivée à Londres, Joseph Smith écrit à McSwiney. Celui-ci entre en contact avec Thomas Hill, l'ancien précepteur du duc de Richmond ancien client de Canaletto, notamment pour la série d'allégories de tombes. Le contact aboutira, en 1747, à la célébrissime La Tamise et la City de Londres vue Richmond House et son pendant Whitehall et Privy Garden vue de Richmond House. Le tableau a inspiré la phrase Canaletto voit Londres avec les yeux d'un Vénitien.
Mais le grand évènement à Londres à cette époque est la construction du pont de Westminster, qui est le deuxième pont sur la Tamise et dont le projet est en gestation depuis près d'un siècle. Les sponsors du nouveau pont sont le duc de Bedford, le duc de Richmond, et sir Hugh Smithson, futur duc de Northumberland. Les deux premiers sont déjà d'anciens clients de Canaletto, et le troisième devient un nouveau important client et mécène. Le pont de Westminster est donc un sujet peint plusieurs fois. En 1746, il le peint une première fois, le jour de l'entrée en fonction du lord-maire le 20 octobre 1946. Il a anticipé le pont terminé, décoré de deux statues sur l'arche centrale, alors que la forme finale du pont, des années plus tard, ne comporte plus ces statues.
Le construction du pont, dont la première pierre est posée en en 1739, dure douze ans. La fameuse toile Londres vue à travers une arche du pont de Westminster de 1746-1747 montre l'échafaudage qui maintient l'arche en construction, avec un seau qui y est accroché. C'est le premier tableau peint pour sir Hugh. En 1747, l'une des arches du pont s'affaisse et, en 1749, Canaletto retient les travaux de réfection dans un dessin.
Canaletto ne manque pas d'admirateurs, et de mécènes, à Londres ou dans les maisons de campagnes où il séjourne. Dans sa nouvelle clientèle figure le prince de Bohême Johann Georg Christian von Lobkowitz et l'Anglais Hugh Percy, futur 2nd duc de Northumberland. Canaletto réussit rapidement à obtenir des commandes variées de toute l'aristocratie anglaise. Canaletto est invité à la campagne, pour peindre les résidences et châteaux de ses commanditaires. Il quitte Londres, et retrouve dans la campagne la lumière qui est familière de ses tableaux. Il peint en 1747 le château de Windsor. Il peint de nombreuses vues de parcs et de bâtiments londoniens. Canaletto, habitué à peindre les vues urbaines d'une Venise riche de bâtiments et pleine de personnages affairés, commence à représenter des paysages calmes et dépourvus de constructions complexes. Des exemples en sont des peintures comme Le Château de Warwick, réalisé pour Francis Greville, futur duc de Warwick, et quelques vues de la Tamise dans lesquelles il peut utiliser les techniques dont il se servait pour représenter les canaux et les bassins de Venise. Une peinture commémorative représente l'abbaye de Westminster avec la procession des cavaliers de l'ordre du Bain : elle s'apparente, dans la conception et l'exécution, aux peintures des fêtes luxueuses de la République de Venise
Canaletto interrompt son séjour en Angleterre au moins une fois. Il est à Venise entre septembre 1750 et mai 1751. Peut-être veut-il rentrer parce que les commandes diminuent et la situation à Venise s'améliore. Il achète une propriété sur le Zattere qui à sa mort, constitue pratiquement son seul bien. Pendant qu'il séjourne à Venise, Smith publie une troisième édition du prospectus. Probablement aussi pendant ce séjour, il peint une paire de tableaux, Londres vu de la terrasse de Somerset House. Il est à Venise peut-être aussi en 1753.
Au retour de Venise, en 1752, Canaletto compte deux clients fidèles : lord Brooke qui devient en 1759 comte de Warwick et le nouveau comte de Northumberland. Le premier lui commande une vue du château de Warwick, le deuxième le tableau d'Alnwick Castle, de Northumberland House et d'autres. La Intérieur de la rotonde de Ranelagh un lieu de divertissement est un de six tableaux commandés à Canaletto à la fin de son séjour, vers 1754. Une importante commande de six tableaux émane de Thomas Hollis, un riche excentrique Il fait un choix assez éclectique : La Rotonde de Ranelagh un lieu de divertissement, le Vieux Pont de Walton, un capriccio à partir de bâtiments qui entourent Whitehall.

De retour à Venise

Après un séjour de près de dix ans en Angleterre, Canaletto revient dans sa ville natale en 1755 ou 1756 et ne se déplacera plus.
En 1755, Canaletto peint l'intérieur de Saint-Marc. Il a comme dernier client important Sigmund Streit, un Allemand ayant réussi en affaire, et retraité à Venise depuis 1750. Il commande six tableaux à Canaletto, parmi lesquels un Grand Canal et un Campo de Rialto en 1756. Le style de ces tableaux se rapproche tant des compositions antérieures que l'on peut difficilement penser qu'ils datent d'une époque tardive, mais certains des bâtiments, et notamment le nouveau palais de Smith, sont de cette date.
Il peint également deux peintures de nuit Veillée nocturne à San Pietro di Castello et Veillée nocturne au bord de Santa Marta , toutes deux conservées à la Gemäldegalerie de Berlin, et dont on peut situer la réalisation entre 1758 et 1763. Ils figurent parmi les rares tableaux de nuit de Giovanni Antonio Canal, et ils représentent les moments marquants de deux importantes célébrations : les gens joyeux sur les bateaux et sur les bords ne sont éclairés que par la lumière diffuse de la lune.
Dans un livre sur la famille Crewe écrit par un révérend Hinchliffe, on peut lire ceci :
" En 1760, John Crewe et Hinchliffe rencontrent une personne faisant un croquis du campanile sur la place Saint-Marc, et Hinchliffe se permit de regarder ce qu'il dessinait. Il reconnut immédiatement la main d'un maître et essaya le nom Canaletti. L'homme leva les yeux et répondit mi conosce après quoi une conversation s'ensuivit et Canaletto, ravi de trouver un expert en dessin aussi enthousiaste, invita Hinchliffe dans son atelier, où il l'accueillit le jour suivant et lui montra ses tableaux et ses dessins. La visite se termina le plus plaisamment du monde pour le voyageur : ayant demandé à Canaletto de lui permettre d'acheter le tableau qui allait être réalisé d'après le croquis qu'il avait vu faire sur place, non seulement Canaletto y consentit mais, de plus, lui offrit le dessin lui-même en cadeau.
En 1760, Canaletto signe aussi deux tableaux de la place Saint-Marc vers l'est vu de l'ouest, dont celui où on la voit apparaître sous une arche.
Un dernier recueil remarquable est constitué d'un ensemble d'eaux-fortes de Solennità dogali, c'est-à-dire de moments de l'activité ducale empreints d'une certaine solennité, ou de fêtes, publiés peu après 1763. Les dessins sont très élaborés, et font plus d'un demi-mètre de large. On y voit le couronnement du doge dans l'escalier des géants, présentant ses remerciements dans la grande chambre du conseil, présenté à la foule sur Saint-Marc, le départ pour les cérémonies le jour de l'Ascension dans son Bucentaure, la fête du jeudi saint dans la Piazzetta, la procession du Corpus Christi autour de la place Saint-Marc, et d'autres, comme la réception d'ambassadeurs étrangers et le banquet qui leur est offert. Il n'existe pas de tableaux de ces scènes par Canaletto, mais ses imitateurs en ont produit une multitude. Francesco Guardi réalise des tableaux à partir de la totalité des douze dessins, dont la plupart sont maintenant au Louvre. Gradenigo, dans ses Notatori, accueille la publication des six premières gravures avec enthousiasme dans son journal du 8 avril 1766. La même année, Canaletto en publie quatre de plus.
Canaletto est élu à l’Académie de Venise Accademia veneziana di pittura e scultura en 1763. Son élection se fait non sans mal. Un premier scrutin, le 16 janvier, n'a pas réuni le nombre de voix nécessaires. Le deuxième scrutin, le 11 septembre, a dû son succès à l'appui d'Antonio Visentini. Sa pièce de réception, Perspective avec un portique, est un caprice genre peut-être marginal dans sa production artistique, mais qu'il affectionne. Il n'est pas impossible que ce choix réponde à une certaine condescendance de l'académie envers le genre védustiste, considéré comme un art mineur. Pourtant, le tableau a un grand succès. Il est exposé en 1777 sur la place Saint-Marc pour honorer son auteur. Il en existe un nombre considérable de répliques.
On connaît un dernier dessin de Canaletto, datant de 1766, représentant un groupe de musiciens chantant dans l'église Saint-Marc. Il est signé et comporte la fière annotation anni 68, cenzza ochiali, anno 1766 fait à l'âge de 68 ans, sans lunettes, en l'an 1766. Depuis, on n'a plus de traces certaines de son activité : il est probable qu'il ait continué à peindre jusqu'à sa mort. Elle survient le 19 avril 1768, entouré de sa famille, après une maladie longue et douloureuse, comme le note le chroniqueur Pietro Gradenigo dans ses annales, les Notatori . Il meurt dans sa maison de la Corte della Perina qui existe toujours, et est enterré dans l'église de San Lio à Venise ; la tradition veut que sa tombe se trouve sous le pavement de la chapelle Gussoni du XVe siècle dans l'église San Lio.

Capricci et vues idéales

Les capricci, sorte de mélanges de ruines et de bâtiments anciens dans un paysage tourmenté, est un genre que Canaletto apprécie et exerce fréquemment. Les premiers dessins, du début des années 1720, et dont la paternité est encore incertaine, sont des capricci fait à Rome. En 1726, il participe aussi à la confection, pour McSwiney, des tombes imaginaires. Il y a également une série de capricci de Rome, composés de ruines et de bâtiments antiques, réalisés entre 1730 et 1735, dans la collection de Smith.
Les vues idéales sont des compositions ou recompositions architecturales qui rassemblent, en un lieu unique, des bâtiments existants ou imaginaires, assemblés selon un schéma fictif. Les bâtiments sont pris ici et là, parmi des édifices existants ou en projet. Parmi ces vues idéales, le projet palladien du pont du Rialto est peut-être la plus connue. Pendant la dernière phase de sa carrière, Canaletto approfondit le thème du caprice, déjà employé dans sa jeunesse : le très célèbre Capricio palladiano , conservé à la Galerie nationale de Parme est une œuvre marquante de ce style, réalisée entre 1756 et 1759. Elle représente la vue du quartier du Rialto selon le projet d'aménagement d'Andrea Palladio, avec le pont du Rialto et la Basilique palladienne de Vicence. L’œuvre conjugue des éléments réels, le quartier du Rialto, avec des éléments tout autant réels mais situés ailleurs la Basilique de Vicence, et des éléments imaginaires, comme le pont du Rialto selon le projet palladien. Il montre ce que serait devenu le quartier du Rialto si le projet d'Andrea Palladium avait été retenu plutôt que celui d'Antonio da Ponte.

La technique de Canaletto La Chambre noire et le Quaderno

La chambre noire ou chambre optique en latin camera obscura, est un instrument d'optique utilisé fréquemment en peinture pour obtenir une image fiable de la réalité. Le dispositif consiste en une lentille, et éventuellement d'un miroir. La scène réelle est focalisée, au moyen de la lentille, et projetée sur un plan sur lequel le peintre peut, après avoir fixé une feuille de papier, retracer les contours. Pour faciliter la vision, le plan de projection est enfermé dans un caisson qui l'abrite de la lumière extérieure, d'où l'adjectif de chambre obscure. Le croquis obtenu peut être ensuite, dans l'atelier du peintre, reporté et peint sur la toile. Canaletto est un utilisateur systématique de ce dispositif, mais il est conscient, comme il le confie à Zanetto, un contemporain, des défauts qu'elle engendre, car il n'est qu'une aide technique et ne remplace pas le talent de l'artiste.

Canaletto et la réalité

Ses vedute prennent quelques libertés avec la stricte réalité, avec des modifications de la perspective et des déformations de certains bâtiments afin d'améliorer la composition globale de ses tableaux. Canaletto, dans ses peintures, propose une interprétation du réel, plutôt que de faire preuve d'une exactitude topographique irréprochable. Les divers dessins des lieux accumulés durant la phase préparatoire sont ensuite assemblés sur la toile selon un procédé qui ne cherche pas à éviter les distorsions ou les inexactitudes fantaisistes. Sa démarche relève de l'interprétation de la réalité, il transcrit sa vision sur la toile. Dans le Bassin de Saint-Marc de Boston, exécuté depuis un point de vue surélevé qui correspond à la Pointe de la Douane, on remarque par exemple que le rendu pictural de San Giorgio Maggiore est très éloigné de la réalité. Dans la toile de Canaletto, l'église est vue de face, comme si elle était tournée vers la Pointe de la Douane, alors qu'en réalité elle est orientée vers la Piazzetta. Canaletto a assemblé plusieurs points de vue dans cette œuvre au champ visuel tellement vaste que l’œil humain ne peut l'embrasser dans sa totalité. Son objectif est de proposer la vue la plus large possible du bassin de Saint-Marc, du grenier à blé à gauche jusqu'à l'extrémité de la Guidecca à droite.
Piazzetta vers S. Maria della Salute.
Un autre exemple donné par Links sur le tableau Piazzetta vers S. Maria della Salute, décrit la liberté que prend Canaletto dans la mise en place des monuments, tout en respectant parfaitement la perspective. La colonne de S. Teodore est placé devant la Bibliothèque, mais de manière à paraître plus basse que celle-ci, alors qu'en réalité elle est aussi haute, et donne l'impression, à quiconque placé en bas, d'être plus haute. Le Ponte della Pescaria, que l'on voit derrière la Bibliothèque, a été rapproché de plusieurs pas, car le spectateur le verrait difficilement là où il est supposé se trouver. Le groupe de personnages qui entourent la base de la colonne sont conçus et peints avec une finesse exceptionnelle.
De manière encore plus tranchée, J. C. Links écrit :
" De son vivant, A. M. Zanetti et d'autres écrivains appliquaient aux œuvres de Canaletto les termes de justesse aggiustarezza et de réalité la vera dans un sens que l'on pourrait qualifier aujourd'hui de photographique. Mais tenons-nous en aux faits : pour composer une image, il se servait de points de vue, non seulement à droite et à gauche de l’original, mais plus ou moins près, ou loin, de son sujet. Il renversait les bâtiments, en ajoutait d'autres, invisibles depuis son point de vue, réorganisait à sa guise les courbes du Grand Canal, rapprochait ou éloignait l'arrière-plan comme cela l’arrangeait, changeait la vue des toits et simplifiait l'architecture. Il ouvrait une vue sur les côtés, comme les pages d'un livre, pour montrer les bâtiments sous un angle qui lui convenait. Dans la plupart de ses œuvres, Canaltto est parti du sol pour exécuter son dessin, avant d'élever le point de vue dans limage finale, souvent à tel point que le spectateur a l'impression de regarder à travers une fenêtre très haute qui n'existe pourtant pas. Il faisait usage de ces procédés de manière constante : Canaletto était le seul à savoir comment atteindre son but, créer une œuvre d'art. "
— J. G. Links, Canaletto, p. 20
Le Quaderno
Certains de ses croquis, obtenus par la chambre noire ou dessinés sur le vif, sont achevés en atelier et deviennent des dessins ou sont gravés. La collection royale du château de Windsor en possède une riche collection. À Venise est conservé le célèbre carnet de dessins, le seul connu, appelé Quaderno. C'est un petit volume, 17,5 × 23,5 cm composé de sept fascicules. Certaines pages ont été coupées avant qu'il ne soit relié au XIXe siècle ; il contient maintenant 148 pages dont 138 dessins de Venise. Il est conservé aux Gallerie dell'Accademia de Venise. Très souvent accompagnées d'inscriptions de la main de l'artiste, les dessins sont réalisés au crayon noir, crayon rouge, à la plume et à la mine de plomb, plus rarement à l'aquarelle. Les cinq fascicules centraux pourraient avoir été exécutés en 1731, date à laquelle Canaletto obtient une commande de vingt-quatre tableaux de la part de John Russel, de passage à Venise. Le premier fascicule, grâce à un détail du clocher de San Giogio Maggiore, a pu être daté d'avant 1928. Ces croquis montrent la maîtrise technique et la qualité d'observation de Canaletto.

La précision du détail

Réception de l'ambassadeur français.
Les vues sont parsemés de détails qui, s'ils se répètent d'un tableau à l'autre sous des formes variées, confèrent aux scènes une animation curieuses ou plaisante. On ne compte pas les personnages aux fenêtres, les stores mal relevés ou bancals, les personnages qui se soulagent discrètement contre un mur, les mendiants, les avocats imposants dans leurs habits rouge vif, les laquais dans leur uniformes. Ces personnages sont souvent posés, immobiles, par groupes, devisant ou regardant, sous un soleil qui éclaire la scène d'une lumière vive. Et même les détails les plus petits sont rehaussés de points lumineux blancs qui leur confère un éclat.

Ses successeurs

Michele Marieschi 1710-1743 plus qu'un successeur, est un concurrent. Il s'installe à Venise en 1735, après un séjour en Allemagne, et dans son atelier il peint, secondé par d'autres spécialisés dans certains thèmes comme les personnages, un nombre impressionnant de tableaux on en compte deux cents en quelques années, jusqu'à sa mort en janvier 174342. Lui aussi publie un recueil de gravures, le Manificentiores Selectionesque Urbis Venetiarum Prospectus, en 1741, qui contribue à sa renommée.
Bernardo Bellotto, son neveu, travaille dans l'atelier de Canaletto depuis son enfance. Il fait avec son oncle les voyages autour de Venise, le long du canal vers Padoue, aux alentours de 1742. Il contribue à la fabrication des vues de son oncle. Quand Canaletto part pour Londres, Bellotto reste à Venise jusqu'en 1747. Il est appelé à la cour du Prince-électeur Frédéric-Auguste II de Saxe, roi de Pologne sous le nom de Auguste III. D'après Links, le prince espérait attirer Canaletto lui-même, et Bellotto est son deuxième choix. Bellotto reste onze ans à la cour de Dresde, à peindre des vues des villes du royaume. Vers 1758, il part à Vienne, y reste deux ans. Après un court séjour à Munich, en 1760, il retourne à Dresde en 1761 et y reste jusqu'en 1766. Il part à Varsovie et y reste jusqu'à sa mort en 1780. Bellotto s'est aussi nommé Canaletto, ce qui peut prêter à confusion. D'ailleurs, George Vertue mentionne la présence de deux Canaletti à Londres à un moment où il considère que les travaux de Canaletto sont de qualité inégale, et suppute que cela vient de l'intervention de l'autre Canaletto. George Vertue, le chroniqueur anglais qui jamais ne manque l'occasion d'une pique, ajoute en 1749 que Bellotto fut formé par son oncle, et il progressa si vite qu'il fut bientôt surnommé "le jeune Canaletto". Mais cette renommée déplut à son oncle, qui le chassa. Rien n'atteste cette brouille.
Francesco Guardi né en 1712, entre dans l'atelier de son frère aîné Gianantonio où il rese jusqu'en 1760, mort de son frère. Les frères Guardi ont réalisé de nombreuses copies de tableaux, dont une centaine pour le maréchal de Schulenburg et d'autres pour un compte Giovanelli. À la mort de son frère, Francesco se lance en 1760 dans une carrière de védutiste. Il produit un grand nombre de tableaux et de dessins, souvent difficile à dater. En trente ans de védutiste, il réalise beaucoup plus de tableaux que Canaletto en cinquante ans. Il ne connaît pas le même succès que Canaletto durant sa vie, les Anglais étant moins intéressés. Il est néanmoins célèbre et entre à l'Académie sur le tard, en 1784, à soixante-quatorze ans.

Prix d'un Canaletto


En juillet 2007, une Vue du Grand Canal du Palazzo Balbi au Rialto, a été adjugée chez Sotheby's de Londres pour 18,6 millions de livres. L’acquéreur n'est pas connu.
Le 4 juillet 2012, un beau dessin à l'encre brune et aquarelle grise, Le Campo San Giacomo di Rialto est adjugé près de 2 millions de livres.

Critiques

Bien entendu, Canaletto n'a laissé indifférent ni ses contemporains, ni les historiens d'art. Voici quelques avis, repris parmi ceux collectés dans Puppi 1975, p. 8-14 :
"Antonio Canale qui, dans ce pays, stupéfie tous ceux qui voient ses œuvres, suit la manière de Carlevarijs; mais [dans ses tableaux] on voit luire le soleil. "
— A. Marchesini, lettre à Stefano Conti, juillet 1725
"J'espère que ces tableaux de Canaletto vous plairont quand ils seront finis; je suis peut-être un peu trop exigeant dans mon choix, car sur vingt tableaux, j'en ai rejeté dix-huit. J'en ai vu par exemple plusieurs, qui avaient été envoyés à Londres, dont je ne voudrais pas chez moi et dont je ne donnerais pas deux pistoles. En fait, l'homme est avide et insatiable; et comme il est célèbre, lesgenssont ravis de payer tout ce qu'il demande."
— O. McSwiney, lettre à John Conduitt, 27 septembre 1730
"Pour la pénétration, le goût et la vérité, seuls quelques maîtres anciens sont comparables à ce peintre de vedute dont personne n'approche de nos jours. "
— A. M. Zanetti, Descrizione di tutte la pubbliche pittura..., 1733
"...Canaletto s'est distingué dans le talent de peindre des vues, et a fait pendant longtemps des tableaux de ce genre que la finesse de la touche, la vérité qu'il y mettait, et la singularité des aspects, ont fait rechercher des étrangers, et surtout des Anglais pour lesquels il a beaucoup travaillé. Il a fait deux voyages à Londres, et il y a rempli ses poches de guinées. Il a peint dans la manière de Vanvitelli, mais je le crois supérieur."
— P.-J. Mariette, Abecedario, I (avant 1774), publié en 1851-1853
« Cet édifice [le pont du Rialto d'après le projet non réalisé de Palladio] loué à juste titre par son auteur, peint et ensoleillé par le pinceau de Canaletto, dont je me suis servi, fait un effet que je ne saurais vous dire, d'autant qu'il se reflète dans l'eau [...] Croyez bien que ne manquent à ce tableau ni les barques, ni les gondoles, traitées à la perfection par Canaletto, ni aucune autre chose susceptible de transporter le spectateur à Venise. Et je puis vous dire que même des Vénitiens ont demandé quel pouvait être ce site de la ville qu'ils n'avaient encore jamais vu. »
— F. Algarotti, Opere Raccolta di lettere..., 1765
" Canaletto n'a aucune valeur, sauf celle d'imiter habilement la lumière et les ombres les plus banales. Canaletto n'a vu que les contours et la masse des édifices tremblant dans la vibrante chaleur des étés italiens; il n'y a plus de noirs, mais des ombres colorées, translucides et scintillantes de lumière [...] Ni moi ni personne n'aurions osé dire un mot contre lui : mais c'est en fait un petit et mauvais peintre, et il continue ainsi à multiplier et à augmenter partout les erreurs..."
— J. Ruskin, Modern Painters, 1843-1860
" Canaletto graveur ne cherche pas les noirs intenses; il est le maître des gris argentés, entre lesquels s'épanche à larges flots la lumière. Partout le papier apparaît. Incurvées comme de petites vagues, les tailles semblent calpoter; elles sont mouvantes, elles reçoivent et elles répercutent le soleil, elles donnent la sensation de l'atmosphère qui ondoie autour des formes et qui nous permet de les concevoir, non comme les figures sèches des épures délimitées par des aretes, mais comme des volumes plongés dans un milieu changeant ... Mariette reproche sévèrement à Canaletto sa touche trop égale et trop délicate. Mariette est injuste."
— H. Focillon, Piranesi, 1918
"L'opinion à l'égard du travail topographique de Canaletto a beaucoup changé. Longtemps il a passé pour un peu plus qu'un photographe; la tendance actuelle serait plutôt de l'accuser de fréquentes inexactitudes. Dans la plupart de ses toiles, il s'attache avec un soin étonnant à rendre les faits dans tous leurs détails. Les nombreux dessins de diagrammes attestent ce souci, en particulier ceux du carnet de croquis de l'Accademia ... Canaletto ne s'est pas limité à la topographie. Dans l'inscription sur le frontispice de ses eaux-fortes, il fait lui-même la distinction entre vues prises sur place et vues imaginées, renforcée à l'occasion d'annotations sur ses dessins telles que vue exacte ou vue d'après nature. Avec lui, la vue idéale prend deux formes principales: la vue imaginaire proprement dite, et le caprice, ou groupe de motifs identifiables tirés de divers édifices ou lieux et disposés dans une composition."

Principales œuvres

Le livre de Constable révisé par Links (Constable 1989) donne une liste exhaustive des œuvres de Canaletto. Il catalogue 521 peintures, beaucoup d'entre elles en plusieurs versions, 332 dessins sans compter les cahiers d'esquisses Canaletto a produit aussi 34 eaux-fortes. Il n'était d'ailleurs peut-être pas le seul auteur des tableaux qu'il a produit. En témoignent les différences de qualité au sein d'une même œuvre qui pourraient être le résultat d'un travail d'atelier.
Le plus riche collection d'œuvres est la collection royale d'Angleterre qui possède, à elle seule, 54 peintures, 143 dessins et la série la plus complète d'eaux-fortes : en 1762, Joseph Smith vend sa collection des vedute au roi George III. Il en fait la base de sa collection de peintures de Canaletto dans sa propriété du château de Windsor, la Royal Collection. Il y a beaucoup de tableaux de l'artiste dans autres collections britanniques, parmi lesquelles la Wallace Collection de Londres, et il y a un ensemble de vingt-quatre peintures dans la salle à manger de l'abbaye de Woburn, dans le Bedfordshire.

Débuts 1723 - 1727

Le Grand Canal vers Rialto, vers 1723, 144 × 207 cm; Venise, Ca' Rezzonico.
Bassin de San Marco depuis Giudecca, vers 1723, 141 × 154 cm; Cardiff, National Museum.
Place San Marco vers la Basilica, 1723, 141 × 204 cm; Madrid, musée Thyssen-Bornemisza.
Rio des Mendicanti, 1723, 143 × 200 cm; Venise, Ca' Rezzonico.
Le Palais des doges, 1725, 65 × 86 cm; Columbus, Columbus Museum of Art.
San Giovanni dei Battuti à Murano, vers 1725, 66 × 127 cm; Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage.
San Cristoforo, San Michele et Murano depuis Fondamenta Nuove, vers 1725, 66 × 127 cm; Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage.
Le Grand Canal vu du nord-est vers le pont du Rialto, vers 1725, 146 × 234 cm; Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister.
Campo Santi Giovanni e Paolo e Scuola Grande du San Marco, vers 1725, 125 × 165 cm; Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister.
San Giacomo du Rialto, 1725-26, 95 × 117 cm; Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister.
La Pointe de la douane, 1726-28, 46 × 62 cm; Vienne, Kunsthistorisches Museum.
Riva degli Schiavoni depuis l'ouest, 1726-28, 46 × 62 cm; Vienne, Kunsthistorisches Museum.

Maturité 1730 - 1742

Le Bucentaure au Môle le jour de l'Ascension, 1729, 53 × 70 cm; Barnard Castle, Bowes Museum.
Arrivée de l'ambassadeur de France à Venise, vers 1730, 181 × 260 cm; Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage.
Riva degli schiavoni vers l'est, 1730, 58 × 101 cm; Collection privée.
Le Grand Canal et l'église de Santa Maria della Salute, 1730, 49 × 72 cm; Houston, musée des beaux-arts.
Place San Marco, vers 1730, 68 × 112 cm; New York, Metropolitan Museum.
Le Fonteghetto della Farina, vers 1730, 66 × 112 cm; collection privée.
Le Grand Canal, vers 1730, 61 × 90 cm, Bergame, Académie Carrara.
Le Bassin de San Marco vers l'est, vers 1738, 125 × 204 cm, Boston, musée des beaux-arts.
La Riva degli Schiavoni, 1730-31, 46 × 63 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum.
Le Grand Canal de Santa Maria della Carità au Bassin de San Marco, 1730-33, 48 × 80 cm; château de Windsor, Royal Collection.
Régate sur le Grand Canal, vers 1732, 77 × 126 cm; château de Windsor, Royal Collection.
Le Bucentaure au Môle le jour de l'Ascension, vers 1732, 77 × 126 cm; château de Windsor, Royal Collection.
Intérieur de San Marco la nuit, vers 1733, 33 × 22 cm; château de Windsor, Royal Collection.
La Piazzetta, 1733-35, 68 × 91 cm; Rome, Galerie nationale d'art ancien.
Le Grand Canal du pont du Rialto vers la Ca' Foscari, 69 × 94 cm; Rome, Galerie nationale d'art ancien.
Dol sur le Brenta, vers 1730-35, 80 × 96 cm; Stuttgart, Staatsgalerie.
Le Bassin de San Marco, 1730-35, 54 × 71 cm; Milan, Pinacothèque de Brera.
Le Môle vu du bassin de San Marco, vers 1735, 47 × 81 cm; Paris, Louvre.
Place San Marco vers la Basilique, vers 1735, 76 × 114 cm; Cambridge, Fogg Art Museum.
Régate sur le Grand Canal, vers 1735, 117 × 187 cm; Londres, National Gallery.
Le Doge à la fête de San Rocco, vers 1735, 147 × 199 cm; Londres, National Gallery.
Place San Marco vers l'église San Geminiano, vers 1735, 68 × 93 cm; Rome, Galleria Corsini .
Le Pont du Rialto depuis le sud, vers 1735, 68 × 92 cm; Rome, Galleria Corsini .
Vue du Grand Canal, vers 1735, 73 × 129 cm; Cologne, Wallraf-Richartz Museum.
Place San Marco, angle nord-est, 1735-37, 132 × 165 cm; Ottawa, musée des beaux-arts du Canada.
Le Grand Canal vers le sud-ouest, vers 1738, 124 × 204 cm; Londres, National Gallery.
Riva degli Schiavoni vers l'est, 1738-40, 110 × 185 cm; Milan, Pinacoteca del Castello Sforzesco .
Le Môle vers la Zecca avec la colonne de San Teodoro, 1738-40, 110 × 185 cm; Milan, italie.
Place San Marco vers le sud-est, 1735-40, 114 × 153 cm; Washington, National Gallery of Art.
Le Brenta à Padoue, 1735-40, 62 × 109 cm; Washington, National Gallery of Art.
Le Bassin de la Giudecca, vers 1740, 130 × 191 cm; Londres, Wallace Collection.
Padoue, Prato della Valle, vers 1742, 39 × 87 cm; Milan, Museo Poldi Pezzoli.

Angleterre 1746 - 1755

Westminster Bridge, 1746, 96 × 137 cm; New Haven, Centre d'art britannique de Yale.
Vue de la Tamise et de la City sous un arc de Westminster Bridge, 1746-47, 57 × 95 cm; collection privée.
La Tamise et la City, 1746-47, Prague, Galerie nationale.
La Tamise et la City depuis Richmond House, 1747, 105 × 117 cm; collection privée.
Warwick Castle, côté sud, 1748, 75 × 120 cm; Madrid, musée Thyssen-Bornemisza.
Le parc de Badminton depuis Badminton House, 1748-49, 86 × 122 cm; Badminton House, collections des ducs de Beaufort.
L'Abbaye de Westminster avec la procession de l'ordre du Bain, 1749, 99 × 101 cm; Londres, abbaye de Westminster.
Château de Warwick Castle, côté est, 1751, 73 × 122 cm; Birmingham, Birmingham Museum and Art Gallery.
La Rotonde de Ranelagh, 1754, 46 × 75 cm; Londres, National Gallery.
Capelle de Eton College, vers 1754, 61 × 107 cm; Londres, National Gallery.
Walton Bridge, 1754, 48 × 76 cm; Londres, Dulwich Picture Gallery.

Dernières années

Palais des doges et Place San Marco, vers 1755, 51 × 83 cm; Florence, Galerie des Offices.
Le Grand Canal vu du sud-ouest du Campo Santa Sofia au pont du Rialto, vers 1756, 119 × 185 cm; Berlin, Staatliche Museen.
Capriccio avec ruines et édifices classiques, vers 1756, 91 × 124 cm; Milan, Museo Poldi Pezzoli.
Capriccio palladiano, 1756-59, 56 × 79 cm; Parme, Galleria Nazionale.
Place San Marco vers le sud-oues, 1755-59, 67 × 102 cm; Hartford, Wadsworth Atheneum.
Place San Marco vers l'est vue de l'angle nord-ouest, vers 1760, 46 × 38 cm; Londres, National Gallery.
Place San Marco vers l'est vue de l'angle sud-ouest, vers 1760, 45 × 35 cm; Londres, National Gallery.
La Veillée nocturne au bord de Santa Marta, vers 1760, 119 × 187 cm; Berlin, Staatliche Museen.
La Veillée nocturne à San Pietro di Castello, vers 1760, 119 × 187 cm; Berlin, Staatliche Museen.
Le Campo du Rialto, vers 1758-63, 119 × 186 cm; Berlin, Staatliche Museen.
Perspective avec portique, 1765, 131 × 93 cm; Venise, Gallerie dell'Accademia.

Canaletto en France

D'après Kowalczyk 2012, p. 43-44, il y a en France les tableaux suivantes de Canaletto :
au Louvre :
— Le Môle vu du bassin de Saint-Marc C/L 102 que Constable ne juge pas autographe; une réplique du tableau de la Galleria degli Uffizi de Florence, début des années 1730 ;
— Le Pont du Rialto, donation Hélène et Victor Lyon ;
— L'Église de la Salute, donation Hélène et Victor Lyon ;
au musée Jacquemart-André : La Place Saint-Marc, vers l'est, vers 1740 et Le Grand Canal, du palais Dolfin-Manin au Rialto, vers 1740 ;
au musée Cognac-Jay : Le Canal de santa Chiara, vers le sud-est et Le Grand Canal vu du pont du Rialto, vers 1740 ;
au musée de Grenoble : L'Entrée du Grand Canal, avec Santa Maria della Salute et le canal de la Guidecca, vue de l'extrémité occidentale du Môle, 1722 ;
au musée des beaux-arts de Strasbourg : Vue de l’église de la Salute depuis l’entrée de Grand Canal, vers 1727, peinture sur cuivre.


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#377 Re: L'atelier de Mafalda
mafalda Posté le : 23/04/2015 10:19
Citation :

Loriane a écrit :
Ah oui, j'aime Merci Mafalda

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#378 Re: L'atelier de Mafalda
emma Posté le : 23/04/2015 12:16
Bonjour,

C'est l'oiseau de ton dernier poème?
Très réussi, bravo !


#379 Eugéne Delacroix 2
Loriane Posté le : 24/04/2015 20:16
Les grands travaux

La protection de Thiers, arrivé au pouvoir et qui l'avait, comme critique d'art, remarqué à ses débuts, lui valut, moins d'un an après son retour du Maroc, une prestigieuse commande officielle, dans le cadre des travaux de rénovation et d'embellissement du Palais-Bourbon. Il y fut chargé de la décoration du salon du Roi, où le souverain devait se tenir lors de ses venues à la Chambre des députés et qu'il acheva en 1838. L'architecture en était assez ingrate, et Delacroix avait, en la matière, assez peu d'expérience. Il sut magistralement s'imposer en faisant modifier quelque peu la disposition interne de la pièce, où, au-dessus de pilastres en grisaille représentant les fleuves et les mers de France, il fit courir une frise aux thèmes conventionnels la Guerre, l'Agriculture, la Justice et l'Industrie, repris dans les caissons du plafond, mais avec une très grande invention dans les figures et une extraordinaire vigueur de coloris. Ce premier succès entraîna d'autres commandes : l'activité de Delacroix se structure désormais autour de grands travaux décoratifs, qui ne cessent de se succéder : bibliothèque du Palais-Bourbon 1838-1847, probablement son chef-d'œuvre, où entre deux hémicycles Orphée vient policer les Grecs encore sauvages et Attila, suivi de ses hordes barbares, foule aux pieds l'Italie et les Arts se déploient cinq coupoles où à chaque fois quatre pendentifs illustrent, par des scènes tirées de la Bible, de la mythologie ou de l'Antiquité, les Sciences, l'Histoire et la Philosophie, la Législation et l'Éloquence, la Théologie et la Poésie ; bibliothèque de la Chambre des pairs actuel Sénat, avec une coupole L'Élysée ou Dante et les esprits des grands hommes, un hémicycle Alexandre faisant enfermer les œuvres d'Homère dans une cassette d'or et quatre médaillons allégoriques 1841-1846 ; galerie d'Apollon au Louvre avec la composition centrale du plafond, Apollon vainqueur du serpent Python 1850-1851 ; salon de la Paix à l'Hôtel de Ville de Paris 1852-1854, détruit en 1871 ; chapelle des Saints-Anges à Saint-Sulpice enfin, son testament pictural 1849-1861, où sous L'Archange saint Michel terrassant le démon , La Lutte de Jacob avec l'Ange fait face à Héliodore chassé du Temple. C'est avec ces travaux, qui sont les seuls pour lesquels il engagea des collaborateurs il n'eut sinon jamais d'atelier au sens habituel du terme, que Delacroix s'insère véritablement dans la continuité de la tradition classique et se mesure avec ceux qu'il avait pris pour modèle, tant par son inspiration personnelle, puisqu'il a choisi librement la plupart de ces sujets, que par un style volontairement élevé, idéaliste dans l'esprit et réaliste dans le détail, par sa préoccupation enfin d'adapter à chaque lieu ses compositions et notamment en tenant compte des sources lumineuses, souvent faibles, qu'il compensa par un coloris encore plus éclatant.

Le voyage en Afrique du Nord fin janvier à juillet 1832

C’est à la mi-octobre 1831 que Louis-Philippe informe Charles-Edgar, comte de Mornay 1803-1878 de sa mission diplomatique auprès de Moulay Abd er-Rahman 1778-1859, chef chérifien du Maroc. Il s’agit de porter un message de paix à l’empereur du Maroc et aux Britanniques, bien implantés sur le plan commercial, dans le pays. Cette ambassade doit clore plusieurs dossiers épineux, dus à la conquête de l'Algérie par la France. Sa mission sera une réussite sur le moment : Mornay enverra le 4 avril 1832, une lettre déclarant au général en chef de l’état-major d’Alger, Savary, duc de Rovigo, que le Maroc abandonne ses visées sur la région de Tlemcen et d’Oran, promet de rester neutre et de retirer ses troupes de l’Algérie.
C’est tout d’abord, Eugène Isabey, qui avait été pressenti, pour se joindre à la mission diplomatique en Afrique du Nord. Or, le peintre revenu depuis peu d’Alger, s’était désisté, craignant un deuxième voyage en Afrique. C’est donc Delacroix qui sera choisi pour accompagner la mission, à ses frais. Ce n'est qu'à la fin de l’année 1831 que le peintre et Mornay font connaissance, grâce à Edmond-Henri Duponchel 1794-1868, futur directeur de l’opéra, et Armand Bertin, directeur du Journal des Débats, à la requête de Mademoiselle Mars 1779-1847, maîtresse officielle de Mornay, et amie de Duponchel et de Bertin : celle-ci étant désireuse de trouver un compagnon de voyage agréable, à son amant. Mornay et Delacroix dînèrent ensemble à la Saint-Sylvestre, en compagnie de la comédienne.
Le départ, prévu le lendemain vers 3 heures du matin, eut lieu rue de la Tour-des-Dames en berline jusqu’à Toulon où avait été appareillée une corvette-aviso de 18 canons, commandée par le capitaine de frégate Ange-François Jouglas. La Perle quitte Toulon le 11 janvier 1832, longe les côtes de Minorque, Majorque, Malaga et celles du royaume de Grenade, passe près de Solobrena et de Motril en Espagne, s’arrête à Algésiras pour le ravitaillement et mouille devant Tanger, le 24 janvier 1832 à 8 heures. C'est Jacques-Denis Delaporte, consul de France à Tanger qui les accueille, et se charge des formalités de débarquement et de la mise au point du protocole de réception, par les autorités de la ville. Ce n'est que le lendemain que Mornay et ses collaborateurs débarquent, pour s'installer à la Maison de France. Profitant d’un intermède, Delacroix se promène dans Tanger, un carnet à la main.
Bien que Mornay soit accompagné par Antoine-Jérôme Desgranges 1784-1864, interprète du roi, il ne peut s’opposer à ce qu’Abraham Benchimol se joigne à eux : le protocole voulant qu’un Européen ne puisse s’adresser directement à l’empereur et que seul un juif y soit autorisé. Quant à Delacroix, sans préjugés vis-à-vis des juifs et très intéressé par leur communauté, il se lie d’amitié avec le drogman, au service du consulat depuis 1820, et bénéficie ainsi du bon accueil de son entourage. Ce qui lui permet de croquer la nièce d'Abraham, Léditia Azencot, Saada, sa femme, et Presciadia et Rachel, ses filles. Grâce à Madame Delaporte, la femme du consul, il put également dessiner de jeunes musulmanes, très effarouchées par un étranger.

Eugène Delacroix, La Noce juive au Maroc, 1837-1841, Louvre.

L’entremise du drogman lui permet aussi d’assister à l’une des fêtes données lors d’une noce juive, le 21 février 1832. Il en a gardé des traces dans l’un de ses carnets à couverture cartonnée, appelée Album du Maroc acquis par Le musée du Louvre en 1983. Tous les éléments récoltés la tenue et l'attitude de certains participants l'aideront ultérieurement à peindre La Noce juive au Maroc 1841, musée du Louvre. Les deux évènements notables auxquels Delacroix put participer lors de ce voyage, sont cette noce et l’entrevue avec l’empereur à Meknès.
La prochaine étape de cette mission diplomatique était l’entrevue avec Moulay Abd er-Rahman. Mornay envoya un courrier à Meknès afin de demander l’autorisation de le rencontrer. Le 3 février 1832, correspondant à l’année 1248 de l’Hégire, est proclamé le début du Ramadan qui se termine par la fête de l’Aïd es-Sghir, le 4 mars 1832. Pendant cette période sacrée de jeûne et de prières, le commandeur des croyants ne pouvait les recevoir. De plus, le décès de Moulay Meimoun, frère du souverain, retarde encore le départ de la mission. Cette longue attente de 42 jours permettait d'apaiser les partis anti-français et de modérer les exigences de la diplomatie française. Ce n’est que le 3 mars que l’autorisation du souverain est donnée.
Le 5 mars, la délégation part de Tanger pour Meknès, accompagnée d’une escorte de soldats et d’un pacha pour chaque étape, dans la limite de la province où s’exerce leur autorité. Les deux villes étaient à 45 lieues, l’une de l’autre. Une fois passé le gué à l’oued Mharhar, un premier campement est établi à El Arba Aïn-Dalia. Le 6 mars, la mission et l’escorte passent près du lac Lao, et de la mer, avec à droite, une vue du Cap Spartel. Nouvelle étape à Souk el-Had el-Gharbia, le soir, ils dînent avec le caïd Mohammed Ben-Abou et font une halte à Tléta Rissana.
Le 8 mars, ils partent sous la pluie et passent le gué de l’oued Maghazen, affluent de l’oued Loukkos. Ils déjeunent ensuite à l’oued Ouarrour, près de Ksar el-Kébir appelé aussi Alcazarquivir, lieu de la Bataille des Trois Rois où combattirent le 4 août 1578 Don Sébastian, roi du Portugal, son allié Moulay Mohammed, dit el Motaouakir et le Sultan Moulay Abd el-Malek. C’est Moulay Abd el-Malek, qui remporta ce combat où les trois protagonistes trouvèrent la mort. Ce qui permit à Al-Mansur, frère de Moulay Abd el-Malek, de monter sur le trône chérifien.
Le 9 mars, ils s’arrêtent à Ksar el-Kébir : le vendredi étant un jour de prière. Dans la soirée, ils se dirigent vers l’oued Fouarate où la délégation est attaquée. Delacroix s’en souviendra pour La Perception de l’impôt arabe ou Combat d'Arabes dans la montagne, National Gallery de Washington, tableau qu’il peignit en 1863, année de sa mort. C’est à Fouarate qu’un campement est installé pour la nuit. Le 10 mars, à cause d’un malaise du peintre et du jour du Sabbat jour de repos des juifs, le départ de la mission est différé. Ils passent tout de même l’oued Mda et installent leur campement à El-Arba de Sidi Aîssa Belhacen.

Eugène Delacroix, Les Bords du fleuve Sebou Londres.

Le 11 mars, ils longent le Sebou et le 12, un campement est établi sur les bords du fleuve dont les eaux grossies par les pluies sont difficiles à traverser. Delacroix s’inspire de ces deux journées pour peindre un tableau intitulé, Les Bords du fleuve Sebou 1858-1859, Artemis Group, Londres. Le 13 mars, ils arrivent à Sidi Kacem. Le dernier campement de la mission est dressé le 14 mars au pied du Zerhoun, devant Moulay Idriss, une ville établie sur deux hauteurs irrégulières dont les étrangers n’avaient pas le droit d’en gravir les lacets. Le 15 mars, ils quittent Zerhoun pour arriver près de Meknès où ils assistent à de grandes fantasias.
Les fantasias ou courses de poudre n’étaient pas destinés à divertir les étrangers, mais des exercices militaires censés montrer l’adresse et le savoir-faire des cavaliers marocains au combat. Delacroix a pu voir plusieurs fois des courses de poudre, entre Tanger et Meknès.
Il exécutera une belle aquarelle sur ce sujet, pour le comte de Mornay : Une Fantasia ou jeu de poudre devant la porte d’entrée de la ville de Méquinez 1832, musée du Louvre. Ces courses ont fourni à Delacroix le sujet de quatre peintures entre 1832 et 1847 :
Exercices militaires des Marocains 1832, Musée Fabre de Montpellier,
Fantasia arabe 1833, Städelsches Kunstinstitut de Francfort-sur-le-Main,
Choc de cavaliers arabes 1843, Walters Art Museum de Baltimore,
Exercices militaires des Marocains 1847, coll. Oskar Reinhart de Winterthur.
Ils longent également le tombeau d’un saint, celui de Sidi Mohammed ben Aïssa, fondateur de la communauté des Aïssaouas. La découverte des pratiques religieuses chants, danses et contorsions de cette secte enflamme son imagination. Ce qui lui fournira, à son retour, le sujet de deux tableaux :
Les Aïssaouas 1838, The Minneapolis Institute of Arts,
Avant de rentrer dans Meknès, ils doivent faire le tour complet de la ville et de ses remparts138. Installée dans la Maison des hôtes, au cœur du quartier de la Berrima, la délégation reste enfermée pendant 8 jours, du 15 mars au 22 mars, avant d’être reçue par l’empereur. Le 22 mars, c’est l’audience publique avec Moulay Abd er-Rahman. La délégation à cheval est précédée du Kaïd et de quelques soldats, et suivie de ceux portant les cadeaux, destinés au souverain. Les présents envoyés par Louis-Philippe comprenaient notamment une magnifique selle brodée, des armes précieuses, des bijoux, des brocards, des soieries et des montres.

Le convoi passe à côté de la mosquée Jamaa el-Kbir, traverse un passage couvert de cannes Souk el-Hdim et arrive sur la place située en face de la grande porte (place el Hdim. Ils entrent dans une grande cour, passent entre une haie de soldats, sur leur gauche se trouve une grande esplanade place Lalla Aouda. Ils entrent plus en avant, arrivent dans une grande place, le Mechouar, située dans le quartier de Dar el-Kbir, où ils doivent rencontrer le souverain. C’est par une porte mesquine et sans ornement qu’il paraît, monté sur un cheval gris, entouré de ses gardes à pied et d’un porteur de parasol, qui lui emboîte le pas.
Pour Delacroix, le roi ressemble à Louis-Philippe, mais en plus jeune. Après les compliments d’usage, il ordonne à Sidi Muchtar de prendre la lettre du roi des Français et de les guider dans la visite de la résidence royale. Cette cérémonie sera consignée dans le second album-journal du peintre. De cette audience mémorable, Delacroix a réalisé de nombreux croquis dont il se servira pour sa grande toile, intitulée Le Sultan du Maroc Abd Al-Rhaman entouré de sa garde, sortant de son palais de Meknès 1845, musée des Augustins de Toulouse.
Du 23 mars au 4 avril, Delacroix visite la ville de Meknès : le marché aux fruits secs d’El-Hdim, le Mellah, le quartier juif où il acquiert des objets en cuivre, les haras, le zoo royal et l’autrucherie d’où la mission emmène les animaux offerts à Louis-Philippe, une lionne, un tigre, deux autruche, un bœuf sauvage, une espèce d’antilope, deux gazelles et quatre chevaux, le marché Bab el-Khmis. Il dessine également beaucoup : la porte Bab-el-Mansur, les autres monuments de la ville, deux hommes jouant aux dames rencontrés dans le Mellah, dont il se souviendra pour son tableau des Arabes jouant aux échecs, vers 1847-1848, National Gallery of Scotland d'Édimbourg, appelés également Marocains jouant aux échecs.
Le 30 mars, un trio composé de deux musiciens et d’une chanteuse était venu honorer la mission à l’initiative de l’Empereur. Ces musiciens juifs de Mogador, étaient réputés, comme faisant partie des grands maîtres de la musique andalouse. Cet évènement lui inspirera, en 1847, une composition, intitulée Les Musiciens juifs de Mogador.
Le départ de Meknès est donné le 5 avril à 11 heures. Les membres de la mission reprennent à peu près le même chemin qu’à l’aller. C’est le 12 avril qu’ils arrivent à Tanger où ils sont accueillis par les consuls étrangers et les notables. Ce second séjour se prolonge jusqu’à début mai. À la suite de grosses fatigues dues au voyage, Delacroix tombe malade sa fièvre se déclare le 16. Cependant, le peintre se rétablit et profite de cette convalescence pour dessiner à Tanger et dans les environs.
Le 9 mai, Delacroix emprunte la Perle pour une excursion, en Andalousie. Près des côtes de Cadiz où l’épidémie de choléra sévit, le bateau est mis en quarantaine. Il en profite pour dessiner deux vues de la ville album de Chantilly. C’est le 18 mai qu’il peut enfin débarquer pour visiter la ville, notamment le couvent des Augustins, en compagnie de M. Angrand 1808-1886, vice-consul de France à Cadix. Les études effectuées sur place lui serviront pour réaliser, en 1838, une toile intitulée Christophe Colomb au couvent de Sainte-Marie de Rabida, Museum of Art de Toledo.
Sur la route de Séville, il fait un arrêt près des murailles de Jerez de la Frontera dont il fait un croquis. Jusqu’au 28 mai au soir, il visite la ville de Séville, en particulier l’Alcala, la cathédrale et les bords de Guadalquivir, la Giralda, la Cartuja une ancienne chartreuse où il admire des Zurbaran, des Murillo et des Goya143. C’est grâce à cet artiste, dont il avait copié quelques planches de ses Caprices, dans sa jeunesse, qu’il découvre la tauromachie. Les notes contenues dans son carnet semblent confirmer qu’il ait bien assisté à une corrida : aquarelle intitulée Le Picador Cabinet des dessins du musée du Louvre. Le 29 mai s’achève son séjour en Andalousie. Ce n’est que le 30 mai, à Cadix, qu’il embarque à bord de la Perle pour retourner, à Tanger.
Le voyage que Delacroix a effectué en Afrique du Nord de fin janvier à juillet 1832 est primordial pour sa technique et son esthétique. Il en rapporte sept carnets constituant le journal de son voyage, dont il ne reste plus que quatre exemplaires trois sont conservés au musée du Louvre et un, au musée Condé de Chantilly et quelque 800 feuilles. Ils permettent de suivre pas à pas le périple africain du peintre. Il a peint en tout plus de quatre-vingts peintures sur des thèmes orientaux, notamment Les Femmes d'Alger dans leur appartement 1834, musée du Louvre, La Noce juive au Maroc 1841, musée du Louvre, Le Sultan du Maroc 1845, musée des Augustins de Toulouse.
Ce voyage permettait à Delacroix, qui n'avait jamais été en Italie, de retrouver l’Antiquité vivante. La lettre, qu’il adresse à Jean-Baptiste Pierret le 29 janvier, est très éloquente à ce sujet : Imagine mon ami ce que c’est que de voir couchés au soleil, se promenant dans les rues, raccommodant des savates, des personnages consulaires, des Caton, des Brutus, auxquels il ne manque même pas l’air dédaigneux que devaient avoir les maîtres du monde….
Par ailleurs, grâce à un voyage en Afrique du Nord et à son séjour en Algérie du lundi 18 au jeudi 28 juin 1832, Delacroix aurait alors visité le harem d'un ancien reis du Dey qu'il évoquera dans sa peinture des femmes d'Alger dans leur appartement, du Salon de 1834. ouvre, cat. no 163 scène qu'il reproduit de mémoire dans son atelier dès son retour.
Cette visite est finalement rendue possible par l'intervention de Poirel, ingénieur au port d'Alger, qui lui présente un ancien corsaire qui accepte d'ouvrir les portes de sa maison au jeune français. Delacroix est transporté par ce qu'il voit: C'est comme au temps d'Homère, s'écrit-il, la femme dans la gynécée, brodant de merveilleux tissus. C'est la femme comme je la comprends.
Grâce à ce voyage, il fut l'un des premiers artistes à aller peindre l'Orient d'après nature, ce qui valut, outre de très nombreux croquis et aquarelles, quelques belles toiles de la veine des Femmes d'Alger dans leur appartement, tableau à la fois orientaliste et romantique, l'orientalisme étant caractéristique des artistes et écrivains au XIXe siècle.

Les premiers grands ensembles décoratifs

C’est le 31 août 1833 que Thiers, ministre des Travaux Publics de l’époque, confia à Delacroix, sa première grande décoration : la peinture sur muraille du Salon du Roi ou Salle du Trône, au Palais Bourbon actuelle Assemblée nationale. Cette commande lui fut réglée : 35 000 francs. Cet ensemble est composé d’un plafond, avec une verrière centrale entourée de huit caissons quatre grands et quatre petits, de quatre frises situées au-dessus des portes et fenêtres, et de huit pilastres. Il fut peint à l’huile, sur toiles marouflées, et les frises à l’huile et à la cire, directement sur le mur afin d’obtenir une matité plus proche de la détrempe. Les pilastres furent peints eux aussi sur les murs, en adoptant la même technique, mais en grisaille. Cette commande fut terminée au début de 1838 et réalisée sans collaborateurs, excepté des ornemanistes pour les décors dorés, en particulier Charles Cicéri 1782-1868, peintre décorateur et aquarelliste, qui se fit connaître au Salon de 1827, en exposant des aquarelles.
Dans les quatre caissons principaux, il a représenté quatre figures allégoriques symbolisant pour lui, les forces vives de l’État : la Justice, l’Agriculture, l’Industrie et le Commerce, et la Guerre. Les quatre plus petits, disposés aux quatre angles de la pièce, entre les caissons principaux, sont couverts de figures d’enfants, avec des attributs, comme :
La chouette de Minerve pour la Sagesse,
La massue d’Hercule pour la Force vertu,
Le ciseau et le marteau pour les Arts.
Dans les trumeaux allongés, séparant les fenêtres et les portes, ont été peints en grisaille, les principaux fleuves de France la Loire, le Rhin, la Seine, le Rhône, la Garonne et la Saône. L’océan et la Méditerranée, cadre naturel du pays, ont été placés des deux côtés du trône. Son travail fut bien accueilli par les critiques, qui, dans leur ensemble, lui reconnurent les talents d’un grand décorateur, à l’égal d’un Primatice ou d’un Medardo Rosso. Pour eux, Delacroix avait su allier intelligence et culture, en choisissant des thèmes adaptés à l’espace et au volume du lieu à décorer. La Salle du Trône aujourd’hui appelé salon Delacroix, où le roi se rendait pour inaugurer les sessions parlementaires, était effectivement une pièce ingrate à décorer, de format carré, d’environ 11 mètres de côté et qu’il dut faire aménager.

Les dernières années

Les derniers grands ensembles décoratifs
La coupole centrale de la bibliothèque, représentant la Législation
À peine son œuvre fut-elle achevée dans le salon du Roi, qu'en septembre 1838 le ministre de l'Intérieur Camille de Montalivet lui confie le décor de la bibliothèque de l'Assemblée nationale, toujours dans le Palais Bourbon. Pour ce projet d'une grande ampleur, Delacroix peindra les 5 coupoles, ainsi que les deux culs-de-four de la salle de lecture.
Chacune des cinq coupoles est consacrée à une discipline, évoquée dans les pendentifs par des scènes ou des évènements qui l'ont illustrée : la Législation au centre, la Théologie et la Poésie d'un côté, la Philosophie et les Sciences de l'autre.
Les deux culs-de-four qui les encadrent représentent quant à eux la Paix, berceau du savoir, et la Guerre, qui en est l'anéantissement :
« Attila, suivi de ses hordes, foule aux pieds l'Italie et les Arts cul-de-four de la guerre
« Orphée vient policer les Grecs encore sauvages et leur enseigner les Arts de la Paix cul-de-four de la paix
Ce travail s'échelonnera jusqu'à la fin de l'année 1847, le chantier ayant pris du retard pour divers problèmes de santé et d'autres travaux en parallèle. L'ensemble est accueilli avec enthousiasme par la critique, et a participé à sa reconnaissance en tant qu'artiste complet, se situant dans la tradition de la renaissance italienne.
Il fut également sollicité dans le même temps pour la décoration de la salle de lecture de la bibliothèque du Sénat au Palais du Luxembourg à Paris, entre 1840 et 1846 :
coupole La rencontre de Dante et Homère : Homère, les Grecs, Orphée, les Romains.
quatre médaillons hexagonaux La Philosophie, La Théologie, L'Éloquence, et La Poésie.
un dessus de fenêtre Alexandre après la bataille d'Ardelles.

La consécration

Tant que la demande des collectionneurs reste minoritaire, sa carrière dépend du mécénat officiel. Il y a les acquisitions directes effectuées généralement sur les fonds privés du souverain. Pour se concilier les faveurs du pouvoir, il fréquente tous les cercles politiques à la mode et ne refuse jamais une visite pouvant s’avérer fructueuse. Durant toute sa vie à l'exception des dernières années marquées par la maladie, Delacroix a une vie mondaine intense mais en souffre, se pliant à cette mode afin d'obtenir des commandes.
Bien que trouvant des appuis auprès de la presse, des revues d’art et de certains critiques de l’époque Théophile Gautier et Charles Baudelaire seront de constants soutiens, son génie ne sera que tardivement reconnu par les milieux officiels de la peinture. Il ne triomphera qu’en 1855 à l’Exposition Universelle et ne sera élu à l’Institut de France que le 10 janvier 1857 au siège de Paul Delaroche, après sept candidatures infructueuses, Ingres s'opposant à son élection. Il n'est pas entièrement satisfait, car l'Académie ne lui donne pas le poste de professeur aux Beaux-Arts qu'il espérait. Il se lance alors dans un Dictionnaire des Beaux-Arts qu'il n'achève pas.
Delacroix devient, lors de l'exposition universelle de 1855, l'homme qui sut dépasser la formation classique pour renouveler la peinture.
Il meurt d'une crise d'hémoptysie des suites d'une tuberculose le 13 août 1863, au 6 rue de Furstemberg à Paris. Il repose au cimetière du Père-Lachaise, division 49.
Eugène Delacroix participa à la création, en 1862, de la Société nationale des beaux-arts mais laissa son ami, le romancier Théophile Gautier qui l'a fait connaître dans le cénacle romantique, en devenir le président avec le peintre Aimé Millet comme vice-président. En plus de Delacroix, le comité était composé des peintres Albert-Ernest Carrier-Belleuse, Pierre Puvis de Chavannes et parmi les exposants se trouvaient Léon Bonnat, Jean-Baptiste Carpeaux, Charles-François Daubigny, Laura Fredducci, Gustave Doré et Édouard Manet. En 1864, juste après la mort de Delacroix, la société organisa une exposition rétrospective de 248 peintures et lithographies de ce célèbre peintre et step-uncle de l'empereurQuoi ?.
Cet effort de discipline et de maîtrise fut reconnu par une partie de la critique contemporaine, mais le public en resta généralement aux toiles, toujours plus ou moins sujettes à polémiques, que Delacroix continuait parallèlement à envoyer au Salon : Femmes d'Alger dans leur appartement (1834), Bataille de Taillebourg 1837, Médée furieuse 1838, Justice de Trajan 1839, Prise de Constantinople par les croisés et Noce juive dans le Maroc 1841, Les Dernières Paroles de l'empereur Marc Aurèle et Le Sultan du Maroc 1845, la Chasse aux lions 1855 sont les plus marquants de ces tableaux qui montrent la fécondité du peintre vieillissant autant que sa prodigieuse activité. Une rétrospective particulière lui fut consacrée, comme à Ingres, Horace Vernet et Alexandre Gabriel Decamps, au sein de la section des Beaux-Arts lors de l'Exposition universelle de 1855, forme de reconnaissance officielle que vint couronner, à sa septième tentative, sa tardive élection à l'Institut, en 1857. Devenu d'une certaine façon, à son tour, un classique, il semblait y représenter, face à Ingres, aux tenants du dessin, aux partisans de Raphaël et de Poussin, le primat de la couleur, de Véronèse, de Titien et de Rubens.
C'est cette interprétation qui prévaut généralement dans les esprits, autant que celle qui fait de lui le peintre romantique par excellence. On a vu tout ce qu'il peut y avoir de juste, mais aussi de partiel, dans cette vision des choses que viendraient encore plus contrecarrer, s'il en était besoin, les écrits mêmes de Delacroix, son Journal, tenu entre 1822 et 1824, puis, après une longue interruption de nouveau à partir de 1847, son projet de Dictionnaire des beaux-arts 1857, resté à l'état manuscrit, ses articles, sa correspondance, qu'on commença à faire paraître au lendemain de sa mort. L'écrivain et le théoricien, malgré un réel effort d'édition et de recherche, restent en fait ignorés de beaucoup, comme est d'ailleurs méconnue une bonne part de son œuvre, négligée alors même qu'elle n'a cessé de constituer un repère et une source d'inspiration pour tous les peintres qui ont suivi. Une des raisons principales de cette situation tient sans doute à l'inintelligibilité, pour le grand nombre, des sujets traités par Delacroix, qui empêche de rentrer au plus intime de sa démarche esthétique. Mais la facture de ses tableaux, de ses aquarelles, de ses dessins et de ses estampes n'en reste pas moins séduisante, comme la liberté de son style, et explique le succès rencontré, dans le même temps, par les expositions qui lui sont consacrées. Son rôle dans le mouvement moderne en peinture ne doit toutefois pas faire oublier combien il tenait à ce qui l'avait précédé. Delacroix n'écrivait-il pas déjà, en 1824, ce qui fait les hommes de génie ou plutôt ce qu'ils font, ce ne sont point les idées neuves, c'est cette idée, qui les possède, que ce qui a été dit ne l'a pas encore été assez. Barthélémy Jobert

Après sa mort

À sa mort, les artistes contemporains lui rendirent de vibrants hommages, notamment Gustave Courbet. Authentique génie, il a laissé de nombreuses œuvres engagées qui étaient souvent en rapport avec l'actualité Les massacres de Scio ou La Liberté guidant le peuple. Il exécuta aussi nombre de tableaux à thèmes religieux La Crucifixion, La Lutte de Jacob avec l'Ange, Le Christ sur le lac de Génésareth, etc., bien qu'il se soit parfois déclaré athée. Sur tous les terrains de son époque, il reste le symbole le plus éclatant de la peinture romantique.
En 1930, pour le centenaire du romantisme, Élie Faure apporte cependant des mises au point sur ce terme attribué à Delacroix. Delacroix est, selon lui, plus classique qu'Ingres : Il est aisé de montrer qu'Ingres, par ses déformations plus arbitraires qu'expressives et son peu d'intelligence de l'ordre rationnel d'une composition, est à la fois plus romantique et moins classique en dépit de ses qualités réalistes et sensuelles que Delacroix, Barye ou Daumier. La définition du mot romantique » en peinture devant être élargie, toujours selon Élie Faure : Les plus grands de nos classiques sont des romantiques avant la lettre, comme les bâtisseurs de cathédrales l'étaient quatre ou cinq siècles auparavant. Et à mesure que les temps s'éloignent, on s'aperçoit que Stendhal, Charles Baudelaire, Barye, Balzac, Delacroix prennent naturellement place auprès d'eux. Le romantisme, en vérité, pourrait n'être réduit à se définir que par l'excès de la saillie, qui est le principe de l'art-même et de la peinture avant tout. Mais où commence cet excès, où cesse-t-il ? Avec le génie justement. Ce serait donc les mauvais romantiques qui définiraient le romantisme.

L'influence de Delacroix

L'œuvre de Delacroix inspirera nombre de peintres, tel le pointilliste Paul Signac ou Vincent van Gogh161. Ses tableaux témoignent en effet d'une grande maîtrise de la couleur.

Delacroix et la gravure

Faust de Goethe
En 1827, l'éditeur et lithographe Charles Motte le persuade d'illustrer la première édition française du Faust de Johann Wolfgang von Goethe, lui-même se chargeant de lithographier les planches et de les colorier à l'aquarelle.

Delacroix et la peinture d'histoire
Les thèmes littéraires
La plupart des œuvres de Delacroix sont d'inspiration littéraire. Il en était déjà ainsi de sa La Barque de Dante. Il en sera de même de son Sardanapale162, inspiré d'un poème de Byron ; il en sera également ainsi de sa Barque de don Juan, tiré d'un autre poème de Byron, et il en sera encore ainsi de quantité d'autres peintures qui sortent tout droit des œuvres de Shakespeare, de Goethe163 ou d'autres écrivains, notamment Walter Scott, Dante et Victor Hugo. Les Pirates africains enlevant une jeune femme au Louvre, seraient vraisemblablement inspirés par une de ses Orientales la Chanson du Pirate.

Les thèmes religieux
Il exécuta aussi nombre de tableaux à thème religieux tout au long de sa carrière :

La Crucifixion.
Lutte de Jacob avec l'Ange, Saint Michel terrassant le dragon, Héliodore chassé du temple, chapelle des Saints-Anges de l'église Saint-Sulpice, Paris.
Le Christ sur le lac de Génésareth.
La Vierge du Sacré-Cœur.
Pietà.
Saint Sébastien.
Madeleine au désert.
Le Christ au Jardin des Oliviers 1827, Église Saint-Paul-Saint-Louis, Paris.
Le Christ sur la croix également connu sous le nom de Le Christ entre les deux larrons ou Le Calvaire 1835, musée de la Cohue de Vannes.
L'Éducation de la Vierge 1842, Musée national Eugène-Delacroix.

Le Journal d’Eugène Delacroix

Débuté en 1822, interrompu en 1824, repris en 1847 jusqu'en 1863 à sa mort, le journal intime de Delacroix est le chef-d'œuvre littéraire du peintre. Il y note ses réflexions sur la peinture, la poésie ou la musique. Il y consigne ses discussions avec George Sand (avec qui il entretient une profonde amitié), la baronne Joséphine de Forget (dont il est l'amant pendant une vingtaine d'années), Chopin, Chabrier… C'est un témoignage au jour le jour non seulement sur la vie du peintre, de ses inquiétudes, de sa mélancolie (qu'il évite de montrer à ses proches, excepté à sa gouvernante et confidente Jenny Le Guillou, Delacroix n'ayant jamais été marié), mais aussi de la vie parisienne au milieu du xixe siècle. On y remarque également une certaine misogynie et une obsession du corps masculin : "Je regarde avec passion et sans fatigue ces photographies d'hommes nus, ce poème admirable, ce corps humain sur lequel j'apprends à lire et dont la vue m'en dit plus que les inventions des écrivassiers"164. La première édition du Journal de Delacroix est parue chez Plon en 1893 et a été révisée en 1932 par André Joubin, puis rééditée en 1980 avec une préface d'Hubert Damisch chez le même éditeur. Il a ensuite fallu attendre 2009 pour que Michèle Hannoosh en publie, aux éditions José Corti, une monumentale version critique, corrigée sur les manuscrits originaux et augmentée des découvertes récentes. On doit aussi à Delacroix l'ébauche d'un Dictionnaire des Beaux-Arts, assemblé et publié par Anne Larue, et des articles sur la peinture.

Bibliothèque numérique de l'INHA - Journal et Correspondance d'Eugène Delacroix
Ateliers
Au 20 rue Jacob, à Paris, en 1824 dans l'atelier que lui laissa Thales Fielding.
Delacroix travailla longtemps dans son premier atelier de la rue Notre-Dame-de-Lorette, à Paris. En 1857, afin de se rapprocher de l’église Saint-Sulpice dont il avait été chargé en 1847 de décorer une chapelle, il rejoignit l'Atelier de la rue Furstenberg. Célèbre adresse où se succèderont Frédéric Bazille, Claude Monet, ou encore Diogène Maillart, élève de Delacroix et Grand Prix de Rome en 1864.

Élèves de Delacroix liste non exhaustive

Alexandre Bida 1813-1895, peintre
Émile Hirsch 1832-1904, peintre-verrier.
Diogène Maillart.
Victor Monmignaut 1819-1891
Maurice Sand fils de George Sand
Les œuvres de Delacroix
Les dessins et peintures
De 1819 à 1821
Nu assis, dit Mlle Rose, (1817-1820), musée du Louvre à Paris,
La Vierge des Moissons, (1819), église Saint-Eutrope d’Orcemont,
Étude d’homme nu, dit aussi Polonais, (vers 1820), musée du Louvre à Paris,
La Vierge du Sacré-Cœur, (1821), (cathédrale d’Ajaccio),
De 1822 à 1824
La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux Enfers, (1822), 189 × 241,5 cm, (musée du Louvre à Paris),
Études de chevaux, (vers 1822-1824), 27 × 32,5 cm, (Collection particulière),
Les Natchez, (1822-1835), (Metropolitan Museum of Art de New York),
Bouquet de fleurs, (vers 1824), (musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Châlons-en-Champagne),
Cheval arabe à la couverture bleue, (1823), (New York, Collection particulière),
Scènes des massacres de Scio, (1824), (musée du Louvre à Paris),
Jeune orpheline au cimetière, (1824), (musée du Louvre à Paris),
Le Tasse dans la maison des fous, (Collection particulière),
Aline la mulâtresse ou Portrait d'Aspasie la Mauresque, (vers 1824), (musée Fabre de Montpellier),
Autoportrait dit en Ravenswood ou en Hamlet, (vers 1824), (musée Eugène-Delacroix à Paris),
Le Christ au jardin des Oliviers, (1824-1827), église Saint-Paul-Saint-Louis de Paris),
De 1825 à 1832
La Femme au bas blanc, (1825), (collection privée),
Deux chevaux de ferme, (1825?), (Brame et Lorenceau),
fresques de la chambre de Madame de Pron (vers.1826),
Louis d'Orléans montrant sa maitresse, (1825-1826), 35,2 × 26,8 cm, (musée Thyssen-Bornemisza à Madrid)
La Grèce sur les ruines de Missolonghi, (1826), 213 × 142 cm (musée des Beaux-Arts de Bordeaux),
Le Doge Marino Faliero condamné à mort, (1826) (Wallace collection de Londres),
Combat de Giaour et Hassan, (1826) (Art Institute de Chicago),
Nature morte aux homards, (1826-1827) (musée du Louvre à Paris),
Louis-Auguste Schwiter, (1826-1830) (National Gallery de Londres),
La Mort de Sardanapale, (1827-1828), huile sur toile, 392 × 496 cm, (musée du Louvre à Paris),
Femme avec un perroquet, (1827) (musée des Beaux-Arts de Lyon),
le Christ au jardin des Oliviers, (1827) (Église Saint-Paul-Saint-Louis Paris),
Méphistophélès apparaissant à Faust, (1827), (Wallace Collection de Londres),
Portrait d'Auguste-Richard de la Hautière, (1813-1882), (1828), (musée Eugène-Delacroix à Paris),
Cromwell au château de Windsor, (1828), (galerie Hans à Hambourg)
Jeune Tigre jouant avec sa mère (1830), huile sur toile, 130,5 cm × 195 cm, Musée du Louvre, Paris « Notice no 000PE000908 », base Joconde, ministère français de la Culture
L'Assassinat de l'évêque de Liège, (1829), (musée du Louvre à Paris),
La Liberté guidant le peuple, (1830), (260 × 325 cm) (Louvre-Lens à Lens),
Mirabeau et Dreux-Brézé, le 23 juin 1789, (1830), (musée Eugène-Delacroix à Paris),
La Bataille de Poitiers, (1830), (musée du Louvre à Paris),
La Bataille de Nancy, (1831), 237 × 350 cm, (musée des Beaux-Arts de Nancy),
Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud, (1831), (musée des Beaux-Arts de Bordeaux),
Paganini jouant du violon (1831), (Collection Philipps de Washington),
Fantasia arabe ou exercices marocains, (1832), (musée Fabre de Montpellier),
Fantasia marocaine, (1832), (Städelsches Kunsinstitut, Francfort),
Campagne anglaise (1825), musée du Louvre à Paris,
Tigre attaquant un cheval sauvage (1826-1829), musée du Louvre à Paris,
Paire de babouches, (1832), pastel sur papier, 10 × 18 cm, (musée Eugène-Delacroix à Paris).
De 1833 à 1839
L'Éducation d'Achille, (1833-1847), (Palais-Bourbon de Paris),
Portrait de Léon Riesener, (1834), (musée du Louvre à Paris),
Femmes d'Alger dans leur appartement, (1834), 180 × 229 cm (musée du Louvre à Paris),
Le Christ entre les deux larrons., 1835, (La Cohue) - (musée des beaux-arts de Vannes).
Portrait de Félix Guillemardet, hst, (coll.part. USA)166
Hamlet et Horatio au cimetière, (1835), (Francfort),
La Bataille de Taillebourg, (1835-1837), 485 × 555 m, (musée du château de Versailles),
Turc à la selle, (vers 1835-1840), (musée du Louvre à Paris),
Saint Sébastien, (1836), (église Saint-Michel de Nantua),
Hamlet au cimetière, (1836), (Suisse, collection particulière),
Autoportrait au gilet vert, (1837), 65 × 54,5 cm, (musée du Louvre à Paris),
Charles Quint au monastère de Yuste, (1837), (musée Eugène-Delacroix à Paris),
Guerrier près d'un tombeau, (1838), (Museum of Art d'Hiroshima),
Portrait de Chopin, (1838), (musée du Louvre à Paris) ;
Portrait de George Sand, (1838), (Ordrupgoard-Samlingen d'Ordrupgoard),
Fanatiques de Tanger, (1838), 98 × 131 cm, (Minneapolis Institute of Arts),
Christophe Colomb et son fils à La Rabida, (1838), (Museum of Art de Toledo),
Médée furieuse, (1838), 260 × 165 cm, (Palais des Beaux-Arts de Lille),
Hamlet et Horatorio au cimetière, (1839), (musée du Louvre à Paris),
Le Retour de Christophe Colomb, (1839), (Museum of Art de Toledo),
De 1840 à 1846
Entrée des Croisés à Constantinople, (1840), (musée Condé de Chantilly),
Autoportrait, (1840), (Galerie des Offices de Florence),
Entrée des Croisés à Constantinople, (1840), 410 × 498 cm, (musée du Louvre à Paris),
La Justice de Trajan, (1840), (musée des Beaux-Arts de Rouen),
Le Naufrage de Don Juan, (1840), (musée du Louvre à Paris),
Portrait de Jenny Le Guillou, (1840), (musée du Louvre à Paris),
Indienne dévorée par un tigre, (v. 1840-1850), (Staatsgalerie de Stuttgart),
La Noce juive au Maroc, (1841), (musée du Louvre à Paris),
La Fuite de Loth, (v. 1841), (musée du Louvre à Paris),
L'Éducation de la Vierge, (1842), (musée Eugène-Delacroix à Paris),
Cheval attaqué par une lionne, (1842), (musée du Louvre à Paris),
Pietà, (1843-1844), (Église Saint-Denis du Saint-Sacrement à Paris),
Madeleine dans le désert, (1845), (musée Eugène-Delacroix à Paris),
Le Sultan du Maroc entouré de sa garde, (1845), (musée des Augustins de Toulouse),
Le Christ en croix, (1846), (Walters Art Museum de Baltimore),
Corps de garde à Meknès, (1846), (Von der Heydt Museum de Wuppertal),
De 1847 à 1853
Corps de garde marocain, (1847), (musée Condé à Chantilly),
Musiciens juifs de Mogador, (1847), (musée du Louvre),
Marocains jouant aux échecs, (vers 1847-1848), (National Gallery of Scotland d'Édimbourg),
Comédiens et Bouffons arabes, (1848), (musée des Beaux-Arts de Tours),
Paysage à Champrosay, (vers 1849), (musée Malraux du Havre),
Othello ou le Maure de Venise et Desdémone, (1849), (Ottawa),
Michel-Ange dans son atelier, (1849-1850), (musée Fabre de Montpellier),
Lady Macbeth Somnambule, (1850), (The Beaverbrook Art Gallery, Canada),
Lion dévorant un Lapin, (1850), (musée du Louvre à Paris),
Apollon combattant le serpent Python, (1850-1851), (Galerie d'Apollon du musée du Louvre à Paris),
Cavalier arabe donnant un signal, (1851), (The Chrysler Museum de Norfolk),
La Mer à Dieppe, (1852), (musée du Louvre à Paris),
Parfise et la Demoiselle, (1852), (Walters Art Gallery de Baltimore),
La Fiancée d'Abydos, (1852-1853), (musée du Louvre à Paris),
Le Christ sur le lac de Génésareth, (vers 1853), (Portland Art Museum),
De 1854 à 1863
La Chasse aux lions, (1854), (musée d’Orsay à Paris),
Baigneuses ou Femmes turques au bain, (1854), (Wadsworth Atheneum à Hartford),
Les deux Foscari, (1855), (Musée Condé de Chantilly),
Marocains en voyage, (1855), (Museum of Art de Providence, Rhode Island),
Chapelle des Saints Anges à l’Église Saint-Sulpice de Paris), (1855-1861) peinture à l’encaustique, appliquée sur le mur préalablement imbibé d’huile et recouvert d’une couche de blanc de céruse :
Lutte de Jacob avec l'Ange,
Saint Michel terrassant le dragon,
Héliodore chassé du temple,
Les Convulsionnaires de Tanger, (1857), (musée des Beaux-Arts de l'Ontario de Toronto),
Chasses aux lions, (1858) (Art Institute de Boston),
L'Enlèvement de Rébecca, (1858), (musée du Louvre à Paris),
Ovide chez les Scythes, (1859), 88 × 130 cm, (National Gallery de Londres),
Hamlet et Horatio au cimetière et les deux fossoyeurs, (1859), (Musée du Louvre à Paris,
Chevaux arabes se battant dans une écurie, 1860, Musée du Louvre à Paris,
Ugolin et ses fils dans la tour, 1860, Ordrupgaatd-samlingen d'Ordrupgaatd,
La Chasse aux lions, 1860-1861, Art Institute de Chicago,
Médée furieuse, 1862 Musée du Louvre à Paris,
Chevaux à l'abreuvoir, 1862, Museum of Art de Philadelphie
Orphée secourant Eurydice, 1862 Musée Fabre de Montpellier
Camp arabe, la nuit, 1863, Szépmüvészeti Muzeum de Budapest
La Perception de l’impôt arabe ou Combat d'Arabes dans la montagne, 1863, National Gallery de Washington,

Les gravures Les lithographies

Macbeth consultant les sorcières, 1825, lithographie, Bertauts, R. Rodier imprimeur, Paris
Faust et Méphistophélès galopant dans la nuit du sabbat, 1826, Nemours au Château-Musée
Faust dans la prison de Marguerite, 1826, lithographie, chez motte imprimeur, Paris

Écrits

Œuvres critiques
Œuvres littéraires : I. Études esthétiques 1829-1863 : http://classiques.uqac.ca/classiques/ ... s/etudes_esthetiques.html
Journal et correspondance
Eugène Delacroix, Journal : précédé d'une étude sur le maître, Paris, Plon,‎ 1893, 3 volumes (tome 1 : 1822-1850, tome 2 : 1850-1854, tome :
édition établie par Paul Flat et René Piot
Eugène Delacroix, Journal (1822-1963), Paris, José Corti, coll. « Domaine Romantique »,‎ 2009, 2 volumes (tome 1 : 1822-1857, tome 2 : 1858-1863), 2519 p.
nouvelle édition intégrale établie par Michèle Hannoosh
George Sand et Eugène Delacroix, Correspondance : le rendez-vous manqué, Paris,
édition de Françoise Alexandre
Eugène Delacroix, Journal , Bibliothèque numérique de l'INHA

Objets d'usage courant

Plusieurs œuvres d'Eugène Delacroix ont servi à des objets français d'usage courant :
Eugène Delacroix sur le billet de 100 Francs 1979 de la Banque de France
Dans les années 1980, une série de timbres postaux représenta des détails du tableau suivant : La Liberté guidant le peuple.
À la fin du XXe siècle, le billet de banque de cent francs commémorait Delacroix et son tableau La Liberté guidant le peuple. Il s'agissait alors du seul billet de banque au monde représentant une femme aux seins nus. Il était impossible de le changer en monnaie locale dans certains pays islamiques.
Généalogie cognatique et collatéraux
La grand-mère de Delacroix, Françoise Vandercruse était la sœur du célèbre ébéniste Roger Vandercruse. Elle épousa, en premières noces, l'ébéniste Jan-François Œben, puis à la mort de ce dernier, elle s'unit avec Jean-Henri Riesener, élève de son premier époux.
Victoire Œben, fille de Françoise Vandercruse et Jean-François Œben épousa Charles Delacroix d'où ? Eugène.
Jean-Henri Riesener et Françoise Vandercruse eurent un fils le peintre Henri-François Riesener 1767-1828. H.-F. Riesener eut de son union avec Félicité Longrois un fils le peintre Léon Riesener 1808-1878, demi-cousin d'Eugène Delacroix.



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#380 Eugéne Delacroix 1
Loriane Posté le : 24/04/2015 20:19
Le 26 avril 1798 naît Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix

le 7 floreal an VI, à Charenton-Saint-Maurice Seine, mort, à 65 ans, le 13 août 1863 à Paris, peintre majeur du romantisme en peinture, mouvement arrivé en France au début du XIXe siècle. Il a pour maître Pierre-Narcisse Guérin. Il appartient au mouvement artistique Romantisme, Influencé par Géricault, Antoine-Jean Gros, Pierre Paul Rubens, Francisco de Goya. Ses Œuvres les plus réputées sont La Mort de Sardanapale; Femmes d'Alger dans leur appartement; Scène des massacres de Scio; La Liberté guidant le peuple

En bref

Delacroix naît dans un milieu parisien relativement aisé, cultivé et artistique. Il descend, par sa mère, de certains des ébénistes parisiens les plus célèbres du XVIIIe siècle Jean-François Œben notamment, et son père a eu une brillante carrière d'administrateur puis d'homme politique sous l'Ancien Régime et la Révolution, avant de terminer préfet de l'Empire. Mais l'un et l'autre sont morts avant son adolescence, et si Delacroix maintient toute sa vie des liens de famille assez étroits avec son frère et sa sœur aînés, plus âgés, ainsi que de nombreux cousins et neveux, il n'en reste pas moins, fondamentalement, ce qu'il a été très tôt, un solitaire, fidèle toutefois en amitié, comme d'ailleurs aux bonnes fortunes. L'homme, cultivé, musicien, curieux, imprégné des classiques, amateur de littérature contemporaine, était certainement très séduisant, et ceux qui l'ont approché ont vanté sa conversation, son esprit, son intelligence et sa hauteur de vues. Il avait tout pour briller dans le monde, mais ne s'y dispersa pas, retenu par des ennuis de santé précoces et une ardente volonté de travail qui est l'une des marques les plus affirmées de son caractère volontaire. De ses débuts dans le salon du peintre Gérard jusqu'aux réceptions de Napoléon III aux Tuileries, il sut cependant rester sociable et nouer des relations suivies dont il avait personnellement besoin (comme en témoigne par exemple son attachement à Chopin), mais qui servirent aussi sa carrière : il dut de partir pour le Maroc à l'actrice Mlle Mars, et à des arrangements de loges et d'alcôves. Les honneurs, sinon la reconnaissance unanime de la critique lui sont plutôt tardivement venus. Il les a acceptés non pour lui-même, mais pour l'idée, très haute, qu'il se faisait de la peinture, et de son œuvre, à laquelle il a consacré toute son existence.
"Quand j'ai fait un beau tableau, je n'ai pas écrit une pensée. C'est ce qu'ils disent. Qu'ils sont simples ! Ils ôtent à la peinture tous ses avantages. L'écrivain dit presque tout pour être compris. Dans la peinture, il s'établit comme un pont mystérieux entre l'âme des personnages et celle du spectateur. Il voit des figures, de la nature extérieure ; mais il pense intérieurement, de la vraie pensée commune à tous les hommes. "Ces quelques phrases du Journal, écrites par Delacroix en 1822, sont révélatrices des malentendus qui l'ont toujours entouré. Attaqué de son vivant pour son style et la facture de ses œuvres, qui lui valurent ensuite d'être considéré comme un précurseur génial et comme un maître par des artistes aussi divers que Courbet, Degas, Cézanne, Signac ou Picasso, il déroute aujourd'hui par ce qui le rattache au camp classique, une peinture qui a toujours revendiqué et assumé la notion de sujet. C’est pourtant peut-être cette tension entre novation et tradition, constante chez lui mais qui n'est apparue clairement qu'avec le recul du temps ses contemporains retenant surtout ses audaces formelles, qui doit le faire ranger parmi les plus grands, comme l'a si bien exprimé Baudelaire dans l'article qu'il lui a consacré en 1863 : « La Flandre a Rubens ; l'Italie a Raphaël et Véronèse ; la France a Lebrun, David et Delacroix. Un esprit superficiel pourra être choqué, au premier aspect, par l'accouplement de ces noms qui représentent des qualités et des méthodes si différentes. Mais un œil spirituel plus attentif verra tout de suite qu'il y a entre tous une parenté commune, une espèce de fraternité ou de cousinage dérivant de leur amour du grand, du national, de l'immense et de l'universel.
Toujours davantage replié sur lui-même, il jette dans la peinture les forces que lui laisse une laryngite tuberculeuse contractée vers 1835. Les compositions de la fin de sa vie sont souvent en diagonale, comme la Montée au calvaire Salon de 1859 ; certaines reprennent le thème favori de la femme victime et suppliante : Desdémone aux pieds de son père 1852, inspirée non par Shakespeare mais par l'opéra de Gioacchino Rossini, l'Enlèvement de Rébecca 1858, tableau après lequel il n'expose plus au Salon tant les critiques sont virulentes- sauf celle de Baudelaire, son génial défenseur.
Le ton philosophique perceptible dans les grandes décorations est aussi manifeste dans un souci de représenter l'impuissance de l'homme face aux éléments. En 1840, Delacroix s'est inspiré du Don Juan de Byron pour son Naufrage de don Juan Louvre, isolé entre ciel et terre. À partir de 1853, il représente sept fois Jésus sur le lac de Génésareth, opposant au déchaînement des flots, qu'il aime tant observer à Valmont ou à Dieppe, et à l'affolement des disciples le sommeil apaisé du Sauveur. L'ambiance est plus élégiaque, la composition plus passante, les couleurs plus subtiles dans les dernières œuvres comme Ovide chez les Scythes 1862, sujet déjà traité au Palais-Bourbon.
Ses forces déclinent, mais son imagination garde sa souveraineté ; peu avant sa mort, il confie à sa vieille servante, témoin de tant d'efforts, d'enthousiasmes, de désenchantements : "Si je guéris, je ferai des choses étonnantes."
Bientôt, l'impressionnisme exploitera toutes les libertés en germe dans l'œuvre du maître, et Paul Cézanne pourra dire à propos des Femmes d'Alger :" Nous y sommes tous, dans ce Delacroix…".

Sa vie

Il naît au 2 rue de Paris1 actuelle 29, rue du Maréchal Leclerc à Charenton-Saint-Maurice aujourd'hui Saint-Maurice dans le Val de Marne, en proche banlieue parisienne. Sa maison natale, une grande demeure bourgeoise du xixe siècle, existe toujours. Inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques, depuis 1973, elle a été transformée en bâtiment municipal en 1988 et abrite désormais la médiathèque de Saint-Maurice. Eugène Delacroix est le quatrième enfant de Victoire Œben 1758-1814 et de Charles-François Delacroix 1741-1805.
Charles-François Delacroix, a débuté comme secrétaire de Turgot, Intendant de la généralité de Limoges qu'il a suivi à Paris. Député de la Marne le 3 septembre 1792, sous la Convention, il vote la mort du roi, comme le peintre David. Il devient tout d'abord ministre des Affaires extérieures, du 4 novembre 1795 au 18 juillet 1797, ensuite ministre en Hollande du 6 novembre 1797 à juin 17982. Rallié à l'Empire, il est nommé préfet de Marseille, le 2 mars 18002, puis trois ans plus tard, le 23 avril 1803 3 Floréal, An XI, préfet de la Gironde où il meurt le 4 novembre 1805 et où il repose, au cimetière de la Chartreuse.
Sa mère, née en 1758, descend d'une famille d'ébénistes de renom les Œben. Le père de celle-ci, Jean-François Œben 1721-1763 est le célèbre ébéniste de Louis XV. Elle est également apparentée aux Riesener par le remariage de sa mère, en 17663, avec l'ébéniste Jean-Henri Riesener 1734-1806. De cette seconde union nait le 6 août 1767 Henri-François Riesener, peintre, demi-frère de Victoire et oncle d'Eugène Delacroix. Elle meurt le 3 septembre 18144, en le laissant dans un grand dénuement5.
Le couple a quatre enfants : trois garçons et une fille. Charles-Henri Delacroix, l’aîné, naît le 9 janvier 1779 et fait une très belle carrière dans les armées impériales. Promu maréchal de camp honoraire en 1815, il est démobilisé avec le grade de général mais en qualité de demi-solde. Leur second enfant est une fille, Henriette. Elle naît le 4 janvier 1782 et meurt le 6 avril 1827. Elle a épousé le 1er décembre 1797, Raymond de Verninac-Saint-Maur 1762-1822, un diplomate dont elle a un fils, Charles de Verninac 1803-1834, futur neveu d'Eugène. C'est elle qui a recueilli son frère à la mort de leur mère en 1814.
À la demande de son époux, David fait son portrait musée du Louvre, en 1799, dans un genre qu'il développe au cours des dernières années de la Révolution, c'est-à-dire le modèle assis, coupé aux genoux, sur fond uni. Son mari fait également sculpter par Joseph Chinard 1756-1813 son buste en Diane chasseresse préparant ses traits 1808, musée du Louvre.
Son deuxième frère, Henri, né en 1784, est tué le 14 juin 1807, à la bataille de Friedland. Le règlement de la succession maternelle ruine la famille Delacroix. Ce désastre engloutit toute la fortune des enfants une propriété, achetée par la mère de l'artiste afin de couvrir une créance, doit être vendue à perte.

Controverse sur la paternité de Charles Delacroix

Selon certains auteurs, le géniteur d'Eugène Delacroix aurait été Talleyrand10. Cette opinion disputée se base en partie sur l'état de santé du père du peintre quelques mois avant sa naissance. Charles-François Delacroix, ministre des Affaires extérieures en 1795, remplacé par Talleyrand le 16 juillet 1797, souffrait depuis quatorze ans d'une volumineuse tumeur testiculaire. Le chirurgien militaire Ange-Bernard Imbert-Delonnes 1747-1818 publia en décembre 1797 une brochure à propos de l'ablation le 13 septembre 1797 de ce sarcocèle. Cette opération constituait une première médicale. Le bulletin, communiqué à l'Institut, indique que l'opération a réussi et que le citoyen Charles Delacroix fut complètement rétabli au bout de soixante jours. Eugène Delacroix nait sept mois après l'intervention. Cependant, pour A. Camelin, la tumeur de Charles Delacroix n'était pas nécessairement un obstacle à la procréation.
S'il y a de sérieuses raisons de penser que Charles-François Delacroix n'a pas pu être son géniteur, celles qui font de l'artiste un fils naturel de Talleyrand sont moins solides. Caroline Jaubert évoque en 1880 cette rumeur dans la description d'une scène de salon qui aurait eu lieu vers 1840. Pour plusieurs historiens comme Raymond Escholier entre le masque du prince de Bénévent et celui de Delacroix il existe une étonnante ressemblance ... les traits de Delacroix ne rappellent ni ceux de son frère le général, ni ceux de sa sœur Henriette ...volà bien des chances pour qu'Eugène Delacroix ait été un de ces fils de l'amour, doués si souvent de dons prestigieux. Cependant Talleyrand était blond et pâle, alors que, décrivant leur ami Eugène Delacroix à la chevelure de jais, Baudelaire parle d'un teint de Péruvien et Théophile Gautier d'un air de maharadjah.
Emmanuel de Waresquiel rappelle l'absence de sources sérieuses à cette paternité supposée et conclut : Tous ceux qui ont aimé à forcer le trait de leur personnage, ... se sont laissé tenter, sans se soucier du reste, ni surtout des sources ou plutôt de l'absence de sources. Une fois pour toutes, Talleyrand n'est pas le père d'Eugène Delacroix. On ne prête qu'aux riches…
Talleyrand est en tous cas reconnu comme un proche de la famille Delacroix et l'un des protecteurs occultes de l'artiste. Il aurait facilité l'achat, pour une somme de 6 000 francs, des Massacres de Scio, présenté au Salon de 1824 et aujourd'hui au musée du Louvre, par le baron Gérard. Le petit-fils adultérin de Talleyrand, le duc de Morny, président du corps législatif et demi-frère utérin de Napoléon III, fit de Delacroix le peintre officiel du Second Empire, bien que l'empereur lui préférât Winterhalter et Meissonnier. L'ombre tutélaire de Talleyrand s'étend à travers Adolphe Thiers, dont il est le mentor. L'appui de Thiers semble avoir aidé Delacroix à obtenir plusieurs commandes importantes. Il obtient notamment la décoration du Salon du Roi, au Palais Bourbon, et une partie du décor de la Bibliothèque du Sénat, au Palais du Luxembourg.
Cette protection n'établit cependant pas une paternité naturelle, et Maurice Sérullaz évite de se prononcer à ce sujet tandis que de nombreux autres refusent cette hypothèse, la frontière entre une ressemblance réelle et le phénomène de paréidolie étant ténue.
Au-delà de l'intérêt de curiosité, les opinions sur cette controverse reflètent l'importance que les commentateurs veulent attribuer, soit au talent individuel et au caractère, soit aux relations sociales et familiales, soit même à l'hérédité, dans le succès de Delacroix.

Études et formation

À la mort de son père, Eugène n'a que 7 ans. La mère et le fils quittent alors Bordeaux pour Paris. En janvier 1806, ils habitent au 50 rue de Grenelle, dans l'appartement d'Henriette et de Raymond de Verninac. D'octobre 1806 à l'été 1815, Delacroix fréquente un établissement d'élite, le Lycée Impérial actuel lycée Louis-le-Grand où il reçoit une bonne instruction.
Ses lectures sont classiques : Horace, Virgile, mais également Racine, Corneille et Voltaire. Il y apprend le grec et le latin. Les nombreux dessins et croquis griffonnés sur ses cahiers attestent déjà de ses dons artistiques. C'est au Lycée Impérial qu'il rencontre ses premiers confidents : Jean-Baptiste Pierret 1795-1854, Louis 1790-1865 et Félix 1796-1842 Guillemardet, et Achille Piron 1798-1865. Ils partagèrent sa vie de bohème et lui restèrent fidèles jusqu'à la fin de sa vie.

Éducation musicale

Il reçoit aussi une éducation musicale précoce, prenant des leçons avec un vieil organiste1, qui adorait Mozart. Ce maître de musique, qui a remarqué les talents de l’enfant, recommande à sa mère d’en faire un musicien. Mais, la mort de son père en 1805 met fin à cette possibilité. Cependant, toute sa vie, il continuera à participer à la vie musicale parisienne, recherchant la compagnie des compositeurs, des chanteurs et des instrumentistes : Paganini jouant du violon 1831, Collection Philipps de Washington.
En 1815, son oncle, Henri-François Riesener, le fait entrer dans l'atelier de Pierre-Narcisse Guérin où il a pour condisciples Paul Huet, Léon Cogniet, Ary et Henry Scheffer, et Charles-Henri de Callande de Champmartin. C'est également dans son atelier qu'il fait la connaissance de Théodore Géricault, de sept ans son aîné, qui eut une influence capitale sur son art. Guérin leur enseigne les principes de la représentation néo-classique de l'ancienne école : primauté du dessin sur la couleur, retour à l'Antique, beauté des statues chères à l'Allemand Winckelmann, auteur de l'Histoire de l'art de l'Antiquité 1764. Toutefois, ce maître n'est pas totalement fermé aux idées nouvelles. Son enseignement est à la fois classique et libéral.
En mars 1816, Delacroix entre aux Beaux-Arts également chez Guérin où l'enseignement est moins onéreux qu'en atelier privé. Il y poursuit son apprentissage en privilégiant le dessin et la copie des maîtres. Grâce à sa carte de travail qu'il acquiert le 13 juillet 1816, pour le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale, il copiera pendant plusieurs années, des manuscrits d'après des recueils de costumes du Moyen Âge. Ses résultats aux concours et aux examens de l'École des beaux-arts ne lui laissent pas espérer un séjour romain. En 1820, il tente le Prix de Rome où il échoue à la première partie. Parallèlement, il trouve des petits travaux dessin industriel, décoration d'appartements, costumes de théâtre, la faible rente de l'héritage ne suffisant pas à subvenir à ses besoins.

Le peintre romantique

La vocation artistique de Delacroix s'est manifestée assez tôt, dès ses années de collège, peut-être cristallisée par l'exceptionnel rassemblement d'œuvres d'art visibles alors au Louvre. Il entra dans l'atelier de Pierre-Narcisse Guérin en 1816, et les deux ou trois années de formation qui suivirent ont sans aucun doute été déterminantes. Son apprentissage a été celui d'un peintre classique. Il a exécuté nombre d'académies, dessiné et copié d'après l'estampe ou l'original, comme l'avait fait avant lui Géricault. C'est aussi chez Guérin qu'il a appris à maîtriser une technique picturale sans cesse reprise, perfectionnée et même théorisée, le mélange des pigments, l'usage des liants et des siccatifs, bref le métier de peintre qui ne lui fera jamais défaut, au contraire de tant d'artistes romantiques qui ruineront leurs toiles par un usage excessif du bitume ou un mauvais emploi des couleurs et des vernis. Seule la peinture murale lui occasionnera des problèmes sur ce point, bien plus d'ailleurs par la disposition interne des édifices qu'il aura à décorer que par méconnaissance pratique des contraintes de la peinture à la cire ou de la fresque. Il apprend également l'aquarelle, fait ses premiers essais de gravure et de lithographie, tout en se liant à un milieu artistique jeune et ouvert, où se détachent deux personnalités : Géricault, son ancien dans l'atelier de Guérin, qu'il considère très vite comme un modèle, et Bonington, qu'il rencontre au Louvre, avec lequel il travaille, séjourne à Londres et en Grande-Bretagne en 1825, renforçant grâce à d'autres camarades, les frères Fielding, sa connaissance de l'art et de la littérature d'outre-Manche, qui lui fournira tant de sujets.
Trois tableaux, exécutés, sans avoir été autrement commandés, uniquement en vue du Salon, vont rapidement imposer le nom de Delacroix au public et à la critique. La Barque de Dante 1822, Scènes des massacres de Scio 1824, La Mort de Sardanapale 1827-1828, par leur sujet, par leur format, par l'ambition artistique qu'ils manifestent, par les polémiques qu'ils déclenchent font de lui, en moins de six ans, un des artistes français les plus en vue, mais pas des moins controversés. Le premier envoi avait été remarqué, sans plus, et immédiatement acheté par les Musées royaux. Le deuxième, exposé en même temps que Le Vœu de Louis XIII d'Ingres, avait frappé les imaginations par son côté dramatique et morbide, la franchise de l'exécution qui rappelait aussi bien les Vénitiens que les peintres britanniques contemporains, et la portée politique du sujet, évidente en plein mouvement philhellène. Mais la composition en restait somme toute relativement classique et maîtrisée, et l'on pouvait y distinguer l'influence manifeste de Gros. Le scandale survint avec Sardanapale, lointainement inspiré de Byron. Le mouvement romantique s'étendait dans les arts graphiques en ce moment précis, comme il l'avait fait précédemment dans le domaine littéraire, en s'opposant délibérément à tous les canons du beau idéal prôné par les tenants de l'esthétique néo-classique. Delacroix, par la violence du sujet dramatique et morbide qu'il avait en partie inventé, par la liberté qu'il avait prise dans son exécution, tant du point de vue de la composition que dans l'usage de la couleur, parut pousser jusqu'à l'outrance les caractères de la nouvelle école. Alors même que celle-ci s'imposait définitivement, avec des artistes plus sages comme Horace Vernet, Paul Delaroche ou Eugène Devéria, son tableau, objet de toutes les attaques, ne fut pratiquement pas défendu. Le peintre reçut une admonestation de l'administration des Beaux-Arts Sardanapale ne devait entrer au Louvre, par achat, qu'en 1921, sans pourtant être exclu des commandes officielles ou prestigieuses : La Bataille de Poitiers 1829 pour la duchesse de Berry, Le Cardinal de Richelieu disant sa messe 1828 pour la galerie du Palais-Royal rassemblée par Louis-Philippe et La Mort de Charles le Téméraire ou Bataille de Nancy, mort du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, 1831, esquisse peinte en 1828, sujets révélateurs du goût ambiant pour le Moyen Âge et le XVIIe siècle, et dont Delacroix est tout aussi friand comme de ceux qui sont tirés de Walter Scott, de Byron, de Shakespeare ou de Goethe il exécute une suite de lithographies sur Faust entre 1825 et 1828 et sur Hamlet entre 1836 et 1843. Cette fin de la Restauration est en fait sa véritable période romantique, celle où il va le plus loin dans la rupture avec les principes classiques, et où il se rapproche le plus de certains de ses contemporains, tant par les thèmes qu'il traite que par la facture de ses tableaux. C'est dans cette perspective qu'il faut replacer l'influence très perceptible d'artistes britanniques comme Lawrence ou surtout Bonington, sensible parfois à tel point que l'attribution de certains tableaux a oscillé entre les deux amis.
Delacroix, toutefois, n'a jamais, même à ce moment, totalement renié l'héritage classique. Il revendique simplement une autre filiation que celle, communément reconnue de son temps, qui va de Raphaël aux peintres italiens du Seicento, puis de Poussin à David, artistes pour lesquels il éprouvait d'ailleurs une vive admiration. Mais ses vrais maîtres spirituels, ses modèles, demeurent les coloristes Titien, Véronèse, Rubens. Encore faut-il souligner que le dessin reste pour lui essentiel, comme en témoignent d'innombrables et souvent admirables feuilles, qui révèlent, au-delà de l'aspect strictement utilitaire, une pratique assidue, presque une ascèse. En revanche, il ne lui soumet pas totalement la composition, comme a pu le faire Ingres, dont le systématisme en la matière lui était insupportable. Il est enfin pour lui un autre point capital dans la mise en œuvre d'un tableau, le sujet. Son Journal est ainsi parsemé d'indications mises en réserve, au fil de la plume, où l'Antiquité et la mythologie se mélangent à la littérature classique ou contemporaine, et la religion à l'histoire.
Le 28 Juillet, ou la Liberté guidant le peuple sur les barricades, une allégorie de faits contemporains à la composition dynamique mais équilibrée, probablement l'une de ses toiles les plus populaires reprise, en France, dans les timbres et les coupures bancaires exposée au Salon de 1831, synthétise bien ces diverses tendances. Aussi son côté subversif réside-t-il moins dans les aspects formels bien qu'on lui ait reproché son réalisme et l'absence d'idéalisation dans la figure de la Liberté que dans la portée politique jugée trop radicale : si le tableau fut acheté par l'État, il n'apparut jusqu'à la IIIe République que par intermittences sur les cimaises du musée du Luxembourg, puis du Louvre.

L’apprentissage de l’aquarelle et le voyage en Angleterre

C'est en 1816 que Delacroix rencontre Charles-Raymond Soulier, aquarelliste amateur anglophile, revenu d'Angleterre et influencé par les artistes anglais, notamment Copley Fielding 1787-1855 dont il est un ancien élève. Grâce à cet ami et à Richard Parkes Bonington, Delacroix se familiarise avec l'art de l’aquarelle, qui le libère ainsi du carcan académique enseigné aux Beaux-Arts. Pour les Britanniques, l’aquarelle n’est pas qu’une peinture à l’eau. Ils l’associent aussi à la gouache et à divers procédés, tel l’emploi des gommes, de vernis et de grattages. Charles Soulier lui enseigne également les rudiments de la langue anglaise
Du 24 avril à la fin août 1825, il effectue un voyage en Angleterre où il découvre le théâtre de Shakespeare, en assistant aux représentations de Richard III, Henri IV, Othello, Le Marchand de Venise et La Tempête avant qu'une troupe anglaise se déplace à Paris, deux ans plus tard le 9 septembre 1827. Il assiste également à une adaptation audacieuse du Faust 1773-1790 de Goethe 1749-1832. Pour Delacroix, la littérature et le théâtre seront une source importante d'inspiration, tout au long de sa carrière : Hamlet et Horatio au cimetière 1835, Francfort et Hamlet et les deux fossoyeurs 1859, musée du Louvre. Ces nouveaux sujets se mêleront jusqu’à sa mort aux thèmes orientaux, historiques ou religieux. À partir de ce voyage, la technique de l'aquarelle acquiert une importance dans son œuvre. Elle lui sera d'une grande aide lors de son voyage en Afrique du Nord, pour pouvoir en restituer toutes les couleurs.

Les débuts de la carrière de Delacroix Ses débuts en peinture 1819-1821

En 1819, Delacroix aborde pour la première fois la décoration avec la salle à manger de l’hôtel particulier de M. Lottin de Saint-Germain, situé dans l’île de la Cité. Les dessus de porte, qu’il exécute dans le style pompéien, seront terminés avant mars 1820. De cet ensemble, aujourd’hui disparu, il ne reste que les dessins et projets, personnages, scènes allégoriques ou mythologiques, déposés au musée du Louvre.
Il exécute également le décor de la salle à manger de l'hôtel particulier que le tragédien Talma se faisait construire, au 9 rue de la Tour-des-Dames, à Montmartre. Cette décoration lui a été confiée en 1821 et a pour sujet : les quatre saisons en dessus de porte, dans le style gréco-romain dont l'inspiration vient des fresques d'Herculanum, comme précédemment pour celles de M. Lottin. Le Louvre a en sa possession un certain nombre de dessins préparatoires et de projets, le reste étant conservé dans une collection particulière à Paris.
Ses premiers tableaux de chevaux sont deux retables religieux41,5, inspirés des peintres de Renaissance :
La Vierge des moissons 1819, Église St Eutrope d'Orcemont, près de Rambouillet, influencé par les Madones florentines41 de Raphaël 1483-1520, notamment La Belle jardinière 1507-1508, musée du Louvre.
La Vierge du Sacré-Cœur 1821, Cathédrale d'Ajaccio, rappelle Michel-Ange 1475-1564, par l’aspect massif et statique de la figure de la Vierge. Ce retable a été commandé, à l’origine, à Géricault, par le ministère de l'Intérieur, pour la cathédrale Saint-Pierre de Nantes. Peu intéressé par le sujet, celui-ci le sous-traite à Delacroix, qui avait des besoins pressants d’argent. La substitution ne sera révélée qu’en 1842, par Batissier, dans un article publié dans La Revue du XIXe siècle.
La révélation d’un talent 1822-1824

La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux Enfers

En 1822, Delacroix, désireux de se faire un nom dans la peinture et de trouver une issue à ses difficultés financières, se présente pour la première fois au Salon officiel, avec La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux Enfers que l’État achète pour 2 000 francs au lieu des 2 400 francs demandés par le peintre. Les réactions de la critique sont vives, voire virulentes, comme celles d'Étienne-Jean Delécluze, défenseur de l'école davidienne, qui parle d’une vraie tartouillade, dans le Moniteur du 18 mai. Cependant, Adolphe Thiers, jeune journaliste, écrit dans le Constitutionnel du 11 mai, un article élogieux qui parle de l’avenir d’un grand peintre. Quant à Antoine-Jean Gros, qui admire La Barque de Dante, il qualifie le peintre de Rubens châtié.
Ayant défini son sujet très tardivement à la mi-janvier, Delacroix doit travailler dans l'urgence afin d’être prêt pour exposer au Salon Officiel, dont l'inauguration est le 24 avril. Pour cela, il utilise des vernis qui, en permettant un séchage plus rapide des couleurs, compromettent la conservation de sa toile. Les couches sombres sous-jacentes en séchant plus vite que les couches claires en surface provoquent d’énormes craquelures et gerçures. Très attaché à ce tableau, il finit par obtenir, en février 1860, l'autorisation de le restaurer lui-même46. En agissant ainsi, il veut prouver qu’il est un vrai peintre, en montrant qu’il maîtrise les différentes parties de son art : le nu, le drapé, l’expression.
Le thème, tiré du chant VIII de l'Enfer de Dante, est inédit pour l’époque. La connaissance superficielle, que ses contemporains ont de l’œuvre de Dante, font qu’ils illustrent toujours les mêmes épisodes : l’histoire d’Ugolin Enfer, chant XXXIII, Paolo et Francesca Enfer, chant V, et La Barque de Charon Enfer, chant III. La nouveauté de Delacroix s’exprime donc par le choix du sujet et par le format utilisé, pour cette peinture à sujet littéraire. Jusqu’à présent, ce format était réservé pour des peintures à sujets religieux ou mythologiques.
Pour ce tableau, les influences sont multiples. Il faut d'abord noter celle du Radeau de la Méduse 1819, musée du Louvre de Géricault : une vue de gros plan, une embarcation, des flots déchaînés. Si la critique signale des ressemblances entre La Barque de Dante et l'œuvre de Géricault, c'est pour mieux en diminuer l'importance. Ensuite, c'est l'emprise de Michel-Ange 1475-1564 qui apparaît avec les musculatures imposantes des damnés rappelant l'un des Deux Esclaves du Louvre et de la femme dérivée d'un prototype masculin. Celle de l’Antique vient après : la figure de Phlégyas, le nocher, chargé de conduire Dante et Virgile jusqu’à la ville infernale de Dité, renvoie au Torse du Belvédère IVe av. J.-C., Musée Pio-Clementino à Rome. Et pour finir, il faut également parler de l'influence de Rubens, avec les naïades du Débarquement de Marie de Médicis à Marseille 1610, musée du Louvre, dont il s'inspire pour la coloration, par petites touches de couleurs pures juxtaposées, des gouttes d’eau sur les corps de damnés. D'ailleurs, il en a fait une esquisse : Torse d'une sirène, d'après le Débarquement de Marie de Médicis Kunstmuseum de Bâle.
C'est sous l'influence de Géricault et les encouragements de Gros que dans les années 1820, Delacroix s'intéresse aux chevaux et multiplie les études d'après nature. À la date du 15 avril 1820, il note dans son journal : Il faut absolument se mettre à faire des chevaux. Aller dans une écurie tous les matins ; se coucher de très bonne heure et se lever de même. Pour cela, il s'établit un véritable programme d'étude comprenant des visites dans les écuries ou au manège. La constitution de cette encyclopédie lui servira pour ses futurs tableaux.
Théodore Géricault, dont Delacroix fait la connaissance dans l'atelier de Guérin a eu une influence importante, particulièrement au début de sa carrière. Il lui emprunte sa manière de peindre : de forts contrastes d’ombres et de lumières donnant du relief et du volume aux modèles. Il utilise également certaines de ses couleurs : des vermillons, des bleus de Prusse, des bruns, des blancs colorés. L’un des sommets de sa première manière est : L’Assassinat de l’évêque de Liège 1831, Louvre. L’Officier turc, enlevant sur son cheval l’esclave grec Les Massacres de Scio 1824, musée du Louvre est notamment inspiré de L’Officier de chasseur à cheval 1812, musée du Louvre de Géricault. Quand celui-ci meurt le 26 janvier 1824, Delacroix devient malgré lui le chef de file du Romantisme.

Les Scènes des Massacres de Scio

Les Massacres de Scio, que Delacroix présente en 1824 au Salon Officiel, obtient la médaille de seconde classe. Il est acheté 6 000 francs, par l’État, pour être exposé ensuite au musée du Luxembourg. La toile s’inspire d’un fait d’actualité : le massacre de la population de l’Île de Chio par les Turcs, survenu en avril 1822. Dès cette date, Delacroix a l’idée de peindre un tableau sur ce thème qu’il abandonne au profit de La Barque de Dante.
Les costumes orientaux que Jules-Robert Auguste 1789-1850 dit M. Auguste, lui prête pour l’élaboration de son tableau, proviennent de la collection qu’il ramena de ses voyages, en Orient. Delacroix put également effectuer des recherches iconographiques à La Bibliothèque Nationale. Un carnet, conservé aux Départements des Arts graphiques du musée du Louvre et utilisé vers 1820-1825, mentionne la consultation d’un ouvrage de Claude-Étienne Savary 1750-1788, Lettres sur la Grèce, édité en 1788 ainsi que des croquis effectués d’après le livre de Rosset, Mœurs et coutumes turques et orientales dessinés dans le pays, en 1790.
M. Auguste, ancien sculpteur devenu aquarelliste et pastelliste, a rapporté de ses voyages en Grèce, Égypte, Asie Mineure et Maroc61 de remarquables études et toute une série d’objets : étoffes, costumes, armes et bibelots divers. Il est considéré comme l’initiateur de l’Orientalisme, en France. Son influence sur Delacroix et son art est très forte, surtout entre 1824 et 1832, date de son voyage en Afrique du Nord. C’est avec des œuvres, comme Les Massacres de Scio et le La Grèce sur les ruines de Missolonghi 1826, musée des Beaux-Arts de Bordeaux, toutes les deux tirés d'évènements contemporains, que Delacroix participa au mouvement philhellène. Tout d’abord, ce sont les poètes, qui se sont enflammés les premiers, pour la cause grecque :
Casimir Delavigne 1793-1843 et ses Douze Messéniennes 1818-1842,
Byron,
Népomucène Lemercier 1771-1840 et ses Chants héroïques des montagnards et matelots grecs, de 1824 et sa Suite des chants héroïques et populaires, de 1825,
Victor Hugo 1802-1885 et ses Orientales.
Son tableau fut durement accueilli par les critiques, par la majorité des artistes et par le public. Bien que Gros ait apprécié La Barque de Dante, il jugea Les Massacres de Scio, avec sévérité, en affirmant qu’il s’agissait du Massacre de la peinture !. Certains critiques, tout en signalant l’influence des Pestiférés de Jaffa de Gros, écrivirent qu’il avait Mal lavé la palette de Gros. Cependant, Delacroix eut aussi des défenseurs. Dans Le Constitutionnel, Thiers écrivit : M. Delacroix … a prouvé un grand talent, et il a levé des doutes en faisant succéder le tableau des Grecs à celui de Dante. Ce tableau le place comme porte-drapeau des romantiques, ce qu'il déplore, ne voulant être affilié à aucune école. En fait, ce que ses détracteurs lui reprochent, c’est sa manière de peindre, sa négligence vis-à-vis du dessin, d’où l’emploi du mot tartouillade par Delécluze en 1822 et les remontrances d’Anne-Louis Girodet sur ce sujet.
En effet, c’est à dessein que Delécluze emploie ce mot, car selon Le Littré, il signifie : En langage d’atelier, peinture d’une exécution très lâchée, et dans laquelle la composition et le dessin sont complètement sacrifiés à la couleur. Cependant, Delacroix n’a pas eu que des détracteurs. Tout au long de sa carrière, il a pu bénéficier du soutien indéfectible de Thiers qui lui apporta son appui, de Théophile Gautier 1811-1872 et de Charles Baudelaire 1821-1867 qui lui consacra un poème64, Les Phares VI, Les Fleurs du mal et un de ses salons, celui de 1846 IV, Mes Salons.
Le peintre présente également trois autres tableaux au Salon : Tête de vieille femme musée des Beaux-Arts d’Orléans et Jeune orpheline au cimetière musée du Louvre et hors catalogue, Le Tasse dans la maison des fous collection particulière. Entre 1823 et 1825, il peint plusieurs tableaux de Grecs en costume de palikares soldats grecs combattant les Turcs pendant la Guerre d’indépendance et des Turcs, dont certains ont pu être utilisés pour Les Massacres de Scio. Lors du Salon Officiel, Delacroix eut l’occasion de voir des peintures de John Constable que son marchand Arrowssmith présentait, notamment La Charrette à foin 1821, National Gallery de Londres, récompensée par la médaille d’or. Une anecdote veut qu’après avoir vu cette toile, il décida de refaire le ciel des Massacres de Scio, après en avoir demandé la permission au comte de Forbin 1777-1841, directeur des musées.

La période de maturité Les années romantiques 1825-1831

Durant son voyage en Angleterre, qui s’est déroulé de mai à août 1825, Delacroix a visité Hampstead et l’Abbaye de Westminster, dont il s’est inspiré pour l’Assassinat de l’évêque de Liège 1831, musée du Louvre. Il a rencontré Sir David Wilkie 1785-1841, peintre d’histoire, de genre et de portrait ainsi que Thomas Lawrence 1769-1830, qu’il a pu voir dans son atelier. Il a été très influencé par son style et ses portraits qu'il admirait beaucoup. Il s'est inspiré du portrait de David Lyon vers 1825, Musée Thyssen-Bornemisza de Lawrence, pour celui du baron de Schwiter 1826-1830, National Gallery de Londres.
C'est dans les années 1820 que Delacroix, de sept ans son aîné, croise pour la première fois, chez son ami Jean-Baptiste Pierret, Louis-Auguste Schwiter 1805-1889. Ils furent des amis très proches et tous les deux, de grands admirateurs du portraitiste anglais. Il rend également visite au Dr Samuel Rush Merrick, un antiquaire très réputé68 pour sa très belle collection d’armes et d'armures, dont il fait des études, en compagnie de Richard Parkes Bonington qu’il avait revu à Londres. Les deux hommes partageaient les mêmes goûts pour le Moyen Âge, d'où les études communes qu'ils firent ensemble : plusieurs feuilles leur ayant été successivement imputées l'un à l'autre.
C’est à partir de 1826 que Delacroix fréquente Victor Hugo et son cénacle. Dans un premier temps, un premier groupe se constitue autour de deux représentants de la littérature officielle : Charles Nodier et Alexandre Soumet 1788-1845. Ce premier cénacle se réunit tout d’abord dans l'appartement de Nodier, rue de Provence puis à l’Arsenal où il avait été promu bibliothécaire. Leur intérêt commun pour le Moyen Âge donnera naissance au style troubadour : Ingres et Delacroix ont l'un et l'autre réalisés des peintures de petit format dans ce style.
En parallèle et dès 1823, les amis de Hugo se groupent autour du poète, formant une sorte d'école. De plus en plus nombreux, ce second groupe forme à partir de 1828 et en 1829 le second cénacle : Hugo devenant le chef de file du mouvement romantique. Les membres du premier cénacle se rallieront à eux. C'est en 1830 que les rapports entre Delacroix et Hugo se détériorent : le poète lui reprochant son manque d’engagement vis-à-vis de la cause romantique.

Eugène Delacroix, La Grèce sur les ruines de Missolonghi, 1826, musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

Le 25 avril 1826, Missolonghi, bastion de la résistance grecque, est prise par les Turcs. Une exposition est organisée le 24 mai, à la Galerie Lebrun, 4 rue du Gros-Chenet afin de récolter des fonds pour soutenir leur cause. Delacroix y présente d'abord Le Doge Marino Faliero Wallace collection de Londres, Don Juan et Un officier tué dans les montagnes, qu'il remplace en juin, par Le Combat du Giaour et d'Hassan et en août, par La Grèce sur les ruines de Missolonghi musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Il s’agit pour le peintre d’alerter l’opinion publique alors que le gouvernement français prône la neutralité. Pour cette allégorie de La Grèce, il s’inspire des Victoires Antiques et de la figure mariale avec son manteau bleu et sa tunique blanche. Ce tableau rappelle la mort de Byron, le 19 avril 1824 à Missolonghi, et le courage et la témérité de Marcos Botzaris 1788-1823, qui a lui-aussi été tué à Missolonghi. Hormis Victor Hugo, les critiques étaient déroutés par cette interprétation du sujet qui les laissait perplexes.

Eugène Delacroix, La Mort de Sardanapale détails 1827-1828, Louvre.

Au Salon officiel de 1827-1828, Delacroix expose plusieurs œuvres, dont La Mort de Sardanapale musée du Louvre, unanimement rejeté par les critiques. Pourtant, par ses références à l’art du passé, par la multiplicité de ses sources d’inspiration et par le choix de son thème dans l’Orient ancien, Delacroix n’a nullement voulu choquer ses pairs, mais plutôt les convaincre de son génie. Mais, les injures fusent de partout. Dans Le Quotidien, il est question d’un ouvrage bizarre 24 avril. Pour La Gazette de France, c’est le plus mauvais tableau du Salon 22 mars. Quant à Étienne-Jean Delécluze, il en rajoute en affirmant, dans Le Journal des débats, qu’il s’agit d’une erreur de peintre 21 mars.
Le déchaînement suscité par la présentation de son tableau gêne ses amis, qui n’interviennent pas pour le défendre. Victor Hugo, en effet, ne prend pas publiquement son parti. C’est seulement dans une lettre du 3 avril 1828, adressé à Victor Pavis, qu’il manifeste son enthousiasme pour La Mort de Sardanapale, en écrivant : Ne croyez pas que Delacroix ait failli. Son Sardanapale est une chose magnifique et si gigantesque qu’elle échappe aux petites vues …. Le peintre est également victime des bons mots des humoristes, qu’il n’apprécie pas, malgré son goût pour les calembours. Le surintendant des Beaux-Arts, Sosthène de La Rochefoucauld 1785-1864 l’invite même à changer de manière. Ce qu’il refuse catégoriquement. La violence de ces attaques va précipiter sa brouille avec le mouvement romantique et cette fois-ci le tableau n’est pas acheté. Il écrit qu'on l’éloigne pendant cinq ans des commandes publiques, mais il n'en est rien, dès l'année suivante il en obtient des nouvelles.
Comme autre participant au Salon, il faut également citer Ingres, avec L'Apothéose d'Homère musée du Louvre. Celui-ci avait déjà exposé, au Salon de 1824, Le Vœu de Louis XIII Cathédrale de Montauban. Jean-Auguste-Dominique Ingres, représentant du peintre néoclassique par excellence, sera le grand rival de Delacroix, pendant toute sa vie. À travers ces deux artistes, c’est deux conceptions de la peinture diamétralement opposées qui s’affrontent : le disegno dessin et le colorito couleur. Avec L'Apothéose d'Homère musée du Louvre d’Ingres et La Mort de Sardanapale musée du Louvre de Delacroix, les deux artistes affirment leurs doctrines. La fameuse querelle du coloris des années 1670, qui opposa jadis les Rubénistes et les Poussinistes, partisans de la couleur et de la ligne, était toujours vivace au XIXe siècle.

Eugène Delacroix, La Nature morte aux Homards 1826-1827, Louvre

Après cet échec cuisant, Delacroix va conserver son tableau, dans son atelier jusqu’en 1844, date à laquelle il se décide de le mettre en vente. En 1845, il trouve un acquéreur en la personne d’un collectionneur américain, John Wilson, pour une somme de 6 000 francs. Le Salon de 1827-1828 est avec l’Exposition Universelle de 1855, la manifestation la plus importante pour Delacroix, par le nombre de toiles présentées. En deux envois, il expose tout d’abord :
Le Portrait du comte Palatiano en costume souliote 1827-1828, Cleveland Museum of Art,
Le Christ au jardin des Oliviers 1824-1827, Église Saint-Paul-Saint-Louis
Le Doge Marino Faliero Wallace collection de Londres
Deux chevaux de ferme anglais 1825, Brame et Lorenceau
Jeune turc caressant son cheval,
Un pâtre de la campagne de Rome, blessé mortellement,
Tête d’une indienne,
Scène de la guerre actuelle des Turcs et des Grecs,
Nature morte aux homards 1826-1827, musée du Louvre
L’Empereur Justinien composant ses lois tableau aujourd’hui détruit
Puis ce sera :

Le Docteur Faust dans son cabinet, Milton et ses filles.

En 1828, Charles Motte, éditeur rue des Marais, publie Faust, la tragédie de Goethe 1749-1832 : celle-ci a été traduite par Philippe Albert Stapfer 1766-1840 et illustrée d’une suite de 17 lithographies 1827-1828, par Delacroix. De Weimar, dans une lettre adressée à son ami Johann Peter Eckermann 1792-1854, Goethe est enthousiasmé par le travail du peintre et estime qu’il a bien su retraduire les scènes qu’il avait imaginées.
Eugène Delacroix, Quentin Durward et le Balafré, vers 1828-1829, musée des Beaux-Arts de Caen
C’est après la visite de Charles X à Nancy que Delacroix reçoit, le 28 août 1828, une commande du ministre de l’Intérieur. Il s’agit de La Mort de Charles le hardi ou Le Téméraire, plus couramment appelé La Bataille de Nancy musée des Beaux-Arts de Nancy, que le roi veut offrir à la ville de Nancy et qui ne sera terminé qu’en 1831, et ne sera exposé au Salon qu’en 1834. Sa disgrâce n’a donc pas duré longtemps. Grâce à la protection de la famille royale, Delacroix reçoit en décembre 1828 ou en janvier 1829, la commande de deux peintures pour la duchesse de Berry 1798-1870, veuve de l’héritier du trône légitimiste : Quentin Durward et le Balafré vers 1828-1829, musée des Beaux-Arts de Caen et La Bataille de Poitiers, dit aussi Le Roi Jean à la bataille de Poitiers musée du Louvre, qui ne seront achevés qu’en 1830.

Eugène Delacroix, L’Assassinat de l’évêque de Liège, 1830, Louvre

À la demande du duc Louis-Philippe d'Orléans 1775-1850, Delacroix peint un tableau de grande dimension 420 × 300 cm pour sa galerie historique, au Palais Royal. Il s’agit de Richelieu disant sa messe 1828 ou Le Cardinal de Richelieu dans sa chapelle au Palais-Royal, détruit durant La Révolution de 1848 et dont il ne reste qu’une lithographie de Ligny figurant dans l’Histoire du Palais Royal par Jean Vatout 1830
En janvier, il le sollicite de nouveau pour un autre tableau inspiré de Walter Scott 1771-1832, l’Assassinat de l’évêque de Liège musée du Louvre, tout d’abord présenté à la Royal Academy en 1830, ensuite au Salon officiel de 1831 et enfin à l’Exposition Universelle de 1855 à Paris et à celle de Londres en 1862. Une anecdote circule au sujet de ce tableau, concernant une nappe blanche, point capital de cette scène, que Delacroix avait du mal à peindre. En dessinant un soir chez son ami Frédéric Villot 1809-1875, le peintre se serait fixé un ultimatum, en déclarant : Demain j’attaque cette maudite nappe qui sera pour moi Austerlitz ou Waterloo. Et ce fut Austerlitz. Pour la charpente de la voûte, il s’était inspiré de croquis faits au Palais de justice de Rouen et du vieux hall de Westminster qu’il avait visité durant son séjour à Londres.
C’est à partir de 1830 que Delacroix commence à écrire, comme critique d’art, cinq articles pour La Revue de Paris, fondée en 1829 par le docteur Véron 1798-1867. Le premier de ses articles, consacré à Raphaël 1483-1520, paraît en mai et le deuxième, sur Michel-Ange 1475-1564, en juillet. Dans ces deux articles, il y exprime son admiration pour ces deux artistes, qui ont eu une grande influence sur son œuvre. Ce qui lui permet également d’y exposer ses propres convictions esthétiques.
Les journées du 27, 28 et 29 juillet 1830 ont lieu les évènements, qui devaient précipiter la chute de Charles X 1757-1836 et propulser au pouvoir, Louis-Philippe 1773-1850. Sur les trois concours organisés le 30 septembre, par le nouveau gouvernement, pour la décoration de la Salle des séances, dans la nouvelle Chambre des Députés, au Palais Bourbon, le peintre se présente aux deux derniers. Les sujets proposés sont :

Le Serment de Louis-Philippe Ier à la chambre des Députés en août 1830,

La Protestation de Mirabeau 1749-1791 contre le congé signifié par Louis XVI aux États généraux par la bouche du marquis de Dreux-Brézé 1766-1829,
Boissy d’Anglas 1726-1826 tenant tête à l’émeute.
Delacroix se voit préférer Nicolas-Auguste Hesse 1795-1869, élève de Gros 1771-1835, pour Mirabeau et Jean-Baptiste Vinchon 1787-1855 pour Boissy d’Anglas 1756-1826. Le jury est composé de Guérin 1774-1833, Gros et Ingres 1780-1867. Cette injustice est récupérée par Achille Ricourt 1798-1874, écrivain et journaliste, fondateur de L'Artiste, une grande revue d’art, pour la défense de la cause romantique. Louis Boulanger 1806-1867 y écrit un article sur Un des Cinquante Boissy d’Anglas : Mon peintre, c’est Delacroix. Tout cela vit, tout cela se meut, se tord et accélère le mouvement du sang dans vos artères … C’est l’accent de la nature saisi dans ce qu’il a de plus inattendu, qualités précieuses, qui seules révèlent le grand peintre, mais qui malheureusement le révèlent trop souvent à un trop petit nombre.
La longue lettre, intitulée Lettre sur les concours que Delacroix avait adressée le 1er mars 1831, a été également publiée par la revue, afin d’accentuer la controverse. C’est un violent réquisitoire contre les concours, opposant les médiocres, aux Rubens, aux Raphaël, aux Hoffmann89, sur un ton plein d’ironie. L’esquisse qu’il avait réalisée pour le deuxième sujet, intitulée Mirabeau devant Dreux-Brézé 1830, est aujourd’hui exposée au Musée National Eugène-Delacroix. Celle du troisième sujet, Boissy d’Anglas tenant tête à l’émeute, se trouve au musée des beaux arts de Bordeaux.

La Liberté guidant le peuple, 1830

En 1831, Delacroix présente au Salon officiel, qui avait ouvert ses portes, cette année-là, le 14 avril La Liberté guidant le peuple. Le tableau, répertorié au no 511 du catalogue du Salon, est intitulé Le 28 juillet ou La Liberté guidant le peuple titre qu’il conservera par la suite. Il l’a peint afin d’effacer les mémoires de son précédent échec au salon de 1827 et pour s’attirer les bonnes grâces du nouveau pouvoir, et bénéficier ainsi de nouveau des commandes publiques. Il a été acheté pour une somme de 3 000 francs par Louis-Philippe afin d’être exposé au Musée Royal, alors au Palais du Luxembourg.
Sa peinture n’y est présentée que quelques mois, de peur que son sujet encourage les émeutes. Elle est d’abord mise dans les réserves par Hippolyte Royer-Collard, directeur des Beaux-Arts, ensuite reprise par Delacroix, dès 1839, avec l’autorisation d'Edmond Cavé, son successeur et exposé de nouveau en 1848. Cependant, quelques semaines plus tard, il est invité à la reprendre. Grâce à Jeanron, directeur des musées et à Frédéric Villot, conservateur au musée du Louvre, La Liberté guidant le peuple rejoint les réserves du musée du Luxembourg. Avec l’accord de Napoléon III, elle sera exposée à l’Exposition Universelle de 1855. Ce n'est qu'en novembre 1874, qu'elle est déplacée d'une manière définitive, pour être exposée en permanence au musée du Louvre.
Son sujet est lié aux combats de rues, qui se sont déroulés durant les journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet, dites aussi Les Trois Glorieuses. La figure de La Liberté, représentée par une jeune-femme à la poitrine nue, coiffée d’un bonnet phrygien, tenant un drapeau tricolore97 est accompagnée par un enfant des rues, placé à sa droite et par un jeune homme à la redingote, coiffé d’un haut de forme et tenant une espingole fusil tromblon à deux canons parallèles, placé à sa gauche. La légende veut que ce jeune homme représente Delacroix et qu’il ait participé aux évènements.
Or, plusieurs éléments réfutent ces faits : le témoignage d’Alexandre Dumas, les convictions politiques du peintre fervent bonapartiste. Il aurait tout au plus été enrôlé dans la garde nationale, qui avait été restaurée le 30 juillet 1830 après avoir été supprimée en 1827, afin de garder le trésor de la Couronne, d’ailleurs déjà au Louvre.
Pour Lee Johnson, expert britannique et spécialiste de Delacroix101, il s’agirait plutôt d’Étienne Arago 1802-1892, ardent républicain, directeur du Vaudeville de 1830 à 1840. C’était déjà la figure politique à laquelle Jules Claregie avait pensé, en 1880. Quant à l’enfant des rues, il aurait inspiré Victor Hugo 1802-1885 pour son personnage de Gavroche, des Misérables, publiés en 1862.
Le tableau reçoit un accueil modéré de la part de la critique. Cependant, Delécluze s’est montré compréhensif104 envers lui, en écrivant dans Le Journal des Débats, du 7 mai : … Ce tableau peint avec verve, coloré dans plusieurs de ses parties avec un rare talent, rappelle tout à fait la manière de Jouvenet …. Certains critiques ont apprécié le tableau, mais d’autres ont trouvé que la représentation de la Liberté était inacceptable. Celle-ci a été la cible des qualificatifs les plus vulgaires : poissarde, fille publique, faubourienne. C'est son réalisme qui dérangeait : la nudité de son torse, la pilosité des aisselles.
Son absence, pendant des années des cimaises du musée, en fait une œuvre emblématique, une icône républicaine, qui servira d’affiche à la réouverture en 1945, du musée du Louvre et ornera l’ancien billet de 100 francs. Le sculpteur François Rude s’en inspirera pour son Départ des volontaires, figurant sur l’arc de triomphe de Paris et en 1924, le peintre, Maurice Denis, reprendra ce sujet pour orner la coupole du Petit Palais, consacré à l’art romantique et réaliste.
Les querelles, qui opposent les classiques et les romantiques ou modernes, agacent beaucoup Delacroix. Le 27 juin 1831, il écrit au peintre Henri Decaisne 1799-1852, membre comme lui de la Société libre de peinture et de sculpture, fondée le 18 octobre 1830, afin d’adopter une stratégie commune face à l’influence puissante de la Société des Amis des Arts, proche de l’Institut créée en 1789 et ressuscitée en 1817. Sur les conseils de Decaisne, il contacte Auguste Jal 1791-1873, critique d’art important pour qu’il défende leur cause dans Le Constitutionnel. Dans une longue lettre qu’il adresse alors à M. d’Agoult, ministre de l’intérieur de l’époque, afin d’exposer leurs griefs et de signaler les dangers de séparer les artistes officiels, des autres, d’un talent bien souvent plus grand. Par ailleurs, en septembre 1831, Delacroix obtient la Légion d’honneur. Ce qui est un début de reconnaissance officielle.

Le voyage au Maroc

Ce qui peut apparaître comme un retour à l'ordre se concrétisa, assez paradoxalement, dans le voyage que Delacroix fit au Maroc au cours des six premiers mois de 1832. Il y accompagnait un diplomate, le comte de Mornay, venu négocier avec le sultan des arrangements rendus nécessaires par la conquête de l'Algérie voisine. Partie de Toulon, l'ambassade arriva à la fin de janvier 1832, via Gibraltar, à Tanger, qui devait constituer sa base. Elle se rendit à Meknès, pour rencontrer le sultan, en mars-avril, avant de rentrer en France, cette fois-ci par Oran et Alger, en juin-juillet. Une brève escapade avait permis à Delacroix, en mai, de découvrir l'Espagne, c'est-à-dire Cadix et Séville. Durant ce séjour, il n'arrêta pas de prendre des notes, remplissant carnets et feuilles volantes de brèves indications manuscrites et surtout de croquis au crayon ou à l'aquarelle, plus ou moins rapides, qu'il lui arrivait de reprendre le soir, et où l'on voit en germe nombre d'œuvres futures. Le voyage marocain devait en effet lui procurer, jusqu'à la fin de sa vie, une source inépuisable de sujets. Aux compositions religieuses, mythologiques, historiques ou littéraires s'ajoutent désormais, développant et parachevant sa veine grecque, les tableaux orientalistes, une part majeure de son œuvre, appuyée, on l'a amplement souligné, sur une réalité vécue et non, comme avant 1832, sur un Orient mythique, imaginé ou rêvé.
Il ne faut cependant pas réduire l'expérience nord-africaine au seul apport pittoresque. De même que l'Italie, Rome et l'antique avaient ouvert les yeux de David, le Maroc fut pour Delacroix une révélation, celle du « sublime vivant qui court ici dans les rues et qui vous assassine de sa réalité, comme il l'écrit à son ami Pierret. À chaque pas, il y a des tableaux tout faits qui feraient la fortune et la gloire de vingt générations de peintres. Vous vous croyez à Rome ou à Athènes moins l'atticisme .... Un gredin qui raccommode une empeigne pour quelques sous a l'habit et la tournure de Brutus ou de Caton d'Utique, dira-t-il un peu plus tard à Armand Bertin. L'antique imaginé par le peintre se vivifie au contact de la réalité marocaine, qui lui apporte des impressions similaires à celles qu'avaient éprouvées, cinquante ans plus tôt, les néo-classiques devant la statuaire romaine et les fresques de Pompéi. Il y a plus : c'est certainement dans ces quelques mois décisifs que le coloriste s'est définitivement révélé, par l'exemple même de la réalité exotique et bigarrée qu'il avait sous les yeux, certes, mais aussi par les effets d'une lumière tout aussi nouvelle et inattendue. Il y sentit, selon ses propres termes, la précieuse et rare influence du soleil qui donne à toute chose une vie pénétrante : une caractéristique, pourrait-on dire, de toute son œuvre ultérieure.


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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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