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#71 Evariste Gallois
Loriane Posté le : 30/05/2015 18:56
Le 31 mai 1832 à 20 ans meurt Évariste Galois

à Paris, né le 25 octobre 1811 à Bourg-la-Reine, mathématicien français, qui a donné son nom à une branche des mathématiques, la théorie de Galois. Il étudie à l'institution Lycée Louis-le-Grand et à l' École préparatoire. Il est diplôme de l'école normale
Il est renommé pour sa définition des groupes formels. Il est l'auteur de nouveau paradigme de la théorie des équations, Théorème de l'élément primitif, Théorème fondamental, en algèbre linéaire, de l'abstraction du théorème de Ruffini.
Mort à la suite d'un duel à l'âge de 20 ans, il laisse un manuscrit élaboré trois ans plus tôt, dans lequel il établit qu'une équation algébrique est résoluble par radicaux si et seulement si le groupe de permutations de ses racines a une certaine structure, qu'on appellera plus tard résoluble. Son Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux, publié par Joseph Liouville quatorze ans après sa mort, a été considéré par ses successeurs, en particulier Sophus Lie, comme le déclencheur du point de vue structural et méthodologique des mathématiques modernes.
Républicain radical, il prit une part active aux événements qui suivirent les Trois Glorieuses.
Les démêlés de Galois avec les autorités, tant scientifiques que politiques, les zones d'ombre entourant sa mort prématurée, contrastant avec l'importance désormais reconnue de ses travaux, ont contribué à en faire l'incarnation du génie romantique malheureux et d'une jeunesse prometteuse et mal aimée. Il a été célébré en octobre 2011 à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

En Bref

Né sous l'empire à Bourg-la-Reine, alors dit Bourg-l'Égalité, Évariste était le deuxième enfant de Nicolas-Gabriel Galois et d'Adélaïde-Marie Demante. Son père, que les Cent Jours portèrent à la mairie, et qui dirigeait une institution d'enfants dont la Révolution avait fait la modeste fortune, lui laissa le modèle d'une philanthropie libérale et voltairienne. Sa mère le nourrit au grec et au latin dans la pure tradition chrétienne et légitimiste propre à une famille de magistrats et de juristes. À douze ans, boursier au collège royal de Louis-le-Grand, mêlé aux révoltes des enfants de la bourgeoisie parisienne, il connut à la fois l'exaltation de sa génération et sa répression. À quinze ans, las des études littéraires, il découvrit les mathématiques, cours alors accessoire, et s'y jeta tout entier. « La fureur des mathématiques le domine », notait un surveillant. Lisant d'emblée les maîtres, Adrien Le Gendre, Louis de Lagrange, l'écolier prit le goût de la recherche et le dédain de l'exercice scolaire. Aspirant à entrer à l'École polytechnique, où professait Augustin Cauchy, mais où se perpétuait également l'idéal républicain d'un Monge, il se présenta seul et échoua une première fois. En 1828, entrant dans la classe de M. Richard, professeur que révérèrent Charles Hermite et Urbain Le Verrier, il se vit reconnu, et mis au courant des recherches les plus récentes. Il assimila alors les notions et méthodes introduites par Gauss et par Cauchy auquel il adressa dès 1829 ses premières communications sur la théorie des équations.
Enfant terrible des mathématiques, Évariste Galois, ignoré de ses pairs, mourut à vingt ans. Les vérités qui brillent aujourd'hui sous son nom nous rappellent toujours la faillibilité des plus hautes autorités scientifiques. En sa brièveté, une telle vie semble concentrer la violence du destin historique et l'impatience du génie. Les travaux de Galois sur la théorie des équations anticipent sur les mathématiques modernes dont ils constituent une des origines. Mais, par l'avance même de ses découvertes, Galois fut incompris ; l'intransigeance de sa précocité lui fit alors condamner sans appel une organisation sociale périmée et le jeta dans la turbulence des insurrections qui marquèrent l'effondrement de la Restauration et le début de la monarchie de Juillet. Révolutionnaire en esprit par les transformations dont il éprouvait l'urgence et dont il ouvrit les voies dans les méthodes, l'enseignement et la société mathématiques, Galois adhéra passionnément à la cause du progrès qui ralliait autour de François Raspail et d'Auguste Blanqui les Amis du peuple. Son œuvre entreprise sur les bancs d'écolier, poursuivie en prison, s'interrompt à la veille d'un duel mortel. Il venait d'écrire à Auguste Chevalier : « Il me manque, pour être un savant, de n'être que cela. »

Sa vie

Évariste Galois naît au 20 Grand'Rue à Bourg-la-Reine, dans une famille de tradition républicaine appartenant à cette bourgeoisie modeste et lettrée que la Révolution avait favorisée. Son grand-père paternel, directeur de l'école de la ville, a vu affluer les pensionnaires après la sécularisation des écoles cléricales du 2 novembre 1789. Son père, Nicolas-Gabriel Galois 1775-1829, chef de l'établissement à son tour, devient, lors des Cent-Jours, le maire libéral de Bourg-la-Reine et le reste jusqu'à sa mort par suicide. Sa mère, Adélaïde-Marie Demante 1788-1872, issue d'une famille de juristes et de magistrats, et sœur d'Antoine-Marie Demante, est plus pénétrée de stoïcisme que de christianisme.
La famille compte deux autres enfants, Nathalie-Théodore et Alfred, nés en 1808 et 1814. Ils sont éduqués par leur mère, jusqu'à l'âge de 12 ans en ce qui concerne Évariste : un enseignement des humanités, à base d'exercices de mémoire qui l'aideront pour l'abstraction mathématique.

Des débuts irréguliers

En 1823, avec un an d'avance, Évariste entre en classe de quatrième au Collège Royal Louis-le-Grand comme interne11. Il se distingue d'emblée en obtenant, en classe de quatrième et troisième, des prix et accessits notamment en latin et en grec. Mais, à quatorze ans, en classe de seconde, un fléchissement se fait sentir, les premiers signes de lassitude apparaissent. Le proviseur, pour ménager sa santé et lui permettre de gagner en maturité, suggère un redoublement.
À la rentrée de 1826, il est admis en Rhétorique Première, à la demande insistante de son père, mais contre l'avis du proviseur. À la fin du premier trimestre, il est rétrogradé en raison de son manque de maturité en classe de seconde, mais il a la possibilité, grâce à une réforme scolaire, de s'inscrire parallèlement en classe de mathématiques préparatoires première année où il découvre enfin les mathématiques.

La rencontre des mathématiques 1827-1828

Avide d'apprendre dans ce nouveau domaine, il assimile avec une facilité déconcertante les Éléments de géométrie de Legendre. Peu satisfait des livres élémentaires d'algèbre, il s'alimente directement à la source : les traités d'algèbre et d'analyse de Lagrange, ainsi que le supplément au traité d'analyse, de sorte qu'il est lauréat du Concours général de mathématiques en 1827.
Mais cette découverte des mathématiques s'accompagne d'un relâchement en classe de seconde, où son travail est irrégulier. Son comportement, au sein d'une classe regroupant les meilleurs élèves, est qualifié de bizarre.
L'année scolaire 1827-1828 confirme la tendance : malgré des capacités jugées hors-ligne, il travaille peu en classe de rhétorique, réservant tout son zèle à sa seconde année de mathématiques préparatoires. Il prépare solitairement le concours d'entrée à l'École polytechnique, concours habituellement tenté par des étudiants plus âgés d'au moins trois ans ; mais il échoue à la session de l'été 1828. Son relevé de note signale : C'est la fureur des mathématiques qui le domine ; aussi je pense qu'il vaudrait mieux pour lui que ses parents consentent à ce qu'il ne s'occupe que de cette étude ; il perd son temps ici et n'y fait que tourmenter ses maîtres… ; tandis que son professeur de mathématiques lui reconnaît des dispositions mais un manque de méthode.
C'est à cette époque qu'il commence, semble-t-il, à s'intéresser aux équations résolubles par radicaux, commettant selon Auguste Chevalier, la même erreur qu'Abel sur la résolubilité de l'équation de degré cinq.

La classe de Maths Spé et les concours 1828-1829

Les racines du polynôme cyclotomique forment un groupe symétrique sur le cercle trigonométrique complexe. En permutant, elles font tourner le polygone dont elles forment les sommets mais celui-ci reste algébriquement le même. L'étude menée par Gauss pour les polynômes cyclotomiques conduit Galois à son théorème pour tout polynôme.
À la rentrée 1828, Louis-Paul-Émile Richard, futur professeur de Charles Hermiten, qui dirige la classe préparatoire de Mathématiques spéciales de Louis-le-Grand, y admet Galois, bien que celui-ci n'ait pas obtenu son baccalauréat et n'ait pas suivi les cours de mathématiques élémentaires, pour le préparer au concours d'entrée à Polytechnique. Le professeur doit expliciter pour le reste de la classe les solutions élégantes que son élève à la supériorité marquée donne aux questions posées en classe. En revanche, celui-ci paraît perdu quand il doit lui-même développer scolairement au tableau une démonstration imposée.
Dans la classe de Richard, sans négliger les cours des mathématiques32, il se consacre à ses recherches propres, publiant en avril 1829, dans les Annales de mathématiques pures et appliquées de Gergonne, une Démonstration d'un théorème sur les fractions continues périodiques et il fait présenter par Cauchy, à l'Académie des sciences, en mai et juin 1829, la première ébauche de son travail sur les équations résolubles, une Recherche sur les équations algébriques de degré premier, mémoire dont le contenu et le commentaire de Cauchy ont été perdus.

Second échec à Polytechnique

Classé cinquième35 au Concours général de mathématiques 1829, il se présente de nouveau au concours d'entrée à l'École polytechnique, où le cours de mathématiques est assuré par le même congrégationniste Cauchy. Le 2 juillet 1829, a lieu le suicide de son père, maire libéral de Bourg-la-Reine, à la suite d'attaques des ultras de sa commune et de libelles anonymes. Cet événement tragique précède de deux semaines son second échec au concours.
Cauchy, génie précoce, sera choisi en 1830 comme précepteur de la famille royale en exil. Contrairement à la légende républicaine, ce légitimiste a soutenu Galois.

L'École préparatoire École normale supérieure

En 1826, le gouvernement de la Restauration a rétabli, après une fermeture en 1822, un établissement préparant au concours de l'agrégation de l'enseignement secondaire concours créé en 1821, auparavant les agrégés étaient choisis par cooptation : l'École préparatoire, qui sera rebaptisée École normale en 1830, puis École normale supérieure en 1847. L'École préparatoire est installée dans le collège du Plessis et placée sous la direction du proviseur de Louis-le-Grand.

Succès au concours 1829

Galois se présente en août au concours de l'École Préparatoire. Il est classé second, donc admissible, mais il lui manque le baccalauréat pour être admis ; le 14 décembre, il obtient de justesse les baccalauréats ès lettres et ès sciences.
Le 20 février 1830, il peut signer, malgré un avis défavorable du maître de conférences en physique40, son engagement décennal avec l'Université.
Au sein de l'école, il se signale par son mépris envers les professeurs et son peu de régularité aux cours. Il se lie d'amitié avec Auguste Chevalier, frère de Michel Chevalier, de deux ans son aîné, et dont c'est la dernière année à l'École Normale. Cette amitié perdurera jusqu'à sa mort malgré les voies divergentes prises par les deux hommes Auguste Chevalier est attiré par le saint-simonisme alors qu'Évariste est davantage intéressé par l'action révolutionnaire.

L'échec pour le Prix de l'Académie des Sciences 1830

Dès juillet 1829, Galois ayant pris connaissance des premiers travaux d'Abel avait découvert certaines similitudes avec quelques points de son premier mémoire. Sur les conseils et l'encouragement de Cauchy, il dépose à l'Académie, en février 1830, une version révisée : Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux en vue de concourir au grand prix de mathématiques de juin 1830. Parallèlement, il publie, en avril 1830, dans le Bulletin général et universel des annonces et des nouvelles scientifiques du baron de Férussac, une Analyse d'un mémoire sur la résolution algébrique des équations, petite note destinée à présenter son Mémoire.
En juin 1830 paraissent, toujours dans le bulletin de Férussac, deux autres travaux de Galois, une Note sur la résolution des équations numériques améliorant un résultat de Legendre sur la recherche de solutions approchées d'une équation, et un travail plus conséquent sur les équations modulaires, Sur la théorie des nombres.
Le 28 juin, le Prix est attribué à Niels Abel, à titre posthume, et à Charles Jacobi, deux mathématiciens pour lesquels Évariste Galois avait lui-même la plus grande admiration. S’étonnant que son travail ne soit pas cité, Galois apprend qu'après la mort de Fourier, qui était chargé de l'examiner le 16 mai précédent, son mémoire n’a pas été retrouvé dans les papiers de celui-ci et est considéré comme perdu.
La perte de ce mémoire et du précédent, ainsi que ses deux échecs à Polytechnique, sont pour Galois une grande déception. Il en éprouve une indignation et une amertume qu'il exprime par exemple dans son projet de préface de mémoire de 1831 allant même jusqu'à accuser le système de condamner le génie au profit de la médiocrité.

La Révolution de 1830

Un normalien ayant été tué sur une barricade, Galois fut marri de n'avoir pu en être.
Fin juillet 1830, les étudiants, en particulier polytechniciens, de l'Association des Patriotes, sont au premier plan dans le déclenchement des Trois Glorieuses. À l'École préparatoire, le directeur des études Joseph-Daniel Guigniault demande à ceux qui veulent rejoindre leurs aînés dans les combats de rue, de reporter au lendemain leur décision ; puis il fait verrouiller les issues du collège du Plessis. Le 30 juillet, il déclare par voie de presse remettre ses élèves à la disposition du nouveau régime. À la suite de cette déclaration habile, il est nommé directeur de l'établissement, qui devient autonome sous le nom d'École normale. Galois, qui souhaitait participer aux combats, éprouve désormais une rancune tenace envers le directeur des études.
À la rentrée, Guigniault repousse les demandes des élèves de porter l'uniforme comme les polytechniciens, d'avoir des armes et de s'exercer aux manœuvres militaires, afin de pouvoir défendre le territoire, en cas de besoin. Sans leur avis et au mépris des engagements contractuels, la scolarité est allongée à trois années. La révolte et l'amertume de Galois s'intensifient quand il s'aperçoit que, sous la direction de François Arago, les polytechniciens sont en train de décider du règlement de leur école. Son comportement conduit Guignault à le consigner indéfiniment.

Du candidat éconduit au révolutionnaire

Mais tout alors se referma. Définitivement refusé par Dinet à l'École polytechnique en 1829 sur une question mineure, qu'il négligea de traiter la jugeant sans intérêt, il entra, par l'intervention énergique de M. Richard, à l'École préparatoire, prête-nom de l'École normale supérieure), et y rédigea un premier mémoire pour le grand prix de mathématiques de l'Académie des sciences en 1830, lequel fut décerné à Jacobi et Abel mort l'année précédente, également ignoré, tandis que les papiers de Galois étaient déclarés perdus. Un an plus tard, un second mémoire, rédigé sur le conseil de Poisson, fut rejeté comme incompréhensible. Ce qui prouva aux yeux de Galois l'incapacité des hommes et la désuétude des institutions. Dans le même temps, les événements se précipitent, bouleversant sa vie : son père se suicide à la suite d'une cabale politique du vicaire de Bourg-la-Reine, lui-même est expulsé de l'École préparatoire après la publication dans La Gazette des écoles d'une lettre publique où il dénonçait l'attitude du directeur Guignault pendant les trois journées de la révolution de Juillet. Il rejoignit alors les Amis du peuple, et entra dans l'insurrection comme il était entré dans la recherche pure, sans peur. Arrêté en avril 1831 pour avoir porté dans un banquet républicain un toast : À Louis-Philippe , le couteau à la main, et acquitté une première fois, il fut arrêté deux mois plus tard, au pont Neuf, en habit d'artilleur de la garde nationale, à la tête d'un cortège de manifestants. Emprisonné à Sainte-Pélagie, il y travailla de tête sur les intégrales des fonctions algébriques et sur une « théorie de l'ambiguïté » dont rien ne subsiste. Le choléra décimant Paris en 1832, il fut transféré à la maison de santé du sieur Fautrier, où il retrouva quelque liberté, et de décevantes amours qui provoquèrent un duel forcé. Il se vit mourir victime d'une infâme coquette et de deux de ses dupes. L'infâme coquette, Stéphanie Dumotel, était la fille d'un médecin attaché à cette maison de santé ; les dupes ont nourri les fantasmes policiers ou romantiques des interprètes, sans grande consistance. Rien n'interdit de croire Galois qui les désigne comme patriotes, sachant par ailleurs que Stéphanie avait un frère mêlé aux républicains. Dans la nuit précédant le duel, Évariste Galois écrivit à Auguste Chevalier, frère du saint-simonien Michel Chevalier une lettre testamentaire, où il lui confie comme à l'ami le plus sûr ses recherches rassemblées, ses papiers relus en hâte : deux mémoires, une préface, des essais, des brouillons : épaves du naufrage.
Galois, retrouvé sur le bord de l'étang de la Glacière, le ventre traversé par une balle de plomb, mourut d'une péritonite au matin de l'Ascension, le 31 mai 1832, sans autre confession que de sa douleur de mourir. Ses amis républicains, qui le portèrent le 2 juin depuis l'hôpital Cochin jusqu'à la fosse commune du cimetière Montparnasse, tombèrent pour la plupart sur les barricades de la rue du Cloître-Saint-Méry, trois jours plus tard.

Le militantisme politique

Dès l'été 1830, il affiche ses convictions républicaines et fréquente la Société des amis du peuple. Cette association, née des événements du 30 juillet 1830 est opposée à la royauté et regroupe des avocats, marchands, médecins, étudiants – mais peu d'ouvriers. Dissoute le 2 octobre, elle renaît dans la clandestinité. L'adhésion de Galois y est officielle le 10 novembre. Il se lie d'amitié avec Napoléon Lebon et Vincent Delaunay. Il s'enrôle également dans la Garde Nationale qui, reconstituée à l'issue des Trois Glorieuses, est à nouveau dissoute fin décembre 1830.

L'exclusion décembre 1830

Le 3 décembre, la Gazette des Écoles, dirigée par Antoine Guillard, agrégé de mathématiques au collège Louis-le-Grand et rival de Guigniault, publie un texte anonyme dont l'auteur est Galois, mettant en cause l'engagement libéral, c'est-à-dire la fidélité au nouveau régime, du directeur de l'École normale. Celui-ci riposte le 9 décembre 1830 en expulsant Évariste Galois. Son exclusion provoque un émoi certain, relayé par les républicains jusqu'au sein du gouvernement. Évariste Galois se croit soutenu par les collègues scientifiques de son École, mais la suite montre qu'il se trompe. Le 4 janvier, le ministère entérine provisoirement la situation créée par le directeur, tout en assurant à Évariste Galois, mis à pied, le maintien de son statut de fonctionnaire, mais sans traitement, en l'attente d'une décision définitive. Sa mère doit toutefois renoncer à son logement et se placer comme dame de compagnie.

Le collège des Quatre Nations, siège de l'Institut.

Contrairement à la légende romantique, ses écrits y étaient lus et encouragés.
Galois ne reste pas inactif. Outre son activité au sein des Amis du peuple, il publie le 2 janvier 1831, dans la Gazette des Écoles un article intitulé Sur l'enseignement des sciences, reprochant au système d'enseigner aux élèves à reproduire un savoir plutôt que de les former à réfléchir, et regrettant que le système des concours les conduise à chercher à satisfaire les lubies de chaque examinateur plutôt que de produire des mathématiques. Sur la demande de Siméon Denis Poisson, il rédige une nouvelle version de son Mémoire que celui-ci présente à l'Académie le 17 janvier et qu'il est chargé d'examiner en compagnie de Sylvestre-François Lacroix. À cette époque, Galois est connu du milieu universitaire comme un jeune homme prometteur au caractère difficile.
Ayant obtenu sa licence en juin 1830, Évariste décide de créer un cours privé de mathématiques. Le 13 janvier, dans la librairie du 5 rue de la Sorbonne, il inaugure avec trente élèves un cours d'algèbre supérieure visant explicitement à suppléer les carences de l'enseignement public. Mais il semble qu'il n'y ait pas eu d'autres séances.

La prison 1831-1832
Le banquet du 9 mai 1831 et la première arrestation

Cauchy exilé, Poisson, légitimiste plus souple, prit le relais à l'Institut de la supervision de Galois.
Le 9 mai 1831, au rez de jardin du restaurant Vendanges de Bourgogne, faubourg du Temple, Évariste Galois participe avec deux cents donateurs à un banquet organisé à l'occasion de l'acquittement de dix-neuf républicains. En effet, cinq mois plus tôt, ont eu lieu les émeutes du 20 au 22 décembre. Le gouvernement fit arrêter dix-neuf républicains, dont Ulysse Trélat, Joseph Guinard, Godefroi Cavaignac et Pescheux d'Herbinville accusés d'avoir comploté contre la sûreté de l'État. Le procès, qui avait eu lieu en avril, avait conduit à leur acquittement et les Amis du Peuple avait organisé pour le 9 mai un banquet en leur honneur. Vers la fin du banquet, plusieurs toasts sont portés. Galois, brandissant un couteau, lève à son tour son verre et s'écrie : À Louis-Philippe… s'il trahit ! Cet appel au meurtre provoque le départ de quelques participants dont Alexandre Dumas, présent sur les lieux.
Le lendemain, Galois est arrêté chez sa mère pour incitation au régicide et emprisonné à Sainte-Pélagie. Quoiqu'il attribue à l'alcool ce geste provocateur, le procès démontre que lors du banquet, la consommation en fut modérée. Son avocat plaide l'acquittement, arguant que la réunion était d'ordre privé, et malgré un discours confus et exalté de Galois que le président juge préférable d'interrompre, celui-ci est acquitté le 15 juin 72.
Le 4 juillet 1831, Poisson et Lacroix rendent leur rapport sur le mémoire de Galois. Il est défavorable. Le mémoire est jugé incompréhensible mais Poisson réserve l'avenir et semble attendre de Galois qu'il développe ses idées.

Seconde arrestation 14 juillet ; Sainte-Pélagie

Le 14 juillet 1831, lors de la commémoration républicaine non autorisée de la Prise de la Bastille, Galois, armé et en costume de garde national, est de nouveau arrêté sur le pont Neuf en compagnie de son ami Ernest du Châtelet et incarcéré à Sainte-Pélagie. Le 23 octobre, il est jugé en correctionnelle pour port illégal de costume militaire et condamné à six mois de prison.
Durant son incarcération, il croise Gérard de Nerval et côtoie François-Vincent Raspail qui raconte la vie dans le quartier des politiques. Ils y jouissent d'une relative liberté : ils organisent à leur guise des chœurs et des cérémonies au drapeau dans une cour qui leur est réservée, dorment dans des dortoirs qui ne sont pas toujours fermés. Mais Raspail y déplore l'existence d'une cantine dans laquelle l'alcool coule à flot. Galois, par deux fois, pour répondre aux défis de ses camarades, y boira jusqu'à s'en rendre malade. C'est aussi Raspail qui évoque la mise au cachot de Galois lors d'une confrontation avec l'administration, sanction qui provoque une mutinerie générale des républicains révoltés par ce traitement.
Mais Galois n'abandonne pas son travail mathématique : il met la dernière main à son mémoire qu'il prévoit de distribuer directement aux mathématiciens de son époque, et se lance dans des recherches sur les fonctions elliptiques.
Le 16 mars 1832, le nouveau préfet de police Henri Gisquet, voulant prévenir les ravages de l'épidémie de choléra, transfère en échange de leur parole d'honneur ses prisonniers les plus fragiles, dont Galois, dans une maison de santé privée, la clinique Faultrier, rue de Lourcine. Sa peine s'achève le 29 avril 1832 mais il semble y prolonger son séjour.

L'œuvre mathématique

En sa croissance ainsi aventureuse, la pensée de Galois s'est librement nourrie des travaux de Lagrange, Gauss, Cauchy, Abel et Jacobi. Dans un mémoire célèbre paru en 1770, Lagrange fait le point des recherches dans le domaine des équations algébriques. Il esquisse une théorie de la transformation des équations et met en évidence l'importance de la notion de permutation. Il retrouve par là les formules connues de résolution par radicaux des équations du deuxième au quatrième degré. Mais l'équation générale du cinquième degré lui résiste comme à ses prédécesseurs, c'est à Abel qu'il appartient, en 1824, de montrer qu'elle n'est pas résoluble par radicaux. En 1801, Gauss rédige une étude sur les équations binômes xn − a = 0 et les racines primitives de l'unité qui laisse pressentir l'utilisation par Galois de la théorie des groupes. Si on ajoute qu'en 1830 Cauchy vient de formuler la notion de groupe de permutations d'un ensemble fini, on conçoit où en étaient les problèmes étudiés par Galois au moment où il soumet son premier mémoire à l'Académie des sciences.

Groupe de Galois

Galois reprend le problème où l'avait laissé Niels Abel, dont les mémoires ne lui sont que tardivement connus. Il éclaircit sa notion de quantité rationnelle par rapport à d'autres quantités, parvenant à une notion très proche de celle de corps engendré par un ensemble fini de nombres algébriques. Il démontre – ce qu'Abel avait affirmé – que le corps engendré par les racines d'une équation algébrique est une extension simple du corps des coefficients, ne considérant, bien sûr, que des corps de caractéristique 0.
Son idée profondément originale est alors de mettre en évidence le groupe des automorphismes de ce corps. Étant donné :
l'équation irréductible proposée dont les racines toutes distinctes sont x1, x2, ..., xn et θ la quantité à partir de laquelle ces racines s'expriment rationnellement d'après le résultat précédent, on aura, pour chaque entier i ≤ n, xi = ϕi (θ). En remplaçant successivement θ par chacune des racines de l'équation irréductible dont θ est solution, les quantités ϕi (θ) s'échangent entre elles, et les permutations ainsi obtenues forment un sous-groupe du groupe des permutations des n racines x1, ..., xn. Galois le nomme groupe de l'équation proposée. Il a l'intuition géniale de faire correspondre, à chaque corps K intermédiaire entre le corps A des coefficients et le corps B engendré par les racines de l'équation, un sous-groupe du groupe de l'équation, sous-groupe formé des permutations qui laissent invariants les éléments de K exprimés rationnellement en x1, ..., xn qui le caractérise entièrement. Il traduit ainsi les propriétés des corps intermédiaires en propriétés équivalentes des sous-groupes ; par exemple, la propriété d'être engendré par toutes les racines d'une équation auxiliaire, c'est-à-dire d'être une extension normale du corps des coefficients) est équivalente à celle d'être représenté par un sous-groupe distingué du groupe de l'équation. Grâce à cette correspondance, Galois – qui chemin faisant approfondit considérablement la théorie des groupes – arrive à une condition pour qu'une équation algébrique soit résoluble par radicaux : il faut et il suffit que son groupe C soit résoluble, autrement dit qu'il possède une suite de composition :
telle que tous les quotients Gi+1/Gi soient commutatifs. Galois obtient alors, en les généralisant, les résultats de ses prédécesseurs comme corollaires de sa théorie cf. CORPS mathématiques, chap. 3. Ainsi, l'équation générale de degré n > 4 n'est pas résoluble par radicaux parce que le groupe Σn des permutations de n objets n'est pas résoluble.

La nouvelle voie

Cherchant à approfondir la structure de certains groupes finis, Galois est conduit à tenter ce qu'on appellerait aujourd'hui leur représentation linéaire, d'abord sur les corps des classes d'entiers modulo un nombre premier Gauss utilisait déjà les « congruences. Ces recherches l'amènent à étendre à ces corps les notions d'équation irréductible, puis, enfin, à donner une classification complète des corps finis, introduisant, semble-t-il, cette notion (à laquelle il a laissé son nom comme un simple artifice de calcul.
C'est sans doute pour des raisons beaucoup plus profondes, et directement reliées à la théorie des équations, que, comme Abel et Jacobi, Galois étudie les intégrales de fonctions algébriques dont les fonctions elliptiques sont un cas particulier. Ici on est réduit aux conjectures, Galois n'ayant laissé de ses recherches, qui s'étendent sur plus d'un an, que les résultats auxquels il était parvenu. La Lettre à Auguste Chevalier contient la classification des intégrales abéliennes en trois espèces, classification que Riemann devait obtenir vingt-cinq ans plus tard. Et que devait être cette « théorie de l'ambiguïté qu'il avait en projet ?
L'œuvre de Galois eut un destin non moins hasardeux que son auteur. Paradoxale en sa concision, sa pensée n'était pas faite pour qu'on en parte mais pour qu'on la rejoigne. C'est ainsi que le renom de Galois a grandi au fur et à mesure que les mathématiciens accomplissaient la transformation radicale dont il fut le précurseur : Sauter à pieds joints sur ces calculs, grouper les opérations, les classer suivant leurs difficultés et non suivant leurs formes : telle est, suivant moi, la mission des géomètres futurs. Jean-Pierre AZRA Robert BOURGNE

Le duel printemps 1832

Duel au pistolet - Le duel était à la mode chez les jeunes antimonarchistes.

Sur la mort d'Évariste Galois, les faits avérés sont minces. On sait, d'après les lettres qu'il a écrites la veille de sa mort, qu'il va se battre en duel : j'ai été provoqué par deux patriotes ... il a été impossible de refuser, Je meurs victime d'une infâme coquette. Le duel a lieu le 30 mai au matin, près de l'étang de la Glacière. Évariste Galois est atteint d'une balle tirée à 25 pas, qui le touche de profil, à l'abdomen. Conduit à l'hôpital Cochin par un paysan, il meurt d'une péritonite le lendemain, le 31 mai 1832, dans les bras de son frère Alfred, après avoir refusé le service d'un prêtre.
L'identité de l'infâme coquette est restée pendant longtemps inconnue mais la découverte de deux manuscrits de Galois, recopiant deux lettres reçues par lui, permet de reconstituer les faits. Durant son séjour à la pension Faultrier, Galois se serait épris d'une Stéphanie D., d'un amour apparemment malheureux. Elle lui aurait demandé de rompre le 14 mai. Selon Alberto Infantozzi, Stéphanie D. serait Stéphanie-Félicie Poterin du Motel, qui habitait dans la même rue que la pension Faultrier, et il fait le rapprochement avec un Poterin Dumotel qui y aurait été médecin interne.
Sur l'identité de son adversaire, on cite les noms de Pescheux d'Herbinville ou Ernest Duchâtelet. Cette dernière hypothèse s'appuie sur la découverte par André Dalmas du récit du duel dans un journal de Lyon, Le Précurseur, où l'adversaire de Galois est indiqué par les initiales L.D. ; mais René Taton signale que les imprécisions de l'article du journal demandent que cette hypothèse soit validée par des études plus poussées, d’autant que l’amitié entre Galois et Duchâtelet est établie. Gabriel Demante, cousin d'Évariste Galois, parle de deux hommes respectivement fiancé et oncle de la jeune fille. Quant au frère d'Évariste, Alfred, il était convaincu d'un complot politique, avis partagé par Leopold Infeld.

Destin posthume

Lettre testamentaire d’Évariste Galois. Les derniers écrits

Le 29 mai, veille du duel, Évariste Galois a écrit une épitaphe résumant son destin personnel tout autant que celui de ses manuscrits :
Nitens lux, horrenda procella, tenebris aeternis involuta
Brillant éclat, dans l'effroi de la tempête, enveloppé à jamais de ténèbres.
Il a aussi rédigé plusieurs lettres adressées à des amis de la Société des amis du peuple, Napoléon Lebon, Vincent Delaunay et Auguste Chevalier.
La lettre adressée à Auguste Chevalier, considérée comme son testament de mathématicien, est restée célèbre : Galois lui demande instamment de prier publiquement Jacobi ou Gauss de donner leur avis, non sur la vérité, mais sur l'importance des théorèmes qu'il a trouvés et dont il dresse le bilan, et de faire imprimer la lettre dans la Revue encyclopédique. La lettre a effectivement été publiée en septembre 1832.

Les funérailles 2 juin 1832

Les funérailles d'Évariste Galois ont lieu le samedi 2 juin 1832 au cimetière du Montparnasse, où il est inhumé dans la fosse commune.
Bien qu'éclipsées par le décès du général Lamarque survenu la veille, elles donnent lieu, sous la surveillance de la police, à un cortège de deux à trois mille personnes, sympathisants de la Société des amis du peuple et délégués des étudiants. Le préfet de police redoute une émeute, qui n'éclate que trois jours plus tard, à la suite des funérailles du général Lamarque.

La reconnaissance de l’œuvre

Les papiers d'Évariste Galois, rassemblés par Chevalier, aidé d'Alfred Galois, sont transmis à Joseph Liouville, professeur à Polytechnique. Le 4 septembre 1843, Liouville annonce à l'Académie des Sciences qu'il a trouvé dans le mémoire de Galois des résultats très intéressants concernant la théorie des équations algébriques. En 1846 il publie les manuscrits de Galois dans son journal, le Journal de mathématiques pures et appliquées, ce qui leur confère immédiatement un rayonnement international.
Ainsi dans la seconde moitié du xixe siècle, les travaux de Galois sont repris et prolongés par Enrico Betti, Arthur Cayley, Camille Jordan, Joseph-Alfred Serret, Richard Dedekind, Leopold Kronecker100, James Cockle, Paul Bachmann et Heinrich Weber. Selon Caroline Ehrhardt, la réhabilitation de Galois dans la seconde moitié du siècle provient du fait que les mathématiciens ont les outils pour le comprendre et que l'objet de ses recherches est alors à l'ordre du jour. La réputation de Galois est déjà bien établie lorsque les célébrations du centenaire de l'École normale en 1895 donnent l'occasion à Sophus Lie, admis à la suite de Cauchy à l'Académie des sciences, de faire reconnaître l' Influence de Galois sur le développement des mathématiques.

L'apport de Galois De l'algèbre aux mathématiques modernes

Évariste Galois a travaillé classiquement, à la fois dans la continuation et en opposition à ses maîtres, sur le domaine qui à son époque représentait l'intérêt principal des mathématiciens : la construction de solutions aux équations. S'il avait bien conscience de la nécessité de libérer l'enseignement et la recherche de méthodes empiriques, et de la possible future portée de ses travaux, la brièveté de sa vie ne lui a pas donné le bonheur de dépasser ce domaine restreint.
Le problème tel qu’il se posait à son époque est celui des caractéristiques qu'une équation algébrique quelconque doit avoir pour que ses solutions puissent être calculées à partir de ses coefficients, par des opérateurs simples, comme l’addition, la multiplication, l’extraction de racines.
Cependant, il cherche à élaborer une méthode d’analyse des solutions, et de leurs relations, plutôt que de calcul explicite des solutions. Il commence par étudier la possibilité ou non d'une résolution, c’est-à-dire substitue au calcul la recherche de conditions de résolubilité.

Le changement de paradigme

Parfois présenté comme inventeur du concept de groupe formel, mais Galois ne parle que de groupes de permutations, et n'en explicite même pas la structure, Évariste Galois a permis à ses successeurs de déduire à partir de cette découverte la théorie de Galois, dont les bases constituent aujourd'hui un enseignement fondamental de l'année de licence de mathématiques.
Au-delà d'un nouveau domaine des mathématiques, en découvrant la structure des équations résolubles par radicaux, Galois a rendu pleinement opérant ce que par la suite on a désigné comme le concept de structure mathématique et qui était déjà latent dans le mémoire Sur les fonctions symétriques présenté par Augustin-Louis Cauchy à l'Académie des sciences en 1812. Cependant, Galois n'est pas allé plus loin que Cauchy dans l'explicitation du concept de structure, qui ne sera développé dans toute son ampleur qu'au vingtième siècle, par exemple par Nicolas Bourbaki.

Le style moderne

Dans sa préface aux éditions des Œuvres complètes, Jean Dieudonné est frappé de l'allure étrangement moderne de la pensée d'Évariste Galois. Selon lui, il est piquant que ses mémoires si concis soient pour nous plus clairs que les filandreux exposés que croyaient devoir en donner ses successeurs immédiats.
En effet, de son vivant, Galois reçut des critiques sur le manque de clarté de ses mémoires. Dans son court rapport, Poisson, après avoir rapproché les résultats de Galois de ceux d'Abel et interrogé la possibilité de déterminer des conditions de résolubilité des équations proposées, critiqua, plus que la rédaction du texte elle-même, la forme de raisonnement : ses raisonnements ne sont ni assez clairs, ni assez développés pour que nous ayons pu juger de leur exactitude. Or, le sujet même développé par Galois était de démontrer que ce n'est pas parce que les résultats ne peuvent pas être donnés en extension qu'ils n'existent pas. Il précisera même que s'il fallait donner ces résultats explicitement, il ne pourrait qu'indiquer la démarche à suivre, sans vouloir charger ni moi, ni personne de le faire. En un mot, les calculs sont impraticables.

Les continuateurs de Galois

La nouvelle théorie des équations élaborée par Évariste Galois est en particulier à la base de la théorie de l'information et de la théorie des revêtements, qui a permis de définir algébriquement, par exemple, des objets topologiques tels que la fameuse bande de Moebius ou la bouteille de Klein, et sans laquelle quasiment aucun produit industriel ne serait aujourd'hui numériquement conçu ni produit. Corollairement, son mémoire Sur la théorie des nombres a initié l'élaboration des corps de Galois, qui jouent par exemple un rôle essentiel en cryptographie.
Au-delà des diverses applications des résultats de Galois, sa démarche elle-même a initié un mouvement d'abstraction et de consolidation des mathématiques. Charles Hermite, qui eut tout comme Joseph-Alfred Serret à Polytechnique le même professeur qu'Évariste Galois, Louis-Paul-Émile Richard, et qui disposa grâce à ce dernier des copies de son prédécesseur, fut le premier à exploiter, à partir de 1846, les résultats de celui-ci sur les fonctions elliptiques, mais dans un sens bien à lui, celui de l'unification de l'algèbre et de l'analyse, et non dans celui de la future théorie de Galois. Il appartiendra à Félix Klein, très inspiré par Galois, de poser en 1872 que les géométries sont des groupes, ouvrant ainsi la voie à une grande unification de l'algèbre et de la géométrie puis, dans l'élan d'Henri Poincaré, de l'ensemble des mathématiques autour de la notion de structure. Plus axé sur l'axiomatisation de la seule géométrie, que développeront David Hilbert et Hermann Weyl, Sophus Lie publiera à partir de 1888 le résultat de ses recherches fondées sur le constat que les transformations continues forment des groupes.
Les notions de groupe et de loi interne seront généralisées progressivement au-delà de la seule théorie des équations. En 1854, le théorème d'Arthur Cayley les étend aux bases d'espaces vectoriels. En 1871, Richard Dedekind, à son retour de Paris où il suit avec Sophus Lie les leçons de Gaston Darboux sur la théorie de Galois élaborée par Camille Jordan, applique à la théorie des nombres le concept de champ de rationalité que Leopold Kronecker avait trouvé en 1870 dans la théorie des équations de Galois, et invente ainsi le concept de corps. Suivront les développements d'Heinrich Weber en 1882, William Burnside en 1897 et James Pierpont en 1900 qui se prolongent actuellement dans de fécondes recherches, menées en particulier par Vladimir Drinfeld et Laurent Lafforgue, autour des conjectures sur la correspondance de Langlands.
Parallèlement, l'algèbre de Galois elle-même sera considérablement approfondie. À partir de son exposé qu'il fit au Collège de France en 1860 des développements qu'Augustin-Louis Cauchy avait donnés aux travaux d'Évariste Galois, Camille Jordan érige en 1870 la théorie de Galois en système autonome qui prendra sa forme actuelle grâce aux résultats de Ludwig Sylow, Ferdinand Frobénius, Émile Picard, Ernest Vessiot et Élie Cartan, puis de Claude Chevalley, André Weil, Emil Artin, Ellis Kolchin, Walter Feit, et qui continue aujourd'hui son développement à travers les recherches de John Griggs Thompson, Jean-Pierre Serre…

Œuvre Démonstration d'un théorème sur les fractions continues

Annales de Gergonne, tome XIX, p. 284-301, 1er mars 1829.

Évariste Galois publia ce premier article à l'âge de 17 ans. Dans cet article, il s'intéressa aux développements, en fractions continues, des racines d'un polynôme. La partie entière a d'un réel x est le premier terme du développement de x ; le second terme est la partie entière de ; le troisième terme est la partie entière de ; et ainsi de suite… La suite d'entiers ainsi obtenue constitue le développement en fractions continues ; elle est définie de manière unique.
Si le développement en fractions continues d'un réel x est périodique, x se trouve alors défini par un ensemble fini d'entiers. Il était connu depuis les travaux de Joseph-Louis Lagrange que le développement en fractions continues de toute solution d'une équation polynomiale du second degré est périodique ; par exemple le développement de √3 est, après la partie entière 1, alternativement composée de 1 et de 2. Galois prouva que la période est symétrique si et seulement si le polynôme étudié s'écrit sous la forme . De plus, si un polynôme à coefficients réels admet une racine réelle x dont le développement en fractions continues est périodique, alors ce polynôme admet une seconde racine réelle vérifiant la même propriété.
Ce premier travail s'inscrit dans une problématique plus générale : la recherche des solutions d'une équation polynomiale.
Au début du XIXe siècle, des formules exactes avaient été déterminées pour exprimer les solutions d'une équation polynomiale du second, troisième ou quatrième degré en fonction des coefficients. Se posait la question de recherche des formules générales pour des équations polynomiales de degré supérieur. Lagrange avait reformulé la question comme la résolution d'une équation polynomiale par radicaux. Il avait déjà émis l'hypothèse que certaines équations polynomiales ne pouvaient vraisemblablement pas être résolues par radicaux.
Cette suggestion était basée sur le calcul du nombre d'expressions polynomiales à n variables obtenues par permutation des variables. En 1813, Augustin Louis Cauchy s'était déjà intéressé à cette question et étudia les permutations alors appelées substitutions, travaux précurseurs de la théorie des groupes. Enfin, Abel avait établi l'impossibilité de résoudre par radicaux l'équation générale en degré supérieur à 5.

Analyse d'un mémoire sur la résolution algébrique des équations
Bulletin de Férussac, Tome XIII, p. 271, avril 1830.
Galois présente sans démonstration trois conditions sur la résolution par radicaux d'équations polynomiales primitives. La définition d'un polynôme primitif avait été donnée par Cauchy.
Note sur la résolution des équations numériques
Bulletin de Férussac, Tome XIII, p. 413, juin 1830.

Sur la théorie des nombres

Bulletin de Férussac, Tome XIII, p. 428, juin 1830.
Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux

Journal de mathématiques pures et appliquées, p. 417-433 1846, manuscrit de 1831.

Un premier mémoire portant sur la théorie des équations fut soumis en juin 1829 à Cauchy, avant l'admission d'Évariste Galois à l'École Préparatoire. Après révision, il fut soumis en février 1830 à Fourier pour le Grand Prix de Mathématique de l'Académie des Sciences puis, d'après Auguste Chevalier, réécrit à la demande de Siméon Denis Poisson qui le refusa le 4 juillet. Datée du 16 janvier 1831, c'est une troisième version, comme la préface évoquant cette incompréhension de Poisson l'explique, qui fut retrouvée par Liouville dans les archives de Galois après sa mort. Présenté à l'Académie en 1843 par Liouville, le mémoire fut enfin publié en 1846 par ses soins. Ce texte est celui où Galois jette les bases de la théorie des groupes sur lesquelles Felix Klein, Émile Picard et Sophus Lie étayeront leurs propres découvertes, et où ce dernier trouvera, comme il le déclarera en 1895, la démarche généralisante fondatrice des mathématiques modernes.
Dans ce mémoire, Évariste Galois chercha à étudier la résolubilité des équations polynomiales. Il démontra que les racines d'un polynôme scindé P s'expriment rationnellement en fonction des coefficients et d'un nombre algébrique V obtenu en sommant convenablement les racines. Le polynôme minimal de V est par définition le polynôme unitaire de plus petit degré annulant V et dont les coefficients sont des expressions rationnelles en les coefficients de P. Ses racines, nécessairement distinctes, permettent de déterminer un groupe de permutations, soit G, des racines de P. La valeur d'une fonction polynomiale évaluée en les racines de P s'exprime rationnellement en fonction des coefficients de P si et seulement si cette valeur reste inchangée en faisant agir une permutation de G. En particulier, si le groupe est trivial, les racines s'expriment rationnellement en fonction des coefficients de P.
Évariste Galois en déduit que la recherche d'une résolution par radicaux passe par la réduction du groupe associé par adjonctions successives de racines. Cette idée directrice est appliquée dans ce premier aux polynômes irréductibles de degré premier.
Il décrit ainsi une méthode générale et quasi complète par factorisation des séries de composition ou emboîtements de sous-groupes normaux maximaux. La complexité du calcul de série de résolvantes partielles met en évidence que la résolution des équations par fractions et opérations simples conduit en général, à la différence des méthodes d'approximation, à des calculs astronomiques hors de portée humaine.

Indépendance des travaux de Galois et d'Abel

Abel et Galois ont pu souvent être comparés d'une part par la brièveté de leur vie, d'autre part par le genre de leur talent et l'orientation de leurs recherches. Cependant les travaux de Galois et d'Abel sont indépendants : Galois n'avait eu qu'en partie connaissance des travaux d'Abel sur les sujets qui l'intéressaient. Ce sont à travers des fragments publiés dans le Bulletin que Galois a eu connaissance de ces travaux.
Les travaux d'Abel furent publiés dans le premier numéro du Journal de Crelle. Néanmoins, Galois dit ne pas avoir eu connaissance des travaux d'Abel lorsqu'il soumit ses premiers articles en 1829. Il ne put avoir connaissance de ces travaux qu'en octobre à travers la lecture des fragments publiés dans le Bulletin de Férussac. Des lettres posthumes d'Abel adressées à Legendre furent publiées en 1830.
Si leurs travaux se rejoignent, les deux jeunes hommes, sans doute guidés par la même intuition, partent chacun d'un problème différent. Niels Abel démontre dès 1824 le théorème de Ruffini, l'irrésolubilité par radicaux des équations quintiques – c'est-à-dire qu'il n'y a pas de loi générale pour résoudre par radicaux l'ensemble spécifique de ces polynômes. Plus jeune de neuf ans que Niels Abel, tout aussi incompris que lui, Évariste Galois, sans avoir connaissance, sinon par bribes, des travaux de son aîné, démontre la résolubilité par radicaux des équations quartiques, et de là de polynômes de degrés inférieurs ou même supérieurs, c'est-à-dire qu'il définit les conditions pour qu'une équation ait une solution par radicaux y compris pour celles des équations quintiques, telle (x – 1)5 = 0, qui en ont une. Ce faisant, il confirme le résultat d'Abel qu'il n'y a pas de conditions spécifiques aux équations quintiques alors qu'il y en a pour les équations quartiques mais il ajoute qu'il y en a de plus générales pour toute équation algébrique quel que soit son degré. L'intuition d'Abel est antérieure, le résultat de Galois est plus général.

Postérité L'image légendaire d'Évariste Galois

Dès sa mort dramatique, Évariste Galois a été présenté comme un génie incompris, un valeureux républicain et un mathématicien ignoré de ses contemporains. Sa vie a été ensuite romancée et déformée dans de nombreuses biographies, qui ont repris ces images et en ont ajouté d'autres, comme celles d'un étudiant frustré ou d'un utopiste : de nombreux travaux et un film ont été consacrés à l'homme lui-même qui, mélangeant fiction, romance et faits, l'ont présenté comme le prototype du héros incompris et persécuté. Dans un registre plus fantaisiste, il est notamment un protagoniste de la série de romans Quand les dieux buvaient de Catherine Dufour.
Les historiens des mathématiques ont tenté ultérieurement de donner un nouvel éclairage à la vie d'Évariste Galois. Ses deux échecs à l'entrée de l'École polytechnique et les difficultés rencontrées à publier certains mémoires ont profondément nourri ses sentiments de révolte contre tous les symboles du pouvoir politique. Son exclusion officielle de l'École Préparatoire en janvier 1831 et le refus de son mémoire en juillet par Poisson,qui participa au conseil qui exclut Galois rendirent Galois profondément dégoûté par ce qu'il considéra comme une nouvelle preuve de l'incompétence des cercles scientifiques et de leur hostilité à son égard. Galois exprime sa colère dans certaines lettres, accusant ouvertement le directeur de l'École préparatoire d'appartenir aux libéraux doctrinaires et de faire preuve d'un pédantisme ordinaire. Le ressentiment de Galois a pu être présenté par certains auteurs comme une réelle opposition des mathématiciens de son époque à ses travaux novateurs.
En marge de la proposition II dans le mémoire de 1830 est mentionnée la phrase Je n'ai pas le temps. Cette phrase a été interprétée par Auguste Chevalier comme la preuve d'une révision du mémoire effectuée par Galois la veille du duel. Il confirma cette thèse par une correction manuscrite de la proposition III, accompagnée de la date 1832. D'autres ont repris et exagéré cette interprétation. Selon Eric Temple Bell, Évariste Galois aurait rédigé ses travaux sur la résolution d'équations polynomiales par radicaux la veille de sa mort et n'aurait pas eu le temps de donner les détails de la démonstration. Mais les élucubrations et autres broderies que Bell et al. ont ajoutées sont plus significatives de l'image que se forme le public de Galois, que de Galois lui-même.
Il est vrai néanmoins que les circonstances exactes du duel restent fort obscures. Différentes hypothèses ont été formulées : certains ont pu l'interpréter comme un duel entre rivaux, un suicide romantique, un complot de la police secrète, qui aurait organisé le duel, un règlement de compte entre révolutionnaires, voire un suicide orchestré à des fins politiques. Mais la thèse la plus probable est celle d'un duel imbécile entre amis, les duels étaient usuels à l'époque.

Dans sa dernière lettre, Galois mentionna : Gardez mon souvenir, puisque le sort ne m'a pas donné assez de vie pour que la patrie sache mon nom.

Hommages Onomastique

Voies publiques
rue Évariste-Galois : à Breteuil-sur-Iton Eure, Bouguenais Loire-Atlantique, Brest, Béziers, Clermont-Ferrand, Eckbolsheim Bas-Rhin, Le Grand-Quevilly Seine-Maritime, Le Mée-sur-Seine Seine-et-Marne, Mitry-Mory Seine-et-Marne, Paris 20e arrondissement, Pierrelatte Drôme, Poitiers, Saint-Junien Haute-Vienne, Saint-Leu-la-Forêt Val-d’Oise, Schiltigheim Bas-Rhin, Tarbes
square Évariste-Galois : à Bourg-la-Reine
passage supérieur Evariste-Galois : à Romans-Sur-Isère Drôme
Établissements scolaires
Cité universitaire Évariste-Galois : à Reims
Lycée Évariste-Galois : à Beaumont-sur-Oise Val-d’Oise, Noisy-le-Grand Seine-Saint-Denis, Sartrouville Yvelines
Collège Évariste-Galois : à Algrange Moselle, Bourg-la-Reine, Breteuil-sur-Iton, Épinay-sur-Seine Seine-Saint-Denis, Meyzieu Rhône, Montauban-de-Bretagne Ille-et-Vilaine), Nanterre, Paris 13e arrondissement, Sarcelles Val-d’Oise, Sevran
École Évariste-Galois : à Anglet Pyrénées-Atlantiques, Poitiers école Saint-Exupéry - Évariste-Galois

Divers
Gymnase Évariste-Galois : à Nanterre
Bâtiment annexe Évariste-Galois à la Maison des examens Service interacadémique des examens et concours d'Arcueil Val-de-Marne
En 1970, l'Union astronomique internationale a donné le nom de Galois à un cratère lunaire.
Culture
On parle d'Evariste Galois dans le film "Le Premier Jour du reste de ta vie", lorsqu'un passager demande au taxi de le mener dans la rue Évariste-Galois, et qu'une discussion s'entame sur le personnage.

Manifestations du bicentenaire de sa naissance
France : manifestations variées ;
Bourg-la-Reine : conférences et expositions, du 17 septembre au 5 novembre 2011 ;
Canada : théâtre : Geneviève Billette, Contre le temps, Théâtre d'Aujourd'hui, Montréal, du 8 novembre au 3 décembre 2011.
Paris, 1832. Évariste vient de terminer une peine d’emprisonnement et se consacre avec urgence à son traité d’algèbre. Sa mère accourt pour le retrouver, mais un curieux personnage lui interdit l’accès à l’immeuble. En cette nuit exceptionnelle, les souvenirs d’Évariste se bousculent alors que sa mère découvre qu’Évariste n’est peut-être pas le seul responsable de ses difficultés. Une plongée inédite au cœur de l’univers mathématique, où l’algèbre de Galois, la portée de son regard, sont les farouches adversaires d’un conservatisme qui n’a d’appétit que pour le profit immédiat. Contre le temps s’inspire de la figure d’Évariste Galois, jeune génie mathématicien et ardent militant politique, à qui l’on doit la théorie des groupes, annonciatrice de l’algèbre moderne.
Expositions
Évariste Galois, un mathématicien au cœur de son époque, BU de Lens, 7-25 novembre 2011 ;
Évariste Galois, un mathématicien dans l’histoire, Institut Henri-Poincaré, Paris, 17 octobre-25 novembre 2011.

Bibliographie Œuvres d'Évariste Galois

Collectif, Œuvres mathématiques d'Évariste Galois, Journal de mathématiques pures et appliquées, Tome XI, 1846, p. 381-444, disponible en ligne sur le site Gallica.
Œuvres mathématiques publiées en 1846 dans le Journal de Liouville, Jacques Gabay, 1989, réédition du précédent.
Jules Tannery, Manuscrits de Évariste Galois, Paris, Gauthier-Villars, 1908. Disponible en ligne sur le site de l'université du Michigan
Gustave Verriest et Émile Picard, Œuvres mathématiques d'Évariste Galois publiées en 1897, suivies d'une notice sur Évariste Galois et sur la théorie des équations algébriques, Paris, Gauthier-Villars, 1951.
Robert Bourgne et Jean-Pierre Azra, Écrits et mémoires mathématiques d'Évariste Galois : Edition critique intégrale de ses manuscrits et publications, Paris, Gauthier Villars,‎ 1962 réédition : Jacques Gabay, 1997
Peter Neumann, The mathematical writings of Évariste Galois, European Mathematical Society,octobre 2011

Travaux sur Évariste Galois

Paul Dupuy, La vie d’Évariste Galois © Elsevier, Annales scientifiques de l'École normale supérieure, Paris, Gauthier Villars, 3e série, no 13,‎ juin 1896, p. 197-266 réédition : Jacques Gabay, Paris, 1992.
Ce travail qui inclut des reproductions de pièces justificatives acte de naissance, notes, lettres est la principale source sur la vie d’Évariste Galois.
Témoignages de contemporains
Les sources directes ont été brûlées durant la guerre de 70 et la Commune. Il est cependant possible de consulter

le journal intime de Nathalie Chantelot, sœur aînée d'Évariste Galois inédit.
la correspondance de Gabriel Demante, cousin d'Évariste Galois, avec Paul Dupuy inédite.
François-Vincent Raspail, Lettres sur les prisons de Paris, vol. 2, Paris, Tamisey & Champion,‎ 1839
Alexandre Dumas, Mes mémoires, t. 8, Paris, Calmann Lévy,‎ 1884, chapitres CXCVII et CCIV.
Auguste Chevalier, Nécrologie d'Évariste Galois, Revue encyclopédique,‎ 1832, p. 744-754


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#72 Eliphas Lévi (A-L Constant)
Loriane Posté le : 30/05/2015 17:03
Le 31 mai 1875 meurt à Paris Éliphas Lévi

né Alphonse-Louis Constant le 8 février 1810 à Paris, ecclésiastique français et grande figure de l'occultisme. Il a organisé la forme moderne de l'occultisme. le fait que Lévi ait pratiquement commencé sa carrière de magiste lors de sa rencontre avec Bulwer-Lytton, auteur de romans fantastiques, et qu'il ait été contemporain de la naissance du spiritisme et de la littérature fantastique au sens précis du terme explique en partie pourquoi, jusqu'à l'époque présente, l'ésotérisme comme pensée ait été supplanté par l'insolite, les histoires de fantômes et le goût de l'étrange.
L'œuvre de Lévi représente un vrai trésor d'images dans lequel les auteurs de la période symboliste, puis les surréalistes, ont puisé abondamment. Antoine Faivre

En bref

Fils d'un cordonnier parisien, Alphonse-Louis Constant entra au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, qu'il quitta en 1836 après avoir été ordonné diacre. Les idées utopistes et humanitaires du temps l'absorbent alors tout entier : il se lie d'amitié en 1838 avec la socialiste Flora Tristan ; collabore avec Alphonse Esquiros à une revue qui révèle au public ses dons de dessinateur. Songeant encore parfois à accéder à la prêtrise, il y renonce définitivement à la suite d'un séjour, en 1839-1840, à l'abbaye de Solesmes où il a lu les gnostiques et Mme Guyon. Surveillant au collège de Juilly, où ses supérieurs le maltraitent, il compose, au grand scandale du clergé et des bien-pensants, La Bible de la liberté 1841, qui lui vaut d'être condamné la même année comme révolutionnaire et disciple de Lamennais la prison dans laquelle il purge sa peine huit mois durant abrite aussi celui-ci ; il y lit Swedenborg. En 1843, il illustre des livres d'Alexandre Dumas et raconte, dans La Mère de Dieu, les misères de sa jeunesse. Mais c'est dans Le Livre des larmes 1845 qu'il développe pour la première fois des notions ésotérisantes. On le condamne encore à six mois de prison pour La Voix de la famine 1847, dont il ne fut pourtant pas le véritable auteur ; puis, la révolution de 1848 lui donnant plus de liberté, il commence à diriger une revue et un club.
En 1851, il collabore au Dictionnaire de littérature chrétienne de l'abbé Migne, et rencontre sans doute Hoëné Wronski, dont l'œuvre fait sur lui une impression durable et l'oriente vers le messianisme napoléonien et la pensée mathématique. Il prend alors le nom d'Eliphas Lévi, se rend à Londres en 1854, y rencontre sir E. Bulwer-Lytton, évoque avec lui des esprits, dont celui d'Apollonius de Tyane, qui leur serait apparu tangiblement. Revenu en France, il achève son ouvrage intitulé Dogme et rituel de haute-magie qui paraît de 1854 à 1856, sous la signature d'E. Lévi. Alors commence le succès, mais non la fortune. En 1859, l'Histoire de la magie le consacre en attirant à lui la plupart des ésotérisants français (notamment Henri Delaage, Paul Auguez, Jean-Marie Ragon, Desbarolles, Henri Favre, Pierre Christian, Fernand Rozier, qui sera le jalon historique entre E. Lévi et Papus). E. Lévi publie en 1861 La Clef des grands mystères ; il retourne à Londres passer quelques mois auprès de Bulwer-Lytton. La maçonnerie du Grand-Orient l'admet dans son sein, mais le zèle du mage, qui prétend dèjà tout savoir sur elle, ne dure guère. Sa correspondance de neuf années avec le baron italien Nicolas Joseph Spedalieri nous livre de précieuses indications sur son évolution. Il publie Fables et symboles (1862), ouvrage consacré au symbolisme de Pythagore, des Évangiles apocryphes et du Talmud, et La Science des esprits (1865), très critiquée à l'époque. Il travaille en même temps à un ouvrage superbe, mais d'une valeur historique contestable, Le Livre des splendeurs, qui traite surtout de la Kabbale du Zohar et qui ne paraîtra qu'après sa mort. Judith Gautier, fille de Théophile et épouse de Catulle-Mendès, se met à son école, tandis que son mari lui fait rencontrer Victor Hugo et le met peut-être en rapport avec Stanislas de Guaïta, qui plus tard lira les œuvres du « mage » et se fera le propagateur infatigable et autorisé de sa doctrine.
Par sa seule période révolutionnaire, Eliphas Lévi serait passé à la postérité, même si sa vie s'était arrêtée en 1848. Mais sa célébrité tient surtout à la seconde période de son existence, celle qui va de 1854 à 1875. Lévi a d'abord le mérite d'avoir rappelé, et pratiquement codifié pour quelque temps, la vision théosophique du monde, c'est-à-dire une métaphysique fondée sur la doctrine analogique des correspondances, au sens baudelairien 1857 et traditionnel du terme. Par ce retour à la théosophie de toujours, il a contribué à spiritualiser l'ésotérisme de son temps, à répandre une Weltanschauung pour laquelle matière et esprit ne sont qu'une seule réalité. Son œuvre apparaît à cet égard aussi comme étant une réaction contre le spiritisme montant : les anges, les esprits intermédiaires, les émanations divines importent plus à Lévi que les évocations des morts, pratique impliquant une opposition entre l'en-deçà et l'au-delà, c'est-à-dire une conception dualiste. On peut donc le regarder comme un des rares « philosophes de la nature » en France, en un temps où l'Allemagne en comptait beaucoup. Son amitié et sa collaboration avec Louis Lucas, qui était un compagnon de Wronski et tentait d'introduire en France le principe de polarité, apparaissent significatives à cet égard : Lévi désirait, lui aussi, réconcilier les sciences occultes et les sciences traditionnelles d'une manière non réductrice, mais synthétique, englobante et créatrice. Il y a chez lui une pensée dialectique très ferme qui n'est ni celle de Hegel, ni — malgré sa « philosophie de la nature » — celle des présocratiques ; il se montre, au contraire, expert en maïeutique et dans l'art de rapprocher les contraires. Son esprit est plus mathématique qu'on ne l'a cru, mais selon une logique « ouverte » qui n'est pas incompatible avec celle du symbole.
Pourtant Lévi n'échappe pas tout à fait à l'emprise du dualisme ambiant. Bien qu'il enseigne à ses disciples de se garder des voies opératives de la magie, il les suit lui-même car son tempérament, un peu comme celui de son contemporain Joseph Ennemoser en Allemagne, le porte plus vers l'expérimentation que vers l'approfondissement de l'herméneutique théosophique : chez lui, la cosmologie et ses applications dominent souvent au détriment de la cosmogonie et de l'eschatologie, encore que ce goût expérimental » soit peut-être une simple concession à l'esprit du temps ; Lévi fut bien moins empiriste, en effet, que la plupart de ses contemporains, magnétiseurs et autres. Il reproche à Louis-Claude de Saint-Martin d'avoir un peu trop de penchant « pour le mysticisme passif qui contemple le Verbe au lieu d'entrer dans la vie active du Verbe qui est la virilité de l'âme » ; mais cette opposition à la pensée saint-martinienne reste fluctuante. C'est lui qui a inventé le mot occultisme, terme qui désigne l'aspect pratique, non la pensée, de l'ésotérisme, ainsi référé aux preuves tangibles de l'au-delà, aux pouvoirs, aux manifestations visibles de l'invisible. A l'époque symboliste, Papus et Chamuel publièrent le monumental Grand Arcane de Lévi, qui, dans cet ouvrage, se révèle vraiment le père de l'occultisme moderne. Peut-être Papus a-t-il lui-même arrangé le texte dans ce sens, développant le côté empiriste en l'amplifiant, car il semble que Lévi n'ait jamais, de son vivant, traité des sciences occultes dans l'acception papusienne du terme.

Sa vie

Alphonse-Louis Constant naquit le 8 février 1810, au nº5 de la rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés (devenue depuis rue de l'Ancienne-Comédie) à Paris, de Jean Joseph Constant et Jeanne Agnès Beaucourt. Il fut baptisé en l'Église Saint-André-des-Arts. Son père était cordonnier. Grâce à l'abbé J.-B. Hubault Malmaison, qui avait organisé dans sa paroisse un collège dispensant gratuitement les bases de l'instruction aux enfants pauvres, il fit ses premières études, puis entra en 1825 au petit séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet, dirigé alors par l'abbé Frère-Colonna, qui l'orienta peut-être déjà vers l'étude de la magie. En 1830, ayant terminé sa rhétorique, il passa selon la règle au séminaire d'Issy pour finir ses deux années de philosophie. La mort de son père intervint cette même année. Après Issy, il aboutit au séminaire de Saint-Sulpice pour faire sa théologie. Il y fut ordonné sous-diacre et tonsuré. En 1835, alors qu'il avait la charge de l'un des catéchismes de jeunes filles de Saint-Sulpice, la jeune Adèle Allenbach lui fut confiée par sa mère, avec mission de « la protéger tout spécialement et de l'instruire à part, comme si elle était la fille d'un prince ».
Sa mère, fervente catholique et épouse d'un officier suisse, avait émigré en France en 1830 parce que la religion de sa fille lui semblait menacée, et toutes deux vivaient depuis dans un grand dénuement.
Le jeune abbé tomba peu à peu éperdument amoureux de sa protégée, en qui il crut voir la Sainte Vierge apparue sous une forme charnelle. Ordonné diacre le 19 décembre 1835, il quitta finalement le séminaire en juin 1836 avant de recevoir le sacrement de l'ordre ; mais entre-temps la jeune fille pour laquelle il s'était perdu l'avait délaissé.
Sa vieille mère infirme, qui avait mis toutes ses espérances en lui, fut très abattue par le départ de son fils du séminaire et se suicida quelques semaines plus tard en s'asphyxiant avec les émanations de son réchaud à charbon. A. Constant eut un instant l'idée d'entrer à la Trappe, mais ses amis l'en détournèrent. Il passa une année dans un pensionnat près de Paris, puis accompagna un ami comédien ambulant nommé Bailleul dans une tournée en province.
En 1838, il se lia d’amitié avec la socialiste Flora Tristan qui sera la grand-mère du peintre Paul Gauguin, et collabora avec Alphonse Esquiros, rencontré au petit séminaire, à une revue, Les Belles Femmes de Paris1, qui révéla au public ses dons de dessinateur. Alors qu'il parcourait les salons pour sa revue, il fit un jour la connaissance d'Honoré de Balzac, alors en pleine gloire, chez Mme de Girardin.
Songeant encore à accéder à la prêtrise, il partit pour l’abbaye de Solesmes, bien résolu à y passer le reste de ses jours. L'abbaye possédait une bibliothèque d'environ 20000 volumes, dans laquelle il puisa abondamment. Il étudia la doctrine des anciens gnostiques, celle des Pères de l'Église primitive, les livres de Cassien et d'autres ascètes, les pieux écrits des mystiques, et spécialement les livres de Mme Guyon. Durant son séjour, il fit paraître son premier ouvrage : le Rosier de Mai 1839. À cause d'une mésentente avec l'abbé de Solesmes, A. Constant quitta finalement l'abbaye au bout d'un an, sans le sou.
En intercédant auprès de l'archevêque de Paris, Mgr Affre, il finit par obtenir un poste de surveillant au collège de Juilly. Ses supérieurs le maltraitaient, et dans son écœurement il composa, au grand scandale du clergé et des bien-pensants, la Bible de la liberté (1841). L'ouvrage parut le 13 février et fut saisi à Versailles une heure après sa mise en vente. Un grand nombre d'exemplaires purent tout de même être sauvés, et l'abbé Constant fut arrêté dans les premiers jours du mois d'avril. Le procès eut lieu le 11 mai 1841, l'abbé fut condamné à 8 mois de prison et 300 francs d'amende. À la prison de Sainte-Pélagie, où il passa 11 mois, n'ayant vraisemblablement pas de quoi régler l'amende... il retrouva son ami Esquiros et l'abbé de Lamennais. Tous les moyens furent apparemment employés pour le faire mourir de chagrin et de misère. On intercepta ses lettres pour en dénaturer le sens, l'accusa d'être un vendu à la police, et il dut en outre subir l'animosité de certains autres détenus. Il chercha des consolations dans l'étude, lisant pour la première fois les écrits de Swedenborg. Mais ses amis du dehors ne l'oubliaient pas. Une certaine Mme Legrand, très riche amie de Flora Tristan, fit en sorte d'adoucir l'ordinaire du prisonnier en lui faisant porter une nourriture plus variée.
À sa sortie en avril 1842, il obtint une commande de peintures murales pour l'église de Choisy-le-Roi grâce à l'aumônier de Sainte-Pélagie. En 1843, habitant le presbytère de Choisy, il commença l'écriture de la Mère de Dieu. Sa conduite était si exemplaire, que Mgr Affre décida de le recommander à Mgr Olivier, évêque d'Evreux. L'évêque était prêt à accueillir l'abbé à condition qu'il change son nom pour celui de sa mère, afin d'éviter tout scandale en rapport avec l'affaire de la Bible de la liberté.
C'est donc l'abbé Beaucourt qui partit pour Évreux en février 1843. Ses prédications y rencontrèrent un grand succès et suscitèrent beaucoup de jalousies parmi les prêtres du diocèse. Au mois de juin le journal l'Univers annonça la mort de l'abbé Constant, information démentie ensuite par le Populaire, puis le 22 juillet 1843 parut dans l'Écho de la Normandie un article intitulé le Nouveau Lazare dans lequel était dévoilée toute l'histoire de l'abbé Beaucourt : son identité, son procès et sa condamnation. Obligé de sortir du séminaire, il ne fut pas oublié par l'évêque d'Évreux qui pourvut à sa subsistance et chercha encore à l'aider par la commande d'une peinture murale pour un couvent. C'est dans la même année 1843, qu'il fut parrainé par des connaissances de son père pour intégrer une société secrète à Lausanne, montée en 1677 par Louis Quinault : l'Ordre Hermétique de la Rose-Croix Universelle, d'où il obtiendra le grade de Grand-Maître. Malheureusement, Mgr Olivier fut très affligé par la sortie de la Mère de Dieu (1844), et fin février 1844, l'abbé retourna à Paris en laissant sa peinture inachevée.
Il revit son amie Flora Tristan, qui mourut peu de temps après à Bordeaux. Il hésita longtemps avant de publier le manuscrit intégral de Flora Tristan, pensant qu'on l'en rendrait responsable, abandonna finalement le projet et édita le premier manuscrit sous le titre : l'Émancipation de la femme ou le Testament de la paria. À l'automne 1844, Mme Legrand lui demanda de venir à Guitrancourt afin d'achever l'éducation de ses enfants. Il y demeura un an puis retourna à Paris et fit paraître son manifeste pacifique, inspiré par Silvio Pellico : la Fête-Dieu ou le Triomphe de la paix religieuse 1845.
Les idées utopistes et humanitaires du temps l’absorbèrent alors tout entier. Deux mouvements surtout suscitèrent de sa part de profondes et longues méditations : le Saint-Simonisme et le Fouriérisme.
« L'école Saint-Simonienne, malgré ses qualités estimables, m'a toujours inspiré une vive répulsion. Ils ont de la vraie religion tout excepté l'esprit de piété; leur femme libre me fait horreur et ils ne peuvent comprendre la charité puisqu'ils méconnaissent l'amour. Ils sont froids comme l'industrialisme, tranchants, despotes et calculateurs. Je me fâche quand je les vois toucher si près à nos grandes vérités que leur sécheresse de cœur compromet et profane. Enfantin a certainement des aperçus remarquables mais il est plein d'égoïsme et de fatuité. »
— Correspondance avec le baron Spedalieri
« Fourier retourna le système de Swedenborg, pour créer sur la terre le paradis des attractions proportionnelles aux destinées. Par les attractions il entendait les passions sensuelles auxquelles il promettait une expansion intégrale et absolue. Dieu, qui est la suprême raison, marqua d'un sceau terrible ces doctrines réprouvées : les disciples de Fourier avaient commencé par l'absurdité, ils finirent par la folie. »

1845-1855 : Vers l'ésotérisme et l'occultisme

En 1845, dans le Livre des larmes, il développe pour la première fois des notions ésotérisantes. Durant cette période, il compose aussi des chansons et illustre deux ouvrages d'Alexandre Dumas : Louis XIV et son siècle et le Comte de Monte-Cristo. Adèle Allenbach, devenue actrice, vient le voir souvent. Elle conserva toujours la même admiration pour son « petit-père » dont elle accompagna le cercueil jusqu'à sa dernière demeure.
A. Constant habite quelque temps à Chantilly, puis revient se fixer à Paris, au nº 10 de la rue Saint-Lazare. Il devient l'ami de Charles Fauvety et les deux hommes fondent en 1845 la revue mensuelle : la Vérité sur toutes choses. Celle-ci ne parut que pendant 4 mois.
Depuis son retour d'Évreux, il se rendait fréquemment à Choisy-le-Roy où il avait rencontré en 1843 Mle Eugénie Chenevier, sous-maîtresse à l'Institution Chandeau. Parmi les pensionnaires de l'Institution se trouvait la jeune Marie-Noémi Cadiot, à laquelle Eugénie s'était liée d'amitié. Lorsque les deux jeunes filles sortaient le dimanche, A. Constant les accompagnait, et ils passaient tous trois de bons moments.
Eugénie Chenevier accepta d'être sa femme devant Dieu. Confiante en l'avenir, elle s'était déjà donnée à lui et attendait un enfant. Ce fils, Xavier Henri Alphonse Chenevier, qui naquit le 29 septembre 1846, vécut jusqu'en 1916, et eut lui-même un fils, Pierre, par la ligne d’Eugénie, la descendance d’Éliphas Lévi représente aujourd’hui plus de 40 personnes, à la sixième génération.
Mais Marie-Noémi Cadiot tomba amoureuse... Après avoir entretenu une correspondance enflammée avec A. Constant, elle s'échappe un beau jour de chez ses parents pour aller se réfugier dans la mansarde de celui-ci. Son père exige alors le mariage, sous la menace d'une accusation de détournement de mineure, car la jeune fille n'avait alors que 18 ans. A. Constant dut se résigner.
La cérémonie civile eut lieu à la mairie du Xe arrondissement, le 13 juillet 1846. La famille Cadiot n'avait pas voulu doter Noémi, et les deux époux étaient tellement dénués de ressources qu'ils firent leur repas avec quelques sous de pommes de terres frites achetées sur le Pont-Neuf.
Depuis l'affaire de la Bible de la liberté 1841, on empêchait A. Constant d'exprimer sa pensée en lui refusant l'insertion dans les journaux. À l'instigation de Noémi, il se remet à faire de la politique. Il collabore notamment à la Démocratie pacifique, et écrit un pamphlet virulent : la Voix de la famine. Le 3 février 1847, on le condamne encore à un an de prison et 1 000 francs d'amende. Sa femme demande grâce pour elle et l'enfant qu'elle porte auprès des ministères et obtient finalement sa libération au bout de 6 mois. Mme Constant accouche en septembre 1847 d'une fille, Marie. La petite Marie mourra en 1854 à l'âge de 7 ans, au grand désespoir de A. Constant qui l'adorait.

La révolution de février 1848 lui donnant plus de liberté, il commence à diriger une revue gauchiste : le Tribun du peuple, qui n'eut que quatre numéros, du 16 au 30 mars 1848. Il fonde ensuite avec ses amis Esquiros et Le Gallois un club politique : le Club de la montagne, composé surtout de travailleurs. Arrivent les journées de juin, insurrection des classes laborieuses amenée par la réaction pour faire périr la République naissante. Le 23 juin 1848 faillit être fatal à A. Constant : on fusilla, croyant avoir affaire à lui, un marchand de vin qui lui ressemblait au coin de la rue Saint-Martin et de la rue d'Arcis. Le 24, Mgr Affre, voulant apaiser les insurgés, reçut une balle et mourut trois jours plus tard. A. Constant désirait représenter le peuple à l'Assemblée nationale, mais sa tentative échoua. Son ami Esquiros fut en revanche élu le 13 mai 1849, et les deux hommes ne se fréquentèrent plus. le Testament de la liberté 1848, qui résume ses idées politiques, sera son dernier ouvrage du genre. À cette époque, Madame Constant, qui avait déjà publié dans la revue de son mari et fréquenté le Club des femmes de Mme Niboyet, se lance dans le monde parisien. Elle écrit dans le Tintamarre et le Moniteur du soir des feuilletons littéraires sous le pseudonyme de Claude Vignon tiré d'un roman de Balzac. C'est une période de relative aisance pour le couple. Noémi prend des leçons du célèbre sculpteur Pradier, et grâce à cette haute relation A. Constant obtient deux commandes de tableaux du ministère de l'Intérieur.
Parallèlement, il lit la Kabbala Denudata de Knorr de Rosenroth, étudie les écrits de Jacob Boehme, Louis-Claude de Saint-Martin, Emanuel Swedenborg, Antoine Fabre d'Olivet, Chaho, et Görres.
Fin 1850, il rencontre l’abbé Jacques Paul Migne, fondateur et directeur de la librairie ecclésiastique de Montrouge, qui lui commande pour sa collection un Dictionnaire de la littérature chrétienne. Paru en 1851, l'ouvrage étonne par la science profonde qu'il renferme. Vers cette époque A. Constant rencontre le savant polonais Hoëné-Wronski, dont l’œuvre fait sur lui une impression durable et l’oriente vers la pensée mathématique et le messianisme napoléonien. Commence alors la rédaction du Dogme et rituel de la haute magie. Il prend le pseudonyme d'Éliphas Lévi, ou Éliphas Lévi Zahed, traduction en hébreu de Alphonse-Louis Constant que lui avait légué l'Ordre Hermétique de la Rose-Croix Universelle.
« La foi n'est qu'une superstition et une folie si elle n'a la raison pour base, et l'on ne peut supposer ce qu'on ignore que par analogie avec ce qu'on sait. Définir ce qu'on ne sait pas, c'est une ignorance présomptueuse; affirmer positivement ce qu'on ignore, c'est mentir. »
— (Dogme et rituel de la haute magie, p. 360)
Mme Constant, qui avait une liaison avec le marquis de Montferrier beau-frère de Wronski depuis quelque temps, s'enfuit un jour à Lausanne pour ne plus revenir. Profondément blessé, il se remet au travail pour tenter d'échapper au chagrin.

1854-1859 : Voyage et rencontres

Au printemps 1854, il se rend à Londres, y rencontre le Dr. Ashburner et Sir Edward Bulwer-Lytton, célèbre auteur de romans fantastiques, Zanoni, le Maître Rose-Croix est son ouvrage le plus connu, qui devient son ami et le fait admettre au sein des cercles rosicruciens. Encouragé par une amie de celui-ci initiée de haut grade, il tente une série d'évocations. Au cours de l'une d'elles, le fantôme d’Apollonius de Tyane lui apparaît en lui indiquant l'endroit de Londres où il pourrait trouver son Nyctemeron (cf. le récit du séjour dans Dogme et rituel de la haute magie, pages 132 à 135). Pourtant Éliphas Lévi demeurera toujours opposé aux expériences de magie. Quand plus tard il eut quelques disciples, il leur fit promettre de ne jamais tenter la plus petite expérience et de ne s'occuper que de la partie spéculative de la philosophie occulte.
Mle Eugénie Chenevier était à Londres depuis quelques années, où elle gagnait péniblement de quoi élever son enfant. A. Constant lui écrivit pour lui demander son pardon et il l'obtint. Pendant ce temps à Paris, son ami Adolphe Desbarolles prend avec l'ex-Mme Constant les arrangements nécessaires et fait déménager les affaires personnelles du Maître.
Revenu en France en août 1854, Éliphas loge quelque temps dans l'atelier de peintre de son ami Desbarolles, puis habite une modeste chambre d'étudiant au 1er étage du nº 120 boulevard du Montparnasse, où il achève Dogme et rituel de la haute magie, qui paraît de 1854 à 1856. Alors commence le succès, mais non la fortune.
En 1855, il fonde avec Fauvety et Lemonnier la Revue philosophique et religieuse qui paraîtra pendant trois ans et dans laquelle il écrit de nombreux articles sur la Qabbale. Délaissant un peu la philosophie occulte, il se remet à composer des chansons. L'une d'elle, dans laquelle il compare Napoléon III à Caligula lui vaut une nouvelle fois la prison. Mais quelques jours après son incarcération il écrit une autre chanson où il explique satiriquement que les juges ont commis une méprise, qu'il n'a jamais comparé personne à Caligula, et la fait porter à l'empereur qui lui pardonne. D'avril à juin 1856 il publie des chansons dans le Mousquetaire d'Alexandre Dumas grâce à Desbarolles.
Le 3 janvier 1857, un événement sanglant plonge Paris dans la stupeur. L'archevêque de Paris, Monseigneur Sibour, est assassiné par un prêtre interdit, Louis Verger, alors qu'il inaugurait la neuvaine de Sainte Geneviève à Saint-Étienne-du-Mont. Les deux nuits précédentes, Éliphas avait fait (selon ses dires) un rêve prémonitoire qui se terminait pas les paroles : « viens voir ton père qui va mourir ! ». Son père étant mort depuis longtemps, il n'en comprit pas immédiatement le sens. Le 3 janvier vers quatre heures de l'après-midi, Éliphas se trouvait parmi les pèlerins qui assistaient à l'office au cours duquel l'archevêque devait succomber. Mais ce n'est qu'en lisant plus tard la description de l'assassin dans les journaux, qu'il se souvint d'un prêtre pâle rencontré avec Desbarolles un an auparavant chez Mme A. et qui cherchait le grimoire d'Honorius. Cet épisode est relaté en détail dans la Clef des grands mystères (1861), pages 139 à 151.
Après trois années passées boulevard du Montparnasse, il va loger au nº 19 avenue du Maine vers juin 1857. Cette chambre ensoleillée, qu'il décore en mettant à profit ses talents d'artiste, verra les sept meilleures années de sa vie.

1859-1874 : Publications significatives, fin de vie

En 1859, la publication de l'Histoire de la magie lui rapporte 1 000 francs, ce qui est une somme pour l'époque, et le consacre en attirant à lui la plupart des ésotérisants français (notamment Henri Delaage, Luc Desages, Paul Auguez, Jean-Marie Ragon, Henri Favre, et le docteur Fernand Rozier, que l'on retrouvera plus tard aux côtés de Papus). Il connut aussi le cartomancien Edmond et le magnétiseur Cahagnet.
Sollicité par ses amis Fauvety et Caubet, il se fait recevoir maçon. Initié le 14 mars 1861 dans la loge la Rose du parfait silence, dont Caubet était le Vénérable, il déclare dans son discours de réception :
« Je viens apporter au milieu de vous les traditions perdues, la connaissance exacte de vos signes et de vos emblèmes, et par suite, vous montrer le but pour lequel votre association a été constituée...Car la rose et la croix m'ont tout donné »
La cérémonie eut lieu en présence d'un grand nombre de frères à qui il tenta d'expliquer que le symbolisme maçonnique est emprunté à la Rose-Croix et la Kabbale. Mais ce fut peine perdue, on ne l'écouta pas.
Entre temps, Mle Eugénie Chenevier et son fils étant revenus à Paris, Éliphas fait savoir qu'il désire s'occuper de l'enfant. La mère cède à ce désir, mais une brouille survient en 1867 pour des questions d'argent et il ne reverra plus ni la mère, ni le fils jusqu'à sa mort. En 1861, il publie la Clef des grands mystères, dernier volet de la trilogie commencée avec Histoire de la magie et Dogme et rituel de la haute magie.
Le Maître travaille beaucoup, initiant à l'occultisme des érudits appartenant à la plus haute aristocratie, et même l'évêque d'Évreux, Mgr Devoucoux, à qui il donne des leçons de Qabbale. Grâce à l'argent perçu en rémunération de ses leçons, il vit dans un relatif confort matériel, enrichissant sans cesse sa bibliothèque. Avec le comte Alexandre Branicki, hermétiste, il réussit quelques expériences probantes du Grand Œuvre dans un laboratoire installé au château de Beauregard, à Villeneuve-Saint-Georges. Ce château appartenait à la veuve d'Honoré de Balzac et Éliphas devint bientôt l'ami du beau-fils de Madame de Balzac, le comte Georges Mniszech. Le château, saccagé par les Prussiens en 1870, est aujourd'hui une maison de retraite à Villeneuve-Saint-Georges.
En mai 1861, il retourne à Londres, accompagné du comte Alexandre Branicki, passer quelques mois auprès de Bulwer-Lytton, arrivé cette année-là à la tête de la Rosicrucian Society of England. Au cours de ce deuxième séjour, Éliphas Lévi rend plusieurs fois visite à Eugène Vintras, qui lui avait envoyé deux de ses disciples pour l'inviter des années auparavant. Il le considère non pas comme un prophète, mais comme un médium singulier, un intéressant sujet d'études, et lui achète même son livre l'Évangile éternel.
En juillet 1861, le baron italien N-J Spedalieri avait acheté chez un libraire de Marseille le Dogme et rituel de la haute magie et décidait de prendre contact avec l'auteur. S'ensuivit une correspondance de plus de 1 000 lettres qui dura du 24 octobre 1861 au 14 février 1874. C'est un cours de Qabbale unique, précis, rempli de figures explicatives et d'anecdotes. Spedalieri fut l'un des plus importants mécènes du professeur de sciences occultes.
Rentré à Paris, Éliphas Lévi publie le Sorcier de Meudon, dédié à Mme de Balzac (Ewelina Rzewuska Comtesse Hanska). Depuis son retour de Londres, il assiste régulièrement aux réunions maçonniques de la loge Rose du parfait silence. Le 21 août 1861, on lui confère le grade de Maître. À la suite d'un long discours sur les Mystères de l'initiation qu'il prononça le mois suivant, un Frère, le professeur Ganeval, ayant voulu présenter quelques observations sur ce qui venait d'être dit, se heurta aux protestations d'Éliphas, qui se retira et ne reparut plus en loge. Les tentatives de Caubet pour le faire revenir sur sa décision le lendemain furent infructueuses. La loge Rose du parfait silence sera mise en sommeil en 1885, mais n'y cherchons peut-être pas, comme Oswald Wirth, une relation de cause à effet.

« J'ai cessé d'être Franc-Maçon parce que les Francs-Maçons, excommuniés par le Pape, ne croyaient plus devoir tolérer le catholicisme. »

— le Livre des sages
Le 29 août 1862 paraît Fables et symboles, ouvrage dans lequel Éliphas Lévi analyse les symboles de Pythagore, des Évangiles apocryphes, du Talmud...etc. Quelques fois il fréquente incognito les réunions spirites pour se documenter. Pierre Christian, auteur de l'étrange roman l'Homme rouge des Tuileries, fut le voisin et l'ami d'Éliphas et profita de ses entretiens et de ses leçons toutes bénévoles. En 1863 meurt Louis Lucas, chimiste initié aux secrets d'Hermès, disciple de Wronski et ami d'Éliphas.

Le 15 mai 1864, Éliphas déménage dans un trois pièces au 2e étage du nº 155 rue de Sèvres, sa dernière demeure. En 1865 paraît la Science des esprits, recueil d'essais traitant à nouveau du symbolisme des Évangiles apocryphes, du Talmud, etc.(absolument rien à voir avec le spiritisme). À l'été 1865, l'éditeur Larousse lui demande d'écrire quelques articles de Qabbale pour son Grand Dictionnaire. Il travaille en même temps à un ouvrage superbe, mais d’une valeur historique contestable, le Livre des splendeurs, qui traite surtout de la Qabbale du Zohar et qui ne paraîtra qu’après sa mort. À cette époque il commence à ressentir souvent des douleurs névralgiques à la tête, qui le font beaucoup souffrir. Durant le siège de Paris en 1870, sa vie fut des plus pénibles car les communications avec la province étant coupées, il ne pouvait plus recevoir de subsides de la part de ses élèves. La dureté de son service comme Garde National révèle une maladie de cœur. Une fois la Commune terminée, le Maître totalement dénué de ressources une fois de plus, trouve chez une de ses élèves, Mme Mary Gebhard, qui habitait Elberfeld en Allemagne, une longue et chaude hospitalité. Les événements lui inspirent quelques pensées qu'il réunit sous le titre les Portes de l'avenir.
À son retour d'Allemagne, il apprend la mort de la baronne Spedalieri. La mort de sa femme affecte tellement le baron qu'il se croit devenu matérialiste et athée et finit par se détourner du Maître. En décembre 1871, Éliphas Lévi termine un autre manuscrit : le Grimoire franco-latomorum, consacré à l'explication des rites de la Franc-maçonnerie. À l'automne 1872, son ex-femme, écrivain et sculpteur désormais reconnue, se marie avec le député de Marseille, Maurice Rouvier, qui deviendra ministre du commerce. Sa santé continue de se détériorer. À cause d'une maladie de cœur il est sujet à des évanouissements au cours desquels il dit avoir des visions extatiques. Pendant l'année 1873, il achève le manuscrit de l'Évangile de la science.
En novembre 1873, Judith Mendès, fille de Théophile Gautier, avait eu besoin pour un de ses romans orientaux, de renseignements sur la Kabbale chaldéenne. La renommée l'avait conduite tout droit chez Éliphas Lévi, qui invité un jour chez son père, avait prédit à la jeune fille ses succès de jeune femme en lisant dans sa main. Son mari Catulle Mendès présenta Éliphas à l'écrivain Victor Hugo, qui paraît-il connaissait les ouvrages du Qabbaliste et les avait même appréciés.
L'année 1874 fut très douloureuse à passer : une bronchite assez grave, des étouffements, et une fièvre persistante ne lui laissèrent presque aucun repos. Ses jambes s'enflèrent peu à peu et une sorte d'éléphantiasis se déclara bientôt. En janvier 1875, le Maître achève son dernier manuscrit : le Catéchisme de la paix. Le 31 mai 1875, il s'éteint au nº 155 rue de Sèvres, à l'âge de 65 ans. On l'inhuma au cimetière d'Ivry, une simple croix de bois marquant l'emplacement de sa tombe. En 1881, son corps fut exhumé et ses restes placés dans la fosse commune.

Œuvres

Éliphas Lévi en 1836
Œuvres d'Alphonse-Louis Constant

1832 : Nemrod paru dans le Dictionnaire de littérature chrétienne
1839 : le Rosier de mai ou la Guirlande de Marie
1841 : La Bible de la liberté
1841 : l'Assomption de la femme ou le Livre de l'amour
1841 : Doctrines religieuses et sociales
1844 : la Mère de Dieu, épopée religieuse et humanitaire
1845 : la Fête-Dieu ou le Triomphe de la paix religieuse
1845 : Paix ! Paix ! Réprimande adressée par un abbé et un théologien à Timon qui n'est ni l'un ni l'autre
1845 : le Livre des larmes ou le Christ consolateur, Essai de conciliation entre l'Église catholique et la philosophie moderne
1845 : les Trois Harmonies
1846 : la Dernière Incarnation
1846 : La Voix de la famine
1847 : le Deuil de la Pologne. Protestation de la Démocratie française et du Socialisme universel
1847 : Rabelais à la Basmette
1847 : les Trois Malfaiteurs
1847 : le Sorcier de la Devinière
1848 : la Marseillaise du peuple chanson
1848 : le Règne du peuple chanson
1848 : le Testament de la liberté
1851 : Dictionnaire de la littérature chrétienne

Œuvres signées sous le pseudonyme d'Éliphas Lévi

1854 : Dogme et rituel de la haute magie tome 1 de 2
1859 : Histoire de la magie
1859 : la Clef des grands mystères suivant Hénoch, Abraham, Hermès Trismégiste et Salomon
1861 : Le Sorcier de Meudon
1863 : Appel de la Pologne à la France par un Polonais
1863 : Philosophie occulte. Première série : Fables et Symboles
1865 : Philosophie occulte. Seconde série : la Science des esprits

Ouvrages posthumes

1854 : la Clavicule universelle des clavicules de Salomon ou le Grimoire des Grimoires
1856 : Carnet de notes d'Éliphas Lévi
1860 : la Clavicule prophétique des sept esprits de Jean Trithème
1861 : les Mystères de la Kabbale ou l'Harmonie occulte des deux testaments
1861 : Cours de philosophie occulte. Lettres au baron Spedalieri
1868 - 1869 : Le Grand Arcane ou l'Occultisme dévoilé, Chamuel, 1898
1869 - 1870 : le Livre des splendeurs
1869 - 1870 : le Livre des sages
1870 : les Éléments de la Kabbale
1871 : les Portes de l'avenir ou les Dernières Paroles d'un voyant
1871 : le Grimoire franco-latomorum
1872 - 1874 : le Voile du temple déchiré
1873 : l'Évangile de la science
1873 : la Religion de la science
1873 : les Paradoxes de la haute science
1874 : la Sagesse des Anciens
1874 : le Livre d'Abraham le Juif retrouvé
1875 : le Catéchisme de la paix suivi de Quatrains de la Bible et de la Bible de la liberté
date non connue : Le Livre d'Hermès restitué et expliqué par Éliphas Lévi et commenté par Éliphas Ben Zahed, avec quarante-sept figures in texte et un album cartonné contenant les soixante-dix-huit lames du Tarot
date non connue : l'Annexe de Salomon

Baphomet, figure tirée de Dogme et Rituel de la Haute Magie de Éliphas Levi, 1854
Sur les autres projets Wikimedia :
Éliphas Lévi, sur Wikimedia Commons

Divers

"Éliphas Lévi" est le titre d'une chanson de l'album Merci du groupe Magma
Les éditions Le Soleil Noir publièrent leurs ouvrages avec une accroche signée Éliphas Lévi.


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#73 Daniel Gabriel Fahrenheit
Loriane Posté le : 16/05/2015 12:41
Le 24 mai 1686 à Danzig naît Daniel Gabriel Fahrenheit

actuel Gdańsk dans le Royaume de Pologne, mort, à 50 ans le 16 septembre 1736 à La Haye aux Pays-Bas, physicien allemand à l'origine de l'échelle de température qui porte son nom. Il est renommé pour l'Invention du thermomètre à mercure et de l'échelle Farenheit
Histoire du degré Farenheit
Cette unité de mesure est le fruit du spécialiste en physique Daniel Gabriel Farenheit. L'échelle de farenheit fut inventée en 1724 en considérant le point de congélation à 32 degrés tandis que le point d'ébulition à 212 degrés.
Histoire du degré Celsius
L'unité degré celsius fut admise en 1948, jusqu'à lors utilisée sous la forme d'échelle de température centigrade depuis 1742. Le physicien et astronome de la suède Anders celsius fut l'inventeur de cette dernière échelle qui considérait le 0 comme point de congélation et 100 comme température d'ébulition de l'eau. Une différence de seulement 0,025 degrés celsius en ce qui concerne le point d'ébulition.


En bref

Daniel Gabriel Fahrenheit est un physicien allemand connu pour son invention du thermomètre à mercure moderne et pour la définition d’une échelle de température qui porte son nom et qui est encore utilisée aux États-Unis. Né le 24 mai 1686 à Dantzig alors en Allemagne, maintenant Gdańsk en Pologne, il est issu d’une famille de commerçants. Après la mort de ses parents en 1701, victimes de l’ingestion de champignons vénéneux, Fahrenheit s’installe à Amsterdam Pays-Bas où il apprend l’art du commerce avant d’exercer la profession de marchand. Très intéressé par les progrès scientifiques et fasciné par les inventions qui leur sont liées, il devient souffleur de verre et fabrique de nouveaux types de baromètres, des altimètres, des hydromètres et des thermomètres. Reconnu comme un expert dans le domaine de l’expérimentation scientifique, il obtient en 1718 la charge d’un enseignement en chimie et est élu en 1724, lors d’un de ses fréquents séjours en Angleterre, membre fellow de la Royal Society. Il meurt le 16 septembre 1736 à La Haye.
En 1708, Fahrenheit avait rencontré Ole Roemer ou Römer 1644-1710, un astronome danois inventeur d’un thermomètre à alcool. Roemer avait proposé une échelle de température selon laquelle l’eau bout à 60 degrés et la glace fond à 7,5 degrés. Fahrenheit améliora le dispositif en remplaçant l’alcool par le mercure et en étalonnant l’échelle de température sur une amplitude de 180 degrés de façon qu’un mélange en quantités égales d’eau, de glace et de sel soit à l’équilibre thermique à 32 0F F pour Fahrenheit et que l’eau soit en ébullition à 212 0F. Il avait choisi ces chiffres pour que la température normale du corps humain soit de 100 0F, mais on l’a ajusté ensuite à 98,6 0F. Les instruments de Fahrenheit connurent vite un grand succès. On date de 1714 l’invention du premier thermomètre à mercure à échelle standardisée. Comme il tenait à garder secrète sa méthode de fabrication, il ne la publia qu’en 1724 dans le journal Philosophical Transactions of the Royal Society.
Grâce à ces thermomètres, Fahrenheit put étudier plus précisément les phénomènes de changements de phase de l’eau. Il découvrit ainsi que la température d’ébullition de l’eau dépend de la pression atmosphérique. Il inventa aussi une méthode permettant de refroidir l’eau sous sa température normale de solidification sans qu’elle devienne de la glace, selon le phénomène appelé surfusion. Bernard Pire

Sa vie

Fahrenheit est né en 1686 dans ce qui était à l'époque la République des Deux Nations, de parents allemands. Son père était d'une famille de marchands de la Ligue hanséatique qui vécu dans de nombreuses de ses villes. Sa famille semble être originaire d’Hildesheim selon les recherches historiques mais son arrière-grand-père venait de Rostock. Son grand-père déménagea de Kneiphof, Königsberg, à Danzig en 1650 et son père, lui-aussi nommé Daniel, s'est marié à Concordia Schumann, la fille d'un homme d'affaires très connu de la ville.
Ils ont eu cinq enfants dont Gabriel Daniel était l'aîné
À 15 ans, Fahrenheit perd ses parents morts accidentellement le 14 août 1701 à la suite de l'ingestion de champignons vénéneux. Pendant que ses quatre frères et sœurs sont placés dans des familles d’accueil, il débute comme apprenti chez un marchand de Danzig qui l'envoie à Amsterdam. En 1704, il commence à se passionner pour les sciences naturelles et découvre les thermomètres florentins. Son intention est de fabriquer des appareils de physique et de les commercialiser mais l’expérimentation le détourne graduellement vers une vie scientifique.
Quand son patron apprend finalement que Farenheit néglige son apprentissage, il menace de le faire arrêter.
À la demande des autorités de Danzig, il doit être embarqué sur un navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales mais s'enfuit et se rend à Berlin, Halle, Leipzig, Dresde, Copenhague et dans sa ville natale.
Il rencontre alors plusieurs personnalités durant ce périple dont : Ole Rømer qui construit un thermomètre à éthanol en 1702, Christian Wolff et Gottfried Wilhelm Leibniz. Il ne retourne en Hollande qu'à l'âge de sa majorité 24 ans.
En 1709, Fahrenheit reprend la méthode de Rømer du thermomètre à alcool dont l'étalonnage utilise deux points fixes : la température de fusion de la glace et celle du corps humain. En 1714, il devient souffleur de verre et fabrique des instruments de météorologie : baromètres, d'altimètres et de thermomètres.
En 1715, il correspond, et se lie d'amitié, avec Nicolas Leyde à propos de l’utilisation d’une horloge permettant de déterminer la longitude en mer, un problème très important pour la navigation maritime qui est l’objet d’un concours organisé par l‘amirauté britannique.
Il s'installe à La Haye Hollande en 1717 pour le reste de sa vie mais donne aussi des cours de chimie à Amsterdam à partir de 1718. En 1721, Fahrenheit découvre les écrits sur les mathématiques et l'expérimentation de Willem Jacob 's Gravesande et en devient ami. Ils fabriqueront ensemble un héliostat à l’aide de miroirs, un appareil pour suivre la course du soleil.
Il entretient également une importante correspondance avec plusieurs autres scientifiques de l'époque. Il développe le thermomètre à mercure qu'il décrit en 1724, ainsi que la méthode utilisée pour l'étalonner, dans Philosophical Transactions de la Royal Society de Londres.
Il mentionne que le mercure a un coefficient de dilatation thermique plus important que celui de l’alcool, est facile de nettoyage et plus visible, mais surtout que son point d’ébullition est très élevé. Fahrenheit décrit également une échelle de température, l'échelle Fahrenheit °F, qu'il a mis au point. Lors d'une visite en Angleterre la même année, il est élu Fellow de la Royal Society pour son travail.
Farenheit met aussi au point un hydromètre amélioré pour mesurer la masse volumique d'un liquide et un thermo-baromètre pour estimer la pression atmosphérique en utilisant la température d'ébullition de l'eau et un hygromètre. Peu de temps avant de mourir, il déposé un brevet sur une machine permettant de pomper l'eau des polders pour augmenter la superficie des terres cultivables.
Il ne se mariera jamais et il est mort à La Haye en 1736. Il est enterré au cimetière du cloître de Kloosterkerk. Après sa mort, plusieurs fabricants produiront des thermomètres de Fahrenheit à mercure, appareil qui deviendra d'un usage courant.

Échelle Fahrenheit

L'échelle de Farenheit était largement utilisé en Europe jusqu'à la Révolution française. Elle fut graduellement remplacée par l'échelle Celsius mais est encore souvent utilisée dans les pays anglo-saxons, principalement aux États-Unis où elle est l'échelle officielle.
Daniel Gabriel Fahrenheit a décidé de définir son échelle par deux températures de référence :
une température basse, qui sera la plus basse qu’il ait mesurée durant le rude hiver de 1708 à 1709 dans sa ville natale de Danzig. Plus tard, en laboratoire, il a atteint cette température lors de la solidification d’un mélange d’un volume égal de chlorure d’ammonium et d’eau.
une température haute, celle du sang du cheval.
Il divise d'abord cet intervalle en 12 unités avant de se raviser et de subdiviser chacune de ces unités en 8 degrés. La différence entre les deux températures de référence est dès lors fixée à 12 × 8, soit 96 degrés °F. Il est à noter que Fahrenheit n’a jamais utilisé le point d'ébullition de l'eau comme point fixe haut, car celui-ci varie avec la pression atmosphérique.
Fahrenheit observa que, dans son échelle, l’eau gèle, à pression atmosphérique normale, 1 013,25 hPa6 à 32 degrés et bout à 212 degrés, soit une différence de 180 degrés. Pour obtenir une température en degrés Fahrenheit, on multiplie la température en degrés Celsius par 1,8 et on y ajoute 32.
Sa technique a permis de rendre comparable tous les thermomètres, auparavant ils n’étaient pas étalonnés.

Échelle encore utilisée dans les pays anglo-saxons.
On convertit les températures tF de l'échelle Fahrenheit en températures Celsius t à l'aide de la formule :
image:

FORMULE POUR CONVERTIR LES DEGRÉS CELSIUS ET FARENHEIT

Convertir les celsius en farenheit en appliquant la formule suivante: celcius * 9/5 + 32.
Pour convertir des farenheit en celsius il suffit de faire: (farenheit - 32) * 5/9;

Liens pour convertir les farenheit en celsius

http://dominique.melotti.pagesperso-orange.fr/celsius.htm

http://calculconversion.com/conversion-celcius-farenheit.html



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#74 Tchernobyl
Loriane Posté le : 24/04/2015 18:40
Le 26 avril 1986 dans la centrale Lénine de Tchernobyl

a lieu la catastrophe nucléaire située à l'époque en RSS d'Ukraine en URSS, et également désignée comme l'accident nucléaire de Tchernobyl, est un accident nucléaire classé au niveau 7, le plus élevé, sur l'échelle internationale des événements nucléaires INES. Le réacteur no 4 explose et dû être enfoui dans un sarcophage

L'accident

L'accident a été provoqué par l'augmentation incontrôlée de la puissance du réacteur no 4 conduisant à la fusion du cœur. Cela a entraîné une explosion et la libération d'importantes quantités d’éléments radioactifs dans l’atmosphère, provoquant une très large contamination de l'environnement, et de nombreux décès et maladies survenus immédiatement ou à long terme du fait des irradiations ou contaminations.
Il s'agit du premier accident classé au niveau 7 sur l'échelle internationale des événements nucléaires INES le second étant la catastrophe de Fukushima du 11 mars 2011, et il est considéré comme le plus grave accident nucléaire jamais répertorié.
La centrale nucléaire est située sur un affluent du Dniepr à environ 15 kilomètres de Tchernobyl Ukraine
L'accident de Tchernobyl est la conséquence de dysfonctionnements importants et multiples :
un réacteur mal conçu, naturellement instable dans certaines situations et sans enceinte de confinement ;
un réacteur mal exploité, sur lequel des essais hasardeux ont été conduits ;
un contrôle de la sûreté par les pouvoirs publics inexistant ;
une gestion inadaptée des conséquences de l'accident.
Les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, controversées, sont importantes aussi bien au plan sanitaire, écologique, économique que politique. Plus de 200 000 personnes ont été définitivement évacuées.
Le rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique AIEA établi en 2005 recense près de 30 morts par syndrome d'irradiation aiguë directement attribuables à l'accident et estime que 5 % des décès de liquidateurs seraient liés à la catastrophe. Dans les populations locales, 4 000 cancers de la thyroïde ont été officiellement diagnostiqués entre la catastrophe et 2002, dont la grande majorité est attribuée à la catastrophe. De plus, ce rapport estime que le nombre de morts supplémentaires par cancer dans ces populations estimé à 4 000 morts d'après les modèles de radioprotection est trop faible par rapport à la mortalité naturelle 100 000 morts, soit 4 % d'accroissement pour être détectable par les outils épidémiologiques disponibles.

Causes

L'accident s'est produit lors d'un exercice qui avait pour but de prouver que la centrale pouvait être relancée d'elle-même à la suite d'une perte totale du réseau électrique. La centrale était pourvue de générateurs diesel, mais ceux-ci mettaient 15 secondes pour démarrer et de 60 à 75 secondes pour arriver à leur puissance maximale. Ce laps de temps étant considéré comme trop élevé, l'objectif était d'utiliser l'énergie cinétique du turbo-alternateur pour relancer les pompes de recirculation primaires pendant cette période. Les réacteurs RBMK sont instables à faible puissance avec du combustible peu enrichi comme c'était le cas. Cet exercice a été conduit à une puissance trop faible et en plein pic Xénon et Iode : ce phénomène est qualifié d'empoisonnement du réacteur. La conduite à tenir à ce stade aurait été d'arrêter le réacteur pendant un à deux jours en maintenant un refroidissement permanent le temps que l'iode et le xénon se désintègrent naturellement.
Le réactif de l'explosion est le liquide caloporteur, en l'espèce de l'eau légère. La chaleur aurait provoqué la radiolyse de l'eau, puis la recombinaison de l'hydrogène et de l'oxygène libérés aurait provoqué l'explosion qui a soulevé la dalle de béton recouvrant le réacteur. Selon d'autres experts, l'explosion serait une explosion de vapeur, conduisant aux mêmes conséquences. Le graphite incandescent après l'explosion a fait fondre la gaine des crayons d'uranium, en zirconium et s'en est suivie la fusion de l'uranium lui-même qui dégagea des gaz et particules hautement radioactifs qui ont contribué à la contamination des nuages. L'incendie a été entretenu par la suite par la combustion du graphite. Il n'y a donc pas eu d'explosion nucléaire : si le point de départ est bien une réaction nucléaire en chaîne, c'est bien une réaction chimique ou une surpression de vapeur, et non une réaction nucléaire qui a provoqué la catastrophe. À la suite de l'accident, de grandes quantités de radioisotopes, radioactifs et pour certains, extrêmement toxiques de surcroît, ont été libérées dans l'atmosphère. L'accident qui s'est produit à la centrale nucléaire de Tchernobyl dans le réacteur no 4 est ainsi classé au niveau le plus élevé le niveau 7 dans l’échelle INES qui mesure la gravité des accidents nucléaires.

Conception et construction du réacteur

Le réacteur de la tranche no 4 est de type RBMK 1000 réacteur de grande puissance à tubes de force. Par sa conception, ce type de réacteur présente plusieurs points faibles :
Son coefficient de vide est positif à basse puissance et dans certaines conditions de fonctionnement, contrairement aux réacteurs RBMK plus récents : si des bulles se forment dans le fluide caloporteur, la réaction tend à s'emballer. Les opérateurs de la centrale n'en étaient pas au courant. Cet état de fait a les origines suivantes :
D'une part, le modérateur prépondérant est le graphite qui est solide et peu sensible en volume aux variations de température.
D'autre part, pour pouvoir utiliser de l'uranium 235 peu enrichi, le réseau en fonctionnement est proche de l'optimum de modération.
Ces dispositions étaient considérées comme bonnes par les concepteurs parce qu'elles rendent le réseau relativement peu sensible aux variations du taux de vide dans le cours du fonctionnement normal du réacteur. En effet, le taux de vide est variable en fonctionnement ; plus la puissance est élevée, plus la pression de vapeur est basse et plus le taux de vide est élevé dans le cœur. Dès lors si l'augmentation du taux de vide déprime fortement la réactivité soit un effet de vide fortement négatif, une augmentation de la puissance nécessite une manœuvre importante des absorbants de commande pour compenser et accompagner la montée en puissance du réacteur. A contrario, une relative insensibilité de la réactivité du cœur au taux de vide facilite la régulation d'ensemble en limitant la nécessité de faire varier trop fréquemment la réactivité du cœur au moyen des absorbants de commande ce qui est une bonne chose du point de vue de la régulation d'ensemble de la centrale.
Dans certaines configurations toutefois, on peut se trouver avec un cœur surmodéré dans lequel la disparition d'atomes d'hydrogène modérateurs et celle d'atomes d'oxygène absorbants, induites par l'augmentation du taux de vide dans le cœur, provoquent une augmentation de la réactivité.
Le réacteur se retrouve donc à un niveau de puissance faible pour commencer l'expérience dans lequel il est instable : le coefficient de vide était positif c’est-à-dire que plus le réacteur chauffait, plus il produisait de vapeur et plus la réactivité augmentait, le système était divergent. Ce phénomène dû à la conception est pourtant bien connu, c’est pourquoi il était interdit de maintenir le réacteur dans cet état.
Le graphite utilisé comme modérateur est inflammable à haute température.
Le système d'arrêt d'urgence du réacteur est particulièrement lent 20 secondes. Ce système d'arrêt d'urgence est assuré par le déplacement de barres absorbantes, dites barres de contrôle, qui descendent dans le cœur du réacteur. En outre, dans certaines situations les barres de contrôle accroissent la réactivité durant la première phase de leur descente dans le cœur. Cette particularité a été un facteur aggravant de l'accident car les opérateurs ont ainsi été trompés : ils disposaient sans le savoir d'un accélérateur et non pas d'un frein de la réaction nucléaire en chaîne. Dans les centrales du même type que les centrales françaises, ces barres descendent sous la seule action de la gravité en cas d'urgence. De ce fait, elles mettent environ 1 seconde à atteindre leur efficacité maximale.
La centrale de Tchernobyl n'avait pas d'enceinte de confinement, contrairement aux centrales en occident ; c'est ce qui a permis aux rejets radioactifs de s'échapper aisément dans l'environnement.
Outre ces problèmes de conception, la construction de la centrale a été réalisée sans respecter les normes en vigueur. Un rapport confidentiel de 1979, signé par le directeur du KGB Iouri Andropov et cité par Nicolas Werth, souligne que divers chantiers de construction réalisant le bloc no 2 de la centrale atomique de Tchernobyl mènent leurs travaux sans aucun respect des normes, des technologies de montage et de construction définies dans le cahier des charges.
En 1983, l' acte de mise en exploitation expérimentale du réacteur no 4 de la centrale de Tchernobyl est signé alors que toutes les vérifications n'avaient pas été achevées .

Cause directe

Un essai d'îlotage était prévu sur le réacteur no 4, pour tester l'alimentation électrique de secours qui permet au réacteur de fonctionner en toute sécurité pendant une panne de courant. La puissance thermique5 du réacteur avait été réduite de 1 000 MW à 200 MW dans le cadre de ce test dans la nuit du 25 au 26 avril. L'expérience était initialement prévue dans la journée du 25 avril, mais une autre centrale électrique tomba en panne et le centre de régulation de Kiev demanda de retarder l'expérience car son énergie était nécessaire pour satisfaire la consommation électrique de la soirée. À 23 h 04, le centre de régulation de Kiev donna l'autorisation de reprendre l'expérience.
L'accident s'est alors produit à la suite d'une série d'erreurs commises par les techniciens de la centrale en supprimant sous les ordres de leur supérieur, Anatoli Diátlov, plusieurs sécurités. Les opérateurs ont notamment violé des procédures garantissant la sécurité du réacteur et donc de la centrale. Enfin, depuis sa mise en service en 1977, la centrale est dirigée par Viktor Petrovitch Brioukhanov, un ingénieur en thermodynamique et non un spécialiste du nucléaire. Il fait partie d'une génération d'hommes promus grâce à leur volontarisme militant, qui consistait d'abord et avant tout à remplir et dépasser le plan de production, nonobstant le respect des normes de construction ou de sécurité .

Chronologie des événements

Le test prévoyait que la puissance du réacteur soit située entre 700 et 1 000 MW. La puissance de 700 MW est atteinte le 26 avril 1986 à 00 h 05 mais continue à baisser. Lorsqu'elle atteint environ 500 MW, le responsable du régime du réacteur, Leonid Toptunov, commet une erreur en insérant les barres de commande trop loin. Ceci conduit à la chute de la puissance de sortie qui atteint 30 MW, provoquant un empoisonnement du réacteur au xénon. Les opérateurs essaient alors de rétablir la puissance, mais le xénon 135 accumulé absorbe les neutrons et limite la puissance à 200 MW. Pour débloquer la situation, les opérateurs retirent les barres de carbure de bore, qui servent à piloter la température du réacteur, au-delà des limites de sécurité autorisées.
Le 26 avril 1986, entre 1 h 3 et 1 h 7, deux pompes supplémentaires du circuit de refroidissement sont enclenchées pour essayer d'augmenter la puissance du réacteur. Le flot supplémentaire entraîne une hausse de température dans les échangeurs de chaleur. À 1 h 19, pour stabiliser le débit d'eau arrivant dans les séparateurs de vapeur, la puissance des pompes est encore augmentée et dépasse la limite autorisée. Le système demande l'arrêt d'urgence mais les signaux sont bloqués et les opérateurs décident de continuer le test.
L'essai proprement dit débute à 1 h 23 min 4 s. Les vannes d'alimentation en vapeur de la turbine sont fermées, ce qui fait augmenter la pression dans le circuit primaire. Les générateurs diesel démarrent et atteignent leur puissance nominale à 1 h 23 min 43 s. Durant ce temps, l'alimentation des pompes était fournie par l'inertie des turbo-alternateurs. Le débit d'eau passant dans le réacteur décroît au fur et à mesure de la baisse de régime des turbo-alternateurs, ce qui provoque la formation de bulles dans le liquide de refroidissement. À cause du coefficient de vide positif, le réacteur entre dans une rétroaction positive amplificatrice du processus engagé, entrainant une rapide montée de la puissance du réacteur.
À 1 h 23 min 40 s, le contremaître de nuit Alexandre Akimov, sous les ordres d'Anatoly Diatlov, l'ingénieur en chef adjoint, déclenche l'arrêt d'urgence. Les barres de contrôle sont descendues, sans grand effet : en effet, le réacteur est déjà bien trop chaud, ce qui a déformé les canaux destinés aux barres de commande ; celles-ci ne sont descendues qu'à 1,50 m au lieu des 7 m normaux.
À 1 h 23 min 44 s, la radiolyse de l'eau conduit à la formation d'un mélange détonant d'hydrogène et d'oxygène. De petites explosions se produisent, éjectant les barres permettant le pilotage du réacteur. En 3 à 5 secondes, la puissance du réacteur centuple Les 1 200 tonnes de la dalle de béton recouvrant le réacteur sont projetées en l'air et retombent de biais sur le cœur du r.éacteur qui est fracturé par le choc. Un incendie très important se déclare, tandis qu'une lumière aux reflets bleus se dégage du trou formé.
Les techniciens présents sur place, ainsi que le directeur Brioukhanov réveillé à 1 h 30, ne saisissent pas immédiatement l'ampleur de la catastrophe. Ce dernier appelle le ministère de l'Énergie à 4 h en déclarant que Le cœur du réacteur n'est probablement pas endommagé. Il reçoit pour ordre de maintenir le refroidissement par eau du réacteur ; cet ordre, que Brioukhanov persistera à appliquer toute la journée, n'aura pour effet que de libérer plus de radio-éléments dans l'atmosphère et de noyer les installations souterraines communes aux réacteurs 3 et 4, menaçant gravement le fonctionnement et l'intégrité du réacteur 3. L'ingénieur en chef responsable du réacteur 3 prendra, au cours de la journée et contre les directives de Brioukhanov, la décision de faire passer ce réacteur en arrêt à froid, permettant ainsi de le sauver d'une destruction certaine, au vu de la destruction progressive des installations.

Versions alternatives

Plus de cent versions alternatives de l'accident ont été proposées par des sources diverses. Aucune de ces versions n'a jamais été reprise dans un rapport national ou international, ni dans une revue publiée sous évaluation par les pairs.
L'une d'elles attribue la cause de l'accident à un tremblement de terre qui aurait eu lieu quelques secondes avant dans la zone de Tchernobyl. Des enregistrements sismiques effectués par trois stations militaires auraient mis évidence un séisme de magnitude 2,6 sur l'échelle de Richter à 1 h 23 min 39 s moment du pic des courbes, tandis que selon plusieurs rapports l'explosion aurait eu lieu entre 1 h 23 min 49 s et 1 h 23 min 59 s. Cet enchaînement des événements est contesté, et la secousse enregistrée pourrait simplement correspondre à l'onde de choc provoquée par l'explosion du bloc no 4. Plusieurs scientifiques qui se sont penchés sur l'hypothèse du tremblement de terre ont ainsi refait les calculs de temps en prenant en compte différentes incertitudes et ont montré qu'il était possible de faire coïncider le moment de l'explosion avec celui de la secousse, ce qui les a cependant amenés à modifier la chronologie officielle des événements telle qu'elle a été décrite dans la section précédente.
D'autres versions supposent une foudre en boule artificielle, la formation d'un monopôle magnétique, ou divers actes de sabotage ou de terrorisme.

Gestion de l'accident Lutte contre l'incendie 26 avril 1986

Afin d'éteindre l'incendie, Brioukhanov appelle simplement les pompiers. Ceux-ci, venus de Pripyat, située à 3 km de la centrale, interviennent sur les lieux sans équipement particulier. Cependant, les matières nucléaires ne peuvent être éteintes avec de l'eau. Les pompiers, gravement irradiés, sont évacués et mourront pour la plupart. Les témoignages sur leur souffrance et les conditions de leur mort ont été recueillis par la journaliste biélorusse Svetlana Alexievitch.
Le principal danger de l'incendie est que les dégâts qu'il occasionne à la structure risquent de provoquer l'effondrement de la matière en fusion corium dans les parties souterraines qui sont noyées. Un contact entre l'eau et le réacteur en fusion provoquerait une explosion qui disperserait d'immenses quantités de matière radioactive. Des plongeurs sont envoyés afin de fermer les vannes et installer un système de pompage pour vider les salles noyées. L'incendie finira par être éteint par projection dans le brasier de sacs de sable et de plomb depuis des hélicoptères.
Les photos des pompiers de Tchernobyl sont exposées au musée de Tchernobyl de Kiev. On y découvre des héros tels que Vladimir Pravik, Victor Kibenok, Vassili Ignatenko, Micolas Titenok, Micolas Vachtchouk et Tichtchoura.

Étouffement du cœur du réacteur en fusion 26 avril - 14 mai

L'incendie éteint, les techniciens de la centrale prennent conscience de l'étendue des dégâts provoqués par la retombée du toit sur le réacteur, qui est désormais fissuré. Le graphite toujours en combustion, mélangé au magma de combustible qui continue de réagir, dégage un nuage de fumée saturée de particules radioactives.
Il faut donc au plus vite maîtriser le feu de graphite et faire face à la présence de débris hautement radioactifs projetés aux environs par l'explosion. Ce n'est qu'ensuite que le réacteur pourra être isolé par un sarcophage.
La première opération est réalisée grâce à un ballet d'hélicoptères militaires de transport mené par plus de mille pilotes. Il s'agit de larguer dans le trou béant 5 000 tonnes de sable, d'argile, de plomb, de bore, de borax et de dolomite, un mélange qui permettra de stopper la réaction nucléaire et d'étouffer l'incendie du graphite afin de limiter les rejets radioactifs. La mission est difficile, car elle consiste à larguer les sacs à une hauteur de 200 m dans un trou de 10 m de diamètre environ, et ceci le plus vite possible, car malgré l'altitude les personnes reçoivent 15 röntgens, soit 150 mSv, en 8 secondes, avec un débit dose de plus de 100 Sv/h. Une telle dose augmente significativement la probabilité de développer un cancer. Dans la seule journée du 30 avril, 30 tonnes de sable et d'argile sont ainsi déversées sur le réacteur.
D'autre part, sur le toit et aux alentours immédiats de la centrale, une cinquantaine d'opérateurs sont chargés dans les premiers jours suivant la catastrophe de collecter les débris très radioactifs. Chaque opérateur ne dispose que de 90 secondes pour effectuer sa tâche. Il est exposé à cette occasion à des niveaux de radiations extrêmement élevés dont ne le protègent guère des équipements de protection dérisoires, principalement destinés à l’empêcher d’inhaler des poussières radioactives. Un grand nombre de ces travailleurs en première ligne ont développé par la suite des cancers et sont morts dans les années qui ont suivi. Ces travailleurs ont été surnommés les liquidateurs. Il a aussi été fait appel à des robots télécommandés français, suisses et allemands mais ceux-ci sont tous tombés en panne à cause des niveaux de radiation exceptionnellement élevés.
Cependant, le réacteur est toujours actif et la dalle de béton qui le soutient menace de se fissurer. Plus grave, l'eau déversée par les pompiers pour éteindre l'incendie16 a noyé les sous-structures, menaçant ainsi l'intégrité et le pilotage des trois autres réacteurs de la centrale. Le professeur Vassili Nesterenko diagnostique que si le cœur en fusion atteint la nappe d'eau accumulée par l'intervention des pompiers, une explosion de vapeur est susceptible de se produire et de disséminer des éléments radioactifs à une très grande distance. En effet, la fusion du combustible et des structures métalliques a formé un corium sur le plancher situé sous le réacteur. L'évacuation de la population est recommandée et une nouvelle équipe de pompiers envoyée pour évacuer cette eau en ouvrant les vannes de vidange de la piscine de suppression située sous le plancher de la cavité du réacteur. Ceux-ci travailleront toujours sans protection et y laisseront leur vie.
Sous le cœur du réacteur en fusion, la dalle de béton menace de fondre. Au cours de la seconde quinzaine de mai, environ 400 mineurs des mines des environs de Moscou et du bassin houiller du Donbass sont appelés pour creuser un tunnel de 167 mètres de long menant sous le réacteur afin d'y construire une salle. Un serpentin de refroidissement à l'azote doit y être installé pour refroidir la dalle de béton du réacteur. Les mineurs se relaient 24 heures sur 24 dans des conditions très difficiles dues à la température élevée et au niveau très important de radiation, le débit de dose à la sortie du tunnel est d’environ 200 röntgens par heure. La radioactivité dans le tunnel lui-même est élevée quoique non fatale à court terme, mais la chaleur rend le travail difficile Le circuit de refroidissement ne fut jamais installé et finalement remplacé par du béton pour ralentir et arrêter la descente du cœur fondu.
Grâce à ces travaux, le niveau de radiation baissera momentanément avant de s'élever à nouveau. Ce n'est que le 6 mai que la radiation absorbée en huit secondes chute enfin à 1,5 röntgen par heure. Après cette date, ce sont encore 80 tonnes de mélanges qui seront déversées. Valeri Legassov, un haut fonctionnaire soviétique chargé des questions nucléaires, se suicide en voyant la manière dont l'accident a été géré par les autorités, et publie à titre posthume un article dans la Pravda.

Écroulement final du cœur.

Le 6 mai, l'émission du réacteur tombe en moins de vingt minutes à 1/50 de sa valeur précédente, puis à quelques curies par jour. L'explication n'en sera connue qu'en 1988, à la suite des forages horizontaux faits à cette date à travers le bloc 4 par l'Institut Kourtchatov : le fond du réacteur avait cédé d’un coup, et le cœur fondu en lave liquide s’était écoulé puis définitivement solidifié 20 m plus bas dans les infrastructures, dans la piscine de suppression de pression qui avait heureusement été vidée.

Sarcophage et décontamination 14 mai – décembre 1986 Liquidateurs.

Dans les mois qui ont suivi, plusieurs centaines de milliers d'ouvriers 600 000 environ, les liquidateurs venus d'Ukraine, de Biélorussie, de Lettonie, de Lituanie et de Russie arrivent sur le site pour procéder à des nettoyages du terrain environnant. Leur protection individuelle contre les rayonnements était très faible, voire nulle. La décontamination était illusoire dans la mesure où personne ne savait où transférer les gravats déblayés. Beaucoup de villages en Ukraine mais surtout en Biélorussie ont été évacués, détruits et enterrés en raison d'une radioactivité trop élevée.
Dans la zone interdite, les liquidateurs étaient chargés de tuer les animaux car la poussière radioactive présente dans leur pelage risquait de contaminer les autres liquidateurs. D'autres unités de liquidateurs procédaient à la décontamination des villages et des camions revenants de la centrale à l'aide de simples jets d'eau, la poussière radioactive recouvrant presque tout.
En août 1986, la décontamination de la centrale et l'isolation du réacteur commençaient. C'est dans ce périmètre que les niveaux de radioactivité étaient les plus élevés. Les véhicules étaient recouverts de plaques de plomb pour protéger leur équipage. Les liquidateurs travaillaient dans une radioactivité si élevée qu'ils ne pouvaient rester sur place que quelques minutes voire secondes. De plus, des morceaux de graphite qui entouraient les barres de combustible du réacteur en avaient été expulsés lors de l'explosion et étaient éparpillés sur le toit de la centrale et dans ses environs. Ces gravats hautement radioactifs ne pouvaient être récupérés par des êtres humains sans sacrifier leur santé. Dans de telles conditions, des robots téléguidés ont été choisis pour procéder au nettoyage, mais la radioactivité était si élevée qu'ils tombaient en panne après quelques missions. La dernière solution était donc d'envoyer des hommes pour effectuer ce travail. Ces liquidateurs, par la suite appelés bio-robots, se relayaient à peu près toutes les 30 secondes. Leur mission était de jeter les gravats radioactifs dans des bennes ou dans le réacteur détruit à l'aide de pelles ou, quand il n'y en avait plus, à main nues. Une fois cette lourde tâche effectuée, les travaux d'isolement du réacteur pouvaient commencer. On estime qu'il y avait sur le toit de 10 000 à 12 000 röntgen par heure ; sachant que la dose mortelle est d'à peu près 400 röntgens en une année, il n'est pas difficile de deviner la cause des différents problèmes de santé que ces hommes ont endurés une fois rentrés chez eux.
La solution retenue pour isoler le réacteur détruit est une immense structure d'acier recouvrant les ruines du bâtiment du réacteur. Du fait de la radioactivité, les liquidateurs chargés de sa construction ne pouvaient pas rester longtemps sur place. La construction du désormais célèbre sarcophage de Tchernobyl s'est terminée en octobre 1986. Pour célébrer la victoire de l'Union soviétique sur la radioactivité, un drapeau rouge a été hissé au-dessus de la tour de refroidissement. Les liquidateurs, heureux d'assister à la fin de ce terrible chantier, écrivaient leur nom sur la dernière pièce métallique fixée au sarcophage. Une seule personne repose désormais sous ce monstre d'acier, Valeri Kodemtchouk, un employé de la centrale mort à son poste dans la salle de pompage, son corps n'a jamais été retrouvé.
Un hélicoptère Mil Mi-8 s'est écrasé pendant l'édification du sarcophage, entraînant la mort de son équipage. Les pales ont percuté le câble d'une grue. La scène a été filmée par le cinéaste Vladimir Chevtchenko.
Selon Viatcheslav Grichine, membre de l'Union Tchernobyl, principale organisation des liquidateurs, sur 600 000 liquidateurs, 25 000 sont morts et 70 000 restés handicapés en Russie, en Ukraine les chiffres sont proches et en Biélorussie 10 000 sont morts et 25 000 handicapés.

Évacuation tardive des populations

Le 26 avril 1986, la population locale n’est pas prévenue de l'accident et poursuit ses activités habituelles sans prendre de précautions particulières, les autorités russes considérant que la panique est bien plus dangereuse que la radioactivité. Les habitants de Pripyat, petite ville située à 3 km de Tchernobyl, ne sont pas immédiatement informés sur la gravité de la situation. Ils vivront une journée comme les autres, envoyant leurs enfants à l'école, les emmenant jouer au square. Ils ne seront évacués que 30 heures après l'accident. À Pripyat toujours, 900 élèves âgés de 10 à 17 ans participent à un marathon de la paix qui fait le tour de la centrale.
L'évacuation débute le 27 avril à 14 h et les 49 360 habitants de Pripyat sont les premiers concernés. Ils n'ont été informés que quelques heures auparavant par la radio locale, qui leur demandait de n'emporter que le strict minimum et leur promettait qu'ils seraient de retour sous 2 ou 3 jours. Emmenés par l'armée, ils sont hébergés dans des conditions précaires dans la région de Polesskoie, elle-même gravement touchée par les radiations. Les premiers symptômes d'une forte exposition aux radiations nausées, diarrhées, etc. commencent à apparaître déjà chez beaucoup d'entre eux.
Au début du mois de mai, les 115 000 personnes habitant dans un rayon de 30 km autour du site sont évacuées, opération qui se poursuit jusqu'à la fin du mois d'août. Chaque évacué reçoit une indemnité de 4 000 roubles par adulte et 1 500 roubles par enfant. Les évacuations touchent au total environ 250 000 personnes de Biélorussie, de Russie et d’Ukraine. Slavoutich, une ville comptant plus de 30 000 habitants à la fin de l'année 1987, est créée ex nihilo.
Quatre zones de contamination radioactive décroissantes sont définies. Deux d'entre-elles ne sont pas évacuées, mais les habitants disposent d'un suivi médical et de primes de risque.

Gestion administrative et politique Autorités locales et échelons bureaucratiques

Dans les premières heures qui suivent la catastrophe, l'opacité créée par les différents échelons administratifs est totale. Mikhaïl Gorbatchev n'est informé officiellement que le 27 avril. Avec l'accord du Politburo, il est forcé de faire appel au KGB pour obtenir des informations fiables. Le rapport qui lui est transmis parle d'une explosion, de la mort de deux hommes, de l'arrêt des tranches. Les rapports faits au dirigeant soviétique sont entourées d' un luxe de précautions oratoires.

Rôle des pays occidentaux

Le 28 avril au matin, un niveau de radioactivité anormal est constaté dans la centrale nucléaire de Forsmark en Suède, qui entraîne l'évacuation immédiate de l'ensemble du site par crainte d'une fuite radioactive interne. Mais les premières analyses montrent que l'origine de la contamination est extérieure à la centrale et vient de l'est. L'après-midi du même jour, l'Agence France-Presse rapporte l'incident.
À partir de ce moment, toutes les hypothèses sont formulées par les médias occidentaux. Les informations arrivent au compte-goutte interview à Kiev de personnes évacuées de la zone, etc.L'agence de presse TASS parle le 29 avril d'un accident de gravité moyenne survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl tandis que les photos satellites du site de la centrale fournissent les premières images de la catastrophe.

Communication de crise

Pour Gorbatchev, la catastrophe constitue la première mise en œuvre de la politique de glasnost transparence présentée au cours du XXVIIe congrès du PCUS 25 février – 6 mars 1986, et qui a rencontré de fortes oppositions. Dans son esprit, l'accident constitue un nouvel argument fort en faveur de réformes profondes.
Le 14 mai, Gorbatchev prononce une allocution télévisée dans laquelle il reconnaît l'ampleur de la catastrophe et admet que des dysfonctionnements profonds ont eu pour conséquence que ni les politiques ni même les scientifiques n'étaient préparés à saisir la portée de cet événement. Cette volonté de transparence ne va pas sans une très importante propagande autour des travaux réalisés, destinée à mettre en valeur la bataille contre l'atome. Une banderole apposée sur le réacteur éventré proclame que « le peuple soviétique est plus fort que l'atome tandis qu'un drapeau rouge est fixé au sommet de la tour d'aération de la centrale à l'issue des travaux de déblaiement.
Pendant 15 ans, seuls les 56 premiers décès seront reconnus par les autorités.

Gestion des déchets

Une grande quantité de déchets radioactifs a été produite à la suite de l'accident. Une partie de ces déchets a été conservée sous le sarcophage ; une autre a été stockée en surface, ou enfouie dans de nombreux dépôts et tranchées au nombre de 1000 rien qu'en Ukraine où le volume de déchets a été évalué à environ un million de mètres cubes et une radioactivité de 14 000 térabecquerels. Avec l'aide de la France et de l'Allemagne, une base de donnée a été créée de 1999 à mi-2000 pour décrire et localiser ces déchets et permettre leur suivi, pour les trois États principalement concernés à partir des informations qu'ils ont pu ou voulu fournir ; avant d'être complétée au fur et à mesure des données nouvelles via 426 enregistrements, la base contenait en 2000 l'équivalent de 45 % environ des dépôts estimés dans les zones contaminées. Des incohérences de données ont été détectées entre les versions russes et anglaises, et des lacunes importantes dans les données sur les émetteurs alpha et bêta rendent délicate la classification de certains déchets » précisent les gestionnaires de la base.

Conséquences

L'IRSN a publié en 2007 un rapport sur Les accidents dus aux rayonnements ionisants qui consacre cinq pages à une synthèse des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl. Des surfaces importantes de trois territoires de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Russie correspondant à plus de sept millions d’habitants ont présenté des dépôts de césium 137 supérieurs à 37 kBq/m2 1 Ci/km2 :
la région comprise dans un cercle approximatif de 100 km de rayon autour de la centrale,
la région de Gomel, de Moguilev et de Briansk à environ 200 km au nord-nord-est,
la région de Kalouga, Toula et Orel à 500 km au nord-est.
En référence à l'état de peur et d'anxiété éprouvé par les populations à la suite de la catastrophe IRSN 2007, et aux conséquences médicales de ce stress, les auteurs considèrent que : Les conséquences de l’accident de Tchernobyl non liées directement à l’exposition de la population aux rayonnements l’emportent sans doute, et de loin, sur les conséquences de l’irradiation. Pour avoir négligé ce point important, pourtant connu et parfaitement décrit avant l’accident, les autorités sanitaires et les milieux scientifiques internationaux se sont souvent trouvés pris en défaut, et leurs interprétations variées et discordantes ont profondément entaché leur crédibilité.

Humaines et matérielles

Une des médailles remises aux liquidateurs : le symbole représente une goutte de sang traversée par les rayonnements alpha, bêta et gamma.
Le rapport de 2007 de l'IRSN rapporte que dans la semaine qui a suivi l’accident, les autorités soviétiques ont procédé à l’évacuation des habitants des localités des environs, soit plus de 135 000 personnes, qui ont dû être relogées ultérieurement. Comme le note Philippe Coumarianos : entre le 27 avril et le 7 mai, deux villes et soixante-dix localités, situées dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale, furent vidées de leurs habitants. Cette zone d'exclusion couvre une superficie de près de 300 000 hectares, à cheval sur les territoires ukrainien et biélorusse. … Au total, environ 250 000 personnes quittèrent leurs foyers.
Le déplacement des populations vivant dans les zones d’exclusion a également engendré un coût, et encore de nombreuses personnes vivent en territoire contaminé en Biélorussie, le pays le plus touché, 1,6 million de personnes et connaissent donc des difficultés. Il a également fallu créer de nouveaux établissements de santé et prendre des mesures sanitaire
Ces personnes évacuées ont ainsi été confrontées à des facteurs de stress aigu, d’où peuvent découler le stress psychologique à long terme, le syndrome de stress post-traumatique et une diminution du bien-être, encore aujourd’hui.
L’accident nucléaire a eu un énorme impact économique dans les trois pays. La plus grande conséquence économique est due aux pertes de terrains agricoles et de forêts 784 000 ha de terrains agricoles et 694 000 ha de forêts ont du être abandonnés et d’établissements ruraux. La situation économique problématique consécutive à la chute de l’URSS a également été aggravée par la perte des sources de revenus secondaires qu’étaient la chasse, la pêche…
Passant outre les ordres d'évacuation de la zone d'exclusion nucléaire, environ un millier de samossioly ru colons individuels sont revenus y habiter, vivant en autarcie de leur lopin de terre ; en 2007, ils seraient environ 300, dont la moitié à Tchernobyl. D'autre part, un trafic s'est développé : il concerne des objets et mobiliers laissés à l'abandon parfois fortement contaminés, le bois de chauffage abattu illégalement et le braconnage des animaux qui ont proliféré depuis l'évacuation de la zone. Enfin, des agences de tourisme spécialisées dans la visite du site attirent des touristes nucléaires venus du monde entier.
En 2000, la plus grande partie des zones contaminées ne présente plus de danger particulier d'irradiation. La dose causée par les retombées radioactives de l'accident ne dépasse encore 1 millisievert par an que dans les zones qui avaient été fortement contaminées zones de contrôle permanent, ce qui concerne 100 000 personnes. C'est l'ordre de grandeur du niveau d'exposition dû à la radioactivité naturelle 2,5 mSv/an en moyenne, jusqu'à dix fois plus dans certaines régions, sans effets détectables sur les populations. Le 5 septembre 2005, un rapport de 600 pages a été produit à l'occasion du Forum Tchernobyl organisé à Vienne réunissant une centaine d'experts sous l'égide notamment de l'AIEA, de l'OMS et du PNUD : Jusqu'à 4 000 personnes pourraient, à terme, décéder des suites d'une radio-exposition consécutive à l’accident. Élisabeth Cardis, chef du groupe rayonnement et cancer au Circ de Lyon, estime que, si l'on prend en compte l'ensemble des habitants de la zone la plus touchée par les retombées radioactives et l'ensemble des 600 000 "liquidateurs", soit environ 5 millions de personnes, le nombre de risque de décès risque d'être plus proche de 10 000 ». Une autre étude Par qui ? portant sur toute la population européenne, soit près de 572 millions de personnes, estime que d'ici 2065, 20 000 à 35 000 cancers seront directement consécutifs à l'accident.
Au cours des années 2000, le réacteur détruit sous le sarcophage reste une menace permanente. Ce sarcophage se détériore de jour en jour et n'est plus étanche. Il laisse filtrer les eaux de pluie qui risquent par écoulement et infiltration naturelle de contaminer la nappe phréatique qui se situe à l’aplomb.

Sanitaires

Carte indiquant l'état de la contamination au césium 137 en 1996 sur la Biélorussie, la Russie et l'Ukraine :
Zone fermée/confisquée Supérieure à 40 curies par kilomètre carré ci/km² de césium 137
Zone de contrôle permanent 15 à 40 ci/km² de césium 137
Zone de contrôle périodique 5 à 15 ci/km² de césium 137
Zone faiblement contaminée 1 à 15 ci/km² de césium 137
Articles détaillés : Conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl et Faibles doses d'irradiation.
L'IRSN 2007, p. 29 rapporte que deux radionucléides ont soulevé des problèmes sanitaires, tant à cause de leurs effets que des quantités rejetées : le césium 137 avec 85 PBq 2,3 106 Ci rejetés et l’iode 131 avec 1 760 PBq 47,5 106 Ci rejetés. L'effet sanitaire des radiations a été l'objet d'une polémique durable, les estimations du nombre de victimes allant d'une cinquantaine jusqu'à 985 000 ou plus.

Les plus fortes doses de radiation ont été reçues par le millier de personnes qui sont intervenues sur le site les premiers jours, et ont été exposées à des doses allant de 2 à 20 gray. Selon l'IAEA et l'IRSN 134 présentèrent un syndrome d'irradiation aiguë et 28 décédèrent. L'effet stochastique de la contamination radioactive sur les populations exposées n'apparaît que statistiquement, et est plus difficile à mettre en évidence, d'où son caractère très polémique. La distribution dans les premières heures 6-30 de l'accident de tablettes d'iode à la population de Pripiat, la plus grande ville à proximité de la centrale, dont la population a été évacuée moins de 48 heures après l'accident a permis en moyenne de diminuer la dose sur la thyroïde d'un facteur six. Selon d'autres experts, allant de l'UNSCEAR à la Commission européenne en passant par le professeur Aurengo, la distribution de d'iode a été trop partielle et/ou tardive. Finalement, une très nette épidémie de 4 000 cancers de la thyroïde, au lieu des 50 statistiquement attendus a été constatée chez les jeunes enfants de la région, directement attribuable à une contamination à l'Iode-131, et conduisant à quinze décès donnée 2002. Cela correspond à une multiplication du taux naturel de ce cancer, très rare chez l’enfant, par un facteur entre 10 et 10032. Cet excès de cancers de la thyroïde chez les enfants aurait été évité si toute la population avait bénéficié en temps voulu d’une distribution prophylactique d’iode stable.
Selon l'IAEA les quelque 600 000 liquidateurs qui étaient intervenus sur le site reçurent en moyenne une dose de l'ordre de 100 mSv de 10 à 500 mSv ; et le taux de mortalité de ce groupe semble avoir augmenté de quelque 5 %, conduisant à une estimation de quatre mille morts supplémentaires. Cependant, si la mortalité a été anormalement élevée, le risque de cancer à proprement parler semble avoir diminué dans ce groupe selon une étude pratiquée sur 8 600 de ces liquidateurs ayant reçu une moyenne de 50 mSv, qui montre une sous-incidence significative de 12 % de l’ensemble des cancers par rapport la population générale russe, et n’a pas permis de mettre en évidence de relation dose-effet significative. L’analyse chez ces liquidateurs a montré une augmentation doublement voire triplement de l’incidence des leucémies mais sans relation dose effet significative, ce qui pouvait indiquer que cette augmentation apparente n'est qu'un biais de dépistage. L'IRSN op.cit., p. 30 indique que « indépendamment des incertitudes sur les doses reçues par les liquidateurs, souvent surévaluées en raison des avantages sociaux et des compensations liées au statut de liquidateur les données issues du suivi de ces travailleurs sont d’interprétation difficile, notamment à cause de l’éclatement de l’URSS, qui a rendu nombre de liquidateurs à leurs pays d’origine. En reconstruisant les doses des sujets plutôt que d'utiliser les chiffres officiels donnés par les registres, une étude récente a cependant observé une augmentation significative du nombre de leucémies chez des liquidateurs ukrainiens, ce résultat étant conforté par l'existence d'une relation dose-effet linéaire.

Selon l'IAEA il n'a pas été constaté d'effet statistiquement observable sur le taux de leucémie ou de cancer (autre que de la thyroïde) des populations les plus exposées : 116 000 personnes évacuées des zones hautement contaminées (exposition moyenne estimée à 33 mSv, avec des expositions maximales de l'ordre de quelques centaines de mSv, 270 000 personnes habitant les zones strictement contrôlées (exposition cumulée de l'ordre de 50 mSv entre 1986 et 2005), et les 5 millions d'habitants des zones faiblement contaminées de 10 à 20 mSv. Ces zones contaminées à plus de 37 kBq/m2 en Cs-137, soit un curie/km2 représentent un total de 200 000 km2. Une contamination de 15 Ci par km2 occasionne une dose externe d’environ 4 mSv/an, auxquels il faut ajouter la part de contamination interne provenant des produits utilisés dans la chaîne alimentaire, doublant en moyenne cette valeur.
En dehors de ces zones, dans le reste de l'Europe, le passage des nuages radioactifs multiples même si l'on a souvent parlé du nuage de Tchernobyl a conduit à une hausse détectable de la radioactivité, mais la population a été exposée à moins de 10 mSv c'est-à-dire deux ou trois fois la dose moyenne reçue par la radioactivité naturelle. En France, la radioactivité maximale enregistrée a été de l'ordre de 6 kBq/m2, cinq à six fois plus faible que la limite des zones faiblement contaminées zones où les populations n'ont pas été évacuées. L'explosion est restée très concentrée près de l'installation, et les retombées ont été dispersées par de grandes "plumes", qui sont montées très haut dans l'atmosphère et ont traversé l'Europe, diluant leur concentration… ça aurait pu être bien pire.
Si l'on suppose que le taux de cancers varie en fonction de l'exposition suivant une loi linéaire sans seuil, hypothèse sujette à caution, alors chaque sievert statistiquement constaté au-dessus de 100 mSv prolonge le taux de 5 % de cancers. Le nombre total de cancers supplémentaires induits dans ces zones contaminées serait à long terme de l'ordre de 5 000, soit un pour mille de la population exposée, et une extrapolation sur le reste de l'Europe conduirait à 50 000 victimes supplémentaires. Mais de tels chiffres ne peuvent être validés scientifiquement, et sont donc très polémiques : une sur-mortalité de ce niveau n'est pas détectable par des moyens statistiques. A noter toutefois que nombre de rapports météorologiques de l'époque ont été ignorés alors même qu'en 1986 l'Europe de la Météorologie existait depuis plus d'un siècle contrairement à l'Europe de le Radioprotection.
IRSN 2007, p. 31-32 précise que
" Les conséquences radiologiques de l’accident de Tchernobyl sur la santé des populations doivent être dissociées des effets qui ont été causés ou amplifiés par les changements radicaux … qui ont eu lieu en Union Soviétique au même moment. La période post-accidentelle a coïncidé avec la période de restructuration de la Perestroïka, qui a entraîné une chute brutale de tous les indices économiques, comparable à celle constatée dans des pays en guerre. … L’effondrement économique a eu un impact significatif sur les taux de mortalité et de morbidité. En Russie, le taux brut de mortalité est passé de 488 pour 100 000 en 1990 à 741 pour 100 000 en 1993, soit une augmentation de 52 %. En 1993, l’espérance de vie des hommes est tombée à cinquante-neuf ans, soit six ans de moins qu’en 1987. … Si l’on néglige cette augmentation globale de la morbidité et de la mortalité, l’examen isolé des statistiques sur les populations exposées du fait de l’accident peut aboutir à la fausse conclusion que ces effets sont en rapport direct avec l’accident. "

— IRSN (2007)32
Des incendies de forêts et de tourbières tels que ceux qui ont accompagné la canicule de 2010 en Russie sont susceptibles de réinjecter brutalement dans l'atmosphère et les eaux superficielles et souterraines des radionucléides ou du plomb qui étaient restés piégés jusque là dans la biomasse et la nécromasse fongique, lichénique, animale et végétale.
Il faut rajouter au nombre des victimes cent à deux cent mille avortements volontaires entraînés par la peur que les femmes enceintes ont eu des radiations. De nombreux obstétriciens ont jugé plus prudent de mettre un terme à une grossesse, ou ont été incapables de résister à la demande de la future mère, alors que ces avortements n'étaient pas médicalement justifiés, les doses de radiation étant bien en dessous de celles susceptibles de produire un quelconque effet in utero.
Selon Greenpeace la catastrophe causera de l'ordre de 270 000 cancers 93 000 mortels sur 70 ans.

Techniques

Après l'accident de Tchernobyl, un projet de construction d'une centrale nucléaire en Crimée fut abandonné.
La catastrophe a accéléré la recherche sur les réacteurs RBMK et leur modernisation. Elle a également mis en évidence la nécessité d'une enceinte de confinement autour des installations, dont l'efficacité a été pleinement démontrée lors de l'accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island. En 2000, les autres tranches de la centrale ont été arrêtées définitivement, sous la pression de l'Union européenne et en échange d'aides financières.

Maintenance et nouveau confinement

Depuis des années, l'eau et la neige s'infiltrent dans le sarcophage : le béton a souffert de la radioactivité, et la structure a été bâtie sur des fondations préexistantes ou sur des structures instables dont l'état n'est plus connu avec précision et est aujourd'hui invérifiable car non accessible à cause de la radioactivité et des débris. En 1997, la communauté internationale jugeait qu'une intervention sur le site de Tchernobyl était nécessaire. Il s'agissait de stabiliser le sarcophage actuel, préparer le site à la construction d'un nouveau sarcophage pour finalement le construire.
En 1999, une première série de travaux de consolidation du toit a été réalisée par les Ukrainiens, en attendant la décision de la réalisation d'un autre sarcophage. Au début des études SIP -Shelter Implementation Plan en 1998, la priorité a été donnée au renforcement du toit qui menaçait de tomber et risquait ainsi de recontaminer le site.
Entre 2003 et 2006, des travaux de construction d'un bâtiment de vestiaire, d'un hôpital, d'un centre d'entraînement, d'une base de construction, des réseaux d'alimentation en eau et énergie ainsi que d'un bâtiment administratif ont été réalisés. En 2006, à la suite d'un appel d'offres, une entreprise russe a procédé à la stabilisation des parties instables du sarcophage existant. En 2001 le concept « arche de Tchernobyl » fut choisi. Entre 2002 et 2003, un avant-projet a été réalisé. Un appel d'offres international a été lancé le 11 mars 2004 pour la conception, la construction et la mise en service du nouveau confinement. Le consortium Novarka mené par les groupes français Vinci et Bouygues est chargé des travaux. Les travaux de terrassement ont débuté en 2006 et la construction de l'arche devrait commencer en avril 2012. Ce gigantesque chantier l'un des plus importants chantiers industriels de l'histoire devrait se terminer à l'automne 2015. L'arche mesurera 108 mètres de haut, 162 m de large, 270 m de long pour un poids avoisinant les 30 000 t60.
La désormais emblématique tour de refroidissement qui se trouve être aussi le logo de Novarka devra être démontée lors des travaux car sa base se trouvera sous le nouveau sarcophage. De plus, cette dernière qui n'est plus entretenue depuis la catastrophe, menace de s'écrouler sur le toit du sarcophage et de le faire s'effondrer. En février 2013, le toit d'un bâtiment proche du sarcophage s'est effondré sous le poids de la neige
Le coût total de ce projet est estimé à 1,540 milliard d'euros payés en majeure partie par les pays du G7 et l'Ukraine. Son financement est géré par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement BERD. L'arche abritera des ateliers destinés à décontaminer, traiter et conditionner les matériaux radioactifs en vue d'un futur stockage.

Financières

Selon Gorbatchev, l'ensemble de la liquidation a coûté 18 milliards de dollars 16.
Avec l'aide d'un financement européen, il a été entrepris de remplacer le sarcophage de béton et de plomb construit à la hâte par les soviétiques, destiné à durer 30 ans, par une structure métallique prévue pour tenir un siècle.
En 2011, plus de 1,5 milliard de dollars sont encore nécessaires pour la construction du nouveau sarcophage.
Sur 30 ans, plusieurs rapports cités par l'IAEA estiment le coût de la catastrophe de Tchernobyl à plusieurs centaines de milliards de dollars. Pour sa part, le directeur de Greenpeace France, Pascal Husting, chiffre le coût total de Tchernobyl à 1 000 milliards.

Écologiques

Des divergences subsistent sur l'évaluation à long terme des conséquences sur le milieu naturel : la contamination de longue durée de plantes forestières et de gibier, une forte mortalité d'animaux invertébrés ou mammifères, ainsi qu'un impact sur la durée de vie des conifères ont été évoqués. Certains médias évoquent une nouvelle biodiversité consécutive à l'abandon par l'homme des environs de la centrale mais ce point de vue est sujet à débat.

Réception en Europe
France
Conséquences de la catastrophe de Tchernobyl en France.

Gestion après l'accident

Alors que, vingt ans après la catastrophe, la vie dans les régions touchées reste marquée par la catastrophe69, le Programme des Nations unies pour le développement PNUD a lancé en 2003 un programme spécifique pour le développement des régions touchées par l'accident intitulé : Chernobyl Recovery and Development Programme Programme pour le développement et le renouveau de Tchernobyl.

Bibliographie
Livres

Galia Ackerman (dir.), Guillaume Grandazzi (dir.) et Frédérick Lemarchand (dir.), Les Silences de Tchernobyl : l'avenir contaminé, Paris, éditions Autrement, coll. « Frontières »,‎ 2006, 299 p.
Galia Ackerman, Tchernobyl, retour sur un désastre, Paris, Gallimard, coll. « Folio / Documents » (no 38),‎ 2007, 162 p
Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire, Les Incidences radiologiques de l'accident de Tchernobyl dans les pays de l'OCDE, Paris, OCDE,‎
Svetlana Alexievictch trad. Galia Ackerman et Pierre Lorrain, La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse, Paris, Lattès,‎ 1998, 267 p.
Association contre le nucléaire et son monde dir., Sous l'épaisseur de la nuit : documents et témoignages sur le désastre de Tchernobyl, Paris, Association contre le nucléaire et son monde,‎ 1993, 156 p..
Youri I. Bandazhevsky (trad. Manuela Büx, préf. Galina Bandazhevskaïa et Laurent Gerbaud, La Philosophie de ma vie : journal de prison : Minsk, 2005, Paris, J.-C. Gawsewitch éditeur, coll. « Le lieu et l'heure »,‎ 2006, 317 p.
Bella Belbéoch et Roger Belbéoch (préf. Cédric de Queiros, Tchernobyl, une catastrophe : quelques éléments pour un bilan, Paris, la Lenteur,‎ 2012, 307 p.
Gildas Chasseboeuf et Emmanuel Lepage préf. Pascal Rueff, Les Fleurs de Tchernobyl : carnet de voyage en terre irradiée, Antony, la Boîte à bulles,‎ 2012, 64 p.
Michel Chouha et Paul Reuss (préf. Jacques Repussard), Tchernobyl, 25 ans après... Fukushima : quel avenir pour le nucléaire ?, Paris, éd. Tec & doc,‎ 2011, 216 p.
Jean-François Claustre photographies, Spaciba (merci, Roanne, Noir sur blanc,‎ 2001, 30 p.
Philippe Coumarianos, Tchernobyl : après l'apocalypse, Paris, Hachette Littératures,‎ 2000, 204 p.
Jean-Pierre Dupuy, Retour de Tchernobyl : journal d'un homme en colère, Paris, éditions du Seuil,‎ 2006, 179 p.
Luc Gillon (préf. André L. Jaumotte), Le Nucléaire en question : après l'accident de Tchernobyl, Louvain-la-Neuve, Duculot,‎ 1986, 251 p.
Nigel Hawkes, Geoffrey Lean, David Leigh et al., Tchernobyl : le récit de la première catastrophe nucléaire majeure de l'Histoire, Paris, Presses de la Cité, coll. Docu
Guillaume Herbaut (photographies) (trad. Brian Fulmer et Robert Kremer), Tchernobylsty, Paris, le Petit Camarguais,‎ 2003
Igor Kostine (trad. Emilia Koustova, avec la collaboration de Thomas Johnson), Tchernobyl : confessions d'un reporter, Paris, France Inter et les Arènes,‎ 2006, 240 p.
Yves Lecerf et Édouard Parker, L'Affaire Tchernobyl : la guerre des rumeurs, Paris, Presses universitaires de France, coll. Politique d'aujourd'hui,‎ 1987, 416 p.
Gerd Ludwig (préf.: Mikhaïl Gorbatchev: L'ombre de Tchernobyl - The Long Shadow of Chernobyl - Der lange Schatten von Tschernobyl. livre illustré, Ed. Lammerhuber, 2014. Photos de l'intérieur du réacteur.
Roland Masse, Que doit-on craindre d'un accident nucléaire ?, Paris, le Pommier, coll. Les petites pommes du savoir no 43),‎ 2004, 64 p.
Grigori Medvedev (trad. Laetitia Lys et Nadine Diatlovic, préf. Andreï Sakharov), La Vérité sur Tchernobyl, Paris, Albin Michel,‎ 1990, 318 p.
Marc Molitor, Tchernobyl : déni passé, menace future ?, Bruxelles et Namur, Racine et RTBF, coll. Société,‎ 2011, 275 p.
Jean-Pierre Pharabod et Jean-Paul Schapira, Les Jeux de l'atome et du hasard, Paris, Calmann-Lévy,‎ 1988, 247 p.
Ferenc Rákóczy, Devant Tchernobyl, dans Éoliennes, Lausanne, l'Âge d'Homme,‎ 2007 , p. 51-64.
V.K. Savchenko, The Ecology of the Chernobyl Catastrophe, Taylor & Francis,‎ 1995, 220
Jaime Semprun, La Nucléarisation du monde, Paris, éditions Gérard Lebovici,‎ 1986, 136 p.
Tchernobyl : anatomie d'un nuage : inventaire provisoire des dégâts physiques et moraux consécutifs à la catastrophe du 26 avril 1986, Paris, éditions Gérard Lebovici,‎
Wladimir Tchertkoff et Michel Parfenov , Le Crime de Tchernobyl : le goulag nucléaire, Arles, Actes Sud,‎ 2006, 717 p
.
Articles de presse

Nicolas Werth, Tchernobyl : enquête sur une catastrophe annoncée, L'Histoire, no 308, avril 2006

Filmographie

Thomas Johnson, La bataille de Tchernobyl, documentaire français (100 min), Production Play Film, 2005.
Luc Riolon, Tchernobyl, une histoire naturelle ? documentaire français (90 min), Production Camera Lucida, 2010.
Wladimir Tchertkoff, Controverses Nucléaires (51 min).
Wladimir Tchertkoff, Le Sacrifice (24 min).
La Terre outragée, film réalisé par Michale Boganim avec Olga Kurylenko, sorti en 2012, premier long métrage de fiction tourné à Tchernobyl.
Chroniques de Tchernobyl, réalisé par Bradley Parker avec Devin Kelley, Jonathan Sadowski, Ingrid Bolso Berdal, long métrage, épouvante, 2012.

Documentaires télévisés

« Tchernobyl », 7e épisode de la 1re saison dans La Minute de vérité.
« Tchernobyl : le mensonge français » dans Secrets d'actualité sur M6, puis le 23 septembre 2009 dans Enquêtes criminelles : le magazine des faits divers sur W9.


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#75 Le facteur Cheval
Loriane Posté le : 17/04/2015 22:38
Le 19 avril 1836 naît Joseph Ferdinand Cheval,

à Charmes-sur-l'Herbasse dans la Drôme, plus connu sous le nom de facteur Cheval, mort à 88 ans le 19 août 1924 à Hauterives à 88 ans, Drôme, est un facteur français célèbre pour avoir passé 33 ans de sa vie à édifier un palais qui se nomme Palais idéal et huit années supplémentaires à bâtir son propre tombeau tous deux considérés comme des chefs-d'œuvre d'architecture naïve. Il est titulaire du Certificat d'études primaires, de Facteur de profession, il a pour autres activités, artiste, il fit de la formation, il fut boulanger. Il est distingué au musée de la poste de Paris

En Bref

Né à Charmes, dans la Drôme. Facteur rural à Hauterives, Ferdinand Cheval dispose d'un petit bagage de connaissances géographiques, historiques et scientifiques. Fonctionnaire sans reproche, il semble avoir été également bon époux et bon père. Il est donc voué manifestement, en dépit de son nom de centaure postal, à l'une de ces existences sans histoire que chaque époque reproduit à des centaines de milliers d'exemplaires. Mais il advient un jour qu'il rêve d'un étrange palais. Et voilà sa vie bouleversée ; voilà le personnage qui sort de l'ombre des existences anonymes pour se muer en un héraut du merveilleux, car il n'aura de cesse qu'il n'ait inséré l'image onirique dans l'espace visible, qu'il ne l'ait inscrite au cœur même du réel.
Il se met aussitôt au travail. Le travail, c'est, d'abord, le grand charroi : de la campagne environnante, il amène à pied d'œuvre, dans sa brouette, galets et fragments de rocher qui lui serviront de matériau. Puis il s'attaque à la construction : de 1879 à 1912, il bâtira, tout seul, un palais de vingt-cinq mètres de long, de douze mètres de large et de quatorze mètres de haut : 10 000 journées, 93 000 heures, 33 ans d'épreuves.
Aucun doute sur l'impulsion initiale : Cheval a obéi à l'injonction du rêve. Mais, sans vouloir méconnaître la part décisive et première du donné onirique, il est permis de penser que Cheval tend à minimiser, avec une intention didactique pourtant évidente, toute la part volontaire et consciente de sa création. Le palais idéal , rocher, temple, forêt et forêt de symboles est aussi, de toute évidence, un livre. Encyclopédiste à sa manière, Cheval a voulu y rassembler ce qu'ingénument il imagine être la somme des connaissances humaines.
Rêve matérialisé, rocher, palais oriental, pavillon d'exposition universelle, temple, forêt, encyclopédie pétrifiée, l'étrange monument d'Hauterives est aussi et avant tout un tombeau. Ferdinand Cheval n'hésite pas à se comparer aux pharaons antiques, et la construction du palais fut, pour lui comme pour eux, l'acte triomphal par lequel il niait le temps et entrait, vivant encore, dans l'éternité de la mort. Cette destination funèbre explique, sans doute, que le palais ne soit en aucune façon habitable : on peut circuler dans ses profondeurs en longeant des couloirs obscurs, on peut même monter jusqu'à son sommet par des sentiers amusants. Mais nulle pièce n'invite à l'installation et au séjour, du moins à celui des vivants ; car l'emplacement du tombeau nous est désigné et, dans la chapelle funéraire, les urnes pieuses attendent. Un refus administratif obligera Ferdinand Cheval à se construire, au cimetière d'Hauterives, un autre monument funéraire de proportions beaucoup plus modestes, mais qui porte l'esthétique involontairement baroque du palais à son paroxysme.
Le palais du facteur Cheval est aussi, à sa façon, un journal intime : le lent travail du temps s'y inscrit dans l'espace, avec ses jours de tempête et de bonace, ses états de grâce et ses moments de torpeur. La personnalité de Cheval s'y révèle à chaque instant, à travers le texte de pierre beaucoup plus qu'à travers le texte des inscriptions, car le vers, traditionnel, charrie trop souvent des maximes aussi pompeuses que plates. On peut y lire un rêve d'amour et un rêve d'orgueil. L'insistance même avec laquelle Cheval proclame la fierté que lui inspirent ses origines rurales trahit un complexe d'infériorité qui trouvera dans l'édification du " chef-d'œuvre " selon le sens traditionnel de l'artisanat sa compensation éclatante. Rêve de gloire et de puissance, mais aussi rêve érotique : impossible d'imaginer, en matière d'architecture, une érotisation à la fois aussi involontaire, aussi intense et aussi totale. Une extraordinaire fécondité symbolique entrelace inlassablement les symboles féminins aux symboles mâles ; aux bouquets de phallus répondent, sur toute la surface de l'édifice, les profondeurs ambiguës des grottes. Partout, à l'insu du créateur, se multiplient les concrétions fabuleuses du désir.
Surgi du songe, le palais idéal est bâti tout entier, comme le disait Breton à propos de l'œuvre du Douanier, sur la pierre angulaire de l'ingénuité. Synthèse involontaire et discordante de styles incompatibles, chaîne de montagnes, temple hindou, mosquée, chalet suisse, l'édifice semble onduler et osciller, prêt à céder à des poussées divergentes, comme en proie à quelque séisme. Il ne s'écroule pas pourtant ; c'est miracle que ce monumental gâteau, d'apparence si friable, ait pu résister à l'érosion du temps, du vent, de la pluie, du touriste, qu'il ne se soit pas encore effondré comme château de cartes ou château en Espagne.
Architecte et poète, Cheval est aussi un sculpteur. Peut-être n'est-ce pas dans ses figures les plus élaborées que la statuaire du palais nous séduit ; on peut leur préférer celles où l'artiste évoque la création comme passage du chaos à l'ordre : la matière alors se soulève et respire, des lianes se tordent, des algues ondulent, des formes embryonnaires — idoles sumériennes ou aztèques, poupées 1890, vestales moustachues — émergent vaguement du demi-sommeil de la pierre ; rien de plus fortement poétique que cet éveil.
Parlant un jour, non sans illusions, des visiteurs du palais, Cheval les imagine disant, tout émerveillés : "C'est incroyable ! C'est impossible !" Un monument de l'impossible, un monument à l'impossible, c'est bien ainsi que le désigne, aujourd'hui encore, notre stupeur. Pierre ROBIN

Sa vie

Ferdinand Cheval nait dans une Drôme terrienne et rurale : L'époque est rude. Les disettes et épidémies sont fréquentes. Beaucoup de paysans ne portent pas de souliers, ne mangent presque jamais de viande et n'ont pas de draps. Ils dorment le plus souvent dans des lits de feuilles, volées à leur chute dans les forêts communales. Ferdinand Cheval est peu scolarisé, maîtrise mal sa langue maternelle qu'il écrit phonétiquement. Après l'obtention de son certificat d'études primaires, il devient à l'âge de treize ans apprenti boulanger. Au décès de son père, il laisse à son frère la ferme familiale pour devenir en 1856 boulanger à Valence puis à Chasselay proximité de Lyon en 1859.
Entretemps, il s'est marié en 1858 avec Rosalie Revol. La mort de son premier fils le fait abandonner la boulangerie, activité qu'il a pratiquée durant presque une douzaine d'années et dont on pense que l'expérience du pétrissage a certainement influencé son savoir-faire de sculpteur et de créateur.
Il s'engage comme ouvrier agricole, métier qu'il abandonne à la naissance de son second fils. Le 12 juillet 1867, il est officiellement nommé facteur. Il est successivement facteur à Anneyron, puis à Peyrins, puis à Bourg-de-Péage. À sa demande, en 1869, il est affecté à Hauterives, à une douzaine de kilomètres de son village natal, ayant en charge la tournée de Tersanne, une tournée pédestre quotidienne de 33 km.
Après le décès de sa première épouse, il se remarie en 1878 avec Claire-Philomène Richaud qui apporte en dot l'équivalent de deux années de traitement de facteur et une petite propriété qui lui permettra d'acquérir un lopin de terre à Hauterives.
Ses longues tournées environ 32 kilomètres n'ont pas le même rythme que les tournées cyclistes ou motorisées d'un préposé rural du XXIe siècle :
Le courrier n'arrive à Hauterives qu'à 11 heures du matin. Le facteur qui nous dessert est obligé avant de partir de desservir le village d'Hauterives et ensuite de desservir les quartiers de cette commune qui se trouvent sur son parcours. Malgré sa bonne volonté il ne peut arriver à notre village qu'à une heure souvent deux de l'après-midi. Pour aller de la boite aux quartiers des Débris et des Nivons, ce qui lui arrive souvent, il a encore une distance de 5 à 6 kilomètres. Il a ensuite à desservir la section de Treigneux et la partie de la commune d'Hauterives depuis Treigneux jusqu'à la route départementale n°6, et ce n'est qu'après ce trajet qu'il se rend au bureau, mais presque toujours après le départ du courrier qui se fait vers 5 heures, si bien que Tersanne éprouve chaque jour des retards sous le rapport des départs des dépêches.
Il occupe ses heures de randonnée à de longues rêveries au cours desquelles il imagine un palais féerique, rêveries qui ne commenceront à être concrétisées qu'une dizaine d'années plus tard, après maints voyages avec sa fidèle brouette qu'il appelle sa fidèle compagne de peine.

La première pierre

En 1879, une pierre le fait chuter sur le chemin de sa tournée et le fait transposer son rêve dans la réalité. Il rapporte dans ses cahiers 6 l'importance de cet événement :
Un jour du mois d'avril en 1879, en faisant ma tournée de facteur rural, à un quart de lieue avant d'arriver à Tersanne, je marchais très vite lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m'envoya rouler quelques mètres plus loin, je voulus en connaitre la cause. J'avais bâti dans un rêve un palais, un château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l'exprimer… Je ne le disais à personne par crainte d'être tourné en ridicule et je me trouvais ridicule moi-même. Voilà qu'au bout de quinze ans, au moment où j'avais à peu près oublié mon rêve, que je n'y pensais le moins du monde, c'est mon pied qui me le fait rappeler. Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber. J'ai voulu savoir ce que c'était… C'était une pierre de forme si bizarre que je l'ai mise dans ma poche pour l'admirer à mon aise. Le lendemain, je suis repassé au même endroit . J'en ai encore trouvé de plus belles, je les ai rassemblées sur place et j'en suis resté ravi… C'est une pierre molasse travaillée par les eaux et endurcie par la force des temps. Elle devient aussi dure que les cailloux. Elle représente une sculpture aussi bizarre qu'il est impossible à l'homme de l'imiter, elle représente toute espèce d'animaux, toute espèce de caricatures .
Je me suis dit : puisque la Nature veut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l'architecture
Pour son voisinage, le Facteur Cheval devient alors un être étrange, un pauvre fou qui durant sa tournée met des pierres en tas, revient le soir les chercher en s'aidant de sa brouette, pour en remplir son jardin. Il commence la construction de son monument qu'il n'appelle pas encore Palais Idéal en 1879.
En 1894, le décès de sa fille de 15 ans l'affecte profondément. En 1896, il prend sa retraite et habite une villa la villa Alicius qu'il fait construire à proximité du Palais Idéal pour le valoriser. Cheval achève la construction de son palais en 1912. Ne pouvant être inhumé dans ce palais selon son souhait, il construit de 1914 à 1922 son tombeau au cimetière municipal. Il meurt le 19 août 1924.

La construction du Rêve Le Palais idéal : l'œuvre d'un tiers de siècle

Il a construit de 1879 à 1912, en pierres et coquillages trouvés au cours de ses tournées de facteur, son Palais idéal Hauterives, architecture-sculpture exubérante relevant d'une inspiration naïve, symbolique et fantastique.
Facteur de son état, Ferdinand Cheval transporte durant trente-trois ans du sable et des cailloux aux formes étranges ramassés au cours de ses tournées quotidiennes de 32 km pour élever dans son jardin ce qu'il définit comme un palais féerique, dépassant l'imagination, tout ce que le génie d'un humble peut concevoir, avec grottes, tours, jardins, châteaux, musées et sculptures, cherchant à faire renaître toutes les anciennes architectures des temps primitifs, architectures souvent inspirées des cartes postales qui lui passent entre les mains. C'est ainsi que le facteur Cheval a édifié, en une synthèse baroque d'éléments décoratifs inspirés des palais orientaux comme des châteaux médiévaux, une construction hors normes, insolite, parsemée de sentences naïves, percée de cavernes et de galeries, hérissée de toutes sortes de végétaux et d'animaux pétrifiés. Son Palais idéal achevé, le facteur Cheval consacrera les dix dernières années de sa vie à réaliser son tombeau dans le cimetière communal de son village, avec les mêmes matériaux.

Le Tombeau du silence et du repos sans fin Tombe du Facteur Cheval.

Le Tombeau du silence et du repos sans fin
Après avoir terminé mon Palais de rêve à l'âge de 77 ans et 33 ans de travail opiniâtre, je me suis trouvé encore assez courageux pour aller faire mon tombeau au cimetière de la paroisse. Là encore, j'ai travaillé huit années d'un dur labeur, j'ai eu le bonheur d'avoir la santé pour achever à l'âge de 86 ans le “Tombeau du Silence et du Repos sans fin” ;
Après l'achèvement du Palais idéal, il manifeste son désir d'être plus tard enseveli dans l'enceinte même de son œuvre, ce que la loi française ne permet pas lorsque le corps n'est pas incinéré. L'usage de la crémation n'étant à l'époque pas du tout entré dans les mœurs en France, Ferdinand Cheval se résout alors à se conformer aux contraintes légales en se faisant inhumer, le moment venu, dans le cimetière communal, mais en choisissant lui-même la forme de son tombeau. À partir de 1914, il passe huit années supplémentaires à charrier des pierres jusqu'au cimetière d'Hauterives et à les assembler, pour former le Tombeau du silence et du repos sans fin, achevé en 1922.

Il y est inhumé après son décès, survenu en 1924.
Sa tombe est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 23 mai 2011.

Un autre regard sur l'Art

Dans le contexte artistique de la fin du XIXe siècle, où prédomine encore un certain académisme et malgré les éclats de l'impressionnisme, Joseph-Ferdinand Cheval fait figure de créateur complètement décalé et hors normes. L'œuvre est contemporaine d'une fin de siècle façonnée par le changement incarné par des esprits novateurs comme Jules Verne, Marx, Freud et Nietzsche.

Influences

Sa vie personnelle est fortement marquée par des deuils : deux fois marié, il est deux fois veuf et ses enfants meurent avant lui. On suppose que le Facteur Cheval — malgré son isolement — a pu subir quelques influences :
l'extravagance architecturale des parcs et jardins de la plupart des grandes demeures aristocratiques et bourgeoises qui mettent en scène des statues de marbre de héros et déesses grecques ;
le début des grands voyages et de l'ère coloniale inspirent des reconstitutions architecturales dans d'immenses jardins : avec des grottes artificielles, des cascades ruisselantes, des reproductions de pyramides ou de pagodes, des ruines anciennes ;
les architectes officiels présentent des projets exotiques sinon délirants : Projet de l'éléphant de la Bastille de Jean-Antoine Alavoine pour la place de la Bastille, Œil-Théâtre de Claude-Nicolas Ledoux pour Besançon, colosse-fontaine de l'Appenin de Jean de Bologne à Pratolino en Italie ;
une revue de l'époque, Le Magasin pittoresque, évoque souvent ces architectures lointaines. Le Facteur Cheval a sans doute pu consulter cette publication, distribuée par la Poste et de la sorte alimenter son rêve.

Analogies

L'œuvre pourrait s'apparenter à l'imaginaire des jardins du XVIIe et XVIIIe siècles, dominés par des architectures maniéristes et baroques comme la Villa di Pratolino en Toscane ou le Désert de Retz, ou de Méréville en Île-de-France. On la sent proche d'artistes qui abandonnent les sentiers traditionnels comme des Picasso, Kandinsky, Duchamp, Malévitch, Mondrian. On pense inévitablement à Gaudi avec son délire baroque, à Dali avec son extravagance ornementale, et au mouvement du Surréalisme.
Le mouvement situationniste dans les années cinquante compare le destin de Ferdinand Cheval avec celui de Louis II de Bavière: Tous deux ont vécu un drame existentiel : « Tous deux ont bâti les châteaux qu'ils voulaient à la taille d'une nouvelle condition humaine.

Reconnaissance

Au début des années 1930, il reçoit le soutien moral de plusieurs artistes tels que Pablo Picasso et André Breton13. Max Ernst qui séjourne en Ardèche durant l'occupation est fasciné par l'œuvre et lui dédie un de ses tableaux Le Facteur Cheval.
André Malraux appuie la procédure de classement avant son départ du gouvernement, contre l'avis défavorable de la plupart des fonctionnaires du Ministère de la Culture qui écrivent dans un rapport daté de 1964 : Le tout est absolument hideux. Affligeant ramassis d'insanités qui se brouillaient dans une cervelle de rustre. Malraux déclare pour sa part qu'il considère le Palais idéal comme le seul représentant en architecture de l'art naïf … Il serait enfantin de ne pas classer quand c'est nous, Français, qui avons la chance de posséder la seule architecture naïve du monde et attendre qu'elle se détruise…
Le Palais idéal du facteur Cheval est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 23 septembre 19698, signé d'Edmond Michelet, ministre des Affaires culturelles. À la même époque, le Tombeau du silence et du repos sans fin est inscrit sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, par arrêté du 12 septembre 1975, classé le 23 mai 2011.

Les héritiers

Le Palais Idéal est le précurseur d'un phénomène, celui des Environnements d'art, et en reste peut-être le plus génial et spectaculaire exemple. Ce phénomène, faisant l'objet d'ouvrages dès 1962, reconnu aujourd'hui dans le monde entier, est lié à l'intérêt porté aux créations d'Art brut et Outsider.

Le Palais Idéal a influencé :

des imitateurs plus ou moins inspirés : Maison Picassiette près de Chartres, Fernand Chatelain à Fyé près d'Alençon, Gaston Gastineau à Nesle-la-Gilberde, Charles Billy et le Jardin de nous deux à Civrieux d'azergues.
des artistes comme Robert Tatin voir le musée Robert Tatin, Friedensreich Hundertwasser voir Citadelle verte de Magdeburg ou Niki de Saint-Phalle voir le Jardin des Tarots dans l'élaboration de leurs propres architectures imaginaires. Tinguely fait référence au Facteur Cheval lorsqu'il construit avec une bande d'artistes dans les années 1970 sa dernière œuvre monumentale Le Cyclop en forêt de Milly.

Hommages

Avec le Facteur Cheval, Musée de la Poste à Paris en avril 2007, avec des photographies commentées de Gérard Manset
un ouvrage en préparation sur le Palais Idéal du facteur Cheval par Hidehiko Nagaishi, photographe d'architecture japonais.
À la poursuite du facteur Cheval, roman de Gérard Manset paru en 2008
Le Facteur Cheval, titre du groupe de rock Tue-Loup sur l'album Penya sortie en 2002.
Cheval, chanson écrite par Michèle Bernard sur l'album Quand vous me rendrez visite, sorti en 1997.
Le Palais idéal, titre du groupe français L'Affaire Louis Trio sur l'album éponyme sortie en 1997 sur le label EMI/Chrysalis.
Coco Peintre du Facteur Cheval 1987 Expositions à l'Hôtel de Ville d'Hauterives, en 2000 au Palais Idéal, de la singulière et unique portraitiste de Ferdinand Cheval [1]
La Casquette du facteur cheval de Michel Fugain
Histoire du Palais idéal film de Jacques Baratier 1954
Le facteur sonne toujours cheval, film deChris Marker, 1992, 52 minutes



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#76 Charles Robert Darwin 1
Loriane Posté le : 17/04/2015 22:14
Le 19 avril 1882 meurt à 73 ans, Charles Robert Darwin

à Downe dans le Kent meurt né le 12 février 1809 à Shrewsbury dans le Shropshire, naturaliste, biologiste anglais dont les travaux sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie avec son ouvrage De l'origine des espèces paru en 1859. Célèbre au sein de la communauté scientifique de son époque pour son travail sur le terrain et ses recherches en géologie, il a formulé l'hypothèse selon laquelle toutes les espèces vivantes ont évolué au cours du temps à partir d'un seul ou quelques ancêtres communs grâce au processus connu sous le nom de sélection naturelle. Il reçoit pour distinctions la médaille Wollaston 1859, la médaille Copley 1864. Son grand-père est Erasmus Darwin, son père Robert Darwin, sa mère Susannah Wedgwood, son épouse Emma Wedgwood, son fils, George Darwin. Il est l'auteur de "De l'origine des espèces " en 1859, "La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe " en 1871, et " L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux " en 1872
Darwin a vu de son vivant la théorie de l'évolution acceptée par la communauté scientifique et le grand public, alors que sa théorie sur la sélection naturelle a dû attendre les années 1930 pour être généralement considérée comme l'explication essentielle du processus d'évolution. Au XXIe siècle, elle constitue en effet la base de la théorie moderne de l'évolution. Sous une forme modifiée, la découverte scientifique de Darwin reste le fondement de la biologie, car elle explique de façon logique et unifiée la diversité de la vie.

L'intérêt de Darwin pour l'histoire naturelle lui vint alors qu'il avait commencé à étudier la médecine à l'université d'Édimbourg, puis la théologie à Cambridge. Son voyage de cinq ans à bord du Beagle l'établit dans un premier temps comme un géologue dont les observations et les théories soutenaient les théories actualistes de Charles Lyell. La publication de son journal de voyage le rendit célèbre. Intrigué par la distribution géographique de la faune sauvage et des fossiles dont il avait recueilli des spécimens au cours de son voyage, il étudia la transformation des espèces et en conçut sa théorie sur la sélection naturelle en 1838. Il fut fortement influencé par les théories de Georges-Louis Leclerc de Buffon.
Ayant constaté que d'autres avaient été qualifiés d'hérétiques pour avoir avancé des idées analogues, il ne se confia qu'à ses amis les plus intimes et continua à développer ses recherches pour prévenir les objections qui immanquablement lui seraient faites. En 1858, Alfred Russel Wallace lui fit parvenir un essai qui décrivait une théorie semblable, ce qui les amena à faire connaître leurs théories dans une présentation commune. Son livre de 1859, De l'origine des espèces, fit de l'évolution à partir d'une ascendance commune l'explication scientifique dominante de la diversification des espèces naturelles. Il examina l'évolution humaine et la sélection sexuelle dans la Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, suivi par l'Expression des émotions chez l'homme et les animaux. Ses recherches sur les plantes furent publiées dans une série de livres et, dans son dernier ouvrage, il étudiait les lombrics et leur action sur le sol.

En bref

C'est l'année même de la naissance de Darwin que l'évolutionnisme fit une percée éclatante avec l'ouvrage de Lamarck, La Philosophie zoologique ; mais le lamarckisme, plus théorique et prophétique que véritablement explicatif, se trouva vite en butte aux critiques de nombreux savants, parmi lesquels se détache Cuvier.
Le génie de Darwin allait cependant réussir à démontrer le fait de l'évolution biologique ; l'auteur de L'Origine des espèces est donc à juste titre considéré comme le fondateur du transformisme, théorie qui, malgré les remous qu'elle devait susciter, revêt une signification décisive pour la pensée contemporaine et lui fournit un de ses concepts clés.
Bien que la notion de devenir, connaturelle à l'esprit humain, n'ait pas manqué, dans l'Antiquité même, d'être appliquée aux espèces vivantes – notamment par Anaximandre de Milet VIe s. av. J.-C. et par quelques Pères de l'Église, tel saint Augustin –, le fixisme a constitué pendant des siècles la pensée officielle ; il se fondait aussi bien sur l'autorité d'Aristote et de la scolastique que sur le souci de défendre la lettre du récit biblique de la Genèse.
Le naturaliste anglais Charles Robert Darwin fut l'un des biologistes les plus éminents de tous les temps. Il imposa la notion d'évolution biologique, en mettant en lumière l'un de ses mécanismes essentiels, la sélection naturelle ; ses œuvres, et notamment L'Origine des espèces, ont inauguré une ère nouvelle de la pensée humaine.
Darwin, né en 1809 à Shrewsbury, dans le Shropshire, était le petit-fils d'Erasme Darwin, médecin, physiologiste et poète, resté célèbre pour une Zoonomie Zoonomia où certains ont cru déceler l'idée d'une transformation des espèces. Il fréquenta l'école de Shrewsbury et s'intéressa à des collections variées, coquilles, médailles, sceaux, franchises postales, plantes, minéraux, au jardinage, à l'entomologie, à l'ornithologie, à la poésie et à la peinture de paysages, mais surtout à la chimie expérimentale et à la pratique médicale que lui inculqua son père. De 1825 à 1828, il fréquenta l'université d'Édimbourg pour y poursuivre des études de médecine auxquelles sa sensibilité ne résista pas et qui d'ailleurs, en dehors des leçons de chimie, l'intéressaient d'autant moins qu'il savait que son père lui laisserait assez de fortune pour [lui] permettre de vivre avec confort. Cette croyance suffit à réprimer tout effort énergique nécessaire pour apprendre la médecine. Il rencontra néanmoins à cette période William MacGillivray, qui lui apprit à naturaliser les oiseaux, et Robert Edmond Grant, qui lui parla de Lamarck. Renonçant à en faire un médecin, son père lui proposa, en 1828, de devenir clergyman, perspective qui, temporairement, plut à Charles. Celui-ci entra donc à Christ's College, à l'université de Cambridge, dont, étudiant médiocre, il sortit cependant bachelier ès arts trois ans plus tard ; il y subit l'influence de professeurs qui demeurèrent ses amis, le botaniste John Stevens Henslow et le géologue Adam Sedgwick. Il ne serait peut-être resté qu'un simple whig fortuné si une occasion fantastique, qui allait décider de toute sa vie, de toute son œuvre, ne s'était présentée à lui. Le capitaine Fitzroy offrait une place de naturaliste à bord du Beagle, qui devait compléter certains relevés cartographiques et effectuer des mesures chronométriques autour du monde. Pressenti par Henslow, soutenu par son oncle Wedgwood contre les réticences de son père, Charles Darwin devint ce naturaliste privilégié.
Le Beagle quitta Devonport le 27 décembre 1831. Il regagna Falmouth le 2 octobre 1836. « Darwin visita Santiago, dans les îles du cap Vert, Saint-Paul, Fernando de Noronha, passa des mois au Brésil, à Bahia et autour de Rio. Deux ans, le Beagle releva les côtes est et sud de l'Amérique à partir de La Plata, et le naturaliste parcourut l'Uruguay, l'Argentine, la Patagonie. Il vit les îles Falkland et deux fois la Terre de Feu, resta plus d'un an au Chili et au Pérou, escalada les Andes, fit escale aux îles Galapagos, puis à Tahiti, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Tasmanie, à l'île Keeling, aux Maldives, à l'île Maurice, au Cap, à SainteHélène, à l'Ascension, à nouveau au Brésil, au cap Vert et, enfin, aux Açores, M. Prenant, Darwin.
Durant ces cinquante-sept mois, Darwin accumula une multitude d'observations et réfléchit longuement aux faits qu'il découvrait. Il exploita dès son retour cette masse inestimable de connaissances et de réflexions, en l'augmentant continuellement par les renseignements qu'il dégageait de ses lectures, par les informations apportées par ses nombreux correspondants, zoologistes, botanistes, éleveurs, horticulteurs. Sa vocation de naturaliste étant cette fois définitive, il devint secrétaire de la Geological Society de 1838 à 1841 et se lia d'amitié avec sir Charles Lyell, dont il admirait grandement le livre The Principles of Geology, publié en 1831.
Il épousa, en janvier 1839, sa cousine Emma Wedgwood. Quatre fils devaient naître de cette union. Darwin et sa femme vécurent à Londres jusqu'en 1842, puis s'installèrent à Down, dans le comté de Kent, où ils menèrent une existence très retirée. La santé de Darwin, après son retour en Angleterre, resta en effet toujours très précaire, au point de lui faire redouter ou fuir les réunions et espacer les visites. À l'abri de tout souci matériel, grâce à la fortune dont il avait hérité et au succès de ses livres, habile aux bons placements et fort soucieux de ses revenus, économe et pourtant généreux, partageant sa vie régulière entre quelques heures de travail quotidien, des promenades et des lectures, élevant pour ses études des pigeons et des lapins, cultivant des plantes pour ses expériences, Darwin ne devait jamais quitter Down, où il rédigea tous ses ouvrages fondamentaux. Il y reçut cependant souvent ses amis, C. Lyell, T. Huxley, J. Lubbock et de nombreux savants et philosophes, toujours avec affabilité.
La gloire était venue avec l'âge. L'image que l'on garde de Darwin âgé est celle d'un homme grand, mais voûté, chauve, à barbe entière, au visage coloré et animé, au front ridé, aux yeux bleu gris, aux sourcils épais, l'aspect d'un universitaire, avec, dit son fils, une simplicité militaire M. Prenant, ibid..

Sa vie

Charles Darwin est né dans la maison familiale, dite maison Mount. Il est le cinquième d’une fratrie de six enfants d’un médecin et financier prospère, Robert Darwin 1766-1848 et de Susannah Darwin née Wedgwood 1765-1817. Il est le petit-fils du célèbre naturaliste et poète Erasmus Darwin 1731-1802 du côté paternel et de Josiah Wedgwood 1730-1795, du côté de sa mère. Chacune des deux familles est de confession unitarienne, bien que les Wedgwood aient adopté l’anglicanisme. Robert Darwin, plutôt libre-penseur, accepte que son fils Charles soit baptisé à l’église anglicane. Néanmoins, les enfants Darwin fréquentent avec leur mère la chapelle unitarienne. Le prêcheur de celle-ci devient le maître d’école de Charles en 1817. En juillet de la même année, Susannah Darwin décède alors que Charles n'a que huit ans. En septembre 1818, il entre au pensionnat de l’école anglicane voisine, l'école de Shrewsbury.
Darwin passe l’été de 1825 comme apprenti médecin auprès de son père qui soigne les pauvres du Shropshire. À l’automne de la même année, il part en Écosse, à l’université d'Édimbourg pour y étudier la médecine, mais il est révolté par la brutalité de la chirurgie et néglige ses études médicales. Il apprend la taxidermie auprès de John Edmonstone, un esclave noir libéré, qui lui raconte des histoires fascinantes sur les forêts tropicales humides d’Amérique du Sud. Plus tard, dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, il se sert de cette expérience pour souligner que, malgré de superficielles différences d’apparence, les Nègres et les Européens sont très proches.
Durant sa seconde année, Charles Darwin rejoint la Société plinienne, ainsi nommée en hommage à Pline l'Ancien considéré comme le premier naturaliste, un groupe d’étudiants spécialement intéressés par l’histoire naturelle et au sein de laquelle il fait quelques allocutions. Il devient un élève de Robert Edmond Grant, partisan de la théorie de l’évolution du naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck, comme son grand-père Erasmus Darwin l'avait été lui aussi. Sur les rivages du Firth of Forth, Charles participe aux recherches de Grant sur les cycles vitaux des animaux marins. Ces recherches portent sur l’homologie, théorie selon laquelle tous les animaux ont des organes similaires ne différant que par leur complexité, ce qui indique leur ascendance commune. En mars 1827, Darwin fait un exposé devant ses camarades pliniens sur sa propre découverte : les spores noires souvent trouvées dans des coquilles d’huîtres sont selon lui les œufs d’une sangsue. Il suit également les cours de Robert Jameson, s’initie à la stratigraphie géologique, à la classification des plantes et utilise les riches collections du muséum de l'université, l’un des plus riches d’Europe de son temps.
En 1827, son père, insatisfait par l’absence de progrès de son jeune fils, l’inscrit pour obtenir un Bachelor of Arts au Christ's College de Cambridge. Il s’agit de lui donner un diplôme de théologie, dans l'espoir que Charles devienne pasteur anglican. Néanmoins, Darwin aime mieux monter à cheval et chasser que se consacrer à ses études. Avec son cousin William Darwin Fox, il commence à se passionner pour la collection des coléoptères. Fox lui fait rencontrer le révérend John Stevens Henslow, professeur de botanique et grand connaisseur de ces insectes. Darwin rejoint alors les cours d’histoire naturelle d’Henslow et devient son élève préféré. Il est alors connu des autres professeurs comme l’homme qui marche avec Henslow. Quand les examens se rapprochent, Darwin se concentre sur ses études et reçoit des cours privés d’Henslow. Le jeune homme est particulièrement enthousiaste au sujet des écrits de William Paley, dont la Théologie naturelle 1802 et la conception divine de la nature le fascinent.
Pour passer l’examen de bachelier, il était également nécessaire de posséder les Évidences du christianisme de Paley et sa Philosophie morale. J’y mis un grand soin, et je suis convaincu que j’aurais pu transcrire la totalité des Évidences avec une correction parfaite, mais non, bien sûr dans la langue de Paley. La logique de ce livre, et je puis ajouter, de sa Théologie naturelle, me procura autant de plaisir qu’Euclide. L’étude attentive de ces ouvrages, sans rien essayer d’apprendre par cœur, fut la seule partie du cursus académique qui, comme je le sentais alors et comme je la crois encore, se révéla de quelque utilité pour l’éducation de mon esprit. Je ne me préoccupais pas à cette époque des prémisses de Paley ; m’y fiant d’emblée, j’étais charmé et convaincu par la longue chaîne de son argumentation.
Von Sydow a avancé l'idée que l’enthousiasme de Darwin pour l’adaptationisme religieux de Paley a paradoxalement joué un rôle, plus tard, lors de la formulation de sa théorie de la sélection naturelle. Il passe ses examens en janvier 1831 et, s’il réussit bien en théologie, il remporte de justesse les épreuves de littérature classique, de mathématiques et de physique, arrivant dixième sur une liste de 178 élèves reçus.
Les obligations universitaires obligent Darwin à rester à Cambridge jusqu’en juin. Suivant les conseils d’Henslow, il ne hâte pas son entrée dans les Ordres. Inspiré par le journal de voyage du naturaliste allemand Alexander von Humboldt, il organise un voyage dans l’île de Tenerife avec quelques camarades d’études eux-mêmes fraîchement diplômés, afin d’étudier l’histoire naturelle des tropiques. Pour mieux se préparer, Darwin rejoint les cours de géologie du révérend Adam Sedgwick et, durant l’été, l’assiste à la réalisation d'une carte géologique dans le pays de Galles. Après avoir passé une quinzaine de jours avec des amis étudiants à Barmouth, Darwin retourne chez lui et découvre une lettre d’Henslow qui le recommande comme naturaliste approprié, même si sa formation n’est pas complète pour un poste non payé auprès de Robert FitzRoy, capitaine de l’HMS Beagle, lequel part quatre semaines plus tard pour faire la cartographie de la côte de l’Amérique du Sud. Son père s’oppose d’abord à ce voyage de deux ans qu’il considère comme une perte de temps, mais il est finalement convaincu par son beau-frère, Josiah Wedgwood II, et finit par donner son accord à la participation de son fils.

Voyage du Beagle

Sur les cinq années de l'expédition du Beagle 1831-1836, Darwin passe les deux tiers du temps à terre. Il fait un grand nombre d'observations géologiques, récolte des organismes vivants ou fossiles, et conserve avec méthode une riche collection de spécimens, bon nombre d'entre eux étant nouveaux pour la science. À plusieurs reprises durant le voyage, il envoie des spécimens à Cambridge, accompagnés de lettres sur ses découvertes. Cela va contribuer à établir sa réputation de naturaliste. Ses longues notes détaillées montrent sa capacité à théoriser et forment la base de ses travaux ultérieurs. Le journal qu’il tient alors, à l’origine destiné à sa famille, est publié sous le titre The Voyage of the Beagle Le Voyage du Beagle. Il y récapitule ses observations, et fournit des informations sociales, politiques et anthropologiques sur un grand nombre de personnes qu’il rencontre, coloniaux comme indigènes.
Avant le départ, Robert FitzRoy avait donné à Darwin le premier volume des Principles of Geology de Sir Charles Lyell qui explique les reliefs terrestres par l’accumulation de processus graduels sur de très longues périodes de temps. À leur première escale à l’île de Santiago au Cap-Vert, Darwin observe une bande blanche en altitude dans des falaises volcaniques, bande composée de fragments de coraux et de coquillages cuits. Cette observation, conforme au principe de Lyell sur la lente montée ou descente des reliefs, ouvre à Darwin une nouvelle perspective sur l'histoire géologique de l'île, et lui donne l'idée d'écrire un livre sur la géologie. Cette découverte sera suivie par d’autres encore plus décisives. Il observe que les plaines de Patagonie sont constituées de galets et de coquillages, comme des plages surélevées ; par ailleurs, après un tremblement de terre au Chili, il remarque des bancs de moules au-dessus du niveau des pleines mers, ce qui indique que le niveau de la terre a été récemment surélevé. En altitude, dans les Andes, il observe que des arbres fossiles se sont développés sur une plage de sable, à proximité de coquillages marins. Enfin, il émet la théorie selon laquelle les atolls coralliens se forment sur des cônes volcaniques en cours de submersion, ce qu'il confirme après que le Beagle est passé dans les îles Coco.
Alors que le Beagle explore les côtes sud-américaines ici la Terre de Feu, Darwin commence à théoriser sur les merveilles de la nature autour de lui. Peinture de Conrad Martens réalisée pendant le voyage.
En Amérique du Sud, Darwin découvre des fossiles de mammifères géants éteints inclus dans des couches de coquillages marins récents, ce qui indique une extinction récente sans pour autant révéler de traces de catastrophe ou de changement climatique. Bien qu’il identifie correctement l’un de ces fossiles à un Megatherium et qu’il reconnaisse des fragments de carapace de tatou local, il estime que ces restes sont reliés à des espèces africaines ou européennes ; c’est seulement après son retour que Sir Richard Owen démontre que ces restes sont en réalité proches de créatures ne vivant qu'en Amérique.
Le deuxième volume de l’ouvrage de Charles Lyell argumente contre le transformisme de Lamarck et explique la distribution des espèces par des centres de création la création divine ne se serait pas déroulée en une fois, mais en plusieurs fois, après des catastrophes ayant fait disparaître les espèces précédentes. Darwin le reçoit et le lit avec attention, il en déduit des idées qui dépassent ce qu'avait imaginé Lyell. En Argentine, il observe que les deux types de nandous occupent des territoires séparés mais se chevauchant en partie. Sur les îles Galápagos, il collecte des miminis et note qu’ils diffèrent en fonction de l’île de provenance. Il avait également entendu dire que les Espagnols vivant dans ces régions sont capables de dire d’où viennent les tortues à leur simple aspect, mais les Espagnols ont conclu qu’ils les ont eux-mêmes introduites. En Australie, l’ornithorynque et le rat-kangourou lui semblent si étranges qu’ils semblent avoir été l’œuvre de deux créateurs différents.
Au Cap, Darwin et FitzRoy rencontrent Sir John Herschel, qui avait depuis peu écrit à Lyell au sujet du « mystère des mystères, l’origine des espèces. Lorsqu’il organise ses notes pendant son voyage de retour, Darwin écrit que si ses soupçons au sujet des miminis et des tortues sont justes, de tels faits sapent la stabilité des espèces, puis, il ajoute prudemment le conditionnel pourraient. Il écrit plus tard que de tels faits m’ont semblé jeter un peu de lumière sur l’origine des espèces.
Trois indigènes de la Terre de Feu qui avaient été accueillis par le Beagle lors de son précédent voyage sont à bord : ils y reviennent comme missionnaires. Durant leur séjour de deux ans en Angleterre, ils sont devenus des civilisés, aussi leurs proches apparaissent-ils à Darwin comme des sauvages malheureux et avilis. Un an plus tard15, les missionnaires qui ont été laissés sur place ont abandonné leur mission et seul Jemmy Button vient à leur rencontre ; il est en effet retourné à la vie sauvage et il leur annonce qu'il n'a aucun désir de retourner en Angleterre et qu'il est content et comblé de son sort. À cause de cette expérience, Darwin vient à penser que l'homme n'est pas tant éloigné des animaux, et que la différence est surtout due à des différences d'avancées culturelles entre civilisations plutôt qu'à des différences raciales. Il déteste l’esclavage qu’il a vu ailleurs en Amérique du Sud, et est désolé des effets du peuplement européen sur les aborigènes d'Australie comme sur les māori de Nouvelle-Zélande. FitzRoy est chargé d’écrire le récit officiel du voyage du Beagle ; peu avant la fin du périple, il lit le journal de Darwin et lui demande de le retravailler afin d'en faire le troisième volume, celui consacré à l’histoire naturelle.

Début de la théorie de l'évolution de Darwin

Alors que Darwin est toujours en voyage, Henslow travaille à faire connaître son ancien élève en communiquant à des naturalistes éminents des exemplaires de fossiles et une brochure de Darwin contenant ses lettres sur la géologie16. Au retour du Beagle, le 2 octobre 1836, Darwin est devenu une célébrité dans les cercles scientifiques. Après être passé à sa maison de Shrewsbury et avoir revu sa famille, il retourne au plus vite à Cambridge pour voir Henslow, qui lui conseille de trouver des naturalistes capables de décrire les collections et d'en établir le catalogue, et qui accepte lui-même de s'occuper des spécimens de botanique. Le père de Darwin rassemble alors des fonds qui permettent à son fils de devenir un homme de science financièrement indépendant. C'est donc un Darwin enthousiaste qui fait le tour des institutions de Londres dans lesquelles il est partout honoré. Il cherche alors des experts pour décrire les collections, mais les zoologistes ont un énorme retard dans leur travail et certains spécimens courent le risque d'être tout simplement oubliés dans les réserves.
C'est avec une grande curiosité que Charles Lyell rencontre Darwin pour la première fois, le 29 octobre, et il se hâte de le présenter à Sir Richard Owen, un anatomiste promis à un bel avenir, qui a à sa disposition les équipements du Collège royal de chirurgie pour étudier les ossements fossiles que Darwin a recueillis. Parmi les résultats surprenants d'Owen figurent des paresseux géants, un crâne semblable à celui d'un hippopotame appartenant au Toxodon, un rongeur éteint, ainsi que des fragments de carapace d'un énorme tatou disparu le Glyptodon, et que Darwin a dès le départ conjecturé. Ces créatures fossiles n'ont en effet aucun rapport avec les animaux africains, mais sont étroitement liées aux espèces vivant en Amérique du Sud
À la mi-décembre, Darwin se rend à Cambridge pour organiser le travail sur ses collections et réécrire son journal. Il rédige son premier article où il montre que la masse continentale sud-américaine connaît une lente surrection et, chaudement appuyé par Lyell, le lit à la Société géologique de Londres le 4 janvier 1837. Le même jour, il offre à la Société zoologique ses exemplaires de mammifères et d'oiseaux. L'ornithologue John Gould ne tarde pas à faire savoir que les oiseaux des Galápagos que Darwin croit être un mélange de merles, de « gros-becs » et de fringillidés, constituent, en fait, treize espèces distinctes de fringillidés. Le 17 février 1837, Darwin est élu au Conseil de la Société géographique et, dans son adresse présidentielle, Lyell présente les conclusions d'Owen sur les fossiles de Darwin, en insistant sur le fait que la continuité géographique des espèces confirme ses idées actualistes.
Le 6 mars 1837, Darwin s'installe à Londres pour se rapprocher de sa nouvelle charge à la société de géographie. Il se joint au cercle formé autour de scientifiques et de savants comme Charles Babbage notamment, qui croit que Dieu a d'avance ordonné la vie selon des lois naturelles sans procéder à des créations miraculeuses ad hoc. Darwin vit près de son frère Erasmus, un libre-penseur, qui fait partie du cercle Whig et dont l'amie intime, l'auteur Harriet Martineau, promeut les idées de Thomas Malthus qu'on trouve à la base des réformes de la Poor Law prônées par les Whigs. La question de Sir John Herschel sur l'origine des espèces est alors abondamment discutée. Des personnalités du milieu médical, y compris le Dr James Manby Gully vont même jusqu'à rejoindre Grant dans ses idées de transformation des espèces, mais aux yeux des scientifiques amis de Darwin une hérésie aussi radicale met en péril la base divine de l'ordre social déjà menacé par la récession et les émeutes.
Consécutivement John Gould fait savoir que les moqueurs polyglottes des Galápagos originaires des différentes îles sont des espèces distinctes et pas seulement des variétés, tandis que les troglodytes constituent encore une autre espèce de fringillidés. Darwin n'a pas noté précisément de quelles îles proviennent les exemplaires de fringillidés, mais il trouve ces renseignements dans les notes d'autres membres de l'expédition sur le Beagle, y compris celles de FitzRoy, qui a enregistré plus soigneusement ce qu'ils ont eux-mêmes collecté. Le zoologiste Thomas Bell montre que les tortues des Galápagos sont indigènes dans l'archipel. Avant la mi-mars, Darwin est convaincu que les animaux, une fois arrivés dans les îles, se sont en quelque sorte modifiés pour former sur les différentes îles des espèces nouvelles ; il réfléchit à cette transformation en notant le résultat de ses pensées sur le carnet rouge qu'il a commencé sur le Beagle. À la mi-juillet, il commence son carnet secret, le carnet, sur cette transformation et, à la page 36, il écrit je pense au-dessus de sa première esquisse d'un arbre montrant l'évolution.

Un biologiste exemplaire, ses premiers travaux.

Dès la rentrée du Beagle, Darwin, en même temps qu'il travaillait au journal de son voyage, distribua à divers spécialistes le matériel zoologique et botanique qu'il avait recueilli, se réservant toutefois l'étude de pièces géologiques et des Crustacés Cirripèdes.
Après son journal de voyage, ses premières publications se rapportèrent aux observations géologiques qu'il avait faites sur les récifs coralliens et les îles volcaniques. Sa théorie relative aux formations coralligènes des atolls et des récifs-barrières fut conçue avant qu'il eût vu un seul récif de corail ; elle repose sur l'hypothèse d'un affaissement progressif du socle permettant, à mesure, la croissance verticale des Madréporaires, Cnidaires pour la plupart coloniaux et généralement inféodés à des eaux peu profondes ; encore qu'elle ne puisse être totalement généralisée, l'hypothèse de Darwin a été parfaitement vérifiée dans de nombreux cas. Dans son étude des îles volcaniques, commencée à Santiago, il montre, en accord avec Lyell, qu'un volcan résulte seulement d'une fracture de l'écorce terrestre, et non d'une boursouflure de celle-ci, par où s'écoulent les laves qui édifient le cône.
Darwin publia ensuite, entre 1851 et 1854, quatre monographies sur les Cirripèdes actuels et fossiles. Ses propres récoltes l'entraînèrent à étudier, dans son ensemble, cet odieux groupe. Il reconnut pourtant que ce travail de systématique, malgré l'énorme perte de temps qu'il a exigée lui fut très utile lorsqu'il eut à discuter, dans L'Origine des espèces, les principes d'une classification naturelle. Bien que Darwin ait considéré, contrairement aux conceptions modernes, l'espèce comme une unité arbitraire, ses monographies restent un modèle du genre.

La sélection naturelle

Pendant ce temps progressaient lentement, depuis 1837, avec cette patience que Darwin montrait dans toutes ses recherches, les idées qui devaient le conduire à son œuvre capitale.
Pendant le voyage du Beagle, j'avais été profondément frappé d'abord en découvrant dans les couches pampéennes de grands animaux fossiles recouverts d'une armure semblable à celle des tatous actuels ; puis, par l'ordre selon lequel les animaux d'espèces presque semblables se remplacent les uns les autres à mesure qu'on avance vers le sud du continent, et enfin par le caractère sud-américain de la plupart des espèces des îles Galapagos, plus spécialement par la façon dont elles diffèrent légèrement entre elles sur chaque île du groupe : aucune de ces îles ne paraît très ancienne au point de vue géologique. Il est évident que ces faits et beaucoup d'autres analogues ne peuvent s'expliquer que par la supposition que les espèces se modifient graduellement, Vie et correspondance.
Dans son livre de notes commencé en 1837, Darwin rassemble les preuves de la non-fixité des espèces.
Je m'aperçus vite que la sélection représente la clef du succès qu'a rencontré l'homme pour créer des races utiles d'animaux et de plantes. Mais comment la sélection pouvait-elle être appliquée à des organismes vivant à l'état de nature ?
Selon Darwin, c'est en octobre 1836, lorsqu'il lut l'Essay on the Principle of Population de T. R. Malthus, que la solution de ce problème s'imposa à son esprit.
J'étais bien préparé ... à apprécier la lutte pour l'existence qui se rencontre partout, et l'idée me frappa que, dans ces circonstances, des variations favorables tendraient à être préservées, et que d'autres moins privilégiées, seraient détruites. Le résultat de ceci serait la formation de nouvelles espèces. J'étais enfin arrivé à formuler une théorie.
La théorie de la sélection naturelle était née. Pendant près de vingt ans, Darwin s'employa à l'étayer, rédigeant, en 1842, un résumé en trente-cinq pages de ses résultats, et, en 1844, un texte de deux cent trente pages, qui ne furent publiés qu'après sa mort. Au début de 1856, pressé par Lyell, il entreprit de consigner ses théories par écrit avec assez de développement ; il avait rédigé environ la moitié d'une œuvre à laquelle il envisageait de donner beaucoup d'ampleur lorsque lui parvint, en juin 1858, un essai manuscrit d'Alfred Russel Wallace Sur la tendance des variétés à s'écarter indéfiniment du type originel, où Darwin, non sans en éprouver une certaine déception, retrouva exactement sa théorie de la sélection naturelle. Darwin remit le texte de Wallace entre les mains de Lyell et de Hooker, et il fut décidé de le présenter à la Linnean Society avec un résumé du travail de Darwin ; cette publication commune, intitulée On the Tendancy of Species to Form Varieties, and on the Perpetuation of Varieties and Species by Natural Means of Selection, fut lue le 1er juillet 1858 et publiée dans le Journal of the Proceedings of the Linnean Society. Darwin et Wallace firent tous deux preuve, en cette occasion, d'un désintéressement admirable ; Darwin ne cessa d'ailleurs d'affirmer le mérite de Wallace, qui reconnut toujours à son tour la supériorité des travaux de Darwin.

L'Origine des espèces

En septembre 1858, Darwin reprit, en l'abrégeant considérablement, l'œuvre capitale qu'il avait commencée. L'Origine des espèces parut le 24 novembre 1859 ; Darwin y expose dans le détail sa théorie de la sélection naturelle et traite de l'évidence du fait d'évolution. La première édition, tirée à 1 250 exemplaires, fut épuisée le jour même de sa parution ; 60 000 exemplaires, en avaient été vendus en 1876, rien qu'en Angleterre.
Par la suite, Darwin publia de nombreux livres. Dans certains figurent des documents qui n'avaient pu trouver place dans L'Origine des espéces. D'autres, comme La Descendance de l'homme et L'Expression des émotions, virent leur publication retardée, par prudence, jusqu'en 1871 et 1872 : l'ascendance animale de l'homme était évidemment la conséquence logique de L'Origine des espèces, mais ce fut E. Haeckel qui, le premier, avec son audace coutumière, l'affirma catégoriquement en 1868. En outre, cherchant toujours d'autres vérifications de sa théorie, Darwin effectua de nombreux travaux de botanique expérimentale, qui servirent de base à plusieurs ouvrages demeurés célèbres. En même temps, il remaniait, au cours d'éditions successives, L'Origine des espèces. Les connaissances de son temps ne lui permirent pas de comprendre l'origine des variations qu'il étudiait ; la découverte par Mendel des lois de l'hérédité 1865 ne devait pas trouver d'écho dans le monde scientifique avant 1900 ; Darwin, qui croyait en une hérédité des caractères acquis, n'a jamais admis que les variations puissent résulter de « sauts » et considérait ce que nous appelons mutations comme des monstruosités inintéressantes et dépourvues de signification évolutive. Il regrettait, vers la fin de sa vie, sans pour autant tomber dans le piège de la finalité lamarckienne, de n'avoir pas accordé une place suffisante à l'action du milieu, dont la génétique écologique nous permet aujourd'hui d'apprécier toute l'importance. Mais son génie n'en avait pas moins révolutionné la pensée, non seulement des biologistes, mais de tous les hommes.

Surmenage, maladie et mariage

Alors qu'il est absorbé dans l'étude du transformisme, Darwin est pris par des travaux supplémentaires. Tandis qu'il en est encore à réécrire son Journal, il entreprend de réviser et de publier les rapports d'experts sur ses collections et, avec l'aide de Henslow, obtient une subvention de 1 000 livres sterling pour financer l'écriture de Zoologie du Voyage du H.M.S. Beagle, éditée en plusieurs volumes. Il accepte des délais impossibles à tenir pour cette tâche ainsi que pour un livre sur la Géologie de l'Amérique du Sud qui soutient les idées de Lyell. Darwin finit de rédiger son Journal le 20 juin 1837, juste au moment où la reine Victoria monte sur le trône, mais il lui reste encore à corriger les épreuves.
La santé de Darwin souffre d'une réelle surcharge de travail. Le 20 septembre 1837, il ressent des palpitations du cœur. Son médecin lui ayant prescrit un mois de repos, il se rend alors à Shrewsbury chez des parents du côté maternel à Maer Hall mais il les trouve trop curieux de ses histoires de voyages pour lui laisser quelque repos. Sa cousine Emma Wedgwood, charmante, intelligente et cultivée, et de neuf mois plus âgée que Darwin, soigne la tante de celui-ci, laquelle est invalide. Son oncle Jos lui fait voir un endroit où des cendres ont disparu sous la glaise et suggère qu'il peut s'agir du travail des lombrics. C'est ainsi l'origine d'une conférence que Darwin fait à la Société géologique le 1er novembre, dans laquelle il démontre pour la première fois le rôle des lombrics dans la formation des sols.
William Whewell incite Darwin à accepter la charge de secrétaire de la Société géologique. Après avoir d'abord refusé cette tâche supplémentaire, il accepte le poste en mars 1838. En dépit de la besogne apportée par les travaux d'écriture et d'édition, il réalise des progrès remarquables sur le transformisme. Tout en gardant secrètes ses idées sur l'évolution, il ne manque aucune occasion d'interroger les naturalistes expérimentés et, de façon informelle, les gens qui possèdent une expérience pratique comme les fermiers et les colombophiles. Avec le temps sa recherche s'élargit : il se renseigne auprès de sa famille, enfants compris, du majordome de la famille, de voisins, de colons et d'anciens compagnons de bord. Il englobe le genre humain dans ses spéculations initiales et, le 28 mars 1838, ayant observé un singe au zoo, il note la ressemblance entre son comportement et celui d'un enfant.
Tous ces efforts finissent par se faire sentir et, dès juin, il est forcé de s'aliter quelques jours sans interruption en raison de problèmes d'estomac, de migraines et de symptômes cardiaques. Tout le reste de sa vie, il devra plusieurs fois s'arrêter de travailler avec des épisodes de douleurs à l'estomac, de vomissements, de furoncles sévères, de palpitations, de tremblements et d'autres malaises, surtout dans les moments de tension, comme lorsqu'il doit assister à des réunions ou répondre à des controverses sur sa théorie. La cause de cette maladie reste inconnue de son vivant, et les traitements n'ont que peu de succès. Des essais récents de diagnostic suggèrent la maladie de Chagas, que lui ont peut-être communiqué des piqûres d'insectes en Amérique du Sud, la maladie de Menière, ou encore différents troubles psychologiques, comme le trouble panique. Les spécialistes restent encore dans l'incertitude à ce sujet.
Charles Darwin choisit de se marier avec sa cousine, Emma Wedgwood.
Le 23 juin 1838, il fait une pause dans son travail en allant faire un peu de géologie en Écosse. Il visite Glen Roy par un temps radieux pour voir les terrasses parallèles, ces replats taillés à flanc de coteau. Il y voit des plages surélevées, et en effet les géologues ont démontré plus tard qu'il s'agit des berges d'un lac glaciaire.
Complètement rétabli, il revient à Shrewsbury en juillet. Habitué à prendre continuellement des notes sur la reproduction animale, il griffonne des pensées décousues concernant sa carrière et ses projets sur deux petits morceaux de papier : l'un comporte deux colonnes intitulées Mariage et Pas de mariage. Les avantages comprennent entre autres : une compagne fidèle et une amie dans la vieillesse… mieux qu'un chien en tout cas ; et à l'opposé des points comme moins d'argent pour les livres et terrible perte de temps. S'étant décidé pour le mariage, il en discute avec son père, et rend ensuite visite à Emma le 29 juillet 1838. Il n'a pas le temps de faire sa demande en mariage mais, contre les conseils de son père, parle de ses idées sur le transformisme.
Pendant qu'il continue ses recherches à Londres, l'éventail de lectures très large de Darwin comprend alors, pour se distraire selon ses termes, la 6e édition de l’Essai sur le Principe de Population de Thomas Malthus ; celui-ci a calculé qu'en raison du taux de natalité, la population humaine peut doubler tous les 25 ans mais que, dans la pratique, cette croissance est freinée par la mort, la maladie, les guerres et la famine. Darwin est bien préparé pour saisir de suite que cela s'applique aussi au conflit entre les espèces, remarqué pour les plantes par Augustin Pyrame de Candolle, et à la lutte pour la vie parmi les animaux sauvages, et que c'est là la raison pour laquelle les effectifs d'une espèce demeurent relativement stables. Comme les espèces se reproduisent toujours plus qu'il n'y a de ressources disponibles, les variations favorables rendent les organismes qui en sont porteurs plus aptes à survivre et à transmettre ces variations à leur progéniture, tandis que les variations défavorables finissent par disparaître. S'ensuit la formation de nouvelles espèces. Le 28 septembre 1838, il note ce nouvel éclairage de la question, le décrivant comme une sorte de moyen épistémologique pour introduire des structures plus adaptées dans les espaces de l'économie naturelle tandis que les structures plus faibles sont éjectées. Il dispose maintenant d'une hypothèse de travail. Au cours des mois suivants, il compare les fermiers qui sélectionnent les meilleurs sujets pour l'élevage à une Nature malthusienne faisant son choix parmi les variantes créées par le hasard, de telle sorte que chaque élément de chaque structure nouvellement acquise fût complètement mis en œuvre et perfectionné. Il voit dans cette analogie la plus belle partie de sa théorie .
Le 11 novembre, il revient à Maer et fait sa demande à Emma, en lui exposant encore une fois ses idées. Elle accepte puis, dans les lettres qu'ils échangent, elle montre à quel point elle apprécie sa franchise mais, du fait de son éducation anglicane très pieuse, elle laisse voir sa crainte que de telles hérésies par rapport à la foi puissent mettre en danger ses espoirs de le retrouver dans la vie éternelle. Pendant qu'il est en quête d'un logement à Londres, les épisodes de maladie continuent et Emma lui écrit pour le presser de prendre un peu de repos, remarquant de façon presque prophétique : Ne retombez donc plus malade, mon cher Charlie, avant que je puisse être auprès de vous pour prendre soin de vous. Il trouve dans la Gower Street ce que le jeune couple appelle le Cottage de l'Ara, à cause de son intérieur criard, puis Darwin y déménage son musée à Noël. Le mariage est prévu pour le 24 janvier 1839, mais les Wedgwood retardent cette date. Le 24, Darwin a l'honneur d'être élu membre de la Royal Society. Le 29 janvier 1839, Darwin et Emma Wedgwood se marient à Maer, au cours d'une cérémonie anglicane aménagée pour convenir aux Unitariens. Ils prennent alors immédiatement le train pour Londres et gagnent leur nouveau foyer.

Préparation de la publication de la théorie de la sélection naturelle

Darwin a trouvé la base de sa théorie de la sélection naturelle, mais il est cependant bien conscient de tout le travail qu'il reste à faire pour la rendre crédible aux yeux de ses collègues scientifiques, qui le critiquent farouchement. Le 19 décembre 1838, à la réunion de la Société géologique dont il est secrétaire, il voit Owen et Buckland ne rien cacher de leur haine contre l'évolution en attaquant la réputation de son vieux maître Grant, disciple de Lamarck. Le travail continue sur les conclusions auxquelles il est arrivé à bord du Beagle et, en même temps qu'il consulte des éleveurs, il multiplie les expériences sur les plantes, essayant de trouver des preuves qui répondent à toutes les objections auxquelles il s'attend à partir du moment où sa théorie est communiquée. Quand la Narration de FitzRoy est publiée, en mai 1839, le Journal et Remarques de Darwin plus connu sous le titre Le Voyage du Beagle qui en constitue le troisième volume rencontre un tel succès que l'on en fait une réédition séparée la même année.
Pendant plusieurs années, Darwin étudie les cirripèdes, ici l'anatife Lepas anatifera.
Au début de 1842, Darwin envoie à Lyell une lettre pour lui exposer ses idées ; ce dernier est consterné de voir que celui qui a été son allié refuse maintenant de voir un commencement à chaque groupe d'espèces. En mai, le livre de Darwin sur les récifs coralliens est publié après plus de trois années de travail. En juin il écrit alors une « esquisse sommaire de sa théorie tenant en 35 pagesA 32,L 9. Pour échapper aux pressions de Londres, la famille s'installe en novembre à la campagne, dans le domaine de Down House. Le 11 janvier 1844, Darwin écrit à son ami, le botaniste Sir Joseph Dalton Hooker, pour lui exposer sa théorie, en disant que c'est presque avouer un meurtre, mais, à son grand soulagement, Hooker croit qu'une modification graduelle des espèces pouvait bien avoir eu lieu et il exprime son intérêt pour l'explication de Darwin. Vers le mois de juillet, Darwin développe une esquisse de ses vues dans un Essai de 230 pages. Ses craintes de voir ses idées écartées comme une sorte de radicalisme lamarckien sont réveillées une nouvelle fois par la controverse que suscite en octobre une publication anonyme l'auteur se révélera être Robert Chambers intitulée Vestiges de l'Histoire naturelle de la Création. Ce livre qui est un best-seller accroît l'intérêt de la classe moyenne pour le transformisme, et ouvre ainsi la voie à Darwin. Cet ouvrage est néanmoins sévèrement attaqué par les scientifiques reconnus, ce qui lui rappelle la nécessité de répondre à toutes les difficultés avant de rendre publique sa théorie. Darwin termine son troisième livre de géologie, Geological Observations on South America en 1846 et entreprend à partir d'octobre une vaste étude sur les cirripèdes avec l'aide de Hooker. En janvier 1847, Hooker lit l'Essai de Darwin et lui renvoie ses observations ; c'est la critique sereine dont Darwin a besoin, même si Hooker remet en question son rejet de l'idée d'une création continue.
Pour essayer de traiter son état maladif chronique, Darwin se rend à Malvern, une ville thermale, en 1848. La cure de quelques mois lui fait un grand bien et il peut reprendre son travail à son retour. À la mort de son père le 13 novembre, il est néanmoins tellement affaibli qu'il ne peut assister aux funérailles. En 1849, sa fille, Annie, tombe malade, ce qui réveille sa peur que la maladie puisse être héréditaire. Après une longue série de crises elle meurt en avril 1851, et Darwin perd alors toute foi en un Dieu bienveillant.
Les huit années que Darwin passe à travailler sur les cirripèdes lui permettent de trouver des homologies qui confortent sa théorie en montrant que de légers changements morphologiques peuvent permettre à différentes fonctions d'affronter des conditions nouvelles. En 1853, il obtient la Médaille royale de la Royal Society, ce qui établit sa réputation comme biologiste. En 1854, il reprend le travail sur sa théorie des espèces et, en novembre, se rend compte que la divergence dans le caractère de descendants peut s'expliquer par le fait qu'ils se sont adaptés à des situations différentes dans l'économie de la nature.

Publication de la théorie de la sélection naturelle

Au début de 1855, Darwin cherche à savoir si les œufs et les graines sont capables de survivre à un voyage dans l'eau salée et d'élargir ainsi la distribution de leurs espèces à travers les océans. Joseph Dalton Hooker est de plus en plus sceptique quant à la conception traditionnelle selon laquelle les espèces sont immuables, mais son jeune ami Thomas Henry Huxley est fermement opposé à l'évolution. Lyell est lui intrigué par les spéculations de Darwin sans se rendre vraiment compte de leur portée. Après avoir lu un article d'Alfred Russel Wallace sur l’Introduction des espèces, il trouve des ressemblances avec les idées de Darwin et lui conseille de les publier pour établir son antériorité. Bien que Darwin ne voie là aucune menace, il commence néanmoins à rédiger un article court. Trouver des réponses aux questions difficiles l'arrête plusieurs fois, et il élargit alors son projet à un grand livre sur les espèces intitulé La Sélection naturelle. Il continue aussi ses recherches, obtenant des renseignements et des exemplaires auprès de naturalistes du monde entier, y compris Wallace qui travaille à Bornéo. En décembre 1857, Darwin reçoit de Wallace une lettre lui demandant si son livre examine les origines humaines. Il répond qu'il veut éviter un tel sujet, si encombré de préjugés, tandis qu'il encourage l'essai de théorisation de Wallace, ajoutant : Je vais beaucoup plus loin que vous.
Darwin en est à mi-chemin de son livre quand, le 18 juin 1858, il reçoit une lettre de Wallace qui décrit la sélection naturelle. Bien qu'ennuyé d'avoir été devancé,il la transmet à Lyell comme convenu et, bien que Wallace n'ait pas demandé qu'elle soit publiée, il propose de l'envoyer à n'importe quel journal choisi par Wallace. La famille de Darwin est alors plongée dans l'angoisse car dans le village des enfants meurent de la scarlatine, aussi remet-il l'affaire entre les mains de Lyell et de Hooker. Ils conviennent de présenter ensemble à la Linnean Society, le 1er juillet le discours intitulé Sur la Tendance des espèces à former des variétés ; et sur la Perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection. Néanmoins, comme Charles, le dernier enfant des Darwin, alors encore au berceau, vient de mourir de la scarlatine, son père est trop bouleversé pour être présent.
Sur le moment on prête peu d'attention à l'annonce de cette théorie ; le président de la Linnean remarque en mai 1859 que l'année précédente n'a été marquée par aucune découverte révolutionnaire. Par la suite, Darwin ne peut se souvenir que d'une seule recension, celle du professeur Haughton, de Dublin, qui proclame que tout ce qu'il y avait là de nouveau était inexact, et tout ce qui était exact n'était pas nouveau. Darwin s'acharne pendant treize mois pour écrire un résumé de son grand livre, souffrant de problèmes de santé, mais encouragé constamment par ses amis scientifiques, et Lyell s'arrange pour le faire publier par Sir John Murray.
L'ouvrage Sur l'Origine des Espèces au moyen de la Sélection Naturelle, ou la Préservation des Races les meilleures dans la Lutte pour la Vie, titre d'habitude raccourci sous la forme L'Origine des espèces, a auprès du public un succès inattendu. Le tirage entier de 1 250 exemplaires est déjà réservé quand il est mis en vente chez les libraires le 22 novembre 1859. Darwin y développe une longue argumentation fondée sur des observations détaillées, y expose des inférences et la prise en compte des objections attendues. Cependant, sa seule allusion à l'évolution chez l'homme est l'affirmation, discrète, que des lumières seront jetées sur l'origine de l'homme et son histoire. Il évite ainsi le mot évolution, controversé à l'époque, mais à la fin du livre il conclut que des formes sans cesse plus belles et plus admirables ont été élaborées et continuent à l'être. Sa théorie est exposée de façon simple dans l'introduction :
" Comme il naît beaucoup plus d'individus de chaque espèce qu'il n'en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que tout être, s'il varie, même légèrement, d'une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d'une façon naturelle. En raison du principe dominant de l'hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée."

Le darwinisme et ses adversaires

On a parfois contesté l'originalité de l'œuvre de Darwin. Il est bien évident que l'idée d'évolution lui est bien antérieure et qu'il eut des devanciers illustres. Mais Darwin, en apportant des preuves multiples de l'évolution, la débarrassa surtout de toute fantaisie et de toute finalité et en fournit le premier une interprétation scientifique qui pouvait s'imposer au monde. Quant à la notion de sélection naturelle, dont la sélection sexuelle n'est qu'un aspect particulier, il est vrai aussi qu'elle existait avant Darwin et que, après Malthus, divers auteurs de l'époque darwinienne et connus de Darwin, P. Matthew, 1831 ; E. Blyth, 1835 en avaient plus ou moins obscurément évoqué l'intérêt. La concordance des conclusions pratiquement simultanées de Darwin et de Wallace prouve bien que l'idée était mûre. Mais seul le rôle éliminateur, négatif, de la sélection avait été généralement envisagé, et Darwin fut au moins l'un des premiers à en reconnaître l'aspect créateur : ce fut lui qui fit triompher le concept de sélection novatrice.
L'œuvre de Darwin ne pouvait que susciter des controverses, auxquelles il ne participa guère personnellement, en raison de ses malaises, mais dans lesquelles il fut défendu par des prosélytes fougueux, au premier rang desquels il faut citer T. Huxley. Les critiques dont Darwin fit l'objet le peinèrent souvent et l'irritèrent parfois, malgré son humilité. Les premières concernent naturellement les inférences religieuses de L'Origine des espèces. Darwin, après qu'il eut renié ses croyances premières et fut devenu agnostique, n'attaqua jamais la religion ni le clergé ; mais son interprétation du monde vivant, rendant superflue toute intervention surnaturelle, ne pouvait que choquer le traditionalisme conventionnel et l'intégrisme de nombre de ses concitoyens ; il suffit d'évoquer les polémiques passionnées d'Oxford, lors du congrès de la British Association de 1860, où l'évêque Wilberforce attaqua une doctrine immorale et antichrétienne qui conduisait à faire descendre l'homme du singe, ce qui prouve qu'il avait parfaitement compris L'Origine des espèces, et où T. Huxley, champion du darwinisme, lui rétorqua qu'il préférerait, s'il avait à choisir, être le fils d'un singe que celui d'un homme flétrissant un savant attaché au seul progrès de la vérité. Mais bien avant la fin du XIXe siècle, l'Église admit, dans l'ensemble, qu'il n'existait aucune incompatibilité entre la notion d'évolution et une interprétation raisonnable des textes bibliques. D'autre part, des partis politiques, de tendances fort diverses, revendiquèrent la théorie de la sélection naturelle pour justifier leurs principes et leurs programmes. Enfin, si les idées darwiniennes reçurent très vite un accueil enthousiaste de la plupart des biologistes, certains hommes de science s'acharnèrent comme F. Jenkin et lord Kelvin et s'acharnent parfois néo-lamarckiens, créationnistes... à réduire leur portée ou à contester la validité du darwinisme.

Mais d'autres biologistes, après Darwin, après la réfutation de l'hérédité des caractères acquis, après les débuts, temporairement néfastes au transformisme, de la génétique, firent la synthèse des découvertes postdarwiniennes et de la théorie de la sélection naturelle. Le but premier des généticiens de populations était de soumettre la thèse darwinienne à une analyse expérimentale qui en confirmât pleinement l'importance. Des efforts de savants comme R. Fischer, T. Dobzhansky, J. B. S. Haldane, J. Huxley, E. Mayr, G. G. Simpson, G. L. Stebbins, G. Teissier, S. Wright est née une théorie synthétique de l'évolution où l'essentiel des conceptions darwiniennes continue d'occuper une place centrale. Charles Bocquet

Réactions à sa publication

Caricature montrant Darwin avec un corps de singe et la grande barbe qu'il se laisse pousser à partir de 1866, magazine Hornet de 1871.
Malgré sa publication dans la précipitation — un de ses confrères, Alfred Russel Wallace, s'apprête en effet à publier une théorie similaire —, l'ouvrage de Charles Darwin suscite un vif intérêt dans le public, pour l'époque, en se vendant à 1 250 exemplaires le jour de sa sortie, le 24 novembre 1859. Cette première édition épuisée, une seconde de 3 000 exemplaires est publiée en janvier de l'année suivante. Son livre provoque une controverse que Darwin suit de près, conservant les coupures de presse avec les recensions, les articles, les railleries, les parodies et les caricatures. L'évolution par la sélection naturelle fut largement discutée, voire dénigrée, particulièrement dans les communautés religieuse et scientifique. Bien que Darwin soit soutenu par certains scientifiques par exemple, Thomas Henry HuxleyB 3, Ernest Renan ou encore Ernst Haeckel qui le popularise très tôt en Allemagne, d'autres hésitent à accepter sa théorie à cause de la capacité inexpliquée des individus à transmettre leurs capacités à leurs descendants. En effet, Darwin reprend l'idée, très populaire à l'époque, de la transmission des caractères acquis ; il en propose même une théorie dans son ouvrage de 1868. Ce dernier point est pourtant étudié au même moment par Gregor Mendel, mais il ne semble pas que les deux hommes aient communiqué à ce propos. Même avec les lois de Mendel, le mécanisme sous-jacent reste un mystère jusqu'à ce que l'on découvre l'existence des gènes.
Les critiques hostiles ont très tôt fait de tirer les conséquences qui ne sont pas exprimées, comme le fait que les hommes descendent des singes. Pourtant, dans L'Origine des espèces, Darwin ne parle pas des origines de l'homme. Le public confond les idées exprimées dans le livre de Darwin avec celles de Lamarck, qui cinquante ans auparavant a avancé cette idée, sans alors faire scandale. Parmi les réponses favorables, les recensions de Huxley adressent des critiques à Richard Owen, chef de l'establishment scientifique qu'il voulait ébranler. Le verdict d'Owen reste inconnu jusqu'à ce que son compte-rendu d'avril condamne finalement le livre. L'establishment scientifique de l'Église d'Angleterre, qui comprend les anciens maîtres de Darwin à Cambridge, Adam Sedgwick et John Stevens Henslow, réagit de façon hostile, malgré un accueil favorable dans la génération plus jeune des naturalistes professionnels. En 1860 cependant, la publication de Essays and Reviews par sept théologiens anglicans libéraux détourne de Darwin l'attention des hommes d'Église. Ces derniers condamnent comme hérétique une telle manifestation de la critique libérale car on y trouve entre autres cet argument que, par les miracles, Dieu enfreint ses propres lois.
Le débat public le plus fameux a lieu à Oxford lors d'une réunion de l'Association britannique pour l'Avancement des Sciences. Le professeur John William Draper prononce un long plaidoyer en faveur de Darwin et du progrès social ; c'est alors que l'évêque d'Oxford, Samuel Wilberforce, s'en prend à Darwin. Dans la discussion qui s'ensuit, Joseph Dalton Hooker prend énergiquement parti pour Darwin tandis que Thomas Huxley se constitue comme le bouledogue de Darwin. Il fut en effet le défenseur le plus farouche de la théorie de l'Évolution à l'époque victorienne. Les deux partis se séparent en criant victoire chacun, mais Huxley reste célèbre par sa réponse. Comme Wilberforce lui avait demandé s'il descend bien du singe par son grand-père ou par sa grand-mère, Huxley rétorque : c'est Dieu lui-même qui vient de le livrer entre mes mains et il réplique qu'il préférerait descendre d'un singe plutôt que d'un homme instruit qui utilisait sa culture et son éloquence au service du préjugé et du mensonge.
Le débat déborde le cadre de la science, de l'Église anglicane et du protestantisme. Les autorités de l'Église catholique entrent dans la polémique. Dès 1860, en effet, une réunion d'évêques qui se tient à Cologne précise la position catholique. Sans condamner Darwin, ni le principe de l'évolution des espèces animales, les évêques affirment qu'une intervention divine est nécessaire au moins à l'origine de l'univers pour lui donner son existence et ses lois ainsi que lors de l'apparition de l'homme. Ce sera désormais la position constante des autorités catholiques moins hostiles à l'évolution que les courants protestants dits créationnistes.
Tenu éloigné des discussions publiques par sa maladie, Darwin n'en lit pas moins avec passion ce qu'on rapporte et reçoit des soutiens par courrier. Asa Gray convainc un éditeur aux États-Unis de payer des droits d'auteur, et Darwin fait venir et distribue la brochure de Gray qui montre que la sélection naturelle n'est nullement incompatible avec la théologie naturelle. En Grande-Bretagne, ses amis, y compris Hooker et Lyell, prennent part aux discussions scientifiques qu'Huxley mène avec rage pour briser la domination de l'Église, incarnée par Owen, en faveur d'une nouvelle génération de professionnels de la science. Owen commet en effet l'erreur d'invoquer certaines différences anatomiques entre le cerveau du singe et le cerveau humain, et accuse Huxley de soutenir que l'homme descend du singe. Huxley est heureux de soutenir cette opinion et sa campagne, qui dure plus de deux ans, est une vraie catastrophe pour Owen et la vieille garde, qui se trouvent ainsi éliminés des débats. Les amis de Darwin forment alors le Club X. Ils l'aident à lui valoir l'honneur de la Médaille Copley que lui décerne la Royal Society en 1864
Si l'ouvrage Vestiges a déjà suscité dans le public le plus vaste intérêt, L'Origine des espèces est traduit dans un grand nombre de langues et connaît de nombreuses réimpressions, devenant un texte scientifique de base accessible aussi bien à une classe moyenne curieuse de cette nouveauté qu'aux simples travailleurs qui se pressent aux conférences d'Huxley. La théorie de Darwin40 correspond d'ailleurs aux différents mouvements sociaux de l'époque et elle devient un des fondements clés de la culture populaire par exemple, la chanson A lady fair of lineage high de William S. Gilbert et Arthur Sullivan interprétée par Princess Ida, qui décrit l'ascendance simiesque de l'homme, mais pas des femmes.

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#77 Charles Robert Darwin 2
Loriane Posté le : 17/04/2015 22:07
Descent of Man et dernières années

Malgré des rechutes continuelles pendant les vingt-deux dernières années de sa vie, Darwin continue son travail. Il publie un résumé de sa théorie mais les aspects les plus controversés de son grand livre restent incomplets, y compris la preuve explicite du fait que l'humanité descend d'animaux antérieurs à elle, et la recherche de causes possibles qui sont à la base du développement de la société et des capacités mentales de l'homme. Il doit encore expliquer des caractéristiques sans utilité évidente si ce n'est dans un but esthétique. Darwin continue par conséquent à faire des expériences, à chercher et à écrire.
Quand la fille de Darwin tombe malade, il suspend ses expériences sur les semences et les animaux domestiques pour l'accompagner au bord de la mer ; là il s'intéresse aux orchidées et il en résulte une étude révolutionnaire sur la façon dont la beauté des fleurs sert à assurer la pollinisation par les insectes et à garantir une fertilisation avec croisement. Comme avec les balanes, les parties homologues remplissent des fonctions différentes chez les diverses espèces. De retour chez lui, il retrouve son lit de malade dans une pièce que remplissent ses expériences sur les plantes grimpantes. Il reçoit la visite d'Ernst Haeckel, un de ses admirateurs et qui a propagé sa théorie en Allemagne. Wallace continue aussi à le soutenir, bien qu'il verse de plus en plus dans le spiritisme.
De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication 1868 constitue la première partie du grand livre que Darwin projette d'écrire. Il travaille alors au développement du résumé qu'il a publié sous le titre L'Origine des espèces. Cette première partie s'agrandit jusqu'à devenir deux gros volumes, le forçant à laisser de côté l'évolution humaine et la sélection sexuelle. Elle se vend bien malgré sa taille.
Dans ce livre, Darwin continue à soutenir qu'une des causes de l'évolution est l'effet de l'usage et du non-usage, théorie déjà exposée par Lamarck qu'on appela plus tard transmission ou hérédité des caractères acquis. Il s'efforce maintenant de donner une explication théorique de l'hérédité des caractères acquis à l'aide de l'hypothèse de la pangenèse. Un livre supplémentaire de démonstrations, qui traite dans le même style de la sélection naturelle, est écrit en grande partie, mais reste inédit jusqu'à ce qu'il soit transcrit en 1975.
La question de l'évolution humaine a été soulevée par ses partisans et ses détracteurs peu de temps après la publication de L'Origine des espèces, mais la contribution propre de Darwin sur ce sujet apparaît plus de dix ans plus tard avec l'ouvrage en deux volumes La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, publié en 1871. Dans le deuxième volume, Darwin délivre en toutes lettres sa conception de la sélection sexuelle pour expliquer l'évolution de la culture humaine, les différences entre les sexes chez l'homme et la différenciation des races humaines, aussi bien que la beauté du plumage chez les oiseaux, lequel ne semble pas, selon lui, le résultat d'une adaptation. L'année suivante Darwin publie son dernier travail important, L'Expression des émotions chez l'homme et les animaux, consacré à l'évolution de la psychologie humaine et sa proximité avec le comportement des animaux. Il développe ses idées selon lesquelles chez l'homme l'esprit et les cultures sont élaborés par la sélection naturelle et sexuelle, conception qui a connu une nouvelle jeunesse à la fin du XXe siècle avec l'émergence de la psychologie évolutionniste. Comme il conclut dans La Filiation de l'Homme, Darwin estime qu'en dépit de toutes les qualités nobles de l'humanité, et des pouvoirs qu'elle avait développés, L'homme porte toujours dans sa constitution physique le sceau ineffaçable de son humble origine. Ses expériences et ses recherches concernant l'évolution trouvent leur conclusion dans des ouvrages sur le mouvement des plantes grimpantes, les plantes insectivores, les effets des croisements des plantes et leur auto-fertilisation, les différentes formes de fleurs sur des plantes de la même espèce, toutes recherches publiées dans La Capacité des plantes à se mouvoir. Dans ce dernier livre, il revient également à l'influence des lombrics sur la formation des sol.
Charles Darwin meurt à Downe, dans le Kent, le 19 avril 1882. Il a demandé à être enterré au cimetière St. Mary à Downe, mais sur les instances des collègues de Darwin, et notamment William Spottiswoode, président de la Société royale qui intervient pour qu'il reçoive des funérailles officielles, il est enterré dans l'Abbaye de Westminster, près de l'astronome John Herschel et du physicien Isaac Newton.

Enfants de Darwin

Darwin en 1842 avec son fils aîné, William Erasmus Darwin.
Les enfants de Darwin
William Erasmus Darwin 27 décembre 1839–1914
Anne Elizabeth Darwin 2 mars 1841–22 avril 1851
Mary Eleanor Darwin 23 septembre 1842–16 octobre 1842
Henrietta Emma Etty Darwin 25 septembre 1843–1929
George Howard Darwin 9 juillet 1845–7 décembre 1912
Elizabeth Bessy Darwin 8 juillet 1847–1926
Francis Darwin 16 août 1848–19 septembre 1925
Leonard Darwin 15 janvier 1850–26 mars 1943
Horace Darwin 13 mai 1851–29 septembre 1928
Charles Waring Darwin 6 décembre 1856–28 juin 1858
Les Darwin eurent dix enfants : deux moururent en bas âge, et la disparition d'Annie, alors qu'elle n'avait que dix ans, affecta profondément ses parents. Charles était un père dévoué et très attentif envers ses enfants. Chaque fois qu'ils tombaient malades, il craignait que ce soit dû à la consanguinité, puisqu'il avait épousé sa cousine, Emma Wedgwood. Il se pencha sur cette question dans ses écrits, mettant en opposition les avantages des croisements chez beaucoup d'organismes. Malgré ses craintes, la plupart des enfants qui survécurent firent des carrières remarquables, se distinguant même à l'intérieur de la famille Darwin-Wedgwood, déjà composée d'esprits fort brillants.
Parmi eux, George, Francis et Horace devinrent membres de la Royal Society, se signalant respectivement comme astronome, botaniste et ingénieur civil. Son fils Leonard fut militaire, politicien, économiste. Partisan de l'eugénisme, il eut comme disciple Sir Ronald Aylmer Fisher 1890-1962, statisticien et biologiste de l'évolution.

Conceptions religieuses et Opinion de Charles Darwin sur la religion.

La mort de sa fille, Annie, en 1851, fut l'événement qui écarta Darwin, déjà en proie au doute, de la foi en un Dieu bienfaisant.
Bien que sa famille fût en majorité non-conformiste et que son père, son grand-père et son frère fussent libres-penseurs, au début, Darwin ne doutait pas de la vérité littérale de la Bible. En ce sens, l'œuvre de Darwin et sa postérité s'inscrivent plus précisément encore dans le cadre de l'époque victorienne. Il avait fréquenté une école de l'Église d'Angleterre, puis étudié la théologie anglicane à Cambridge pour embrasser une carrière ecclésiastique. Il avait été convaincu par l'argument téléologique de William Paley qui voyait dans la nature un dessein prouvant l'existence de Dieu ; cependant au cours du voyage du Beagle Darwin se demanda, par exemple, pourquoi de superbes créatures avaient été faites au fond des océans là où personne ne pourrait les voir, ou comment il était possible de concilier la conception de Paley d'un dessein bienveillant avec la guêpe ichneumon qui paralyse des chenilles pour les donner à ses œufs comme des aliments vivants. Il restait tout à fait orthodoxe et citait volontiers la Bible comme une autorité dans le domaine de la morale, mais ne croyait plus à l'historicité de l'Ancien Testament.
Alors qu'il menait ses recherches sur la transformation des espèces Darwin savait que ses amis naturalistes y voyaient une hérésie abominable qui mettait en péril les justifications miraculeuses sur lesquelles était fondé l'ordre social ; sa théorie ressemblait alors aux arguments radicaux qu'utilisaient les dissidents et les athées pour attaquer la position privilégiée de l'Église d'Angleterre en tant qu'Église établie. Bien que Darwin eût écrit que la religion était une stratégie tribale de survivance, il croyait cependant toujours que Dieu était le législateur suprême. Cette conviction fut peu à peu ébranlée et, avec la mort de sa fille Annie en 1851, il finit par perdre toute foi dans le christianisme. Il continua à aider son église locale pour le travail paroissial, mais le dimanche il allait se promener pendant que sa famille se rendait à l'église. Désormais, il jugeait préférable de regarder la douleur et les souffrances comme le résultat de lois générales plutôt que d'une intervention directe de Dieu. Interrogé sur ses conceptions religieuses, il écrivit qu'il n'avait jamais été un athée dans le sens où il aurait nié l'existence de Dieu mais que, de façon générale, c'est l'agnosticisme qui décrirait de la façon la plus exacte son état d'esprit.
Le Récit de Lady Hope, publié en 1915, soutenait que Darwin était revenu au christianisme au cours de sa dernière maladie. Une telle affirmation a été démentie par ses enfants et les historiens l'ont également écartée. Sa fille, Henrietta, qui était à son lit de mort, a en effet dit que son père n'était pas retourné au christianisme. Ses derniers mots ont été en réalité adressés à Emma : Rappelez-vous la bonne épouse que vous avez été.

Darwinisme Théorie de la sélection naturelle : histoire de l'expression

Si la théorie du transformisme de Lamarck a ouvert la voie, la révolution évolutionniste est arrivée avec Charles Darwin et son ouvrage De l'origine des espèces 1859 dans lequel deux grandes idées, appuyées par des faits, émergent : l'unité et la diversité du vivant s'expliquent par l'évolution, et le moteur de l'évolution adaptative est la sélection naturelle. Un manuscrit inachevé de 1856-1858 permet d'attirer l'attention sur le fait que la théorie de la sélection naturelle telle qu'exposée dans De l'Origine des Espèces n'était pour Darwin qu'un résumé provisoire de ses vues. Darwin avait en effet projeté d'écrire trois volumes l'un sur les variations des espèces domestiques, un second sur celles à l'état de nature et un dernier consacré à la sélection naturelle générale. La crainte de perdre la paternité de sa découverte au profit de Alfred Wallace poussa Darwin à ne publier que ses écrits provisoires et partiels. En effet, seul le premier parut, en 1868, dans De l'Origine des Espèces, accompagné de réponses à d'éventuelles critiques sur divers sujets. Cependant, Darwin n'utilise pas le mot évolution dans son œuvre, puisque ce terme n'est introduit que dans les années 1870 explique Stephen Jay Gould. Par ailleurs, beaucoup d'historiens voient dans l'Origine des espèces une des sources principales de l'écologie moderne ... C'est l'interprétation proposée en 1957 par Robert Stauffer. L'évolution et ses mécanismes sont encore largement étudiés aujourd'hui ; en effet, de nombreux points, déjà soulevés par Charles Darwin, sur les mécanismes de l'évolution ne sont pas encore éclaircis. Par ailleurs le darwinisme a dès ses débuts souffert d'un amalgame avec l'évolutionnisme : Du vivant même de Darwin, vingt ans après la parution de De l'Origine des Espèces, le terme darwinisme était pratiquement devenu synonyme d'évolutionnisme, renvoyant à un évolutionnisme finalisé et universalisant, dilué dans la notion de progrès linéaire et de plus en plus fondé sur la notion d'hérédité des caractères acquis. Cette divergence tient des apports de Weismann et de Wallace, puis de la redécouverte des lois de Mendel en 1900. Enfin, De nos jours encore, l'usage des termes demeure ambigu. Pour les biologistes contemporains, le darwinisme désigne essentiellement — mais pas toujours — la théorie de la sélection naturelle, et dès la fin du XIXe siècle s'esquissent des théories de l'évolution regroupées sous le terme — d'abord péjoratif — de néo-darwinisme.

Postulats de la théorie de l'Évolution De l'origine des espèces.

Dans son livre De l'origine des espèces, Darwin expose une théorie selon laquelle, étant donné que tous les individus d'une espèce diffèrent au moins légèrement, et que seule une partie de ces individus réussit à se reproduire, seuls les descendants des individus les mieux adaptés à leur environnement participeront à la génération suivante. Ainsi, comme les individus sélectionnés transmettent leurs caractères à leur descendance, les espèces évoluent et s'adaptent en permanence à leur environnement. Il baptise du nom de sélection naturelle cette sélection des individus les mieux adaptés ; en effet Darwin n'utilise jamais le terme d'évolution. Ainsi, de façon sommaire, la sélection naturelle désigne le fait que les traits qui favorisent la survie et la reproduction voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre ; elle repose sur trois principes : le principe de variation, qui explique que les individus diffèrent les uns des autres, le principe d'adaptation les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage et le principe d'hérédité, enfin, qui pose que les caractéristiques avantageuses dans une espèce doivent être héréditaires. Darwin évoque également une lutte pour l'existence, principe qui permet d'expliquer pourquoi les variations d'un individu ou d'une espèce tend à la préservation de cet individu ou de cette espèce, tout en permettant la transmission héréditaire de cette variation. L'idée de Darwin englobe à la fois l'idée de compétition et de solidarité. Darwin y adjoint par la suite une sélection sexuelle, résultat d'une lutte pour la vie entre mâles pour la possession des femelles, puis un principe de divergence qui explique notamment l'extinction des espèces.

Historique des critiques des théories de l'évolution de Darwin

Les critiques à l'encontre de Darwin et de sa théorie sont de trois ordres : les critiques politiques, sociales et philosophiques ; les critiques scientifiques avec Rémy Chauvin, Pierre-Paul Grassé ou Étienne Rabaud ; et les critiques religieuses, avec le créationnisme et l'Église catholique romaine.
En 1910, le sociologue Jacques Novicow publie La critique du darwinisme social, qui contient une critique du darwinisme sur le plan biologique et une critique de l'usage qui est fait du darwinisme dans la sociologie. Une critique d'ordre politique provient de Karl Marx et de Friedrich Engels qui dans leur correspondance notent l'analogie entre le principe de la sélection naturelle et le fonctionnement du marché capitaliste. Mais ils ne développeront pas plus avant cette critique, aujourd'hui reprise et étoffée par l'historien des sciences André Pichot dans son ouvrage publié en 2008. Karl Marx cite l'Origine des Espèces dans le Capital et y note l'analogie et la distinction entre l'histoire de la technologie naturelle et l'histoire de la formation des organes productifs de l'homme social.

La critique scientifique prend diverses formes.

Le néo-lamarckien Étienne Rabaud critique de manière assez radicale la notion d'adaptation, en montrant que la sélection naturelle ne retient pas le plus apte, mais élimine seulement les organismes dont l'équilibre des échanges est déficitaire. Pour Rémy Chauvin dans Le Darwinisme ou la fin d’un mythe. L’esprit et la matière le darwinisme s'apparente à une secte prônant un athéisme obtus, aux postulats scientifiques contestables.
Mais c'est surtout le problème du chaînon manquant de la lignée humaine un être qui serait intermédiaire entre le singe et l'homme qui a longtemps été employé contre la théorie de l'évolution.

Théorie synthétique de l'évolution

La découverte des lois de Mendel et de la génétique au début du XXe siècle bouleverse la compréhension des mécanismes de l'évolution et donne naissance à la Théorie synthétique de l'évolution ou evolutionary synthesis, fondée par Ernst Mayr. Cette théorie est une combinaison de la théorie de la sélection naturelle proposée par Darwin et de la génétique mendélienne. Elle est à l'origine de nouvelles méthodes dans l'étude de l'évolution, comme la génétique des populations permise par Sewall Wright puis par Theodosius Dobzhansky Genetics and the Origin of Species, 1937 par exemple. La Sélection n'est dès lors plus seulement un processus d'élimination ni même un mécanisme de changement mais elle peut aussi maintenir la stabilité des populations par des « procès d'équilibration. Les découvertes les plus récentes confortent ainsi l'idée de l'existence d'une très grande fréquence des variations, même si, remarque Daniel Becquemont, cette théorie synthétique pose autant de problèmes que la théorie de Darwin en son temps.

Continuateurs de Darwin Trois versions du darwinisme

Plusieurs courants se rattachant au darwinisme apparurent dans le sillage des découvertes de Darwin. D'un côté la pensée de Darwin fut définitivement rejetée, de l'autre elle a été approfondie mais aussi transformée, note Daniel Becquemont. Si l'on excepte les interprétations politiques comme celles de Francis Galton ou de Weldon, trois disciples de Darwin développèrent sa théorie dans des sens différents en fonction des nouveaux apports de la science biologique ; tous trois peuvent se réclamer légitimement de l'héritage darwinien.
Avec le biologiste allemand August Weismann 1834-1914 tout d'abord le darwinisme se rénove, au travers de sa théorie de la sélection germinale et qui soutient qu'il se produit une sorte de sélection au niveau des éléments constituants du plasma germinatif, qui entrent alors en concurrence. Weisman permit une distinction fondamentale entre les variations non transmissibles du phénotype et les variations génotypiques, seules sources de l'évolution. Alfred Russel Wallace 1823-1913 publie en 1895 un traité complet consacré au darwinisme dont l'essentiel de la démonstration très proche de celle de Darwin, est consacrée à l'illustration de la validité de la théorie de la sélection naturelle, concernant la couleur et les caractères sexuels secondaires. Sur ce point, selon Daniel Becquemont Wallace se montre plus darwinien que Darwin, puisque ce dernier n'a jamais voulu reconnaître que ces caractères obéissent également à la loi de la sélection naturelle. Néanmoins il s'en écarte par son soutien à l'idée que la notion d'utilité régit la sélection naturelle. Wallace vécut dans l'ombre de Darwin, même s'il fut le codécouvreur de la théorie de la sélection naturelle. Pourtant il en développa la portée et les contours, si bien que de nombreuses critiques, dont celle d'un partisan de l'orthodoxie darwinienne comme George John Romanes 1848-1894, lui attachent le surnom de père du néo-darwinisme. Ce dernier réfute la notion d'utilité en biologie, expliquant que la sélection naturelle n'est jamais parfaite mais procède d'adaptations temporaires. Il défend ainsi principalement la notion d'hérédité des caractères acquis.

Héritage de Darwin au XXe siècle

C'est avec la redécouverte des travaux de Gregor Mendel en 1900, par plusieurs naturalistes que se prolonge l'apport de Darwin, notamment dans son rapprochement de la génétique. Les premières théories mutationnistes apparaissent alors, avec Hugo De Vries et Wilhelm Johannsen, puis avec Thomas Hunt Morgan, Fritz Müller et Alfred Sturtevant. Le darwinisme se scinda dès lors en deux courants, l'un lié à la génétique et un autre, plus traditionnel et naturaliste. Le premier voyait l'évolution en termes de pression de mutation alors que le second raisonnait par spéciation et adaptation.
Stephen Jay Gould est un paléontologue américain qui a beaucoup œuvré à la vulgarisation de la théorie de l'évolution en biologie et à l'histoire des sciences depuis Darwin. Il a formulé la théorie des équilibres ponctués, selon laquelle les transitions évolutives entre les espèces au cours de l'évolution se font brutalement et non graduellement. Par la suite, il en viendra à insister sur le rôle du hasard dans l'évolution la contingence, contre la vision adaptationniste naïve qu'il critique. Il a aussi mené la campagne contre les créationnistes, avec le procès visant à démontrer que la science de ces derniers, principalement représentée par le dessein intelligent, en anglais intelligent design, ne répondait pas aux critères fondamentaux de la méthode scientifique, et n'était qu'un moyen détourné de contourner la loi afin d'imposer l'enseignement du créationnisme à l'école en lui donnant un visage pseudo-scientifique. Gould a travaillé avec un autre défenseur et continuateur de Darwin, Niles Eldredge, auteur de Darwin : Discovering the Tree of Life.
Richard Dawkins, éthologiste britannique et vulgarisateur et théoricien de l'évolution est enfin le principal défenseur de l'héritage darwinien au XXe siècle, et en particulier face à la théorie du dessein intelligent. Il prolonge le darwinisme dans le champ de la génétique avec son concept de gène égoïste en soutenant que mettre au centre de l'évolution le gène est une meilleure description de la sélection naturelle et que la sélection au niveau des organismes et des populations ne l'emporte jamais sur la sélection par les gènes. Par ailleurs sa mémétique développe l'idée que les gènes ont un équivalent culturel, les mèmes. Sa théorie est toutefois très réductionniste, comparée à celle de Darwin, au sens où le véritable sujet de l'histoire, ce sont les gènes, les organismes n'étant que des supports de transition. Chez Darwin la conception de la nature est beaucoup plus riche, l'évolution n'en est que l'un des aspects, l'extrême diversité des relations entre organismes en est un autre, et les individus vivent leur histoire en tant que tels.

Interprétations politiques

Les écrits et les théories de Darwin, combinés avec les découvertes génétiques de Gregor Mendel 1822-1884 la Théorie synthétique de l'évolution, sont considérés comme formant la base de toute la biologie moderne. Cependant, la renommée et la popularité de Darwin ont conduit à associer son nom à des idées et des mouvements qui n'entretiennent qu’une relation indirecte à son œuvre, voire sont à l’opposé de ses convictions.
Il faut dire qu'il est arrivé au moins une fois à Darwin d'exprimer des idées racistes et de les mettre en relation avec sa théorie. Ainsi, dans le passage suivant, il considère le Noir et l'aborigène australien comme plus proches du gorille que le Caucasien : Dans un avenir pas très lointain si on compte par siècles, les races humaines civilisées vont certainement exterminer les races sauvages et prendre leur place à travers le monde. En même temps, comme l'a remarqué le Professeur Schaaffhausen, les singes anthropomorphes seront sans aucun doute exterminés. Le fossé entre l'homme et ses plus proches alliés sera alors plus large, car il séparera d'une part l'homme arrivé à un état plus civilisé, pouvons-nous espérer, que le Caucasien lui-même, et d'autre part quelque singe aussi inférieur que le babouin, au lieu de passer comme aujourd'hui entre le nègre ou l'aborigène australien d'une part et le gorille d'autre part.

Eugénisme

À la suite de la publication par Darwin de son ouvrage principal, De l'Origine des Espèces, son cousin Francis Galton appliqua ses conceptions à la société humaine, commençant en 1865 à promouvoir l'idée de l'amélioration héréditaire, d'abord dans l'essai Hereditary talent and character de 1865, puis dans Hereditary genius: an inquiry into its laws and consequences, dans lequel il élabore sa théorie de façon détaillée en 1869, vision biométrique du darwinisme. Dans La Filiation de l'homme et la sélection liée au sexe, Darwin convient que Galton ait démontré qu'il était probable que le talent et le génie chez l'homme fussent héréditaires, mais il juge trop utopiques les changements sociaux que proposait Galton. Ni Galton ni Darwin ne soutenaient cependant une intervention gouvernementale, et ils pensaient que, tout au plus, l'hérédité devrait être prise en considération par les individus dans la recherche de partenaires. En 1883, après la mort de Darwin, Galton commença à appeler eugénisme sa philosophie sociale. Au XXe siècle, les mouvements eugénistes négatifs devinrent populaires dans un certain nombre de pays protestants, et participèrent aux programmes destinés à bloquer la reproduction tels que ceux de stérilisation contrainte aux États-Unis. Leur usage par l'Allemagne nazie dans ses objectifs de pureté raciale fit tomber ces méthodes en disgrâce.

Darwinisme social

On retient généralement que Herbert Spencer a appliqué les thèses évolutionnistes et la notion de survie du plus apte à la société humaine. Friedrich Hayek a contesté le sens dans lequel les idées évolutionnistes se sont diffusées. Selon lui, c'est de la sociologie et de l'économie que vient l'évolutionnisme, et non de la biologie. Il est, d'ailleurs, établi que Darwin a été influencé par l'économiste Thomas Malthus. Les idées qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de darwinisme social sont devenues populaires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, au point d'être utilisées pour défendre différentes perspectives idéologiques, parfois contradictoires, y compris l'économie du laissez-faire, le colonialisme, le racisme ou encore l'impérialisme. Le terme de darwinisme social date des années 1890, mais il est devenu courant en tant que terme polémique au cours des années 1940, quand Richard Hofstadter a critiqué le conservatisme du laissez-faire. Suivant les auteurs, le darwinisme social est alors le principe qui motive l'application de politiques conservatrices ou bien le dessein que prêtent les opposants des conservateurs à ceux-ci pour les discréditer. Il est finalement appliqué à des progressistes qui intègrent la volonté humaine comme facteur de l'évolution. Ces concepts préexistaient à la publication par Darwin de L'Origine en 1859, puisque Malthus était mort en 1834 et que Spencer avait publié en 1851 ses livres sur l'économie et en 1855 ses livres sur l'évolution. Darwin lui-même insistait pour que la politique sociale n'obéît pas simplement aux concepts de lutte et de sélection dans la nature, et pensait que la sympathie devait s'étendre à toutes les races et toutes les nations. Héritière du darwinisme social, la sociobiologie est une approche née aux États-Unis à partir de 1975 sous l'impulsion d'Edward O. Wilson, professeur de zoologie à Harvard. Dans Sociobiology, the new synthesis, Wilson explique que les êtres vivants sont en perpétuelle compétition pour essayer d'améliorer leur situation, et qu'ainsi l'éthologie animale est conditionnée par la sélection naturelle. Selon Patrick Tort, fondateur de l'Institut Charles Darwin International, ces théories pseudo-scientifiques utilisent à leurs propres fins les postulats darwiniens, les détournant ainsi de leur cadre épistémologique.

Commémorations

Darwin en 1880.
Durant la vie de Darwin, de nombreuses espèces ainsi que des toponymes lui ont été dédiés. Ainsi, le prolongement occidental du canal Beagle qui relie ce dernier à l’océan Pacifique, le canal de Darwin, porte son nom. C’est le capitaine FitzRoy qui le lui a dédié après une action de Darwin : parti avec deux ou trois marins, il a le réflexe de les conduire sur le rivage lorsqu’il voit un pan d’un glacier s’effondrer dans la mer et provoquer une forte vague, celle-ci aurait probablement balayé leur embarcation. Le mont Darwin lui a été dédié lors de son 25e anniversaire. Lorsque le Beagle était en Australie en 1839, John Lort Stokes, ami de Darwin, a découvert un port naturel que le capitaine de vaisseau John Clements Wickham a baptisé du nom de Port Darwiw. La colonie de Palmerston, fondée en 1869, fut rebaptisée Darwin en 1911. Elle est devenue la capitale du Territoire du Nord de l’Australie. Cette ville s’enorgueillit de posséder une université Charles-Darwin et un parc national Charles Darwin. Enfin, le Darwin College de l’université de Cambridge, fondé en 1964, a été baptisé ainsi en l’honneur de la famille Darwin, en partie parce qu’elle possédait une partie des terrains sur lesquels il était bâti.
Les 14 espèces de pinsons qu’il avait découvertes dans les îles Galápagos ont été surnommées les pinsons de Darwin et certains taxons commémorent également le nom du scientifique, comme Wallacea darwini, décrite par G. F. Hill en 1919 et faisant également référence à Alfred Wallace95 ou Hamitermes darwini décrite par le même auteur en 1922. En 2000, une image de Darwin a été utilisée par la banque d'Angleterre pour le billet de dix livres sterling en remplacement de l’image de Charles Dickens. L'année 2009 est une année particulière pour commémorer la mémoire de la naissance de Charles Darwin, il y a 200 ans et la publication de L'Origine des espèces il y a 150 ans, en 1859. Plusieurs activités à travers le monde sont prévues. Une pièce de deux livres commémorant la naissance de Darwin et l'ouvrage De l'Origine des espèces a été frappée en 2009. Enfin la médaille Darwin est attribuée par la Royal Society un an sur deux à un biologiste ou à un couple de biologistes. Cette récompense vise à distinguer des recherches dans un domaine de la biologie sur lequel Charles Darwin a travaillé.
En 1935, l'union astronomique internationale a donné le nom de Darwin à un cratère lunaire. Il existe également un cratère sur la planète Mars qui porte le nom de Darwin.

Influence de Darwin et de sa théorie dans la société

Le film Le Cauchemar de Darwin 2004 est un documentaire sur la disparition de la biodiversité dans le lac Victoria, objet de polémique. Après Darwin et la révolution scientifique qui en a suivi, l'évolution s'est propagée dans la culture populaire. Précurseur de la science-fiction moderne, l'écrivain H. G. Wells a été très marqué par les travaux de Darwin dont il s'est inspiré pour écrire son œuvre et notamment La Machine à explorer le temps et La Guerre des mondes. Dans la culture populaire, l'histoire du comic X-Men est basée sur l'évolution de l'homme qui octroie des super-pouvoirs à une part croissante de l'humanité. L'un des mutants de ce comic est d'ailleurs surnommé Darwin en raison de sa capacité à s'adapter à son environnement. Les jeux vidéo SimLife et Spore sont des simulateurs de vie fondés sur les lois du darwinisme. Le pastafarisme ou Flying Spaghetti Monsterism parodie la création de l'homme par les pâtes célestes alors que le Darwin Awards est le prix humoristique destiné à ceux qui, victimes d'accidents mortels dus à leur inconséquence, retirent ainsi aimablement leurs gènes de la circulation.

Chronologie

Statue de Charles Darwin au Natural History Museum de Londres élevée par Sir Joseph Boehm en 1885.
1809 : Naissance de Charles Darwin à Shrewsbury en Angleterre, fils de Robert Waring Darwin et Susannah Wedgwood.
1831 : Le 27 décembre il embarque sur le Beagle sous le commandement du capitaine Robert FitzRoy et part pour cinq ans pour un voyage autour du monde.
1836 : Le Beagle revient de son long périple le 2 octobre. Darwin s'installe à Londres.
1839 : Il épouse en janvier sa cousine, Emma Wedgwood.
1842 : Lui et sa famille emménagent à Down House dans le Kent.
1859 : Il publie L'Origine des espèces.
1882 : Charles Darwin meurt le 19 avril, à l'âge de 73 ans, à Down House.

Œuvres de Charles Darwin Œuvres principales

Journal of Researches into the Geology and Natural History of the Various Countries by H.M.S. Beagle, Londres, Henry Colburn, 1839, 614 pp. [2e édition : 1845 ; 167 éditions et tirages en langue anglaise jusqu’en 1972
The Structure and Distribution of Coral Reefs. Being the First of the Geology of the Voyage of the Beagle, under the Command of Capt. Fitzroy, during the Years 1832 to 1836, Londres, Smith, Elder and Co., 1842. [2e édition : 1874 ; 3e édition : 1889
Geological Observations on the Volcanic Islands Visited during the Voyage of H.M.S. Beagle, together with some Brief Notices of the Geology of Australia and the Cape of Good Hope, Londres, Smith, Elder and Co., 1844. [2e édition : 1876 ; 3e : 1891
Geological Observations on South America, Londres, Smith, Elder and Co., 1846.
Geological Observations on Coral Reefs, Volcanic Islands and on South America, Londres, Smith, Elder and Co., 1851. Reprise des textes de 1842, 1844 et 1846. Rééditions souvent abrégées.
A Monograph of the Sub-Class Cirripedia, with Figures of all the Species, vol. I : The Lepadidae, Londres, The Ray Society, 1851.
A Monograph of the FossIl Lepadidae, or Pedunculated Cirripedes of Great Britain, vol. II, The Balanidae or Sessile Cirripedes, Londres, The Ray Society, 1854.
« On the Tendency of Species to Form Varieties, and on the Perpetuation of Varieties by Natural Means of Selection avec A.R. Wallace in Journal of Proceedings of the Linnean Society of London Zoology, vol. III, no 9, 1er juillet 1858, pp. 1–62.
On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life, Londres, John Murray, 24 novembre 1859.
On the Various Contrivances by which British and Foreign Orchids are Fertilised by Insects, and on the Good Effects of Intercrossing, Londres, John Murray, 1862, 2e éd. : 1877, consultable en ligne
On the Movements and Habits of Climbing Plants, Londres, Longman, 1865. 2e éd. : 1875
Queries about Expression, 1867. Article publié par R.B. Freeman et P. J. Gautrey, Charles Darwin’s Queries about Expression in Bulletin of the British Museum of Natural History, vol. 4, 1972, pp. 205–219.
The Variation of Animals and Plants under Domestication, Londres, John Murray, 2 volumes, 1868. 2e éd. : 1875 Traduction De la variation des animaux et des plantes à l'état domestique, C. Reinwald Paris, 1880. Disponible en ligne sur IRIS
The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex, Londres, John Murray, 2 volumes, 1871. 2e éd. : 1874 avec une note additionnelle de Th. Huxley
« Pangenesis » in Nature, vol. 3, 27 avril 1871, Proceedings of the Royal Society, vol. 19, pp. 393–410.
The Expression of the Emotions in Man and Animals, Londres, John Murray, 1872. 2e éd. : par Francis Darwin en 1890.
« Origin of Certain Instincts » in Nature, vol. 7, 3 avril 1873, pp. 417–418.
Insectivorous Plants, Londres, John Murray, 1875. 2e éd. : 1888, revue par Francis Darwin
The Effects of Cross and Self-Fertilisation in the Vegetable Kingdom, Londres, John Murray, 1876. 2e éd. : 1878
« Report of the Royal Commission on the Pratice of Subjecting Live Animals to Experiments for Scientific Purposes, Londres, Her Majesty’s Stationery Office, 1876, pp. 234, 4662-4672.
The Different Forms of Flowers on Plants of the Same Species, Londres, John Murray, 9 juillet 1877. 2e éd. : 1878 ; 3e éd. : 1880, avec une préface de Francis Darwin
« A Biographical Sketch of an Infant », Mind, vol. 2, juillet 1877, pp. 285–294. Trad. française dans la Revue scientifique, vol. 13, 1877, pp. 25–29
« Preliminary Notice », in E. Krause, Erasmus Darwin, Londres, John Murray ouvrage traduit de l’allemand, 1879.
The Power of Movement in Plants en collaboration avec Francis Darwin, Londres, John Murray, 1880.
The Formation of Vegetable Mould, through the Action of Worms, with Observations on their Habits, Londres, John Murray, 10 octobre 1881.
The Action of Carbonate of Ammonia on Chlorophyll Bodies in Journal of the Linnean Society of London, vol. 19, 1882, pp. 262–284. Communication lue par Francis Darwin le 6 mars et le 28 août 1882.

Œuvres posthumes

« Préface » à A. Weismann, Studies in the Theory of Descent. With Notes and Additions by the Author, Londres, Sampson Low, 1882, pp. V-VI.
« Préface » à Hermann Müller, The Fertilisation of Flowers, Londres, Macmillan, 1883, pp. VII-X.
« Essay on Instinct », in G.J. Romanes, Mental Evolution in Animals. With a Posthumous Essay on Instinct by Charles Darwin, Londres, Kegan Paul, 1883, pp. 355–384.
L'évolution mentale chez les animaux / par George John Romanes ; suivi d'un Essai posthume sur l'instinct / par Charles Darwin ; trad. française par le docteur Henry C. de Varigny, Paris, C. Reinwald,‎ 1884
Francis Darwin éd., The Life and Letters of Charles Darwin, including an Autobiographical Chapter, Londres, John Murray, 2 volumes, 1887. [Traduction française de l’Autobiographie, incomplète, Paris, Belin, 1985
La vie et la correspondance de Charles Darwin. Tome premier / avec un chapitre autobiographique publiés par son fils Francis Darwin ; traduit de l'anglais par Henry C. de Varigny, Paris, C. Reinwald,‎ 1888
La vie et la correspondance de Charles Darwin. Tome second / avec un chapitre autobiographique publiés par son fils Francis Darwin ; traduit de l'anglais par Henry C. de Varigny, Paris, C. Reinwald,‎ 1888
More Letters of Charles Darwin, Londres, John Murray, 1903, 2 volumes.
F. Darwin et A.C. Seward, Emma Darwin, Wife of Charles Darwin. À Century of Family Letters, Cambridge University Press, 1904.
Francis gélinas, The Foundations of the ‘Origin of Species’. Two Essays written in 1842 and 1844, Cambridge University Press, 1909. Trad. partielle en français La Renaissance du Livre, 1925, rééditée en 1992 sous le titre : Ébauche de l’Origine des espèces essai de 1844, Presses universitaires de Lille.
‘Beagle’ Diary : Charles Darwin’s Diary of the Voyage of H.M.S. Beagle, ed. by Nora Barlow, Cambridge University Press, 1933.
The Autobiography of Charles Darwin, with Original Omissions Restored, ed. by Nora Barlow, Londres, Collins, 1958.
Darwin’s Journal, ed. by Sir Gavin De Beer, Bulletin of the British Museum, 1959, 2, pp. 1-21.
Charles Darwin’s Notebooks, 1836-1844. Geology, transmutation of species, metaphysical enquiries, British Museum of Natural History, Cambridge University Press, 1987.
M.A. Di Grigorio, N.W. Gill ettres choisies 1828-1859, introduction et édition française dirigée par Dominique Lecourt, Bayard, Paris, 200
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#78 Pierre Curie
Loriane Posté le : 17/04/2015 19:12
Le 19 avril 1906 à 46 ans meurt Pierre Curie

né à Paris 15 mai 1859 à Paris, physicien français. Il est principalement connu pour ses travaux en physique nucléaire, radioactivité, en magnétisme et en piézoélectricité. Lui et son épouse, Marie Curie, pionniers de l'étude des radiations, reçurent une moitié du prix Nobel de physique de 1903 l'autre moitié a été remise à Henri Becquerel en reconnaissance des services extraordinaires qu'ils ont rendus par leur effort conjoint de recherches sur les phénomènes des radiations découvertes par le professeur Henri Becquerel.

En bref

Dans l'histoire de la radioactivité, depuis sa découverte et pendant les soixante années qui suivirent, le nom des Curie s'inscrit au premier plan. Les plus éminents représentants de cette famille de savants français ont été Pierre Curie 1859-1906, sa femme Marie Curie née Sklodowska 1867-1934, leur fille Irène 1897-1956 devenue en 1926 la femme de Frédéric Joliot 1900-1958. Pierre Curie travaille en physique théorique dans les institutions, École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris et à la faculté des sciences de Paris. Il est diplômé de la Faculté des sciences de Paris, il est renommé pour ses travaux sur la radioactivité naturelle, sur le magnétisme, sur la piézoélectricité, et pour sa découverte du radium et du polonium avec son épouse Marie Curie. il reçoit en 1903 le prix Nobel de physique

Sa vie

Pierre Curie est le fils d'un médecin protestant, Eugène Curie 1827-1910 et de Sophie-Claire Depouilly 1832-1897. Il a un frère aîné, Jacques Curie 1856-1941, avec qui, il découvre la piézoélectricité.
Le grand-père de Pierre Curie, Paul Curie 1799-1853, docteur en médecine homéopathe, est un humaniste malthusien engagé et marié à Augustine Hofer, fille de Jean Hofer et arrière-petite-fille de Jean-Henri Dollfus, grands industriels mulhousiens de la seconde moitié du XVIIIe siècle et de la première partie du XIXe siècle. Par cette grand-mère paternelle, Pierre Curie se trouve également être un descendant en ligne directe du savant et mathématicien bâlois, Jean Bernoulli 1667-1748.
Pierre Curie ne fréquente ni l'école, ni le lycée, l'enseignement ne devenant obligatoire en France qu'à partir de 1881 lois Ferry. Son instruction est dès lors assurée par ses parents, puis par un ami de la famille, M. Bazille, qui lui enseigne les mathématiques élémentaires et spéciales, ce qui développe les capacités mentales de Pierre, qui a clairement un intérêt pour cette science. À 16 ans, en novembre 1875, il passe son baccalauréat en sciences.

Préparateur à la Faculté des sciences de Paris

Il s'inscrit à la Faculté des sciences de Paris et en novembre 1877 à 18 ans, il y passe brillamment sa licence en sciences physiques. Il prend ensuite en janvier 1878 le poste de préparateur-adjoint au laboratoire d'enseignement de la physique de Paul Desains, l'un des deux professeurs du cours de physique à la faculté. Il est nommé préparateur deux ans plus tard et mène une des premières études de rayonnement du corps noir.
Dans le laboratoire de Charles Friedel, Pierre Curie étudie, en collaboration avec son frère aîné Jacques, les propriétés des cristaux. En 1880, ils mettent en évidence l'effet piézoélectrique et étudient ses caractéristiques.

Professeur à l'École municipale de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris

Page couverture de Propriétés magnétiques des corps à diverses temperatures, thèse de Pierre Curie publiée en 1895.
En 1883, il devient préparateur puis chef de travaux dans la nouvelle École municipale de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris auprès du professeur Fernand Dommer. Il étudie l'effet piézoélectrique inverse et conçoit le dynamomètre piézoélectrique. Il entreprend une étude théorique de la symétrie en cristallographie et en physique. Dans sa thèse pour le doctorat ès sciences physiques, soutenue le 6 mars 1895 à la faculté des sciences de l'université de Paris, portant sur les propriétés magnétiques des corps à diverses températures, il énonce la loi de Curie et définit le point de Curie, température au-delà de laquelle certains matériaux perdent leurs propriétés magnétiques.
En mars 1895, Pierre Curie est nommé à un nouveau poste de professeur chargé de la partie théorique du cours d'électricité et magnétisme, au côté d'Édouard Hospitalier. Pierre Curie est responsable du laboratoire de physique de l'école de 1882 à sa mort et chargé de l'organisation de l'enseignement de la physique. En tant que professeur, il forme de nombreux physiciens dont André-Louis Debierne, Georges Urbain, Paul Delorme ou Paul Langevin avec lesquels il collabore au cours de ses recherches. Il se lie d'amitié avec le physicien suisse Charles Édouard Guillaume et avec Georges Sagnac, Paul Langevin, Jean Perrin et André-Louis Debierne qui deviennent des intimes de la famille Curie.
En 1895, Pierre Curie épouse une jeune polonaise, Maria Sklodowska, venue poursuivre ses études scientifiques à la faculté des sciences de Paris en 1892. Elle s'intéresse de près aux découvertes de Wilhelm Röntgen sur les rayons X et ceux d'Henri Becquerel, qui a découvert la radioactivité en 1896. Pierre Curie abandonne dès lors ses recherches sur le magnétisme et travaille avec sa femme sur l'uranium.
Grâce à un financement inespéré, ils font venir une tonne de pechblende de Joachimsthal, en Bohême, dans leur laboratoire de Paris. Par des étapes de raffinage précises et dangereuses, ils isolent successivement les sels radioactifs de la roche brute. En 1898, ils publient leurs premiers résultats et annoncent la découverte de deux nouveaux radio-éléments : le polonium et le radium. Ils utilisent pour la première fois le terme de radioactivité. Leur travail, y compris le fameux mémoire de doctorat de Marie, s'appuie sur un électromètre piézoélectrique précis construit par Pierre et son frère Jacques.
Pierre et André-Louis Debierne font la première découverte de l’énergie nucléaire, en identifiant l'émission continue de chaleur par des particules de radium. Il étudie également les émissions de substances radioactives par radiation et, en utilisant des champs magnétiques, il montre que certaines émissions sont chargées positivement radiations alpha, bêta+, d'autres négativement bêta-, et d'autres neutres radiations gamma.
Jusqu'en 1902, Pierre et Marie tentent d'extraire une quantité suffisante de radium pour en déterminer la masse atomique, tentative réussie en 1902. À la suite des résultats de cette recherche, Pierre et Marie reçoivent conjointement la moitié du prix Nobel de physique en 1903 en reconnaissance des extraordinaires services qu'ils ont rendus par leurs recherches communes sur les phénomènes de radiation découverts par le Professeur Henri Becquerel. Cette même année, ils sont tous deux lauréats de la Médaille Davy.

Professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris

Le 2 mars 1900, Pierre Curie est nommé répétiteur auxiliaire de physique à l'École polytechnique. Il démissionne en octobre suivant à la suite de sa nomination à la faculté des sciences de l'université de Paris comme chargé d'un cours complémentaire de physique pour l'enseignement au certificat d'études de physique, chimie et sciences naturelles année préparatoire aux études de médecine en octobre 1900, avec un traitement annuel de 6000 francs, en remplacement de Lucien Poincaré. En octobre 1904, après l'obtention du prix Nobel, il est nommé professeur titulaire d'une nouvelle chaire de physique générale à la faculté et obtient la construction d'un laboratoire dans la cour de l'annexe de la faculté dédiée au certificat PCN située 12 rue Cuvier. Marie Curie obtient en novembre 1904 le poste de chef de travaux de la chaire avec un traitement annuel de 2400 francs. Il est élu membre de l'Académie des sciences en 1905.
Le 19 avril 1906, avec Paul Langevin et Josef Kowalski, il participe chez Jean Perrin à une réunion de professeurs qu'il quitte à 14 heures pour se rendre à la librairie Gauthier-Villars, quai des Grands-Augustins, pour relire les épreuves de son dernier article. Arrivé à l'angle de la rue Dauphine, il veut traverser la chaussée pour gagner le quai Conti, mais glisse sur le macadam mouillé et tombe sous le cheval de gauche d'un camion hippomobile à quatre roues chargé de papier et meurt peu après.

Mariage de Pierre et de Marie Curie

La même année, il épouse Marie Skłodowska, qui sera, dès lors, associée à ses recherches. Celle-ci, fille d'un professeur de mathématiques et d'une institutrice de Varsovie, est venue à Paris en 1892 pour y poursuivre ses études scientifiques. Elle passe sa licence et est reçue en 1896 à l'agrégation des sciences physiques. Les deux époux mènent une vie très simple, de laquelle est exclue toute préoccupation mondaine et qu'ils consacrent entièrement au travail. Leur seule détente consiste en longues randonnées à bicyclette à la campagne.

Pierre et Marie Curie sont les parents de deux filles :

Irène Joliot-Curie, qui reçoit, comme ses parents, le prix Nobel de chimie en 1935 avec son époux, Frédéric Joliot-Curie pour leurs travaux sur la radioactivité artificielle ;
Ève Curie, qui écrit une biographie mondialement connue de sa mère, et qui épouse Henry Labouisse qui, en sa qualité de directeur exécutif de l'UNICEF, reçoit le prix Nobel de la paix attribué à cette organisation en 1965.
Le 20 avril 1995, ses cendres et celles de sa femme sont transférées du cimetière familial de Sceaux au Panthéon de Paris.

Travaux Longueur d'onde calorifique Rayonnement du corps noir.

Pierre Curie étudie le rayonnement du corps noir en mesurant la longueur d'onde émise par des corps couverts de fumées portés à différentes températures dans le laboratoire du professeur Paul Desains. Ces travaux initient l'étude empirique de Friedrich Paschen et les travaux de Wilhelm Wien qui lui vaudra le prix Nobel de physique en 1911.

L'effet piézoélectrique

Dès l'année 1880, Pierre et son frère Jacques Curie découvrent le phénomène piézoélectrique de certains cristaux comme le quartz, la tourmaline ou la pechblende. Ils établissent les conditions de symétrie nécessaire à sa production dans les cristaux et déterminent les caractéristiques du dégagement électrique. Ils expliquent le phénomène ainsi que la pyroélectricité étudiée par Charles Friedel en devinant l'existence d'une polarisation électrique primordiale des molécules. À la suite d'un article de Gabriel Lippmann paru en 1881, les deux frères démontrent l'effet piézoélectrique inverse en augmentant les petits déplacements des cristaux soumis à un champ électrique au moyen d'un levier amplificateur observé au microscope. Il conçoit le dynamomètre piézoélectrique pour mesurer de faibles masses ou déterminer de très petite quantité d'électricité statique.

Étude théorique sur la symétrie Principe de Curie.

Pierre Curie transpose les outils théoriques développés en cristallographie par Auguste Bravais et Arthur Moritz Schoenflies à l'étude de la physique. Il introduit les notions de plans de symétries rotatoires et de translation. Il complète les définitions introduites par Woldemar Voigt de vecteurs polaires pour décrire le champ électrique ou axiaux pour décrire le champ magnétique et de tenseurs pour décrire les tensions mécaniques élastiques sur un corps solide. Il énonce un grand nombre de théorèmes généraux pour étudier les symétries en physique théorique dont le principe de Curie.

Propriétés magnétiques des corps Loi de Curie.

Durant sa thèse, Pierre Curie étudie les propriétés magnétiques des corps ferromagnétiques et diamagnétiques à différentes températures. Il remarque que la susceptibilité magnétique d'un matériau paramagnétique est inversement proportionnelle à la température et mesure la température de Curie de transition de phase entre son état ferromagnétique et son état paramagnétique de plusieurs matériaux. La loi de Curie est expliquée théoriquement grâce à des concepts de physique statistique par Paul Langevin, qui fut l'élève de Pierre Curie à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris.

Radioactivité Physique de la radioactivité.

Après la découverte de la radioactivité naturelle par Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie étudient les propriétés de rayonnement des corps radioactifs comme l'uranium et parviennent à séparer deux métaux très radioactifs, le polonium15 puis le radium en collaboration avec Gustave Bémont. Avec André-Louis Debierne puis Jacques Danne, il découvre la radioactivité induite16 et mesure la charge électrique du rayonnement émis par les corps radioactifs.

Instrumentation scientifique

Pierre Curie a une importante activité de conception d'instruments scientifiques. Il met au point le quartz piézoélectrique, conçoit des électromètres performants électromètre apériodique et à bilame de quartz et une balance de précision apériodique capable de mesurer le centième de milligramme.

La piézo-électricité

Son premier travail est une étude, en collaboration avec Desains, sur les radiations infrarouges, dont il mesure les longueurs d'onde. Puis il effectue des recherches sur les cristaux avec son frère Jacques, alors préparateur au laboratoire de minéralogie de la Sorbonne. Ce travail conduit les deux jeunes physiciens à une découverte très importante, celle de la piézo-électricité 1880. Ils mettent au point la réalisation du quartz piézo-électrique, dont les applications seront nombreuses dans les domaines de la radioélectricité et des ultrasons.
Mais ils doivent alors cesser leur collaboration : Jacques devient maître de conférences à Montpellier et Pierre est nommé en 1882 chef de travaux à l'École de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris, qui vient d'être fondée. C'est dans les vieux bâtiments de cette école que Pierre va effectuer, pendant vingt-deux ans, la presque totalité de ses travaux.

Le principe de symétrie

En 1884, il publie un mémoire sur la symétrie et les répétitions dans les milieux cristallins. Cette étude l'amène à réfléchir sur la symétrie générale dans les phénomènes physiques. Il en déduit un principe très général, dont il ne donnera l'énoncé définitif qu'en 1894 : Lorsque certaines causes produisent certains effets, les éléments de symétrie des causes doivent se retrouver dans les effets produits. Lorsque certains effets révèlent une certaine dissymétrie, cette dissymétrie doit se retrouver dans les causes qui leur ont donné naissance. Ce principe, applicable à tous les domaines de la physique, permet de prévoir la possibilité ou l'impossibilité de divers phénomènes.

La loi et le point de Curie

Cependant, le laboratoire de l'École de physique et de chimie reçoit enfin quelque matériel, et Pierre Curie peut reprendre ses recherches expérimentales. Il crée en 1889 une balance apériodique à lecture directe munie d'amortisseurs à air et réalise un électromètre condensateur à anneau de garde qui suscite l'intérêt de lord Kelvin. Puis il entreprend un très gros travail sur le magnétisme, qu'il présente en 1895 comme sujet de thèse sous le titre Propriétés magnétiques des corps à diverses températures. Il a découvert que le diamagnétisme est indépendant de la température, que la susceptibilité paramagnétique est inversement proportionnelle à la température absolue loi de Curie, qu'au-dessus d'une certaine température point de Curie le ferromagnétisme se transforme en paramagnétisme. Il obtient alors une chaire de physique à l'École de physique et de chimie.

Le radium

Marie Curie choisit comme sujet de thèse l'Étude des rayons uraniques, que vient de découvrir Henri Becquerel. Elle observe la radioactivité du thorium et remarque l'intensité anormalement élevée du rayonnement émis par certaines impuretés de la pechblende, minerai d'uranium. C'est alors que Pierre Curie abandonne son travail sur les cristaux pour assister sa femme dans l'étude de ce phénomène. Cette étude aboutit, après un travail acharné, à la découverte successive, en 1898, de deux radioéléments nouveaux, le polonium et le radium.
Mais ceux-ci n'existent dans le minerai qu'à l'état de traces infimes ; on sait, aujourd'hui, qu'une tonne de pechblende n'en renferme qu'un milligramme. Pour cette recherche, Marie Curie avait eu la chance de recevoir du gouvernement austro-hongrois, par l'entremise d'un ancien collaborateur viennois, une tonne de minerai provenant des gisements de Joachimsthal, qui étaient alors les seules mines d'uranium exploitées dans le monde. En Bohême, on extrayait les sels d'uranium de la pechblende et l'on rejetait la majeure partie des roches préalablement broyées ; ce sont ces matériaux de rejet qui furent expédiés gratuitement. Pendant trois ans, nos chercheurs se livrent à un travail de séparation pénible et délicat ; ils l'effectuent dans un hangar abandonné, dépourvu de tout aménagement. Ils découvrent la radioactivité induite, provoquée par le radium, ou plutôt par son émanation, sur les corps qui l'environnent. En 1902, enfin, Marie Curie réussit à préparer un décigramme de chlorure de radium pur et à déterminer la masse atomique de cet élément. Elle présente ce résultat dans sa thèse de doctorat, soutenue en 1903. Plus tard, en 1910, avec l'aide de André Louis Debierne voir plus bas, elle isolera le radium à l'état métallique.

La mort de Pierre Curie

Ces découvertes, qui ouvrent à la physique un domaine entièrement nouveau, valent aux deux époux, en commun avec Henri Becquerel, le prix Nobel de physique en 1903. Pierre Curie obtient en 1904 une chaire de physique à la Sorbonne et est admis en 1905 à l'Académie des sciences ; sa femme est nommée chef de travaux. Alors qu'il pouvait espérer des conditions de travail enfin améliorées, il meurt brusquement en 1906, écrasé par un camion sortant du Pont-Neuf. Il laisse à sa femme deux filles, Irène, qui épousera Frédéric Joliot et s'illustrera plus tard dans le même domaine (→ Irène et Frédéric Joliot-Curie), et Ève.

Marie Curie poursuit l'œuvre commune

Curiethérapie
Marie Curie remplace Pierre dans sa chaire à la Sorbonne ; c'est la première fois qu'une femme occupe un tel poste. Elle poursuit l'œuvre commune et se voit attribuer, cette fois seule, le prix Nobel de chimie en 1911. Pendant la Première Guerre mondiale, elle organise les services radiologiques aux armées. Et, en 1921, c'est la création de la Fondation Curie, département des applications thérapeutiques et médicales de l'Institut du radium, lui-même fondé dès 1909.
Mais l'émanation du radium, dans l'ambiance de laquelle elle vivait depuis tant d'années, a finalement raison de la santé de Marie Curie, qui, frappée d'anémie pernicieuse, s'éteint dans un sanatorium de Sancellemoz.
C'est en mémoire de ces deux illustres savants que le nom de curie a été adopté pour désigner l'unité de radioactivité et que l'élément chimique numéro 96 a été baptisé curium.
André Louis Debierne, chimiste français Paris 1874-Paris 1949. Ancien élève de l'École de physique et de chimie de Paris, il en deviendra directeur, puis succédera à Marie Curie à la direction de l'Institut du radium. En collaboration avec Marie Curie, il réussit à isoler le radium métallique grâce à l'électrolyse de son chlorure avec emploi d'une cathode de mercure 1910. Auparavant, en 1899, il avait découvert un élément radioactif, l'actinium. Il étudia par la suite les émanations gazeuses des divers radioéléments

Distinctions

Lauréat avec Jacques Curie du prix Planté de l'Académie des sciences en 1895
Lauréat du prix La Caze de l'Académie des sciences en 1901
Lauréat avec Marie Curie du prix de la fondation Debrousse de l'Académie des sciences en 1902
Lauréat avec Marie Curie et Henri Becquerel du prix Nobel de physique en 1903
Lauréat avec Marie Curie de la médaille Davy de la Royal Society en 1903
Membre de l'Académie des sciences élu le 3 juillet 1905

Hommage

Le 20 avril 1995, sur décision du président François Mitterrand, ses cendres et celles de sa femme Marie sont transférées au Panthéon de Paris
Le curie est une unité de radioactivité 3,7 × 1010 désintégrations par seconde dont le nom est un hommage rendu à Pierre Curie par le Congrès de radiologie de 1910.
Le point de Curie est le degré où un corps perd ses propriétés magnétiques.
L'université Paris VI se nomme université Pierre-et-Marie-Curie.
L’élément atomique n° 96, découvert en 1944, a été baptisé curium en l’honneur de Pierre et Marie Curie.
En 1970, l'Union astronomique internationale a donné le nom de Curie à un cratère lunaire.
Curie est également un cratère situé sur la planète Mars.


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#79 Antoine-Laurent de Jussieu
Loriane Posté le : 11/04/2015 18:41
Le 12 avril 1748 né à Lyon Antoine-Laurent de Jussieu

mort à Paris le 17 septembre 1836, botaniste français. Antoine Lyon 1686-Paris 1758 est l'auteur d'un Traité des vertus des plantes. Il appartient à une famille de scientifiques.
Bernard Lyon 1699-Paris 1777, frère d'Antoine, créa un jardin botanique à Versailles Trianon.
Joseph Lyon 1704-Paris 1779, frère des précédents, membre de l'expédition La Condamine au Pérou, introduisit en France l'héliotrope et d'autres fleurs.
Antoine Laurent Lyon 1748-Paris 1836, neveu des trois précédents, fut directeur du Muséum et créa la méthode naturelle de classification des plantes Genera plantarum secundum ordines naturales disposita, 1789.
Adrien Paris 1797-Paris 1853, fils du précédent, fut également botaniste.

Sa vie

Neveu d'Antoine, de Bernard et de Joseph de Jussieu, il commence ses études à Lyon. En 1766, son oncle, Bernard, l'appelle auprès de lui à Paris, où il termine ses études de médecine. En 1773, il présente son Examen de la famille des Renoncules à l'Académie des sciences, ce qui lui vaut d'y être élu membre. En 1770, il remplace Louis-Guillaume Le Monnier au poste de démonstrateur au Jardin du roi.
Il développe les idées de son oncle Bernard de Jussieu sur la classification des végétaux suivant un système basé sur la morphologie des plantes. En 1774, il fait paraître son Exposition d'un nouvel ordre des plantes, adopté dans les démonstrations du Jardin royal dans les Mémoires de l'Académie des sciences, complétée quinze ans plus tard par son Genera plantarum secundum ordines naturales disposita. Georges Cuvier en parlera comme d'un livre admirable, qui fait dans les sciences d'observation une époque peut-être aussi importante que la chimie de Lavoisier dans les sciences d'expérience. La méthode employée par Antoine-Laurent dans son Genera Plantarum sera reprise en zoologie par Cuvier, et affinée puis formalisée par Augustin Pyrame de Candolle, qui la complétera en apportant de nouvelles distinctions dans la classification. Cette œuvre est à la base de toute la classification actuelle des végétaux supérieurs ; en effet, on y retrouve la majorité des genres et familles décrites par Antoine-Laurent, qui ont été postérieurement corrigées et/ou complétées, puis enfin confortées par les résultats de la phylogénie.

En 1794, il est nommé directeur du nouveau Muséum national d'histoire naturelle, et il y fonde immédiatement une bibliothèque. En 1804, il occupe la chaire de Professeur de botanique à la faculté de médecine de Paris, il y restera jusqu'en 1826. En 1829, il devient membre étranger de la Royal Society. Devenu presque aveugle, il se démet de sa chaire au Muséum au profit de son fils Adrien.

En 1838, son nom est donné en hommage à la rue Saint-Victor, qui devient rue Jussieu.

La géologie ne démarre en France que vers 1710, en bénéficiant de toute la prudence un peu sceptique de Fontenelle, très influent par ses chroniques résumant et commentant l'activité de l'Académie royale des sciences. Il se rallie à l'idée de l'ancien séjour tranquille des mers sur nos terres. Antoine de Jussieu en 1718, étudiant une flore fossile houillère, pensait herboriser dans un autre monde. Il se demande comment des plantes typiques de pays chauds ont pu venir des Indes : flots tumultueux, violents ouragans ? En 1777, Pyotr Simon Pallas 1741-1811 évoquera de tels flots gigantesques pour expliquer les restes de grands pachydermes trouvés congelés en Sibérie. En 1720, René Antoine Ferchault de Réaumur 1683-1757, à propos des faluns de Touraine, suppose qu'un vaste golfe marin a existé, reliant l'océan à la Manche, sans rapport avec le Déluge. Fontenelle émet le vœu que l'on dresse des cartes indiquant le type de coquilles fossiles prédominant de lieu en lieu. C'est là le début d'une constante de la géologie française des soixante ans qui suivent, fixée sur une vision paléogéographique par juxtaposition horizontale des faunes, au détriment de la reconnaissance des successions verticales.

C'est la dynastie des Jussieu qui a orienté le développement de la botanique scientifique au Jardin du Roi entre 1710 et 1789 puis au Muséum d'histoire naturelle 1793-1853, d'autant que cet établissement a bénéficié d'importants agrandissements et aménagements obtenus par Buffon entre 1739 et 1788. Vers 1775, la nomenclature binominale de Linné est adoptée pour l'étiquetage des spécimens, tandis que B. de Jussieu, à Trianon, ordonne déjà les végétaux selon une « classification naturelle » que développera, à Paris, puis publiera en 1789, son neveu, A. L. de Jussieu.

De Linné à Darwin

Le XVIIIe siècle est marqué par un événement majeur dans l'histoire de la botanique et, plus généralement, de la biologie : l'invention du système de nomenclature binominale par le naturaliste suédois Carl von Linné. Dans son ouvrage Species Plantarum, publié en 1753, celui-ci propose de nommer chaque espèce de plante selon un système simple : le nom de genre commençant par une majuscule par exemple, Laurus suivi de son épithète en minuscules nobilis. Ces deux mots latins forment ensemble le nom d'espèce Laurus nobilis, que l'on écrit toujours en italiques afin de le distinguer des différents noms vernaculaires employés communément (laurier ou laurier-sauce en français, bay laurel en anglais. Ce système est aujourd'hui universellement adopté, tant pour les plantes que pour tous les autres organismes vivants et fossiles, et demeure la règle dans le Code international de nomenclature botanique. Il a eu l'avantage de considérablement simplifier la communication entre les biologistes et, de ce fait, permis d'accélérer les recherches, notamment en botanique. Néanmoins, le Species Plantarum de Linné allait bien au-delà d'un système pour nommer les espèces. Il s'agissait aussi du premier inventaire de toutes les espèces de plantes connues au monde, environ huit mille à cette époque, ainsi que d'un système de classification original, fondé presque exclusivement sur les caractères sexuels des plantes. À l'inverse de son système de nomenclature binominale, le système de classification de Linné a été peu suivi. Dans ce domaine, ce sont les Jussieu qui ont sans doute eu le plus d'influence à l'époque. En particulier, Antoine-Laurent de Jussieu, botaniste au Jardin du roi, aujourd'hui le Jardin des Plantes à Paris, propose dans son ouvrage Genera Plantarum, publié en 1789, un système de classification qui peut être considéré comme l'ancêtre de tous les systèmes majeurs utilisés jusqu'à la fin du XXe siècle.

Si sa division du règne minéral en trois classes pierres, minerais et fossiles est accueillie sans enthousiasme, sa classification botanique lui vaut en revanche une renommée planétaire. Linné divise les plantes en 24 classes en fonction du nombre de leurs étamines et de leur mode d'insertion par rapport au pistil. Ces classes sont ensuite divisées en 65 ordres d'après les caractères du pistil. C'est ce qu'on appelle le système sexuel linnéen. Celui-ci, fondé sur l'exame d'un seul caractère choisi plus ou moins arbitrairement, est dit artificiel car les plantes qui n'ont pas le même nombre d'étamines sont dispersées dans des classes différentes même si elles se ressemblent beaucoup par ailleurs, alors que celles qui n'ont que ce caractère en commun sont réunies dans un même taxon même si elles sont très différentes. Ce système se distingue en cela des méthodes dites naturelles proposées à la même époque, notamment par les botanistes français, qui reposent au contraire sur l'examen de plusieurs caractères, voire sur le plus grand nombre possible.

C'est le cas de la méthode de Michel Adanson par laquelle, en 1763, il range toutes les plantes dans 65 systèmes simples établis sur 22 parties ou qualités du végétal. Puis il les rapproche dans une série continue fondée sur tous les rapports possibles de ressemblance pour former 58 familles naturelles. Tel est aussi, et surtout, le cas de la méthode naturelle mise en œuvre par Bernard de Jussieu et dont son neveu, Antoine-Laurent de Jussieu, publie la théorie en 1789. Ce dernier fonde ses premières divisions du règne végétal sur le nombre de cotylédons de l'embryon de la graine et constitue les trois ensembles de plantes acotylédones, monocotylédones et dicotylédones. La disposition relative des organes sexuels, et notamment le mode d'insertion des étamines par rapport au pistil, lui permet ensuite d'établir les trois catégories de plantes à étamines : épigynes, hypogynes et périgynes. Enfin, l'utilisation de caractères comme la structure de la corolle lui permet de constituer 15 classes, toutes parfaitement distinctes & dont aucune, si ce n'est dans quelques exceptions fort rares, n'interrompt la suite des ordres naturels. Au total, ce sont 1 754 genres que A.-L. de Jussieu répartit dans cent familles – qu'il appelle ordres – naturelles, dont beaucoup sont toujours en usage aujourd'hui.

Publications scientifiques

1770 : An aeconomiam animalem inter et vegetalem analogiae ou Comparaison de la structure et des fonctions des organes végétaux avec les phénomènes de la vie animale Thèse défendue devant la faculté de médecine de Paris
1773 : Mémoire sur la famille des renonculacées In: Histoire de l'Académie Royale des Sciences. Année 1773. Paris 1777, p. 214–240.
1774 : Exposition d'un nouvel ordre de plantes adopté dans les démonstrations du Jardin royal In: Histoire de l'Académie Royale des Sciences. Année 1774. Paris 1777, p. 175–197.
1788-89 : Genera Plantarum, secundum ordines naturales disposita juxta methodum in Horto Regio Parisiensi exaratam. Paris 1789.
1824 : Principes de la méthode naturelle des végétaux

Notice Historique sur le Museum d’Histoire Naturelle. In: Annales du Museum d’Histoire Naturelle. Paris 1802–1808:
Notice 1: Tome 1, 1802, p. 1–14 .
Notice 2: Tome 2, 1803, p. 1–16 .
Notice 3: Tome 3, 1804, p. 1–17 .
Notice 4: Tome 4, 1804, p. 1–19 .
Notice 5: Tome 6, 1805, p. 1–20 .
Notice 6: Tome 11, 1808, p. 1–41.
Méthode Naturelle des Végétaux. In: Dictionnaire des Sciences Naturelles. Tome 30, Straßburg/Paris 1824, p. 426–468.
Introductio in historiam plantarum. In: Annales des Sciences Naturelles. Botanique. 2. partie, Tome 8, 1837, p. 97–160 et p. 193–239. - publié à titre posthume
Mémoire sur les caractères généraux de familles tirés des graines, et confirmés ou rectifiés par les observations de Gautner.
In: Annales du Museum d’Histoire Naturelle. Paris 1804–1813:
Mémoire 1: Tome 5, 1804, p. 216–228.
Mémoire 2: Tome 5, 1804, p. 246–265.
Mémoire 3: Tome 5, 1804, p. 417–429.
Mémoire 4: Tome 6, 1805, p. 307–324.
Mémoire 5: Tome 7, 1806, p. 373–392.
Mémoire 6: Tome 8, 1806, p. 170–186.
Mémoire 7: Tome 10, 1807, p. 307–332.
Mémoire 8: Tome 12, 1808, p. 285–303.
Mémoire 9: Tome 16, 1810, p. 169–180.
Mémoire 10: Tome 18, 1811, p. 472–487.
Mémoire 11: Tome 20, 1813, p. 459–468.
In: Mémoires du Muséum d'histoire naturelle. Paris 1815–1819:
Mémoire 12: Tome 2, 1815, p. 436–443.
Mémoire 13: Tome 3, 1817, p. 436–448.
Mémoire 13: Tome 5. 1819, p. 226–248.
Note: Tome 5, 1819, p. 247–248 .

Références bibliographiques

Adolphe Brongniart: Notice historique sur Antoine-Lairent de Jussieu. In Annales des sciences naturelles. Botanique. 2. Folge, Band 7, 1837, S. 5–24.
Marie-Jean-Pierre Flourens: Éloge historique d’Antoine-Laurent de Jussieu. In: Mémoires de l’Académie des sciences. Band 17, 1840, S. I–LX .
Georg August Pritzel: Thesaurus literaturae botanicae. F. A. Brockhaus.
Frans Antonie Stafleu: Jussieu, Antoine-Laurent De. In: Complete Dictionary of Scientific Biography. Band 7, Charles Scribner's Sons, Detroit 2008, S. 198.
Frans Antonie Stafleu, Richard Sumner Cowan: Taxonomic literature. A selective guide to botanical publications and collections with dates, commentaries and types. Band 2: H–Le, 2. Auflage. Utrecht 1979.
Peter Francis Stevens: The Development of Biological Systematics. Antoine-Laurent de Jussieu, Nature, and the Natural System. Columbia University Press, New York 1994.

Iconographie

1838 - Laurent de Jussieu commande d'une statue à Jean-François Legendre-Héral pour le prix de 10.000fr destinée au Jardin


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#80 Joséphine Baker
Loriane Posté le : 11/04/2015 16:13
Le 12 avril 1975 meurt Joséphine Baker

à 68 ans, dans le 13e arrondissement de Paris, née Freda Josephine McDonald le 3 juin 1906 à Saint-Louis Missouri est une chanteuse, danseuse et meneuse de revue. D'origine métissée afro-américaine et amérindienne des Appalaches, elle est souvent considérée comme la première star noire. Elle chante dans les années de 1921 à 1975 pour les Labels Columbia Records, Mercury Records et RCA Records Elle prend la nationalité française en 1937 et, pendant la Seconde Guerre mondiale, joue un rôle important dans la résistance à l'occupant. Elle utilisera ensuite sa grande popularité dans la lutte contre le racisme, et pour l'émancipation des Noirs, en particulier en soutenant le Mouvement des droits civiques de Martin Luther King.

En bref

Artiste de music-hall française d'origine américaine Révélée à Paris en 1925 dans la Revue nègre, elle connut la célébrité comme chanteuse (J'ai deux amours), danseuse et animatrice de revues.
Après avoir effectué ses débuts dans la comédie musicale à Broadway et à Philadelphie, Joséphine Baker participe à une tournée en France des Black Birds en 1925 : c'est la Revue nègre présentée au théâtre des Champs-Élysées, et dont les décors et l'affiche sont signés par Paul Colin. Pratiquement nue ses reins sont entourés d'une corolle de bananes, Joséphine Baker danse sur des rythmes encore inconnus charleston en particulier et utilise son corps comme jamais on ne l'a fait jusque-là sur une scène française ; ses contorsions, le galbe de son corps, sa science du geste font merveille. Le succès et le scandale sont tels que, malgré les protestations des bien-pensants certains critiques l'accusent de déshonorer le music-hall français !, ils suffisaient à imposer auprès du public le personnage de Joséphine Baker.
Elle va alors se produire un peu partout à Paris, dans diverses revues, et commence, en 1927, à chanter ; sa petite voix de soprano et son accent américain la distinguent des autres chanteuses de charme exotique de l'entre-deux-guerres. Des chansons comme La Petite Tonkinoise, paroles de Henri Christiné, musique de Vincent Scotto, vieux succès de Polin qu'elle remet à la mode, ou J'ai deux amours, paroles de Géo Roger et Henri Varna, musique de Vincent Scotto, créée au Casino de Paris en 1930 vont très vite affirmer son image de marque et on les lui réclamera encore dans les années soixante, lors de ses rares passages à l'Olympia.
Au cinéma parlant, elle devient la vedette d'aventures romanesques et quelque peu racistes : Zouzou de Marc Allégret en 1934 et Princesse Tam-Tam d'Edmond T. Gréville en 1935. En 1939, Fausse Alerte de Jacques de Baroncelli ne fait que perpétuer l'image légendaire de la chanteuse de J'ai deux amours.
Joséphine Baker sert dans la Croix-Rouge en 1939-1940, puis passe au Maroc où elle rend de grands services aux officiers du 2e bureau. En 1942, elle est promue sous-lieutenant dans l'armée de l'air des Forces françaises libres. Sa conduite lui vaut la Légion d'honneur et la croix de guerre avec palme. La paix revenue, Joséphine Baker reprend sa carrière, et s'impose enfin aux États-Unis, malgré la discrimination raciale. En 1947, elle épouse le chef d'orchestre Jo Bouillon, au domaine des Milandes, en Dordogne. Du domaine, elle fait un asile de la fraternité humaine pour orphelins de races différentes. Dans ce rêve, obstinément poursuivi, elle engloutit sa fortune, malgré des opérations de sauvetage plusieurs fois tentées au music-hall à Paris, de 1959 à 1968.
Ayant perdu Jo Bouillon et les Milandes, Joséphine Baker trouve un asile pour ses enfants et continue ses tournées. Elle est frappée par la maladie sur la scène de Bobino où elle animait depuis trois semaines une revue retraçant sa carrière. Louis-Jean Calvet

Sa vie

Après la fin de son premier mariage, en 1920, Joséphine Baker, qui danse depuis qu'elle est toute petite, rejoint un trio d'artistes de rue appelé le Jones Family Band, qui est ensuite intégré dans la troupe itinérante des Dixie Steppers. C'est au moment où leur tournée s'arrête à Philadelphie que Joséphine fait la rencontre de Willie Baker, qu'elle épouse en 1921 et avec qui elle s'installe. Pour gagner sa vie, elle danse au Standard Theater, où elle gagne 10 dollars par semaine. Mais Joséphine Baker voit grand, et l'envie de danser à Broadway la pousse, âgée d'à peine 16 ans, à quitter son second mari pour aller tenter sa chance à New York. Une fois sur place, elle ne perd pas de temps et se présente au Music Hall de Broadway, sur la 63e rue. Là, elle essuie plusieurs refus de la part du directeur avant d'enfin se voir offrir un rôle sommaire. Elle joint donc la troupe de la comédie musicale Shuffle Along, un spectacle populaire à la distribution entièrement noire. Au bout de deux ans de tournée, elle change d’allégeance et s'associe aux Chocolate Dandies, qu'elle quitte à leur tour pour entrer au Plantation Club, où elle fait la rencontre de Caroline Dudley Reagan. Cette mondaine, épouse de l'attaché commercial de l'ambassade américaine à Paris Donald J. Reagan, voit en Joséphine Baker un grand potentiel. Elle lui offre donc un salaire de 250 dollars par semaine si celle-ci accepte de la suivre en France, où Reagan veut monter un spectacle dont Joséphine Baker sera la vedette et qui fera d'elle une star : la Revue nègre.
Le 25 septembre 1925, le Berengaria, bateau sur lequel Joséphine Baker a effectué la traversée, arrive au port de Cherbourg. Le temps de se rendre à Paris et, très vite, les répétitions commencent. Le 2 octobre 1925, elle passe en première partie dans la Revue nègre au Théâtre des Champs-Élysées. Vêtue d'un simple pagne de bananes, elle danse sur un rythme de charleston — musique alors encore inconnue en Europe — l'interprétation d'un tableau baptisé La Danse sauvage. Le scandale fait rapidement place à l'engouement général. Elle devient l'égérie des cubistes qui vénèrent son style et ses formes, et suscite l'enthousiasme des Parisiens pour le jazz et les musiques noires. À cette époque, elle rencontre Georges Simenon, engagé comme secrétaire. Le succès réservé à Joséphine Baker, la Revue nègre s'inscrit dans la « vision bienveillante et condescendante envers les Noirs, ou les colonisés en général des Français des Années folles, qui a succédé dans certains discours à celle de la peur du sauvage, plus caractéristique de la Belle Époque, selon Sophie Jacotot. Il est cependant juste d'affirmer que ce personnage de la sauvageonne, aussi réducteur soit-il, a permis de faire de Joséphine Baker la pionnière de ce qui est qualifié par certains comme une Renaissance Nègre basée sur un mélange de jazz, de dadaïsme, d'art nègre et de cubisme.
Après une tournée en Europe, Joséphine Baker mène la revue des Folies Bergère de 1927 accompagnée d'un léopard, dont l'humeur fantasque terrorise l'orchestre et fait frémir le public.
En 1927, la jeune star se lance dans la chanson. Henri Varna, directeur du Casino de Paris, l'engage pour mener la revue de la saison 1930-1931 et lui achète un guépard, nommé Chiquita. En 1931, elle remporte un succès inoubliable avec la chanson J'ai deux amours composée par Vincent Scotto.
Quelques rôles lui sont proposés au cinéma par des cinéastes, tel Marc Allégret. Ses deux principaux films, Zouzou et Princesse Tam Tam, ne rencontrent pas le succès espéré. Sur les planches du music-hall, en revanche, elle rassemble un plus large public en chantant et en dansant même le tango Voluptuosa de José Padilla.
Sa tournée de 1936 aux États-Unis ne rencontre pas non plus la réussite escomptée. L'Amérique est sceptique et certains lui reprochent de parler parfois en français, ou en anglais avec un accent français. Elle rentre en France et acquiert la nationalité française en 1937 en épousant un Français, Jean Lion.
Bien qu'initialement, Joséphine Baker ait été perçue comme une sensation exotique, une charmante négresse au déhanchement incroyable, elle a su se forger une solide réputation dans les hautes sphères de la société parisienne, pour qui elle en vint à incarner le personnage d'une Vénus d'Ébène. En femme intelligente, Baker a su se servir de cette image et la manipuler à sa guise, façonnant elle-même son personnage public et définissant son avenir à sa façon.

La femme

Joséphine Baker naît dans le Missouri. Ses parents, Carrie McDonald et Eddie Carson, se séparent rapidement et sa mère se remarie avec Arthur Martin, dont Joséphine prend le nom12. Elle passe une partie de son enfance à alterner l'école et les travaux domestiques pour des gens aisés chez qui sa mère l'envoie travailler. À cette époque, Joséphine n'a d'autre choix que de contribuer, par son salaire, à faire vivre la fratrie dont elle est l'aînée ; la famille est très pauvre et s'est agrandie : Carrie et Arthur ont eu trois enfants - Richard, Margaret et Willie Mae, qu'il faut nourrir. Joséphine quitte l'école en février 1920 pour se marier, comme le mentionnent les registres de l'établissement public qu'elle fréquente à St. Louis. L'heureux élu est Willie Wells, lui et Joséphine, alors âgée de 13 ans, vivent dans la maison des Martin.
Joséphine Baker est bisexuelle. Mariée à plusieurs hommes, elle maintient également des relations amoureuses avec des femmes tout au long de sa vie adulte. Elle n'a cependant jamais révélé au grand public cet aspect de sa personnalité. Parmi ses amantes célèbres figure l'écrivain français Colette. Malgré sa propre bisexualité, et son engagement contre le racisme notamment avec sa participation à certaines actions du mouvement afro-américain des droits civiques américain, Joséphine Baker est capable de faire preuve d'homophobie : elle chasse par exemple un de ses fils de son foyer car il était homosexuel.
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, Joséphine Baker devient un agent du contre-espionnage, traité par Jacques Abtey chef du contre-espionnage militaire à Paris. À cet effet, elle fréquente la haute société parisienne, puis se mobilise pour la Croix-Rouge. Après la bataille de France, elle s'engage le 24 novembre 1940 dans les services secrets de la France libre, toujours via le commandant Abtey, qui reste son officier traitant jusqu'à la Libération, en France puis en Afrique du Nord où elle était sous la protection de Si Ahmed Belbachir Haskouri, Chef du cabinet khalifien du Maroc espagnol.
Elle s'acquitte durant la guerre de missions importantes, et reste connue pour avoir utilisé ses partitions musicales pour dissimuler des messages. Engagée ensuite dans les forces féminines de l'armée de l'air, elle débarque à Marseille en octobre 1944. À la Libération, elle poursuit ses activités pour la Croix-Rouge, et chante pour les soldats et résistants près du front, suivant avec ses musiciens la progression de la 1re armée française. Ses activités durant la guerre lui vaudront la Médaille de la résistance après les hostilités, et quelques années plus tard les insignes de chevalier de la Légion d'honneur et la croix de guerre 1939-1945 avec palme des mains du général Martial Valin. L'ensemble de son action en tant que résistante au service de la France libre est détaillé dans un ouvrage intitulé Joséphine Baker contre Hitler.
Le plus grand malheur de sa vie est de ne pas pouvoir avoir d'enfants, suite à une grossesse à l'issue de laquelle Joséphine Baker a accouché d'un enfant mort-né, a contracté une grave infection post-partum et dû subir une hystérectomie à Casablanca en 1941.
Avec Jo Bouillon, qu'elle épouse en 1947, elle achète le domaine des Milandes en Dordogne. Elle y accueille douze enfants de toutes origines qu'elle a adoptés et qu'elle appelle sa tribu arc-en-ciel. Dans ce domaine où elle emploie un personnel nombreux, elle engloutit toute sa fortune et multiplie les concerts pour poursuivre son œuvre.

Fonds des Archives nationales Pays-Bas.

En 1955, elle amplifie en Europe la vague d'indignation soulevée par le meurtre dans le comté de Tallahatchie, Mississippi, États-Unis du jeune afro-américain Emmet Till, suivi de l'acquittement des deux assassins, puis de leurs aveux cyniques après le jugement, une fois qu'ils sont assurés de l'impunité. Elle participe en 1963 à la Marche vers Washington pour le travail et la liberté organisée par Martin Luther King. À cette époque, elle est engagée depuis un moment dans l'action de la LICA qui deviendra la LICRA en 1979.
En juin 1964, Joséphine Baker lance un appel pour sauver sa propriété de Dordogne dans laquelle elle avait recueilli tous ses enfants. Émue et bouleversée par la détresse de cette femme, Brigitte Bardot participe immédiatement à son sauvetage en lui envoyant un chèque important.
Alors que Joséphine Baker est pratiquement ruinée, la princesse Grace de Monaco, amie de la chanteuse d'origine américaine et artiste comme elle, lui offre alors un logement à Roquebrune pour le reste de sa vie et l'invite à Monaco pour des spectacles de charité. Joséphine Baker remonte sur la scène parisienne de l'Olympia en 1968 puis à Belgrade en 1973, à Carnegie Hall en 1973, au Royal Variety Performance au Palladium de Londres en 1974, au Gala du cirque en 1974 à Paris et pour une rétrospective de sa carrière, "Joséphine à Bobino" le 24 mars 1975, dont le Prince Rainier III et la Princesse Grace notamment furent parmi les mécènes. Elle retrouve son appartement parisien le 9 avril 1975 alors que le rideau vient de tomber sur une salle enthousiaste. Le lendemain matin, 10 avril, Joséphine Baker, victime d'une attaque cérébrale, est transportée à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans un coma profond où elle meurt le 12 avril à l'âge de 69 ans. Elle bénéficie des honneurs militaires et est enterrée au cimetière de Monaco. Joséphine Baker s'était convertie au judaïsme lors de son mariage avec l'industriel Jean Lion en 1937. Cette conversion de pure forme ne dura pas et Baker reçut des funérailles catholiques le 15 avril 1975 à l'église de la Madeleine, à Paris.

Œuvres

Filmographie

1927 : La Revue des revues de Joé Francys et Alex Napals
1927 : La Sirène des Tropiques d'Henri Etiévant et Mario Nalpas : Papitou
1928 : Le Pompier des Folies Bergère court métrage - réalisation anonyme
1929 : La Folie du jour de Joé Francys
1929 : Die Frauen von Folies Bergères de Joé Francys et Max Obal version allemande du film précédent
1934 : Zouzou de Marc Allégret : Zouzou
1935 : Princesse Tam Tam d'Edmond T. Gréville : Aouïna
1940 : Moulin rouge d'Yves Mirande et André Hugon
1940-1945 : Fausse alerte de Jacques de Baroncelli : Zazou Clairon
1954 : An Jedem Finger Zehn d'Erik Ode : une chanteuse
1955 : Carrousel des variétés Carosello del varietà d'Aldo Bonaldi et Aldo Quinti

Chansons

1930 : J'ai deux amours, paroles de Géo Koger et Henri Varna sur une musique de Vincent Scotto. En écoutant attentivement les enregistrements de l'époque, on se rend compte qu'elle modifia le premier vers du refrain de sa chanson fétiche, J'ai deux amours, mon pays et Paris…, qui devint après la guerre J'ai deux amours, mon pays, c'est Paris…
C'est LA chanson de Joséphine Baker, et jusqu'à la fin de sa vie, lorsqu'elle pénètre sur une scène, un plateau de télévision ou même dans un restaurant ou une boîte de nuit, l'orchestre s'arrête et se met à jouer invariablement les premières mesures du thème de cette chanson. Une scène de ce type est reprise dans le film La Rumba, la chanteuse Vivian Reed jouant le rôle de Joséphine Baker.
1930 : La Petite Tonkinoise, adaptation de la chanson créée par Polin en 1906, paroles de Georges Villard, musique d'Henri Christiné et Vincent Scotto.
1934 : C'est lui, tirée du film Zouzou.
1934 : Haïti, tirée du film Zouzou. Musique : Vincent Scotto, auteur : Emile Audiffred
1935 : Sous le ciel d'Afrique, paroles d'André de Badet et musique de Jacques Dallin, tirée du film Princesse Tam Tam, avec les Comedian harmonists.
Et aussi : Dis-moi Joséphine, adaptation française par Marc Cab, Léo Lelièvre et Henri Varna de la chanson hongroise Gyere Josephine, paroles de Laszlo Szilagyi et musique de Zerkovitz Bela, Chant d'amour de Tahiti, Doudou, Mon cœur est un oiseau des îles, Nuit d'Alger, Sans amour, Bye Bye Blackbird, Dans mon village, etc.

Citations

" Puisque en scène, je fais sauvage, je m'applique à la ville à devenir civilisée..."
" Un jour j'ai réalisé que j'habitais dans un pays où j'avais peur d'être noire. C'était un pays réservé aux Blancs. Il n'y avait pas de place pour les Noirs. J'étouffais aux États-Unis. Beaucoup d'entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris. Joséphine Baker racontait souvent à ce propos qu'elle avait été surprise, à son arrivée en France, de pouvoir s'asseoir où elle le voulait dans l'autobus, entrer et être servie dans tous les restaurants, ou fréquenter et épouser un homme blanc, toutes choses impossibles pour une noire aux États-Unis.

Vrais et faux maris…

Willie Wells : 1919-1920 divorce. Elle se marie à 13 ans avec cet ouvrier fondeur et travaille comme serveuse. Leur union se termina avec la bouteille que Joséphine lui fracassa sur la tête.
William Howard Baker : 1921-1923 divorce. Suivant dans le nord des États-Unis la troupe des Dixie Steppers, elle épousa, à l'âge de 15 ans William Baker, garçon chez Pullman, à Philadelphie. Elle le quitta pour partir à Paris, conservant son nom qui passa ainsi à la postérité.
Giuseppe dit Pepito di Abatino : 1926-1936. L'union entre l'actrice et ce tailleur de pierre italien se prétendant comte n'eut jamais de fondement légal. Il organisa pour elle une tournée mondiale qui débuta en mars 1928. Autriche, Hongrie, Yougoslavie, Danemark, Roumanie, Tchécoslovaquie, Allemagne, Pays-Bas, Argentine, Chili, Uruguay, Brésil : partout, son passage suscita la controverse, aiguisant sa popularité et contribuant fortement à la vente de ses disques et de ses Mémoires. L'échec des Ziegfeld Follies précipita leur rupture.
En 1929, sur le bateau qui les ramenaient du Brésil, l'architecte Le Corbusier eut un coup de foudre pour Joséphine Baker. Il reste de leur rencontre des dessins de Joséphine réalisés par l'architecte, encore célibataire à cette date.
Jean Lion : 1937-1940 divorce. En épousant, le 30 novembre 1937 à Crèvecœur-le-Grand, cet industriel de 27 ans qui avait fait fortune dans le sucre raffiné, Joséphine reçut la nationalité française.
Jo Bouillon : 1947-1961 séparation en 1957, divorce en 1961. Ce chef d'orchestre originaire de Montpellier accompagna Georgius, Mistinguett, Maurice Chevalier et Joséphine à Paris et en tournée. Elle vécut avec lui aux Milandes. Ils formèrent et réalisèrent ensemble leur projet d'adopter des enfants de nationalités différentes, ce afin de prouver que la cohabitation de races différentes pouvait admirablement fonctionner. Finalement, ils adoptèrent 12 enfants ce qui fut entre autres un des motifs de leur rupture, Jo Bouillon estimant qu'il était folie d'adopter plus de six enfants.
Robert Brady : 1973-1974. Elle a connu cet artiste et collectionneur d'art américain durant un de ses séjours aux États-Unis. Vu les échecs de ses quatre mariages précédents, ils décidèrent d'échanger leurs vœux de mariage dans une Église vide à Acapulco, Mexique. Mais ils se séparèrent un an plus tard.

Hommages

L’auteur-compositeur-interprète britannique et francophile Bill Pritchard rend hommage à Joséphine Baker dans deux de ses chansons : The Invisible State 1986 et Sheltered Life 1987. Notamment pour son combat contre le racisme aux États-Unis et pour avoir courageusement assumé sa vie de femme libérée, bien en avance sur son temps.
Le chanteur-auteur-compositeur italo-belge Salvatore Adamo rend hommage à Joséphine Baker dans la chanson Noël Sur Les Milandes album Petit Bonheur, 1970.
Le 3 juin 2006, pour célébrer le centenaire de sa naissance, une statue en bronze est inaugurée en bas du Château des Milandes, à Castelnaud en Dordogne, en présence de son fils aîné Akio et de Sonia Rolland. Cette statue fut commandée par l'association Opération Joséphine à la sculptrice Chouski. Cette association voulait rendre hommage à trois aspects de la personnalité de Joséphine Baker: son action de résistante pendant la seconde guerre mondiale, sa lutte contre le racisme, et l'adoption de ses 12 enfants.
Juillet 2006 : au Festival d'Avignon, création d'un spectacle de Pierrette Dupoyet : Joséphine Baker, un pli pour vous... retraçant l'épisode douloureux de l'expulsion des Milandes38.
En 2000, la place Joséphine-Baker dans le 14e arrondissement de Paris prend son nom en hommage. Bertrand Delanoë, maire de Paris, a décidé en juin 2006, un siècle après la naissance de l'artiste de donner son nom à la piscine publique flottante sur la Seine, inaugurée en juillet 2006 dans le 13e arrondissement, au pied de la nouvelle passerelle Simone-de-Beauvoir.
L'album Hommage à Joséphine réalisé par DJ Gervais pour le centenaire de la naissance de Joséphine mélange musiques électroniques actuelles et sonorités d'époque, il a été produit par le label ethnic music avec l'accord des enfants de Joséphine.
En 2007 et 2008, la comédie musicale Jo et Joséphine est lui est dédiée. Dirigée par Jacques Pessis, les têtes d'affiches sont Grégori Baquet et Aurélie Konaté. Celle-ci est nommée pour le Marius de la meilleure interprétation féminine dans un rôle principal.
Le film L'Autre Joséphine coécrit par Philip Judith-Gozlin et Brian Bouillon-Baker, fils de Joséphine Baker, réalisé par Philip Judith-Gozlin, est sorti en 2009, il a été produit par la société audiovisuel Golda Production.
L'opérette Simenon et Joséphine, composée par Patrick Laviosa, prend le prétexte de la rencontre réelle de Joséphine Baker et de Georges Simenon pour retracer la carrière des deux personnages. Elle a été créée à l'Opéra de Liège et financée par la Région Wallonne.
Joséphine Baker est un personnage récurrent de la série de bandes dessinées Odilon Verjus écrite par Yann Le Pennetier et dessinée par Laurent Verron.
La belle agent Joé est un personnage récurrent de la série de bandes dessinées Les Brigades du temps écrite par Kris et dessinée par Bruno Duhamel. Outre son nom et son aspect physique qui en fait le sosie de Joséphine Baker, le personnage lui-même est l'un des meilleurs agents des Brigades du temps, référence indirecte au rôle historique joué par Joséphine Baker dans les services secrets durant la guerre.
Le 8 mars 2013, à l'occasion de la journée internationale de la femme, le journal Sud Ouest réalisa une enquête où la question du sondage était : Qui est votre Périgourdine préférée ? Joséphine Baker représente 24,7 % des suffrages exprimés.
Un cratère vénusien porte son nom.

Distinctions

Chevalier de la Légion d'honneur - décret du 9 décembre 1957 JO du 14 décembre 1957
croix de guerre 1939-1945 avec palme
Médaille de la Résistance avec rosette
Médaille commémorative des services volontaires dans la France libre



[img width=600]http://www.francemusique.fr/sites/default/files/styles/image_ppale_full/public/asset/images/2013/07/josephine_baker.jpg?itok=ZJYhxMw7[/img]



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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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