Mille et une raisons de vous dire, ô suicidés, que vous vous êtes trompés…



JE RESTE EN VIE pour tous ces mots de velours fredonnés doucement à mon oreille par ce médecin qui n’a jamais oublié qu’elle était UNE FEMME… OUI UNE FEMME, m’entendez-vous.
JE RESTE EN VIE en songeant à Modigliani, dont les excès et les mises en garde des femmes de charité paraissent insignifiantes face à son génie…
JE RESTE EN VIE car Brel a laissé des empreintes indélébiles dans notre patrimoine musical et littéraire et ces traces font oublier d’autres traces : les traces noires de ses poumons malades qui, du reste, ont disparu, sans doute lavées par l’eau de mer des Marquises. Une île, une île au large l’amour, une île face au cancer, une île dont les grains de sables « ressuscitent » un Grand Homme en ponçant l’argile de sa dépouille…
JE RESTE EN VIE pour me plonger dans Marie la mer de Marcel Kanche et sa divine ventiloguitare…
JE RESTE EN VIE pour danser encore une prochaine fois et frissonner de partout dans la belle musique de Titi Robin aux fioritures sans pareilles…
JE RESTE EN VIE car je veux me convaincre qu’un hiver ne se prolonge jamais au-delà du 21 mars…
JE RESTE EN VIE car il me reste encore un passé idyllique à savourer du souvenir heureux : il me reste un passé que je peux allonger jusqu’au présent, un passé que je peux admirer briller comme un ver luisant, une luciole…
JE RESTE EN VIE par amour des mots et des femmes, même si elles m’ont toutes quitté…
JE RESTE EN VIE car je préfère les pôles au paradis…
JE RESTE EN VIE pour ne pas m’en vouloir d’avoir voulu le noir éternel plutôt que le soir naturel aux rêves pénétrants, aux cauchemars qu’un père peut encore porter…
JE RESTE EN VIE pour éviter que le temps travaille moins vite sur le front de mes parents, déjà sillonné et bombardé…
JE RESTE EN VIE pour enrichir encore et toujours la littérature française et espérer quand même la venue d’autres muses au panthéon des voleuses de vie et des faiseuses de joie, car mon chemin d’amour ne peut qu’être ainsi tracé…
JE RESTE EN VIE car je préfère le jardin de mon père –qu’il soit irrigué ou non à la fosse sceptique- au jardin de pierres…
JE RESTE EN VIE car je ne veux plus rester mort…
JE RESTE EN VIE avec l’espoir de redevenir vivant, avec l’espoir de bourgeonner à nouveau du sexe, du cœur, de l’humeur…

JE RESTE EN VIE car je veux consoler la fatigue de ne pouvoir boucler les mille une raisons de se battre par le Songe plutôt que par une effrayante vacuité générale…