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Nouvelles : Bribes d’êtres…
Publié par Vadnirosta le 12-04-2023 16:40:00 ( 142 lectures ) Articles du même auteur



Bribes d’êtres…

A Monsieur Le Préfet Du Rhône...

Nous sommes tout, nous sommes rien. Pour nous rallier, nous proclamons haut et fort « Ah, ah, Roma!len, ah, ah ćhava!len1… » Avec nos amas de mégots venus d’autres mégots et puis nos canettes de Coca Cola bon marché défoncées, avec nos corps résistants, toujours perdus quelque part, au « beau » milieu des villes monstrueuses, tentaculaires et des géométries angoissantes en béton grillagé, nous voyageons dans nos caravanes rouillées et percées de trous; nous parvenons parfois même au musée : le Grand Palais de Paris nous a choisis en effet pour le plaisir des yeux en vue de l’exposition sur la Bohême il y a quelques années. Nous attachons une grande importance à Del2, à notre église, à notre Grande cabane sacrée, à nos chères petites prières dans la boue ; rien qu’une toute petite religion en somme, où nous laissons nos crucifixion coutumières les plus « primitives » comme ils disent, notre sang « impur » versé pour la succion permanente des rats qui vampirisent auprès de nous, auprès des détritus de toutes sortes. Et puis aussi nos couronnes d’épines posées toujours et toujours de travers si loin de… de … ah oui c’est cela, je n’osais le dire… de… Caravage et ses poses pour le Chemin de Croix les plus élégantes, les plus pittoresques… Nous sommes en haillons jusque même dans les fibres les plus méconnues de notre cher rromanès, notre microcosme, et c’est toujours - nous voulons dire de coutume - que nous enterrons nos morts dans nos platz, à un trois-quarts de pied au-dessous de notre vase et c’est très facile surtout les jours de pluie, à un quatre-cinquièmes de pied au-dessous de nos cabanes assemblées depuis toutes les déchetteries possibles. Du coup, nos morts tiédissent nos maisons déguenillées aux « âtres » brûlants. Autour de nous, c’est la guerre car il y a des hommes tout court partout aux alentours : ça gronde, ça hurle, ça gémit, ça saigne, ça fulmine, ça se descend tour à tour et nous avons bien plus peur des bombes de Daesh que de notre propre sort que l’on expulsera lui aussi bien vite mais tout cela est bien loin à l’instant présent. Oui, c’est sûr, en cela nous sommes un peu naïfs mais vous savez, il y a tant de săvorále3 chez nous… et ils comptent presque autant que le phúro rom4 dansant comme le dit une chanson hongroise voisine célèbre... Nous demeurons au milieu d’un cloaque inimaginable, ineffable. Nos « fenêtres » sont à même le sol et lorsqu’il pleut, nos images sont enfouies dans la merde… Nous avons bien du courage et sommes endurcis : nous pendre ne nous viendrait pas à l’esprit dans ce monde où l’autolyse est devenue de plus en plus reine. Nos paysages bronchiques sont obstrués. Tous nos tissus tous nos messieurs Bibendum falsifiés sont malmenés par les goudrons et les CO³ tant nous fumons (même en étreignant des săvorále…) Nous faisons partie en quelque sorte de la pneumologie automobile récupérée mais nous n’avons pas les sous pour soigner décemment nos pneus respiratoires. Bientôt, nous fumerons tout aussi bien des joints de culasse… « Iar te beau fara masura/ Iar beau, iar inebunesc5 » Nous buvions aussi en Roumanie. Bouteilles sur les tables et filles choisies de partout « Discoteca suna sialailalala/ Muzica e buna siasailalala/ Sticlele pe mese sialailalala/ Si fete alese sialailalala…6 ». Beaucoup de bière et de gnôle à la prune encore aujourd’hui à l’intérieur des platz, beaucoup d’entrechoquements légers de bouteilles à coup sûr autour d’une table en bois de palettes avec les clous que nous aurons omis d’enlever par grain manqué. Dorénavant, nous buvrons comme cela, pêle-mêle, en vrac, toujours de façons improvisées, rafistolées, folles à lier comme dans les films de Kusturica, presque « préhistoriques » comme ils disent. Par ailleurs, nous souffrons nous souffrons : nous ne sommes pas des machines aux formes géométriques et aux mécanismes subtiles. Nous préférerions à la rigueur paraître tels des épouvantails car, auquel cas, tout le monde aurait peur de nous et nous serions les Maîtres du Jeu. « Viata mea e o cafea amara/ ce rea e lumea care ne inconjoara/ chinuite sunt zilele mele/ si parintii imi fac numai rele…7» Hélas, nous endurons nous endurons petitement sans pour autant nous fondre dans les structures rigoureuses des HLM : nous sommes trop peu indisciplinés pour ça… Nous ne connaissons pas Aperghis et ses Machinations mais nous écoutons toujours les manele électroniques de Guţǎ et de Ciorbǎ. Comme tous les hommes, nous aimons palper du fric : « Dedic aceasta pentru omul cu mai mare lipici la bani pentru ciompi spaniolu…8 ». Pour combler toutes nos souffrances, nous avons besoin de liasses de billets, de sexe, de femmes sophistiquées et de fêtes. Afin aussi de rattraper le temps tout petit où intercaler de la joie et de la bonne humeur entre une douzaine de persécutions et de répugnances à notre égard et d’actes raciaux survenus sur le pourtour. Oui, c’est bien cela nous sommes un peuple méprisé de tous et nous nous rattrapons sur le grain de folie qui mène à la gaieté ivre. D’ailleurs, en la matière, nous n’avons rien à vous envier, à vous, Gazhe. Visionnez donc les manele La la le ainsi que Da le le, da le la et le Focul din şatrǎ de Nicolae Guţǎ et de Sandu Ciorbǎ et vous comprendrez… « Où le feu brûle sous la tente,/ Là vivent nos tsiganes à nous/ Que Dieu les bénisse !/ Car nous ne pouvons vivre sans elles… Hey, mais nos chariots se sont cassés en deux,/ Que pouvons-nous faire ?/ Hai, da, da-la-la-la,/ Et les chevaux s’en sont allés au diable, tel des enragés9…» Nous ne nous adressons bien-sûr pas à toi ô Vadni rosta (« Oie sauvage ») puisque tu es presque un des nôtres... Nous aimons les femmes aux seins pratiquement nus et en robes chatoyantes avec micromiroirs décoratifs et grelots-castagnettes. C’est en Roumanie, lorsque la nuit est tombée bien au chaud, que nous aimons nos mariages (toujours hyper-sacrés !) improvisés dans un champ abandonné autour d’un focul ardent avec la musique d’un taraf de Clejani si possible ; oui c’est cela, le Taraf de Haïdouks nous comblerait de joie pour ses musiques vocales et instrumentales que les aficionados en musiques tziganes traditionnelles jugent « remises grossièrement en état, ravaudées, rapetassées »… Par ailleurs, vous savez, nous participons à notre façon à la société de consommation moderne puisque l’on peut nous trouver dans les rayons discounts pour les chips et les sodas ou d’autres choses un peu plus nutritives à bas prix…. Nous ne connaissons pas le mouvement punk mais nos femmes ont toutes les cheveux insensés, complètement dilo. Parfois, alors que faim et soif et disettes et malnutritions sévissent encore et encore, nous réussissons – et c’est pratiquement une priorité pour nous tous – avec un peu de trafic et de débrouille à nous procurer des téléphones portables pour partager entre nous les derniers manele diffusés sur internet ou pour échanger quelques idées fort bien trouvées et fort ingénieuses au sein de nos filiations et de nos réseaux. A ce propos, nous pouvons vous avouer que nos fils et nos filles se masturbent devant les tout petits écrans tactiles occupés par les clips des manelelor en vogue mais que cela ne nous choque pas outre mesure. Les manele font désormais partie de notre culture on en redemande tout le temps des nouveaux tandis que les vieillards se souviennent plutôt de Dumitru Siminica Dona, de Romica Puceanu, de Gabi Lunca ou de Maria Tanăse et leurs cymbalums sacrés ô Âge d’Or de la Chanson Roumaine. Sachez que nous ne portons pas de masques comme chez les Gazhe car nous sommes fiers d’être des Rroms même si personne ne veut de nous de partout sur le globe…
Certaines d’entre nous sont tout de même rêveuses, ne viennent pas du singe et appartiennent davantage aux Arts sensibles plutôt qu’à nos pauvres personnes. Des femmes, bien évidemment ont eu la chance de devenir des Divas reconnues et riches ou bien de nobles Femmes de Lettres nous vous conseillons d’ailleurs pour notre mémoire le recueil de Papúsá, Xargatune Droma (= « Routes d’Antan ») qui était une poétesse écorchée vive et qui a connu peut-être comme Cioran l’état « poétique » de Décomposition devant l’avancée soudaine de l’armée nazie. Grâce à elle, «  la mort du papier » rrom sera remise à bien plus tard, sans doute à l’Éternité. Oui, Papúsá est une véritable exception chez nous, nous qui ne communiquons presque que verbalement, nous voulons dire oralement, en rromani ou en roumain…
Surtout et par-dessus tout, nous vous le répéterons jamais assez nous aimions beau beau beau dans les discothèques roumaines et il s’agit là bel et bien de notre seul motif de nostalgie à l’égard de ce pays d’origine ; nous aimons la boisson, quelle qu’elle soit. Nous sommes des buveurs invétérés et nous irons boire puisqu’il le faut jusqu’aux étoiles artificielles des Poëtes en y faisant cogner les mots simples de nos musiciens contemporains pour rythmer enfin le cosmos éteint et offrir une boule de lumière aux mille prismes dans la Nuit noire du Goudron puis par la suite une Danse fol aux Cheveux de la Comète. Nous irons boire du vin tant que la roue n’aura pas tourné pour nous autres. Bem si bem ! « Opre Rromále ! Te aven baxtale10 ! »













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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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