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Accueil >> xnews >> On récolte généralement ce que l’on sème (histoire de tomates et autres légumes) - Nouvelles - Textes
Nouvelles : On récolte généralement ce que l’on sème (histoire de tomates et autres légumes)
Publié par emma le 07-05-2013 14:17:04 ( 1590 lectures ) Articles du même auteur




Enfants et adolescents, nous allions généralement en vacances chez mon oncle D, la personne la plus paisible et la plus pacifiste qu’il soi.

Lassé des émanations de la ville capitale dont il est natif et où il travaillait, il s’était dégoté, dans les années 90, un petit coin de campagne normande où il venait passer ses week-ends.

« Sa » campagne était une fermette de plus de deux siècles d’âge tenant encore debout grâce à des poutres de bois massif qui curieusement avait fortement gondolé avec le temps. On aurait dit la coque retournée d’un antique drakkar au dessus de nos têtes. Tout cela assez bas de plafond. Mais le charme de la maisonnée résultait surtout de son âtre centenaire aux murs noircis. Cela tombait bien : d’hiver comme d’été, la maison était fraiche et humide. On y faisait du feu même au mois de juillet.

Bien sûr les paysans du coin avait vu venir le parigot. A commencer par ceux de la famille qui avait vendu la ferme et qui, ayant endossé le chèque de quelques milliers de francs, n’entendait pas pour autant respecter le bon droit de propriété de mon oncle. Combien il a pu voir de vaches, veaux, cochons transgresser sa clôture pour grignoter dans son verger, si ce n’est les paysans eux-mêmes qui traversaient son pré comme si de rien… Mon oncle protestait mollement contre ces intrusions, mais finalement, il ne se sentait pas suffisamment agressé par ce tout venant pour protester. « Bah ! Ici c’est pas comme à la ville ! » Pouvait-il conclure. Et on sentait que tout cela l’amusait bien. Il avait d’ailleurs surnommé le plus fameux paysan du coin le « Gargamel » (en référence au méchant des Schtroumpfs). Nous étions, nous ses neveux, ses adorables Shtroumpfets.

Gargamel n’était d’ailleurs pas réellement méchant malgré son côté envahissant. C’était juste un homme grand et maigre, efflanqué et mal soigné, passablement épris de boissons. Une maladie de la prostate mal soignée rendait le bougre incontinent à certaines heures aussi il pissait parfois alors qu’il vous disait bonjour. Mon oncle adorait ce personnage.

Mon oncle poussa la sympathie jusqu’à embaucher Gargamel pour lui faire son jardin. Il serait tellement pratique que le vieux lui prépara la semaine un petit carré de légume que mon oncle n’aurait plus qu’à déguster lors des week-ends champêtres. En plus, Gargamel n’avait aucune notion d’argent, et se contentait de quelques billets de petites coupures en rétribution de son travail. Menue monnaie qu’il s’en allait boire le soir même au bar de la Poste.

Pendant quelques saisons, cette arrangement de bon voisinage fonctionna au-delà des espérances de mon oncle et de ses invités occasionnels : non seulement le potager était devenu immense, mais il produisait des quantités astronomiques de salades, de petits pois, de pommes de terre, de tomates… Et quelles tomates ! On n’en avait jamais vu des si belles, des si rouges, des si juteuses… On soupçonnait même le vieux paysan de leur montrer ses fesses pour qu’elles rougissent… Gargamel avait ses secrets de fabrication qu’il ne donnait à personne, mais la disposition des fraises à coté des navets n’avait, selon lui, absolument rien d’anodin. Pré-ado, j’observais d’ailleurs ces curieux mariages de fruits et légumes et me demandais longuement si un jour je trouverais un beau navet à ma convenance. J’étais très romantique à l’époque…

Ce paradis sur terre prit fin de la façon la plus brutale qu’il soit, et j’en veux encore à Martine Aubry de son influence néfaste sur notre potager. Tandis que passait la loi sur les 35h, mon oncle se retrouva quasiment du jour au lendemain avec une semaine entière de RTT à écouler sans tarder. Il arrangea à la hâte ses congés et il donna rendez-vous à toute la famille à la maison de campagne. Par un concours de circonstances, sa voiture et celle de mon père se rencontrèrent en chemin et nous avons pu ainsi terminer le trajet ensembles.
Nous sommes donc arrivés tous ensembles, ce mercredi matin de pleine semaine, dans le pré de notre vieille campagne, et quelle ne fut pas notre surprise de découvrir en la présence de Gargamel, tous les paysans du coin qui chargeaient comme si de rien, dans leurs bagnoles déglinguées des cageots de tomates bien mures !

Nous comprîmes tous instantanément que s’était organisé un petit commerce maraîcher sur le dos de mon oncle !

Le partenariat entre mon oncle et Gargamel prit fin instantanément. Non pas, d’ailleurs, que mon oncle ait ressenti une trahison ou une duperie cuisante, mais il ne souhaitait pas s’attirer d’avantage de curiosité du voisinage et son besoin de discrétion naturelle le poussait à stopper là.

Mon oncle n’a pas la main verte, jardiner ne l’a jamais passionné. Depuis lors, le potager est à l’abandon. Parfois, au hasard des saisons dans ce terreau favorable, poussent d’eux-mêmes une menthe, une ciboulette, une fraise ou un oignon blanc. Nous les cueillons religieusement en repensant à la gloire passée des lieux, tandis que chacun regrette secrètement le temps où nous étions les heureux dindons de la farce.

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Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 07-05-2013 20:17  Mis à jour: 07-05-2013 20:17
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: On récolte généralement ce que l’on sème (histo...
A propos de secrets de jardinage. Mon jardin était sur l'emplacement d'un ancien vignoble, en Provence,.C'était un terrain rocailleux sur lequel, selon mon propriétaire, je ne pourrais pas faire pousser grand'chose.
En dehors de mes tomates qui s'y trouvaient très à l'aise, j'entretenais deux longs rangs de haricots verts, et ils produisaient tant que j'étais souvent en peine de les cueillir tous, même en proposant à mes visiteurs d'aller ramasser ce qui leur plairait. En dehors du fait que la terre est basse, je présume qu'il ne doit pas exister de recette de confiture de haricots verts...
Mon propriétaire ( et voisin ) s'en serait arraché les cheveux qui lui restaient: il n'arrivait pas à faire pousser un haricot convenable sur le même sol que le mien.
Une année, je lui ai proposé de faire une rangée près des miennes, ce qu'il fit. Catastrophe...mes haricots projetaient leur ombre sur les chétifs pousses rabougris et jaunissants de mon émule.Par quel mystère ses haricots ne poussaient pas ? Nous achetions nos graines de la même marque, au même endroit !
Par contre, il avait des melons splendides. Le plus gros que j'ai pu obtenir devait être de la taille d'une balle de tennis..Mes fraises se contentaient de faire des fleurs et mon ail venait avec une forme de guitare !
emma
Posté le: 10-05-2013 15:56  Mis à jour: 10-05-2013 15:56
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: On récolte généralement ce que l’on sème (histo...
Bonjour bacchus,

Ha ha ! les déboires de ton voisin et propriétaire me font bien rire !

La confiture de haricots verts ??? On va creuser la question...
Dans les iles, on fait des achards d'à peu près tout et n'importe quoi. Je suis sure qu'on peut faire quelque chose de ces haricots !

Cultiver son potager n'est pas, en effet, de tout repos. Il y a surement des choses qui nous échappent et peut-être que notre mère nature n'est pas aussi domestiquée qu'il n'y parait...
Loriane
Posté le: 10-05-2013 22:09  Mis à jour: 11-05-2013 17:00
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: On récolte généralement ce que l’on sème (histo...
C'est si super quand on est à l'article de la mort, (bronches et larynx bouchés 39°6 de fièvre) de lire vos échanges et vos mésaventures de jardiniers spoliés et de rang de haricots. Avec vos récits amusants et vivants, je reviens à mon enfance dans le jardin de mon père à St Denis, près du champ de course. Il y avait des légumes partout et mon père m'avait confié un carré rien qu'a moi avec les graines qui vont avec. Je vous dis pas comme il fut furax quand il constata que au lieu de planter utile, sa grande bique qui lui bouffait ses petits pois cru dans ses allées, ses oignons blancs , ses radis plein de terre, avait en plus transformé son petit royaume en floralies folles, il y avait tout : marguerites géantes, lupins, roses, pivoines, clarkias, désespoirs du peintre, corbeilles d'argent, un lilas, des boules de neiges, une aubépine, une lavande, du millepertuis, des dahlias de toutes les couleurs, des tulipes, des narcisses, des iris, un gros nuage de gypsophile, des myosotis rose et bleu, des pervenches, des oeillets d'inde des soucis oranges, des gaillardes comme des soleils, des asters, des bleuets géants, des primevères toutes en feuille, et des lys blancs immenses qui me laissaient du jaune sur le nez, des pensées, des ancolies... J'avais passé trois après midi à tout planter dans ce qui me semblait être le plus bel ordre., c'était beau, beau comme le paradis, je me le rappelle encore "de mon premier jardin " mais surtout je ne vous dis pas la couleur de mes fesses quand mon père découvrit que j'avais tout piqué dans les jardins des voisins. Il y eut un grand conciliabule, moi et mes 8 ans au milieu de tous les jardiniers réunit, et moi à dire "pardon je ne recommencerai plus, pardon je ne recommencerai plus, pardon ..., chacun eut son pardon et je gardais tous mes trésors : "mais non, père Maleville laissez, vous voyez bien qu'elle à la main verte, si on les enlève ils vont crevés"
J'étais le nez au sol déçue, j'avais repéré un bouquet de genets jaunes et ce que je nommerai plus tard un hortensia qui commençait ses boules et un chèvrefeuille, mais ils avaient résisté et je projetais d'y retourner, mais mon affaire a tourné court.
Plus tard les voisins avaient pris l’habitude de me donner tous les plants de fleurs qu'ils avaient ou qui les gênaient, très vite j'ai eu une forêt vierge, mes fleurs étaient très, très serrées, mais elles poussaient. Quand mon père m'avait dit d'en arracher pour les aérer, j'avais été épouvantée, je le regardais et je me disais qu'est-ce que c'est que ce sauvage qui veut arracher des fleurs ?? Pour moi c’était un crime.
Combien de fois à table je l'ai entendu dire à ma mère : "mais qu'est-ce que t'as fait pour avoir un gosse pareille ? elle à pas besoin de mes tomates, elle est capable de manger un ragoût de marguerite ?
Mais plus tard j'ai appris par ma mère que quand j’étais à l'école il faisait visiter le jardin de sa fille : en répétant toujours : je ne sais pas d'où elle sort celle-là, , elle a bien des idées bizarres, mais je voudrais bien que mes légumes poussent aussi bien que ses fleurs "
Emma, les paysans normands ont la réputation d'être malins, et se servir chez le voisin était une coutume répandue je crois. Quand à toi Bacchus, je crois que les confitures de haricots verts c'est pas terrible mais tu sembles aussi avoir la main verte..
Merci à vous deux pour ce quart d'heure à la campagne, quel bonheur !
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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