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Nouvelles : Le grand mensonge ( suite)
Publié par Salimbye le 07-08-2013 00:50:00 ( 1277 lectures ) Articles du même auteur



II- La tribu dont vous parlez et qui se trouve à 37 kilomètres au sud-est de la ville de Safi s’appelle « Ouled M'rah ». Elle a toujours vécu repliée sur elle-même. Formée de plateaux semi désertiques et frappée d'une sécheresse continue, elle semblait être oubliée par l'Histoire. Ni les conditions climatiques, ni les décisions politiques n'avaient joué en sa faveur. Ces injustices aux allures d'une malédiction divine n'avaient fait que souder davantage les habitants.
Désabusés, ces derniers comprirent que pour venir à bout de leurs innombrables problèmes, ils ne pouvaient compter que sur leurs propres moyens.
Aussi, petits et grands luttaient-ils, sans relâche, pour survivre.
Ce monde qui semblait sempiternellement figé a été cependant bouleversé le jour où, par erreur peut-être, les autorités politiques ont décidé d'y faire construire une école, afin de, soi-disant, lutter contre l'analphabétisme et de promouvoir l'instruction dans le milieu rural.
A ce moment là, le narrateur qui était resté silencieux depuis le début de notre conversation est intervenu. J’ai senti qu’il était un peu dérangé parce que le vieil homme commençait à empiéter sur son domaine. Le jeune homme lui a rappelé gentiment qu’il ne devait en aucune manière parler des événements généraux ni des décors, que ses interventions devaient se limiter à sa propre personne à lui.
Le vieil homme a grommelé des mots incompréhensibles. Et le narrateur a poursuivi le récit :

Aussi, par une belle journée d'un mois de mai, une petite salle de classe en préfabriqué fut-elle érigée miraculeusement au sommet d'une colline. Durant tout l'été qui suivit cette fausse note gouvernementale, les parents regardèrent avec suspicion cet édifice qui pourrait accaparer leurs progénitures pour de longues années s'ils ne prenaient pas toutes les mesures nécessaires. Vigilants, ils oublièrent leurs querelles internes, serrèrent les rangs et redoublèrent leurs efforts pour faire échouer le projet en question.

III- Je suis arrivé, déclara l’homme à la djellaba blanche immaculée, au début de l'année scolaire. Personne n’a su comment j’ai pu atterrir dans cette contrée oubliée. J’étais encore jeune, fraîchement débarqué du Centre de Formation des Instituteurs. Mon cartable usé et bourré de schémas méthodologiques, de formules didactiques et de démarches pédagogiques glanés péniblement au cours de mon cursus, me procurait un certain prestige et beaucoup d'admiration et de respect. Evidemment, il n'y avait pas d'élèves. Mais en tant que maître, j’ai reçu d'innombrables variétés de repas envoyés par les familles qui habitaient aux alentours de l'école ».
Le campagnard intervint de nouveau. Le narrateur n’a pas réagi.
Conscient des menaces qui pesaient sur moi en tant que cheikh qui représentait les autorités locales auprès du ministère de l’intérieur, j’ai essayé vainement de faire démarrer l’opération anti-analphabétisme. Je n’ai pas pu digérer mon cuisant échec. J’avais des soucis, surtout que le caïd, mon supérieur direct après ma femme, n’avait cessé de me rappeler que cette opération devait réussir à tout prix.
J’ai senti que la situation allait se compliquer davantage, alors je suis allé voir l'instituteur pour le supplier de rester dans la tribu. Je l'ai assuré qu'il serait bien entretenu et qu'il ne manquerait de rien. Les listes fictives des élèves inscrits seraient déposées par moi même auprès du directeur dont relevait le nouvel établissement. Ce dernier avait son bureau à Gzoula, un petit village situé à vingt kilomètres des Ouled M'rah.
Le narrateur lui a coupé la parole :
Le maître ne demandait pas mieux : il craignait d'être muté dans un coin plus perdu encore. Mais il était quand même un peu inquiet. Et si un inspecteur de l'enseignement venait un jour lui rendre visite ? Hypothèse irréalisable dans le futur, vu l'état de la piste.
Le directeur qui habitait au village de Gzoula - faut-il le rappeler - ne pouvait pas, lui non plus, se lancer dans une aventure très risquée. Il avait décidé fermement de ne jamais se hasarder loin de son village, depuis le jour où, voulant visiter une école qui était aussi loin que celle des M'rahi, il avait pris un taxi. En ces temps là, les directeurs des écoles primaires ne disposaient d'aucun moyen de transport pour accomplir leurs tâches pédagogiques dans des conditions normales. Si bien qu'on les voyait souvent faire la tournée des écoles relevant de leurs districts ou de leurs zones, à dos d'ânes ou de mulets.
Un jour donc, Le directeur avait pris un taxi. Ne connaissant pas bien la région, le chauffeur se trompa de piste. Les deux voyageurs passèrent une demi-journée à la recherche de l'introuvable école. Fâché, le conducteur abandonna, sans vergogne, le représentant du Ministère de l'Education Nationale, de la Formation des Cadres et de l'Enseignement Supérieur (ouf !) dans un magnifique paysage lunaire. Celui-ci mit deux longues journées pour retrouver les siens.



IV- J’ai donc accepté l'offre qui m’a été proposée. Et le jour où ce pacte historique a été scellé, le cheikh, en tant que représentant des autorités locales a inauguré son premier succès en m’autorisant à partager la salle de classe, à l'aide des planches des bancs et des tables, en deux parties égales : Une chambre à coucher, avec en guise de lit, le tableau posé horizontalement sur quelques grosses pierres. L'autre partie a été réservée à la réception. Mais comme je ne recevais personne, cette partie de l'ex- salle de classe est devenue un lieu de rencontre des M'rahi pour y discuter, le soir, de leurs problèmes et de leur misère ou pour jouer, de temps en temps, aux cartes ou aux dames. Les vendredis et les jours de fêtes, elle servait de mosquée. On lui a donné le nom simple et modeste de « La Chambre ».

Voulant me débarrasser, une fois pour toutes, de mes craintes, une nuit, j’ai pris une pioche et une pelle que j’avais achetées auparavant et je suis allé très loin, à une dizaine de kilomètres du douar. Là, j’ai creusé un profond fossé sur toute la largeur de la piste qui menait à l’école. « Comme ça je serai tranquille ! », ai-je pensé avec soulagement. J’étais tellement rassuré que j’ai voulu recopier cette phrase sur le rocher qui surplombait la piste. Malheureusement, il n'y avait pas assez de place. Je me suis contenté d'en recopier, avec de la peinture rouge, seulement les initiales des mots « Cçjst ».
Le jour suivant, quelques paysans qui se rendaient au marché hebdomadaire (le souk), découvrirent le mystérieux fossé. Était-ce un signe avant coureur d'une abjecte subversion ? Un complot terroriste qui se tramait ? En tout cas, il fallait aviser le cheikh, qui, à son tour devrait aviser ses supérieurs, et plus particulièrement le caïd, afin de déjouer les plans des ennemis de la Nation.
En écoutant le narrateur, le campagnard est devenu blême avant de poursuivre, lui-même, le récit :
- En apprenant la mauvaise nouvelle, j’étais traumatisé. Je me voyais dépassé par les événements. J’avais peur que les responsables découvrent les transformations apportées à l’école. J’ai pu, toutefois, dissimuler mon désarroi. Et j’ai décidé de ne rien signaler au caïd, ni à ma femme. Comment puis-je le faire, moi, qui suis sensé être au courant de tout ce qui se passait dans la région ? Comment ma femme fermerait-elle les yeux sur cette faute professionnelle impardonnable si jamais par hasard, des jacasseuses de la tribu venaient l'informer du mystérieux fossé ? Je savais pertinemment que mon épouse ne laisserait pas passer cette opportunité sans exiger un cadeau cher comme prix de son silence »
- Et tu as songé à moi, encore une fois, lui déclara l’instituteur en souriant. Car, poursuivit-il, j’étais la seule personne qui puisse t’aider à sauver le peu de dignité qui te restait. Le soir même, tu es venu me voir.
L’homme à la djellaba blanche avait l’air agressif et moqueur envers son interlocuteur. Le déconsidérait-il parce qu’il avait l’air misérable ? Ou bien le rang d’un parlementaire exigeait ce comportement hautain ?
Assis sur une grosse pierre, le mistrou (de maestro), comme le surnommaient les femmes de la tribu, était en train de causer avec des campagnards venus chercher de l'eau dans un puits près de l'école. Il était fier de ce public qui formait un demi-cercle autour de lui, fier du sujet abordé librement et fier enfin de la participation collective au débat.
Heureusement qu'il n'avait pas affaire à des gamins à qui le Ministère de l'Education Nationale, de la Formation des Cadres et de l'Enseignement Supérieur (encore Ouf !) avait imposé des sujets à discuter en classe, lors des activités orales ; sujets qui n'avaient pratiquement rien de commun avec leur propre vécu.
Le cheikh le prit à part et lui chuchota :
- Le caïd m'a parlé d'une compagnie qui va venir effectuer des prospections dans la région, mais il a oublié de me parler du message qu'elle a laissé sur un rocher. Peux-tu venir avec moi pour me le lire ? C'est un peu loin, mais nous prendrons des mulets.
Depuis leur première affaire conclue avec succès, l'instituteur et le cheikh décidèrent de se tutoyer sans aucun complexe. « Voyons ! Pas de protocole entre amis ! ».
Le maître réfléchit un moment à la proposition du représentant des autorités locales, mais comme il n'avait rien à faire (pas de préparation de cours pour le jour suivant, pas de copies d'élèves à corriger, pas d'élèves, pas d'école…), il accepta de l'accompagner.
Ayant remarqué que je voulais intervenir à mon tour, l’homme à la djellaba blanche immaculée, m’a averti que tout ce que j’allais dire ne serait pas pris en considération dans leur propre histoire. Je l’ai rassuré que je n’avais nullement l’intention d’agir sur le déroulement des événements, mais que je voulais tout simplement apporter quelques précisions ou plutôt un avertissement.
- Chers lecteurs (je m’adresse à ma famille), vous voilà, vous aussi embarqué, dans ce récit, cahoté par les informations qui vous secouent tels des naufragés qui s’accrochent à un radeau pour lutter conte les gigantesques vagues d’une mer agitée. Votre seul espoir est d’atteindre la terre ferme malgré les récifs des temps verbaux, des types de discours, des focalisations… qui jonchent votre parcours.
Coincés, vous aussi dans cette petite chambre, vous écoutez curieusement ces trois étrangers intervenir à tour de rôle. L’atmosphère est très tendue entre les personnages. Elle risque d’exploser d’un temps à l’autre. Vous regrettez, sans doute, mes histoires simples qui se déroulaient sans problème et qui ne nécessitaient pas d’effort de votre part. Bien que vous soyez impressionnés par l’homme à la djellaba blanche immaculée, et que vous éprouviez, peut-être, de la sympathie pour le vieil campagnard, vous vous demandez, tout de même, si l’issue de ce récit serait intéressante et vraisemblable.
Chers lecteurs, rassurez-vous, moi non plus je ne sais pas comment cette aventure va se terminer…
Et de nouveau le vieil homme m’a interrompu sous prétexte que les interventions fréquentes peuvent perturber l’attention des lecteurs. Ils risquent de perdre « le fil conducteur ». Mais, y a-t-il vraiment un « fil conducteur » dans ce magma d’informations ?
Je me suis plié à la volonté du vieil homme qui se retourna vers le narrateur pour lui demander de poursuivre.
(à suivre)


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Auteur Commentaire en débat
arielleffe
Posté le: 07-08-2013 15:04  Mis à jour: 07-08-2013 15:04
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: Le grand mensonge ( suite)
re bonjour, je suis un peu perdue, et je ne comprends pas bien pourquoi le maître d'école ne veut pas enseigner. Il serait peut-être bien de dire dès le départ qui est le campagnard et qui est l'homme à la djellabah blanche. Suspens, suspens, où cela va-t-il nous mener ?
Salimbye
Posté le: 08-08-2013 05:12  Mis à jour: 08-08-2013 05:12
Plume d'Argent
Inscrit le: 01-08-2013
De:
Contributions: 81
 Re: Le grand mensonge ( suite)
Bonjour,

Patience!
Patience!
J'ai bien dit au début de mon texte, que j'étais sorti de chez moi pour fumer " un petit joint".
Je n'ai pas encore retrouvé tous mes esprits!
Peut-être mentionnerai- les noms de mes personnages dans la prochaine partie.
En attendant; PATIENCE !!
Amicalement !
arielleffe
Posté le: 08-08-2013 10:52  Mis à jour: 08-08-2013 10:52
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: Le grand mensonge ( suite)
ok ok, j'attends !
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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