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Accueil >> xnews >> Jusqu'à la dernière seconde. - Nouvelles confirmées - Textes
Nouvelles confirmées : Jusqu'à la dernière seconde.
Publié par Bacchus le 11-09-2013 23:00:00 ( 1437 lectures ) Articles du même auteur



Tirée par une vieille haridelle fourbue, la charrette déboucha sur l'esplanade en sortant de la voûte encadrée de deux grossières statues de saints en prière. Les roues cerclées de fer faisaient un bruit grinçant et irritant sur les vieux pavés usés de la place du village.
La foule, qui était massée là depuis le lever du jour, semblait fatiguée et commençait visiblement à se lasser du spectacle répétitif qui se déroulait depuis le matin. C'était la quatrième et dernière exécution de la journée et, malgré le plaisir que les spectateurs y prenaient à chaque fois, il était sensible que la dernière exécution serait suffisante pour cette fois-ci.
La jeune femme, enchaînée sur la charrette, se tenait debout, bien droite et levait un menton arrogant pendant que ses yeux faisaient le tour de la foule d'où montait un grondement agressif. Elle tourna la tête vers le balcon-coursive qui dominait le front d'immeubles d'où la charrette venait d'apparaître et toisa avec ironie le seigneur qui se tenait assis au milieu d'un groupe de courtisans .
Il lui adressa un salut exagérément poli en levant sa coupe à son intention.
La charrette s'arrêta au pied des quelques marches en bois qui faisaient accéder à l'estrade de planches où était placé le billot.
Le bourreau se tenait en haut des marches, tout vêtu de rouge, la tête recouverte d'une cagoule aux bords frangés qui lui tombait sur les épaules et le thorax. . Des yeux noirs et mobiles détaillaient méchamment sa dernière victime de la journée, semblant prendre des repères et des mesures lui permettant d'oeuvrer au mieux.
Aussitôt, les gens d'armes accoururent et prirent place autour du lieu d'exécution, lances au pied, pointes penchées vers la foule.
Lorsque la jeune femme fut délivrée de ses chaînes et que deux soldats, la tenant chacun par un bras, la firent descendre sans ménagement du plateau, le grondement de la foule enfla. Quelques cris hystériques et des insultes jaillirent . Il y eut comme une vague d'excitation qui agita les rangs les plus prés de la condamnée.
Elle agita les bras pour se délivrer de l'emprise des soldats et aborda la première marche.
Si son visage exprimait noblesse et fierté, tout son corps semblait figé par la peur et l'appréhension.
En marquant un arrêt à chaque marche, elle semblait vouloir vivre avec recueillement chaque seconde qui la rapprochait de sa fin.
Le bourreau, appuyé des deux mains sur le manche de sa terrible hache, l'attendait sans impatience, sachant que la condamnée, dès lors, lui appartenait.
Il est possible qu'un sourire satisfait se cachait sous la cagoule. C'était le plaisir secret du bourreau.
La prenant fermement par l'épaule, il la poussa, malgré sa passivité, jusqu'au pied du billot.
Elle regardait ce billot depuis qu'elle avait commencé son ultime parcours. Les dernières victimes avaient perdu leur sang , sous le tranchet de la hache, et ce sang recouvrait entièrement le billot ainsi que de larges étendues sur les planches. .
Les cheveux de la condamnée avaient été tirés en un haut chignon qui dégageait une nuque longue et fragile, une nuque qui avait dû attirer bien des baisers et qui allait être sectionnée , dans un bref instant.
Le bourreau prit la jeune femme par les deux épaules , l'obligeant à ployer les jambes, puis à s'agenouiller . En écrasant son dos, il l'amena à poser sa poitrine sur le bord du billot, le cou tendu et la joue droite posée sur le bois poisseux du sang déjà versé.

Un sinistre roulement de tambour retentit alors. Les secondes semblaient s'étirer horriblement .
Elle voyait, sur le plancher qui était sous ses yeux, l'ombre du bourreau qui, immobile, attendait le signal du seigneur pour accomplir son oeuvre .
Les tambours s'arrêtèrent brusquement. La foule s'était tue . pas un seul bruit dans l'air.
elle vit, terrorisée, l'ombre du bourreau lever lentement sa hache, comme s'il étudiait les détails de ses gestes, restant suspendu un instant .

-" Coupez !! "
Le cri claqua dans le silence et, aussitôt, un brouhaha paisible se répandit sur la place.
Un petit homme grassouillet, en bermuda et T-shirt gris, des écouteurs sur les oreilles, sauta sur l'estrade tandis qu'une équipe de techniciens et de maquilleurs envahissaient les lieux.
On aida avec beaucoup de considération la jeune femme à se relever et, aussitôt, on s'affaira à lui nettoyer le visage , on lui posa une veste sur les épaules et on lui versa une coupe de champagne.
Le petit homme sautillait sur place, excité comme une puce.
- " Ah ! Célia ! ma divine ! tu as été merveilleuse, comme d'habitude ! Franchement, si je n'avais pas tant de métier, je crois que j'en aurais pleuré. "
Puis se tournant vers le bourreau qui, capuche retirée, ressemblait à une bonne brute innocente :
- " quant à toi, c'était limite . J'aurais aimé que tu mettes plus de coeur, plus de vie, dans ton personnage ! tu avais l'air d'être à une réception ! "
Il prit Célia par les épaules et l'entraîna à travers la foule qui s'écarta avec respect et un murmure appréciateur.

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Auteur Commentaire en débat
Grenouille
Posté le: 12-09-2013 05:25  Mis à jour: 12-09-2013 05:25
Plume d'Or
Inscrit le: 22-01-2012
De: Alsace
Contributions: 317
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Bacchus, tu m'as fait peur, j'ai faillit arrêter le lecture avant que le bourreau n'accomplisse son œuvre !!!
Ouf ! C'était du cinéma.
Bien jouer ...
AMerci pour ces émotions.
couscous
Posté le: 12-09-2013 06:21  Mis à jour: 12-09-2013 06:21
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Et bien ! Tu sais nous tenir en haleine ! J'ai vraiment eu peur que ta nouvelle vire au cauchemar. Beurk !

Merci
violette12
Posté le: 12-09-2013 11:06  Mis à jour: 12-09-2013 11:06
Semi pro
Inscrit le: 08-09-2013
De: le havre
Contributions: 99
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Formidable description et inattendu dénouement, j'ai adoré!!!
Iktomi
Posté le: 14-09-2013 15:17  Mis à jour: 14-09-2013 15:17
Modérateur
Inscrit le: 11-01-2012
De: Rivière du mât
Contributions: 682
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Alors ça, l'idée du "coupez" au moment où la hache se lève, c'est du tout grand Bacchus.

Du coup je n'ai pu m'empêcher de penser à cette chanson (que j'adore) :

http://youtu.be/t9ziY7N30_g
Grenouille
Posté le: 15-09-2013 11:38  Mis à jour: 15-09-2013 11:38
Plume d'Or
Inscrit le: 22-01-2012
De: Alsace
Contributions: 317
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Comme toi Iktomi, J'ai adorè " Coupez ! "
Loriane
Posté le: 18-09-2013 19:09  Mis à jour: 18-09-2013 19:09
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Vilain sadique ! farceur, c'est le "grand guignol"
Tu nous montres à quel point nous avons malgré tous évolué, oui, je sais que beaucoup de primitifs sont encore parmi nous et iraient probablement courir à ce genre de spectacle, mais nous sommes aussi nombreux et ne plus pouvoir les supporter. Avons nous fait taire pour toujours ces horreurs. les pays qui sont encore des civilisations fossiles vont-ils bientôt s'humaniser, car on ne crie pas toujours "coupez" sur cette planète, l'évolution en a oublié quelques uns et on ne peut oublier que ce n'est pas partout du cinéma, mais pas bien loin de nous, cela reste malheureusement un spectacle.
Mais j'ai aimé ce happy end.
Merci
Bacchus
Posté le: 18-09-2013 19:32  Mis à jour: 18-09-2013 19:33
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Non Loriane. Hélas non...
Le goût du sang est encore trop profondément ancré dans l'âme humaine.
Il y a quelques micro-secondes, selon l'éternité, que les bons français allaient au fort de Vincennes, endimanchés, pour se délecter d'une ' bonne exécution sur le pont d'accès du fort.
Je crois qu'ils sont encore des millions à réclamer la réédition du spectacle.
Je crois même que l'être humain est le seul qui peut tuer sans que son but soit de se nourrir ou de se défendre. D'où notre suprématie.
Loriane
Posté le: 18-09-2013 20:21  Mis à jour: 18-09-2013 20:22
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Jusqu'à la dernière seconde.
Sauf que notre suprématie c'est notre extinction prochaine,
ll semble que nous ayons très mal géré notre violence et notre inconscience. Comme dit la "sagesse populaire" depuis le XIII siècle :"Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise"
La gestion de la planète basée sur la violence et la suprématie est une voie sans issue.

http://www.nicematin.com/article/cote ... inction-%C2%BB.33870.html

Son histoire de planète me rappelle ma nouvelle sur la planète bleue. Je l'avais mise sur son site et son profil facebook, (nous sommes amis facebook ) Son discours et les prévisions inquiétantes font l'unanimité dans le milieu scientifique..
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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