| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Accueil >> xnews >> Le rasoir - Poèmes confirmés - Textes
Poèmes confirmés : Le rasoir
Publié par cuga le 08-10-2013 00:00:00 ( 1140 lectures ) Articles du même auteur



Le rasoir,

Il y avait la petite glace carrée suspendue à sa chaînette
au-dessus de l'évier en pierre : un éclat, en bas à droite,
faisait une brisure laissant apparaître derrière le miroir le
carton bruni par l'humidité. Sous le robinet en cuivre mon
grand-père posait la petite cuvette bleue mouchetée,
réservée uniquement à ses ablutions matinales.
Ses bretelles rabattues le long de son pantalon, il faisait
tourner son blaireau dans le bol craquelé : le savon à raser
se transformait alors en écume blanche et douce. J'en garde
encore le parfum.
Il appliquait sur son visage buriné la neige onctueuse. La
tête penchée, juste à côté de lui, je ne ratais aucun de ses
gestes. Inévitablement je recevais sur le bout de mon nez
un petit nuage mousseux.
Il passait le rasoir sur le cuir attendri pour aiguiser la lame
puis, avec des gestes précis et sûrs, de la gorge au menton et
du nez aux oreilles, le faisait danser et crisser sur la barbe.
Après chaque mouvement, sans quitter la glace des yeux, sa
main plongeait le coupe-chou dans la cuvette puis l'essuyait
prestement sur la serviette blanche posée sur son épaule
gauche. Le rasage terminé, il rinçait son visage tout neuf à
grande eau, puis, avec dans le creux de ses mains un peu
d'eau de lavande en tapotait ses joues.
L'air satisfait, il passait ses pouces dans ses bretelles et les
replaçaient sur ses épaules en les faisant claquer.
Et, avant de ranger le rasoir et ses accessoires dans la boite
en forme de gros plumier, il se penchait vers moi pour que je
sois le premier à embrasser la peau parfumée et fraîche.
J'ai gardé la boite en merisier et le rasoir au vieux manche en
ivoire patiné et jauni.
Vous n'allez pas me croire sans doute mais, quand je l'ouvre de
temps en temps, quand j'en fais glisser le couvercle et bien, après
tant d'années, une fragrance fraîche et indéfinissable s'en échappe
encore.....

Cuga
Extrait de " Ces petits moments de bonheur " Tome 2

Article précédent Article suivant Imprimer Transmettre cet article à un(e) ami(e) Générer un PDF à partir de cet article
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Bacchus
Posté le: 09-10-2013 00:29  Mis à jour: 09-10-2013 00:29
Modérateur
Inscrit le: 03-05-2012
De: Corse
Contributions: 1186
 Re: Le rasoir
Ah le rite du rasage !
C'était le dimanche matin que nous pouvions voir notre père se raser. En semaine, nous étions encore coucher lorsqu'il le faisait.
Le coup de blaireau sur le nez, nous faisions semblant de vouloir lui échapper, mais nous aurions été déçus si nous n'avions pas eu notre part de mousse . Ensuite, notre père se tapotait le visage avec du 'cuir de Russie ', ou bien de la 'fleur de tabac '. puis il s'adoucissait le visage avec une poudre de riz, pour homme !
Commençait alors le rite de ' l'étrenne de la barbe ' . Toute la famille venait lui faire la bise et notre mère, en dernier, avait le droit à un joli baiser sur les lèvres.
Tu as raison, l'odeur de ces rasages reste imprégné dans les souvenirs.
Plus tard, durant des années, je me suis rasé avec le matériel de mon père. Le fil du rasoir s'est effrité. Depuis, je ne me suis plus jamais rasé au ' sabre '.
Merci pour ce beau souvenir qui en appelle d'autres
Amicalement Bacchus
Loriane
Posté le: 09-10-2013 14:41  Mis à jour: 09-10-2013 14:41
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Le rasoir
Cette image est aussi gravée dans ma tête.
Cette scène je la revois à un endroit précis : en Dordogne, dans la chambre de la vieille maison, le broc et la cuvette de faïence, blanche décorés de bleu, avec personnages champêtres sur le dessus de marbre blanc, de la table de toilette, mon père de dos, les bretelles pendantes, le gros blaireau blanc de savon à barbe, et ce mouvement régulier de la longue lame, du long coupe-choux au manche de corne et chargé de mousse qu'il essuyait sur un torchon - me semble-t-il- : dessus, dessous, dessus, dessous, la concentration presque religieuse, du regard dans le miroir rectangulaire encadré de bois de buis et suspendu près de la fenêtre, le rinçage, la friction à l'après rasage, Gillette, lavande et vétiver, une noix de Pento pour lisser les cheveux, et les légères traces de sang dans le cou, devant les oreilles, au coin du nez. . Et la voix de ma mère :" René, tu as replié et rangé ton rasoir ? "
Tout un monde que tu fais revivre, des gestes du temps d'antan...
Merci pour le joli souvenir.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
62 Personne(s) en ligne (12 Personne(s) connectée(s) sur Textes)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 62

Plus ...