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Nouvelles : A chacun son dû (suite)
Publié par Salimbye le 14-10-2013 14:10:00 ( 910 lectures ) Articles du même auteur



A chacun son dû ( 1ère partie : suite )

Ils se réveillèrent tôt le jour suivant. En guise de cadeau, Tahra offrit à Hajja un sachet contenant cinq œufs. C’était les derniers fruits de la poule tuée la veille. La citadine fit semblant de refuser, par politesse, mais devant l’insistance de la femme d’El Orch, elle accepta le cadeau et embrassa la maman de Mina sur les deux joues.
Malgré l’état mécanique lamentable de l’autocar, celui-ci parvint tout de même à rejoindre la capitale.
Huit heures de trajet sous une chaleur accablante.
Les voyageurs étaient exténués mais sains et saufs.
Foule tumultueuse.
Bagages entassés.
Désordre complet.
Saleté partout.
Hajja demanda à El Och sa carte d’identité. Elle en fit une copie chez un photographe. Elle emmena, ensuite, le père et sa fille dans la rue où elle habitait. Celle-ci se trouvait à une cinquantaine de mètres de la gare routière. Elle demanda à un adolescent qui revenait du collège de lui marquer son adresse à elle sur un bout de papier : « Quartier des Bienheureux, rue des Martyres, Numéro 13 ».
« - J’habite à cette adresse, au deuxième étage, dit-elle à El Orch. Ma chambre porte le numéro 7. Je suis chez moi tous les jours jusqu’à midi ». Elle lui remit le bout de papier portant l’adresse, sa pièce d’identité et un billet de vingt dirhams (deux Euros).
Le père prit sa fille entre ses bras, l’embrassa sur le front, lui tendit un minuscule baluchon qui contenait quelques vêtements et se dirigea, la tête basse, vers la gare routière.
Il réussit à cacher ses larmes.
Le soir même, Mina fut conduite chez ses patrons. Au moment où elle entra dans la villa, elle fut impressionnée par l’étendu de la demeure et par la verdure. Deux gros chiens solidement attachés commencèrent à aboyer en sautant sur leurs pattes postérieures. Une allée principale longeait un immense bassin. La petite fille se demanda à quoi pourrait servir toute la quantité d’eau qu’il contenait, et pourquoi on avait fixé des échelles sur chacune des parois du bassin.
Le jour où elle vit ses patrons et leurs deux amis intimes s’y baigner, elle comprit ce que c’était une piscine.
Leila, la femme du juge, était lumineusement attirante. La trentaine. Taille mince, cheveux noirs noués en queue de cheval, yeux clairs, bouche bien dessinée et carminée faite pour embrasser. Vêtue d’une chemisette rose pale et d’une courte jupe collante ; deux pièces qui mettaient en valeur ses seins généreux et ses cuisses nerveuse. Un entêtant parfum se dégageait de tout son corps. Souriante, elle reçut Hajja et la petite fille devant la grande porte en bois massif et les fit entrer dans un vaste salon jonché de fauteuils en cuir et de tables basses. Les rideaux rouge foncé qui pendaient le long des nombreuses fenêtres rendaient la lumière très douce. Elle leur servit deux verres de Coca bien frais avant de leur faire visiter la villa.
Le premier étage était constitué d’un petit salon destiné à recevoir les amis intimes du juge. Juste en face se trouvait une salle de bain dont les murs étaient totalement couverts de larges miroirs. La chambre à coucher des deux époux et celle des petits se situaient au fond du couloir. Toutes les pièces étaient équipées d’une douche chaude.
La cuisine se trouvait au sous sol. Des ustensiles de toutes couleurs et de toutes tailles étaient accrochés au mur. Les fours électriques et les deux gigantesques réfrigérateurs occupaient le quart de la pièce. Rkia, la cuisinière, une femme noire d’une quarantaine d’années, préparait le diner. Leila ouvrit la porte d’une pièce très étroite ayant une petite fenêtre qui donnait sur les niches des deux chiens : « Ce sera la chambre à coucher de la bonne ». Un vieux matelas sur lequel on avait jeté un oreiller et une couverture, gisait à même le sol.
La femme du juge chargea Rkia de montrer à la petite bonne ce qu’elle devait faire. Elle tendit quelques billets d’argent à la grosse femme tout en la remerciant pour le service qu’elle venait de lui rendre. Elle s’excusa sous prétexte qu’elle avait des courses à faire et quitta les lieux. On entendit les talons de ses hautes chaussures résonner sur les escaliers en marbre.
Avant de partir à son tour, Hajja expliqua à la petite Mina que son rang social ne lui permettait pas d’appeler ses patrons par leurs noms ou leurs prénoms. Elle lui recommanda que chaque fois qu’elle s’adressait à ses employeurs, elle devait dire « Lalla » à la femme et « Sidi » à son mari.
Comme elle était mariée, Rkia, la cuisinière, devait chaque soir renter chez elle. Son travail commençait à sept heures du matin et finissait à dix-neuf heures. Elle n’avait droit à aucun jour de repos. Demander une amélioration des conditions de travail à un juge pourrait mener en prison.
Ce soir là, avant de partir, elle expliqua à la nouvelle bonne qu’elle devait, chaque jour, dresser et débarrasser la table, servir les repas et faire la vaisselle. Elle lui montra comment elle devait s’y prendre.
Vers huit heures du soir, Mina s’acquitta honorablement de sa tâche. Ismaël et Rania, les deux petits enfants du juge, âgés respectivement de quatre et deux ans étaient très contents de la nouvelle serveuse. Ils lui parlaient en riant aux éclats ; mais comme ils ne s’exprimaient qu’en français, la petite fille ne comprenait pas ce qu’ils disaient. Le visage de Sidi, par contre, ne laissait paraitre aucun sentiment. Seule Lalla montrait une certaine agressivité en vers elle. Elle lui reprochait sa nonchalance et sa maladresse en lui faisant remarquer que des filles de son âge étaient déjà mariées et avaient des enfants.
La petite bonne sentait son cœur se serrer, sa gorge se nouer. Mais elle ne pouvait pas pleurer devant ses patrons. Elle craignait une punition plus sévère.
Après avoir débarrassé la table et lavé les assiettes, la fillette de dix ans rejoignit la chambre où elle devait, pour la première fois, dormir toute seule. Les deux chiens que le juge relâchait chaque soir avant de dormir couraient sur la pelouse en aboyant. Mina avait peur. Tous les rêves qu’elle avait caressés avant de quitter sa famille s’effilochèrent. Elle tomba sur son matelas et se mit à pleurer à chaudes larmes, le visage calé contre l’oreiller.
Comme elle était fatiguée par le trajet et le service, elle sombra rapidement dans un profond sommeil et ne se réveilla que le lendemain vers sept heures, à l’arrivée de Rkia.
Avec le temps, la petite bonne s’adapta à son nouveau mode de vie malgré les vives remontrances de Lalla.
Bien qu’elle n’ait le droit de prendre une douche, ni de changer de vêtements qu’une fois tous les quinze jours, elle n’avait jamais pu raconter ses malheurs à son père qui venait lui rendre visite à la fin de chaque mois.
Leila avait prévenu la grosse femme que El Orch ne devait en aucune manière venir à la maison du juge. Hajja se plia à cette volonté contre une belle somme d’argent et commença à venir chercher la petite Mina pour la conduire à la gare routière voir son père.
A chaque rencontre, la fillette demandait des nouvelles de sa maman. Les deux cents dirhams n’avaient rien changé à la situation sociale de sa famille. Ses frères ne revinrent jamais à la maison. On n’avait plus de nouvelles d’eux depuis des mois. Mina tentait, de temps en temps, de rassurer son père en lui disant qu’un jour elle pourrait trouver une autre famille qui la paierait mieux. Celui-ci lui conseillait de rester chez le juge : elle risquerait de se perdre, elle aussi, dans cette ville tentaculaire.
( à suivre )

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 15-10-2013 18:11  Mis à jour: 15-10-2013 18:11
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: A chacun son dû (suite)
Je me doutais que cela allait mal se passait. J'ai mal au coeur pour cette petiotte.
aliv
Posté le: 16-10-2013 18:56  Mis à jour: 16-10-2013 18:56
Plume d'Argent
Inscrit le: 25-03-2013
De:
Contributions: 290
 Re: A chacun son dû (suite)
Une suite un peu moins facile à lire.
Je pense que cela est dû aux descriptions un peu trop lourde, comme celle de la maîtresse de maison.
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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