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Nouvelles : Aveuglante habitude
Publié par Christophe le 25-10-2013 13:53:48 ( 1218 lectures ) Articles du même auteur



Aveuglante habitude


Il rentre chez lui, comme à chaque fois avec l'espoir.
Il fait nuit, évidemment, et ses enfants dorment, comme cela se doit; c'est qu'il y école demain.
Sa femme dort, elle aussi.
Il prend une douche pour se débarrasser de tout ce sang; c'est que c'est difficile à enlever, le sang. Il cache ses habits maculés, comme d'habitude et il les lavera demain puis les rangera dans son armoire, sans que personne ne s'aperçoive de rien.
Comme d'habitude.
Il va se coucher, non sans avoir embrassé ses enfants.

A quelques pâtés de maisons, la jeune femme saigne encore un peu. Son corps est encore tiède. Son visage est intact, hormis ses yeux, qu'il a soigneusement crevés de son poinçon.
Il l'avait rencontrée, en début de soirée, à la sortie du pub irlandais de la Rue des Rêves où l'on sert d'excellentes bières brunes du pays au trèfle.
Ils étaient tous deux sur le trottoir, à fumer leur cigarette blonde; elle ne le connaissait pas, lui l'avait déjà repérée en cours de soirée; c'est qu'on la remarquait, avec son abondante chevelure rousse.
Elle cherchait du feu et lui, en homme galant et sautant sur l'occasion, avait approché la flamme de son briquet de la fille. Elle l'avait remercié, comme cela se fait, et la conversation avait ainsi démarré. Comme d'habitude.
Quand on dit que fumer nuit gravement à la santé!
Il est plutôt bel homme, la trentaine assumée, tempes grisonnantes déjà, ce qui lui confère, disent ses collègues de travail, un charme indéniable.
Elle était tombée dans le piège, comme la dizaine d'autres avant elle.
Il lui avait alors proposé de la raccompagner, parce qu'"on ne sait jamais sur qui on peut tomber..." Comme d'habitude.
Au bas de chez elle, séduite par son chevalier servant, la fille lui avait proposé, erreur "fatale" de "monter boire un dernier verre" et pour lui faire voir les toiles qu'elles lui dit couvrir de peinture à l'huile.
En homme délicat, il lui avait dit apprécier - alors qu'il n'en pensait pas un mot - ses "oeuvres" en sirotant le whiskey double malt, sans glace, toujours sans glace, merci.
L'alcool et la prévenance de ce bel inconnu avaient fini de faire tomber les murs de son attention et elle commençait à rire à gorge déployée à ses blagues. Comme d'habitude.
Elle avait fini par s'approcher de lui, physiquement, au point de laisser sa poitrine parler pour elle de ses intentions on ne peu plus claires...
Leurs lèvres s'étaient unies, leurs mains s'égarant sur leurs corps mélangés.
Au moment où elle cherchait à se saisir de l'objet de son désir, de son billet pour le septième ciel espéré, il avait commencé à serrer ses mains autour de sa gorge offerte.
Sa respiration devenant saccadée et haletante, ses seins se soulevaient à chacun de ses soubresauts.
Son beau visage à la peau si claire avait fini par prendre une teinte rougeâtre. Comme d'habitude.
Le rouge avait viré assez vite au bleu, les mouvements de la fille devenant de plus en plus incontrôlés, ne répondant plus qu'à un espoir vain de survivre, juste de survivre. Comme d'habitude.
Après que le dernier souffle fût poussé par la belle rousse, son corps s'était détendu, ses bras s'affaissant, sa tête tombant en arrière, comme un pantin désarticulé.
Il l'avait alors couchée avec douceur sur son lit défait, admiré ce corps pour lequel il n'avait jamais eu le moindre désir. Comme d'habitude.
Il avait ensuite sorti le poinçon de sa poche et avait frappé, une seule fois, chacun des beaux yeux verts de sa victime du soir, rituel immuable.
C'est là qu'il s'était taché: l'oeil crevé d'un corps mort mais encore chaud ayant la toujours désagréable idée de saigner abondamment.


Il entre donc dans son lit, prend garde de ne pas trébucher sur la canne blanche, compagne inséparable de sa femme, et embrasse les yeux de sa tendre, y versant une larme... Comme d'habitude.

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Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 26-10-2013 06:43  Mis à jour: 26-10-2013 06:44
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Aveuglante habitude
Un texte qui donne des frissons. Toute l'horreur de cet acte et un final étonnant, j'adore cela.

Il manque juste une petite chose ... ceci :

https://www.youtube.com/watch?v=n5BAXIcseak

Désolée, c'était plus fort que moi.

Merci Christophe.
arielleffe
Posté le: 26-10-2013 15:53  Mis à jour: 26-10-2013 15:53
Plume d'Or
Inscrit le: 06-08-2013
De: Le Havre
Contributions: 805
 Re: Aveuglante habitude
Je savais bien que Couscous n'allait pas résister !
C'est flippant cette histoire mais très bien amenée, on est pris dans le récit et on a envie de savoir la fin, horrible mais on en redemande, ton serial killer va-t-il recommencer ? Mon héroïne Béryl dans Azéline pourra peut-être communiquer avec une de ses victimes...
couscous
Posté le: 26-10-2013 17:13  Mis à jour: 26-10-2013 17:13
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Aveuglante habitude
Tu commences à me connaître ma chère Arielle. Jolie, la petite allusion à ton roman dont j'attends toujours la suite avec une grande impatience ...
Christophe
Posté le: 27-10-2013 07:03  Mis à jour: 27-10-2013 07:05
Plume d'Argent
Inscrit le: 21-10-2013
De: Aigle
Contributions: 117
 Re: Aveuglante habitude
Coucous, sais-tu le plus drôle?
Je m'imaginais cette histoire en film et cette chanson aurait souligné le côté absurde et désespéré de la démarche de cet homme, pensais-je…

Arielleffe, merci beaucoup pour t'être laissé emporter par cette histoire
Y a-t-il un moyen de trouver en un endroit toutes les parties de ton "Azéline" ?
Loriane
Posté le: 30-10-2013 15:43  Mis à jour: 30-10-2013 15:43
Administrateur
Inscrit le: 14-12-2011
De: Montpellier
Contributions: 9499
 Re: Aveuglante habitude
OK ! J'appelle les experts et je le dénonce, il a laissé des traces : marié avec enfant, aveugle, fumeur, fréquentant un pub Irlandais , amateur de bière ...
On sent bien l'influence de notre époque , les serial Killer et la haine des femmes, les éternels objets de la violence des fêlés, la chasse du primitif-chasseur et du gibier.
Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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