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Nouvelles confirmées : Léo " Naître père"
Publié par malhaire le 23-06-2015 20:57:10 ( 1038 lectures ) Articles du même auteur



"Lorsque je suis arrivé au C.H.U, la chaleur était écrasante. Je me suis garé n’importe où, n’importe comment. Comme à l’habitude, le parking était bondé.
Après avoir enfin trouvé le bon étage et le service, comme s’il ne faisait pas assez chaud, je dus enfiler une blouse. Elle était blanche avec des rayures vertes.
J’avais gardé un tricot de corps gris et moulant que j’affectionnais porter lors de mes activités de jardinage.
Evidemment, je n’avais pas pris le temps d’échanger mon short contre un jeans.
Affublé de ma blouse, je n’assumais plus vraiment cette dégaine grotesque.
Enfin, je pus rejoindre Sophie. Le travail était en cours et l’accouchement maintenant imminent. Le personnel avait toujours un mot aimable à notre égard et se voulait infiniment rassurant.
Vers midi, les contractions devinrent plus insoutenables encore. Sophie hurlait de douleurs. Habituellement très calme et polie, elle se mit bientôt à pestiférer contre toutes les personnes qui avaient eu la mauvaise idée de passer par là. J’avais un peu honte et m’excusais. Pourtant, le personnel soignant ne semblait pas étonné de telles conduites.
Les trois heures qui suivirent furent absolument insupportables. A l’intérieur même des locaux le thermomètre n’était pas loin d’afficher une trentaine de degrés.
J’observais ma femme souffrir et se tordre sans pouvoir faire quoi que ce soit.
Aux alentours de quinze heures, une douzaine de personnes se retrouva autour de Sophie. Moi, j’étais à l’écart, dans un petit coin, complètement désorienté. Je tentai de m’approcher quand soudain une voix retentie.
— Reculez-vous un peu monsieur s’il vous plaît, m’ordonna probablement un médecin. Je me suis alors collé contre le mur.
Le premier bébé n’allait plus tarder à arriver. Le personnel s’affairait dans tous les sens et enfin, sous l’effet de la péridurale, Sophie sembla ne plus souffrir. Je me disais que tout était en train de se passer comme le personnel médical le prévoyait.
J’étais blanc comme un linge, transpirant, presque absent, comme perdu.
Un médecin s’écria.
— Attention, nous allons perdre le monsieur là-bas ! Monsieur, vous devriez-vous asseoir, vous semblez bien mal en point. Peut-être devriez-vous sortir, vous n’allez-vous pas supporter !
— Non, non, ça va aller, ne vous inquiétez pas, merci, avais-je alors répondu.
L’armée de soignants grouillait alors.
Et puis soudain, le bébé engagea sa sortie. Du sang et d’autres matières organiques vinrent à s’échouer brutalement sur le sol. C’était assez épouvantable.
Progressivement la salle d’accouchement prenait des allures inquiétantes.
Puis enfin, le bébé se présenta.
Mon souffle se coupa. Comme je le pus, je retins quelques sanglots, puis brusquement, mes yeux se mirent à pleurer. Je perdis le contrôle.
Alors que naissait mon enfant, tout mon être sembla peu à peu se déliter. Je me sentis, de l’intérieur, comme changer pour toujours. Je ne savais pas quel genre d’homme j’étais en train de devenir, mais je comprenais avec certitude qu’à partir de ce moment précis, plus jamais je n’allais pourvoir regarder le monde du même œil.
J’étais sur le point d’étouffer quand brusquement je vis pour la première fois ma fille. C’est alors que je sentis mon cœur se réveiller en moi comme s’il reprenait vie après de longues années de dormance.
L’air vint soudainement s’engouffrer dans les petits poumons du bébé si maigre, presque translucide. Enfin il cria. Je ne sus cette fois retenir mes sanglots. Jamais je n’avais connu plus grande ou plus belle émotion auparavant.
Mon regard ne put se détacher de l’enfant. Alors que j’étais en train d’écraser vivement mes larmes, tout à coup, je compris. Son petit hurlement avait fait de moi, sur le champ, un papa. Son papa.
Pendant que ses poumons s’étaient douloureusement déployés en se comblant d’oxygène, mon cœur, lui, s’était sans crier gare, tout à coup, empli d’un amour puissant et inconditionnel. Toutes mes craintes volèrent en éclats. J’étais comme par magie, en l’espace de quelques secondes, devenu un père aimant, capable d’un amour que jusqu’alors, je ne connaissais pas.
Je tenais là, entre mes mains, le plus beau jour de ma vie.
On ne me demanda pas de couper le cordon ombilical. Quelqu’un le fit rapidement à ma place et emporta notre petit bébé dans une autre pièce.
Je compris que le second était probablement en souffrance et qu’il fallait faire vite. D’autres personnes entrèrent à nouveau pour compléter l’équipe. Je ressentais l’urgence et l’inquiétude des médecins à peine feutrée.
Brusquement alors, un monsieur corpulent sembla appuyer de toutes ses forces sur le ventre de Sophie comme s’il avait voulu expulser très loin notre progéniture. Je le regardai d’un sale œil, inquiet. Une nouvelle fois le sol se couvrit d’innombrables projections de sang, mais aussi d’autres liquides.
Après, tout se passa très vite.
Le deuxième bébé apparut. En le voyant pour la première fois, je fus traversé par les mêmes émotions. Puissantes. Puis Sophie s’écria.
— Elle ne pleure pas, elle ne pleure pas !
Mon cœur bondit dans ma poitrine. J’avais oublié qu’un bébé devait pleurer.
Les médecins s’afférèrent autour de la petite. Le temps sembla cruellement s’arrêter. Sophie m’adressa un regard de détresse. Nous touchâmes à l’éternité, quand soudain, un cri enroué déchira nos silences. Je ne pus cette fois encore, le souffle haletant, retenir mes sanglots. Je ne m’étais pas évanoui et en l’espace de seulement sept minutes, par deux fois, j’étais devenu un papa.
Je venais de décrocher le rôle de ma vie. J’étais un père et je n’en revenais pas.
Je ne connaissais ce rôle que de manière approximative, mais j’étais à présent très confiant. A l’instant où j’avais vu mes filles, j’avais compris. Jamais je n’incarnerai ce père défaillant, celui qui m’avait tant manqué et qui parfois, me manque tant encore. Toujours, je serai là pour elles, bienveillant, incapable de leur faire le moindre mal..."

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Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
couscous
Posté le: 25-06-2015 21:12  Mis à jour: 25-06-2015 21:12
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Léo " Naître père"
Il y a de grosses bouffées d'émotion dans ton texte. Cet experience change les femmes et les hommes pour le reste de leur vie. J'attends de connaître les prénoms de ces petites jumelles....

Merci
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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