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Nouvelles confirmées : L'arrivant IX
Publié par Loriane le 16-07-2012 15:50:00 ( 1118 lectures ) Articles du même auteur
Nouvelles confirmées



L'arrivant IX

Le Uru avait disparu sans laisser de traces, le fromage, la glace et les gaufres aussi.
J'avais l'habitude de cuire des gaufres à la vanille et de les conserver, enfin du moins j'essayais de les garder quelques temps, dans une boite en fer.
Un jour une amie m'avait demandé si je ne craignais pas qu'elles s’abîment. L'innocente !
À ce moment là elle n'avait pas encore vu mon nuage de sauterelles à l’œuvre.
"maman j'ai encore faim"
" Faim, sûrement pas Matthieu mais si tu as encore envie de manger va te prendre une mangue"
Et voici tous les enfants dans le jardin, sous le manguier, me laissant seule pour débarrasser la table.
Rodéric assis sur le canapé, avait le regard dans le vague, il tenait son "pipine" sur le bras gauche et avec la paume de la main droite ouverte, il lui caressait la truffe en petits mouvements circulaires.
Lorsque ces caresses trop nombreuses avait bien usé le nez de sa peluche et que la bourre sortait, il fallait vite opérer "pipine",
"maman, maman pipine saigne du nez"
Alors je sortais mes aiguilles et la truffe de pipine était réparée,
Bien sûr il y avait maintenant plus de fil que de tissu à cet endroit et ce nez de chien perdait un peu de son relief, il devenait de plus en plus plat avec le temps.
"Au lit bonhomme"
Accroché à moi, mon bébé lourd, si lourd, était tout mou, déjà ensommeillé. Il est en plomb ce petit ! disais-je souvent.
Rodéric dormait depuis peu, les enfants remplissaient le lave-vaisselle quand une voiture se gara devant la maison.
Depuis le terrasse, je vis un monsieur entre deux âges, un Farani apparemment, descendre de sa voiture.
"C'est vous qui donnez un chien ? "
"Oui, Clhoé tu vas ouvrir la grille s'il te plaît, je descends, j'arrive"
Celui là, il vient d'arriver, ce voussoiement en était le signe. Tant pis, je vais lui parler à la tahitienne.
"Bonjour, le chien est sous l'escalier, viens j'espère qu'il va sortir de sa cache, il est très gentil mais nous avons déjà un chien, et nous ne pouvons pas en garder deux."
Mon visiteur marchait sur mes traces, j'attrapai Gaston,
"Allez viens dire bonjour."
"Mais il est très beau, je pensais que c'était un chien tahitien"
Il faut savoir que le chien Tahitien est une race indéfinissable, à force de croisements sauvages il c'était créé un chien typique de Tahiti, pas beau, pas laid mais indubitablement très malin.
Ce que cette race avait pu perdre en esthétique, et là c'était discutable, elle l'avait gagné en intelligence
Les chiens ici, n'ont pas toujours de maître et vivent leur vie en divaguant partout.
Ce Popa'a (Blanc), n'était pas un vrai Frarani, (français) c'était un "demi", seul un de ses parents était français, Il était militaire et venait d'arriver sur l'île.
Il avait loué un simple faré près de Papanoo et sa femme voulait absolument un chien, elle se sentait seule et craignait de s'ennuyer. L'immigré, surtout si il n'a pas d'emploi et des collègues de travail qui pallie le trouble de ces quelques semaines d'adaptation, connaît ce déracinement qui provoque, chez presque tous, une période déstabilisante où le sentiment de solitude domine, il faut savoir prendre le temps pour quelques repères et quelques racines.
Ces nouveaux arrivants n'avaient pas encore acheté de voiture et notre visiteur avait dû emprunter un véhicule militaire, ce qui expliquait que pour des raisons d'assurances sa femme n'avait pu l'accompagner.
Je pensais que oui, elle devait se sentir un peu isolée, Papenoo est hors de la ville et un peu éloigné, le temps qu'ils prennent leurs marques, qu'ils s'installent sera un moment d'efforts que certains vivent en regardant partir les avions, car le vrai paradis n'est pas la Polynésie et ses îles ou les caraïbes, mais bien ... chez soi..
Nous avons bavardé un moment, j'écoutai son désarroi et ce que je savais déjà : une arrivée est toujours un moment délicat, il faut accepter l'inconfort du dépaysement, il faut prendre son temps. Les premiers mois, même au paradis sont pour certains difficiles.
" Ma femme va se sentir mieux , mais est-ce qu'il aboie beaucoup ce chien ?"
"Ah non, je ne l'ai jamais entendu aboyer !"
Mais c'est vrai ça, il n'aboyait pas ! Je n'avais pas encore remarqué cette particularité, car s'en était vraiment une. Ce chien semblait être muet.
Et pourtant à Tahiti, les chiens se font bien entendre, et lorsqu'un chien aboie, un autre lui répond et c'est toute l'île par un effet de chaîne qui aboie. Les concerts de chiens ne sont pas rares, et quoique gratuits, ils ne sont pas très appréciés.Voilà c'est comme ça.
"Tu veux monter et boire un jus ?"
"Non, merci, j'ai hâte de revenir à la maison avec ...? c'est Gaston ? ma femme est toute seule et puis elle m'attends avec impatience, elle sera contente."
La voiture s'éloignait, Gaston était monté sans aucun problème, je le voyais sur la banquette arrière, sa tête toute noire était tournée vers moi. Il me regardait. je murmurais agacée,
" pourquoi tu me regardes comme ça ?... même pas coupable !
Gaston dans la voiture de son maître, la grille refermée, je remontai après une caresse à Marcel en passant, et voilà c'est parti pour Gaston, problème réglé, j'espère juste que Rodéric ne fera pas un drame.
Clhoé enfermée dans sa chambre chantait, enfin hurlait plus fort que Jeanne Mas, "Johnny, Johnny ..;"
J'ouvris sa porte pour voir si elle travaillait, je fus assommée par le bruit de la la musique qui sortit comme un diable de sa boite.
"Maman, ferme sa porte, elle nous casse les oreilles, en plus elle chante faux comme une casserole"
Depuis la chambre d'à côté Matthieu, hurlait des amabilités à sa sœur, tout en écoutant "police" tout aussi fort d'ailleurs. Et pourtant Ils avaient chacun des casques pour écouter leur musique mais pourquoi les utiliser ? c'est si bon de provoquer l'autre!
Jaques Lang initiait la "fête de la musique" pendant que mes deux grands crétins inventaient "la guerre de la musique "
Bon, tout va bien mes petits choux sont vivants, bien nourris, en pleine forme, ils ont de l'énergie, une belle intelligence, ce sont des enfants normaux enfin je crois.
Les trois petits enfermés dans la chambre de Florian faisaient semblant de travailler, assis en rond comme des conspirateurs, ils arrêtèrent leurs gestes en me voyant et je crus voir des cartes à jouer dans le dos de Virginie.
Bon! parfait, là aussi tout est normal, ils essaient de passer à côté des contraintes. Je n’intervenais que peu, les résultats scolaires étaient bons, les notes étaient ma seule échelle de valeur, ma seule référence qui me disait danger ou pas danger.
Florian devait préparer secrètement un "pestacle", qu'il nous servira, nous jouera un de ces soirs, Virginie qui voulait être agent secret plus tard, devait lui écrire une histoire et Sacha qui dessinait à merveille allait préparer la déco.
Je laissai donc nos artistes, à leurs secrets.
Assise dans le grand séjour, mes copies étalées sur la table, les heures passaient, je travaillai sérieusement depuis un bon moment quand la porte de la chambre "salon", s’entrouvrit doucement. Rodéric, vint se coller à moi, il traînait son pauvre pipine par un bras.
"Maman les oiseaux sont devant la chambre"
J'avais bien entendu les piaillements et les premiers sifflements, mais sans y prêter vraiment attention.
Je pris Rodéric dans mes bras et j’allai sur la terrasse du coté mer, juste au dessus du cimetière.
Les merles étaient dans les arbres, le manguier résonnait du conciliabule de ses brigands.
Puis tous s’envolèrent ensemble, se posèrent sur le sol. Ils étaient au bas mot une bonne trentaine peut-être plus.
En braillant comme des fous, ils se placèrent en deux rangées, se faisant face à face, bien rectilignes. Napoléon n'avait rien inventé.
Allaient-ils danser un quadrille ? Était-ce le départ d' une manif ? Non rien de tout ça, Nous connaissions maintenant très bien ce scénario.
Je n'entendis pas le sifflet ou le clairon de début de la charge ou du match, ou du combat, c'est selon, mais boum ! soudain ce fut la guerre.
Ils se foncèrent dessus, chacun sautant sur celui qui se trouvait juste face à lui. Les plumes volaient, les coups de becs pleuvaient, ils braillaient comme des enragés, les corps à corps étaient brutaux et sans pitié. On ne voyait que des ailes, des pattes, de plumes, un vrai carnage !
Tout à coup tout s'arrêta. Quelqu'un avait dû siffler la mi-temps ou le repli des troupes, je ne sais mais les deux bataillons cessèrent et il y eut enfin deux ou trois minutes de silence.
Puis chacun de ces valeureux combattants se repositionna sur sa ligne d'attaque, planté solidement sur ses ergots, tous étaient sur le front et ... Hop, voici qu'un autre ordre de leur chef des armées, de leur capitaine, que sais-je, signal toujours insonore pour nous pauvres humains, et c'était la reprise du match ou du combat sans pitié qui se faisait avec un parfait ensemble, et les voici, comme un seul homme, avec courage et détermination, repartis au combat, tous en même temps, repartis à l'assaut de l'ennemi d'en face.
Le raffut était maximum.
"qu'est-ce qu'ils sont cons !!"
"Matthieu !! tu es grossier ! "
Derrière moi, les spectateurs alertés par les décibels produit par la violence des hostilités se rassemblaient , les trois petits étaient là aussi, la guerre est un "pestacle" que les humains regardent avec fascination, tout le monde sait ça.
Ces merles des mollusques avaient été introduits par les humains pour décimer les guêpes qui nuisaient aux polynésiens, mais mauvais calcul !, Puisqu'en définitive ces vilains garnements ont laissés les guêpes en paix et ce qu'ils ont le plus décimé, et ça sans faire de quartier, c'était surtout les fruits dans les arbres, et sur les tables des habitants de l'île. Car ces affreux braillards étaient, de plus, des chapardeurs habiles et vifs comme c'était pas possible. Ces oiseaux teigneux sont des canailles, culottés et bruyants, des petits monstres pas du tout timides ou craintifs, des voleurs invétérés.
Ils adorent la castagne, et ne sont pas très polis.
Ce qui les rendaient admirables étaient leur intelligence, il faisaient des razzias en s'organisant à merveille, pendant qu'un ou deux d'entre eux faisaient le guet, les autres partaient à l'assaut et embarquaient sans délai tout ce qui se trouvaient à portée de bec.
Des vraies pestes futées.
La bagarre sous nos yeux était habituelle et toujours cocasse, je regardai en riant cette lutte très Napoléonienne en raison de ce face à face des deux armées belligérantes. La stratégie cependant ne me semblait pas découler d'une grande recherche, ni être la traduction d' une science complexe, la stratégie était exclue,
Il suffisait de faire face à son adversaire et de lui tapait sur le bec et le corps le plus fort possible. Ce n'était pas très sophistiqué, ça ne semblait pas appartenir au summum de la réflexion mais c'était probablement très efficace.
Et d'autre part quand on voit le plaisir que les humains prennent à ce genre d'activité, cela semble être jubilatoire même si l'intérêt m'échappait. C'est peut-être là l'origine de l'expression ;" avoir une cervelle d'oiseau"
Le brouhaha se calma brutalement, et sans délai tous repartirent dans les arbres. La guerre venait de prendre fin. L'armistice devait se signer quelque part dans les arbres.
Cette paix durera quelque temps, quelques jours.
"Papa, papa, papa ..;"
Trop intéressés par la bataille nous n'avons pas entendu la voiture arriver doucement. JF était dans le jardin, debout il regardait, lui aussi, dans le cimetière.
"Tu sais que mine de rien, 'ils savent se battre !"
Euh! Ouais !? Belliqueux, courageux, d'accord, mais fins stratèges, je ne suis pas sûre, la méthode est succincte : on fait face à l'ennemi et on se cogne dessus, bon je regrette mais cette technique ne force pas vraiment mon admiration .
Mais mon militaire de mari venait de se prononcer. il avait donné son verdict et il admirait l'exploit. Bon !
Officier de réserve, jamais vraiment sorti de l'armée, JF faisait de la formation, de la préparation militaire pour les jeunes recrues, en plus de son emploi civil.
" Le chien est parti ?"
"Oui, le gars qui l'a pris travaille pour l'armée, ils viennent d'arriver à Tahiti, ils ont un faré après Mahina , mais tu rentres tard aujourd'hui"
"Oui, il y avait un transfert sanitaire depuis les Australes à guider sur Mamao par l'émetteur "
Mamao était l’hôpital de Papeete qui recevait toutes les personnes de la Polynésie Française, depuis les Marquises, jusqu''aux australes à l’extrême sud, soit plusieurs milliers de Kilomètres.
La gestion des émetteurs, ne concernait pas uniquement la télévision, mais tout au temps les déplacements militaires, la sécurité civile etc.
JF pouvait donc être réquisitionné à n'importe quel moment, nuit et jour. Sa disponibilité au travail me laissait très souvent seule avec la famille, la période des vacances et des fêtes étant par nature, pour les liaisons radios les périodes les plus chargées en travail et en missions de tous genres.
Il arrivait que JF soit appelé en urgence, et ceci nuit et jour, eil était alors amené à partir à l'autre bout du territoire d'un instant à l'autre et je me retrouvai très souvent seule avec les enfants.
"Je vais porter des bananes chez les voisins, et on mange, après dans la soirée ont peut descendre au port, avec les enfants, pour voir la Bounty ."
Ouais, Ouais !! maman
Les enfants sautaient de joie. Matthieu depuis sa haute taille - 1m 80- à 15 ans condescendait à accepter de nous suivre.
Le régime de bananes avait singulièrement fondu, j'avais fait le tour du quartier pour distribuer les fruits avant qu'ils ne se gâtent.
Le repas du soir se terminait dans la nuit chaude, les lumières de Papeete brillaient en bas de la colline, le cimetière était sombre et calme.|
"On y va ?"
Toute la famille ravie de la balade montait en voiture.
"Rodéric, qu'est-ce que tu fais ? tu viens ?"
"Attends je dis au revoir à Gaston "
" Mais il n'est plus là Gaston bonhomme, il est parti tu sais"
"Non, il est pas parti, il est là "
"Quoi !!! ???"
Plusieurs voix stupéfaites s'étaient jointes à la mienne.
Gaston toujours noir et frisé, au pied de la terrasse, sortait de dessous l'escalier et se frottait contre Rodéric.

Lydia Loriane Maleville

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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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