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#31
Max Beckmann
Loriane
Posté le : 23/12/2015 21:13
Le 27 décembre 1950 à New York meurt Max Beckmann
à 66 ans, né le 12 février 1884 à Leipzig, peintre et dessinateur, sculpteur, dessinateur en bâtiment, graveur, écrivain allemand. Il est formé à l' école des beaux-arts de Weimar, dans le mouvement expressionnisme, Nouvelle Objectivité. Il reçoit pour distinction le prix de peinture Biennale de Venise. Ses Œuvres les plus réputées sont : Autoportrait en smoking, Autoportrait au foulard rouge, Le Départ En bref En organisant une superbe exposition consacrée à Max Beckmann 1884-1950 au Centre Georges-Pompidou 10 septembre 2002-6 janvier 2003, la France rendait pour la première fois hommage à un peintre allemand qui, avant de rompre définitivement avec l'Europe en 1945, avait éprouvé une forte attirance pour Paris au point d'y louer un atelier en 1929. Ce qu'il s'était vu reprocher par l'École des arts décoratifs de Francfort où il était à la tête de l'atelier de maîtrise depuis 1925. Les éditions de l'École nationale supérieure des beaux-arts E.N.S.B.A. ont pris à cette occasion l'heureuse initiative de publier les Écrits 2002 de Max Beckmann dans une traduction malheureusement bâclée. L'exposition, d'une belle simplicité, a fait découvrir la cohérence extrêmement forte d'une conception de la peinture qui refuse d'abandonner l'idée d'une transcendance, sans pour autant venir abonder dans le sens de ceux qui défendent le retour à la figure au nom d'un humanisme convenu ou par goût de la belle ouvrage d'antan. Beckmann pensait que la peinture était par excellence le moyen d'établir un passage entre l'œuvre sensible et l'idée : en ce sens il est pleinement platonicien ; que ce monde intermédiaire, où l'échange entre l'absolu et le concret est possible, peut réunir les hommes parce qu'il propose un monde d'images accessibles à tous et donc à ceux pour qui Dieu est une figure trop abstraite : en ce sens il est pleinement romantique. Il éprouvait d'ailleurs du mépris pour l'art abstrait et pour l'art décoratif, dont relevaient selon lui les papiers peints de Gauguin, les étoffes de Matisse ou encore les échiquiers de Picasso, véritables incitations à la paresse de l'âme, que Beckmann retrouvait aussi dans les trois grands maux de notre époque : la voiture, la photographie et le cinéma, qui nous transportent et coupent ainsi toute velléité de nous transporter nous-mêmes vers le spirituel. Les nombreux autoportraits de Beckmann, et l'exposition en présentait plusieurs, nous montrent un homme abrupt, au visage austère, comme ce célèbre Autoportrait en smoking 1927, et pourtant les témoignages que nous possédons révèlent un homme très chaleureux avec ses interlocuteurs. On peut reprocher à l'exposition son sous-titre ; il est tout à fait impropre, en effet, de dire que Beckmann est Un peintre dans l'histoire. La Première Guerre mondiale l'a certes plongé dans une grave dépression à laquelle il ne s'est arraché que par le dessin, mais il est le contraire d'un peintre dans l'histoire, car les spectacles auxquels il assiste sont intemporels, éternels, comme ces hommes à demi-nus, le corps couvert de sang attendant qu'on leur mette des bandages blancs... De nouvelles images de la flagellation du Christ ». Beckmann n'a jamais voulu convertir ce qu'il a vu en images de propagande, il ne fera jamais de politique et préféra la politique de l'art, en militant dans les associations d'artistes comme la Sécession. Cet homme, qui admirait des penseurs ou des écrivains proches du romantisme les écrits de Schopenhauer ou le Titan de Jean Paul, son œuvre préférée, s'engagea pourtant dans les rangs de la Nouvelle Objectivité. Mais il ne s'agissait pas de « faitalisme », pour reprendre le terme de Nietzsche, d'approbation inconditionnelle de ce qui est, comme chez le photographe Albert Renger-Patzsch Die Welt ist schön, Le Monde est beau ; rien n'est plus étranger à Beckmann que cette attitude de soumission au fait. On sait qu'il appréciait Wilhelm Leibl 1844-1900, le peintre réaliste bavarois, mais l'objectivité transcendantale à laquelle il aspirait, et dont il trouvait des exemples chez Cézanne, Van Gogh ou chez son cher Douanier Rousseau, se confondait pour lui avec la possibilité de recouvrer un grand style universel ; sans exclure des images qui ne prétendaient à aucun écho dans la réalité comme ce Voyage sur le poisson 1934, Staatgalerie, Stuttgart, où on aurait tort de voir dans le poisson un symbole analogue à celui de l'âme chez les Celtes, ou de Jésus-Christ pour les chrétiens. Pour Beckmann, le symbole ou l'allégorie ne sont symbole ou allégorie de rien, ils visent une plénitude, un monde d'images où l'œil qui voit et l'objet regardé se confondent comme dans le très énigmatique Rêve de Paris Colette, tour Eiffel 1931, collection particulière. S'il est quelque chose qui rend particulièrement attachante la figure de Max Beckmann, c'est qu'il a su, malgré sa chienne de vie, pour reprendre ses propres mots – vie presque toujours précaire et désargentée, vie exposée à la menace de la confiscation et de la destruction de son œuvre, vie accablée par les maux physiques –, rester fidèle à la vie et à son sens spirituel. Jean-François Poirier Sa vie Max Beckmann naît à Leipzig en 1884. Il connaîtra personnellement les grandes tragédies qui, dans cette première moitié du xxe siècle, bouleverseront l’Europe et le monde. Après sa formation à l'école des beaux-arts de Weimar, où il rencontre sa première épouse Minna Tube, Max Beckmann s'installe en 1907 à Berlin, où il organise des expositions de ses œuvres. Pendant la Première Guerre mondiale, il sert à Wervicq-Sud près du front belge, en tant qu'infirmier. En 1914-1915, il peint des fresques dans la piscine en plein air de la commune, alors utilisée par l'armée impériale allemande1. Il est démobilisé en 1915 en raison d'une dépression nerveuse. Son art change alors de style pour devenir plus critique et moral. À partir des années 1920, le peintre séjourne à plusieurs reprises à Baden-Baden, ville d'eau et de jeux du sud de l'Allemagne. Max quitte Minna Tube en 1925, pour épouser Mathilde 1904-1986. Sa seconde épouse Mathilde, surnommée Quappi, est la fille du peintre Friedrich August von Kaulbach. Jusqu'en avril 1933, il enseigne à Francfort, avant d'être déchu de son poste. Fatigué, dépressif, il est alors très inquiet de la montée du nazisme, comme le montrent les lettres qu'il écrit à son épouse à cette époque. Il s'installe à Berlin, où il peint des vues de la Forêt-Noire au climat oppressant, aux arbres déracinés et aux chemins qui se perdent. Au lendemain du discours d'Adolf Hitler sur l'art, il est classé parmi les « peintres dégénérés » et il doit quitter l'Allemagne avec son épouse pour partir en exil à Amsterdam, où il connaît la précarité et la solitude, et sera pris dans l'étau national-socialiste après l'invasion des Pays-Bas par la Wehrmacht. Ce n'est qu'après la fin de la guerre qu'il rejoint définitivement les États-Unis, en 1947, pour enseigner à Washington et à Brooklyn. Beckmann décède à New York en 1950, l'année même où la Biennale de Venise lui décerne son premier prix de peinture. L'œuvre de Max Beckmann occupe une place exceptionnelle dans l'art du XXe siècle. Dans un contexte largement dominé par le développement de l'abstraction, il est resté tout au long de sa carrière un fervent partisan de la figuration. Témoin privilégié d'une époque qui aura connu le désastre de deux guerres mondiales, Beckmann n'a jamais cessé de vouloir représenter la condition humaine universelle, thème central de son œuvre, tout en rendant compte du présent historique. Les rapports qu'il entretient avec la tradition picturale européenne, comme avec les avant-gardes de son époque, sont complexes. Figure isolée au sein de l'histoire de l'art moderne, la réception de son œuvre ne fut pas aisée et son interprétation longtemps problématique, notamment en raison d'un style jugé parfois agressif et dérangeant, et d'une iconographie combinant différents registres dans un syncrétisme personnel déroutant. Le regard qu'il pose, dans ses représentations d'un monde en plein bouleversement, sur l'existence humaine et sur la nature conflictuelle de l'être humain, demeure cependant, aujourd'hui encore, d'une intensité inégalée. Formation et affirmation de soi Né le 12 février 1884 à Leipzig, Max Beckmann montre très tôt une forte personnalité, ainsi qu'une vocation précoce. Il entre à l'âge de seize ans à l'École des beaux-arts de Weimar où il reçoit, sous le professorat de Carl Frithjof Smith, une solide formation classique. Il s'intéresse alors à la peinture moderne récente, à l'œuvre de Munch, de Cézanne, de Van Gogh et des impressionnistes. En 1903, il séjourne à Paris. Opposé au formalisme des imitateurs de l'impressionnisme, il lui préfère un art qui donne directement accès à ce qu'il y a d'atroce, de vulgaire, de grandiose, d'ordinaire, de banal et de grotesque dans la vie. Un art qui puisse nous être toujours immédiatement présent dans ce que la vie a de plus réel. Durant son séjour en France, il se rend à Colmar où il voit le retable d'Issenheim peint par Matthias Grünewald qui aura une profonde influence sur son œuvre, en particulier après 1916. Invité à participer en 1906 à une exposition de la Sécession berlinoise, il adhère brièvement à ce courant de peintres rassemblés autour de Max Liebermann et Lovis Corinth et obtient en 1910 une bourse pour Florence, prix d'honneur pour ses Jeunes Hommes au bord de la mer 1905, Kunstsammlung Schloßmuseum, Weimar. Dans la violente polémique qui l'oppose en 1912 à Franz Marc au sujet de la représentation de l'espace et de la plasticité en peinture, Beckmann défend ce qu'il considère être les « deux principes fondamentaux des arts plastiques ». Hostile à la nouvelle conception picturale qui insiste sur le caractère plan de l'image, qui relève selon lui davantage des arts décoratifs, il revendique, dans l'article « Réflexions sur l'actualité et la non-actualité de l'art », la modernité de sa recherche d'une nouvelle forme de peinture figurative. Le choc de la Première Guerre mondiale Engagé comme volontaire dans les services sanitaires de l'armée allemande, il connaît dès 1915 une profonde dépression physique et psychique. La guerre provoque une rupture radicale dans son existence et dans sa création ; son langage pictural en sort profondément modifié. L'Obus Sprengel Museum, Hanovre, une pointe-sèche de 1915, est significatif de ce tournant : la composition est éclatée, les traits brisés se heurtent et s'arrêtent brutalement. Dans Le Christ et la femme adultère 1917, Saint Louis Art Museum et La Descente de croix 1917, Museum of Modern Art, New York, il recourt aux thèmes religieux pour évoquer le conflit. Mais c'est avec La Nuit 1918, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, représentant une scène de persécution politique, que s'affirme véritablement son nouveau style, synthèse originale qui puise aussi bien aux sources de l'art gothique allemand, de l'art renaissant italien que de l'art moderne français. Il y exprime dans un réalisme symbolique, et au moyen d'un contraste de couleurs blafardes et criardes, la brutalité et la cruauté de la guerre. La distorsion de l'espace, l'aspect grotesque des personnages, la théâtralité de la mise en scène, tout rappelle l'importance dans son œuvre de l'ironie, nécessaire pour exorciser l'horreur. Alors que l'Allemagne semble sortir de la crise et cherche un difficile équilibre dans le régime républicain de Weimar, Beckmann devient un peintre renommé. Il épouse en 1925 Mathilde von Kaulbach, surnommée Quappi, qui l'introduit dans un milieu aristocratique et mondain. Il est nommé, la même année, directeur de la Städelschule de Francfort. Sa peinture trouve un certain apaisement. Dans Autoportrait en smoking 1927, Harvard University Museums, Cambridge, un des nombreux autoportraits qu'il aura exécutés tout au long de sa vie et qui constituent l'épine dorsale de son œuvre, il apparaît sûr de lui ; une main posée au-dessus de la hanche, l'autre tenant une cigarette. En lui permettant de se représenter dans les costumes les plus divers et d'assumer les attitudes les plus variées, l'autoportrait est le moyen privilégié par l'artiste pour interroger non pas tant sa propre personne et son destin individuel que sa condition d'être humain. Ce regard impitoyable et infatigable qu'il pose sur son existence apparaît aussi dans son journal. D'autres peintures de cette époque reflètent sa fascination pour la théâtralité – implicite ou non – qui est le propre de la vie, comme Le Portrait de l'acteur russe, Zeretelli 1927, Harvard University Art Museums, Cambridge. En 1928, à l'occasion d'une importante rétrospective de l'œuvre de Beckmann à Mannheim, Julius Meier-Graefe, célèbre critique d'art, dira de lui : Nous avons encore une fois un maître parmi nous. Il parvient en même temps à une certaine reconnaissance internationale. Le tournant mythologique et l'exil Le Départ 1932-1935, Museum of Modern Art, New York, premier d'une série de triptyques, marque l'apparition des motifs mythologiques dans son œuvre. Dans un contexte général de regain d'intérêt pour la pensée mythique, Beckmann puise dans la mythologie les éléments d'une représentation à la fois symbolique et actuelle de la torture et de l'exil. Artiste cultivé, lecteur de Shopenhauer et de Jean Paul, Beckmann revendique sa filiation avec les romantiques allemands et s'intéresse au mysticisme et à la théosophie, alors en vogue. Contraint à la démission, il quitte son poste de directeur de la Städelschule en 1933 et s'installe à Berlin. Hostile aux nouvelles orientations politiques, il tente néanmoins de préserver autant que possible sa carrière prestigieuse, grâce aux soutiens dont il bénéficie dans les milieux culturels et aristocratiques. En 1937, des tableaux de Beckmann provenant pour la plupart des collections de musées allemands sont présentés à l'exposition sur l'« art dégénéré » organisée par les nazis. Le peintre quitte alors l'Allemagne et s'installe à Amsterdam. Il y restera dix ans, faute de pouvoir obtenir un visa pour les États-Unis. Après la guerre, Beckmann émigre aux États-Unis et enseigne un temps à l'École d'art de l'université de Washington à Saint Louis, où il occupe le poste laissé vacant par Philip Guston, puis à la Brooklyn Museum Art School. Il travaille toujours aussi intensément ; ses coloris deviennent plus variés et éclatants, les formes, plus séduisantes, se simplifient. Ses dernières œuvres représentent les paysages, les gratte-ciel, et la population de sa nouvelle terre d'accueil. Il meurt à New York le 27 décembre 1950, emporté par une crise cardiaque alors qu'il se rendait à l'exposition American Painting Today, où était présentée une de ses dernières peintures, l'Autoportrait au veston bleu 1950, The Saint-Louis Art Museum. Aurelia Elis Son œuvre Max Beckmann a développé son parcours en dehors des groupes ou des mouvements artistiques restés célèbres dans l'histoire de l'art du début du siècle. Par le biais du dessin, de la gravure, de la lithographie, l’œuvre de Max Beckmann rend compte de chacun des drames du monde, sans que pour autant le peintre en soit un illustrateur ou une sorte de reporter. Son œuvre reflète une approche du monde considéré comme une scène de théâtre où se joue la pièce qu'est la vie humaine avec des hommes qui sont des acteurs masqués ou des acrobates. le récit, nul mieux que lui n’a montré la crise sociale et morale de l’Allemagne des années 1920 ou dénoncé la monstruosité du nazisme. Et cela justement parce que, refusant l’engagement direct de l’artiste, lui fixant une mission plus haute, Beckmann, dans sa peinture des événements historiques, atteint une dimension universelle et intemporelle. Klaus Gallwitz, directeur du Musée Frieder Burda et spécialiste de Max Beckmann, parle au sujet des tableaux d'avant-guerre de peinture subversive qui lui a permis de mûrir ses tableaux futurs. Ses premières œuvres ont une teinte plutôt naturaliste. Après la guerre, son style devient plus personnel et offre ses caractéristiques si connues : visages émaciés, contours marqués. Ses œuvres La Nuit Die Nacht 1918-1919 Danse à Baden-Baden 1923, caricature d'une société en crise - tableau appartenant à la Nouvelle Pinacothèque de Munich Le Rêve de Monte-Carlo commencé en 1939, terminé en 1943 Le Parc de Baden-Baden La Riviera Voiture d'artistes, ce tableau témoigne de l'exil subi par l'artiste, avec ces personnages réfugiés autour de leur directeur, peint alors que la Wehrmacht s'apprête à envahir les Pays-Bas. Le Départ Hölle der Vögel L'Enfer des oiseaux Les Accusés 1916 Beckmann et sa femme en exil, cet autoportrait montre un couple digne uni dans l'adversité. Les Joueurs de rugby Déclaration de guerre 1914 Autoportrait au foulard rouge 1917 Der Eiserne Steg La passerelle de fer 1922
#32
Nicolas-Toussaint Charlet
Loriane
Posté le : 19/12/2015 15:55
Le 20 décembre 1792 naît Nicolas-Toussaint Charlet,
à Paris, mort dans la même ville le 30 décembre 1845 à 53 ans, peintre et graveur de nationalité française. Il a pour maître Antoine-Jean Gros et pour elève Charles Cournault il est reçoit pour distinction la légion d'honneur, il est fait officier, son Œuvre la plus réputée est "Tête de chien." Son portrait a paru dans la Galerie de la presse de la littérature et des beaux-arts en 1841. En bref Né pendant la Révolution, fils d'un soldat de la République mort au combat, Charlet entre dans l'atelier de Gros, peintre officiel de l'Empereur, en 1815, l'année de la chute de l'Empire, et il y restera jusqu'en 1820, de même que Bonington, Bellangé et Lami. Il manie très tôt le nouvel art de la lithographie (à laquelle il n'a pas, malgré la légende, initié Géricault), et, dès 1817, il donne chez Motte une série de Costumes militaires français, prélude à d'autres séries d'uniformes. En 1820, il accompagne à Londres son ami Géricault. À son retour, il devient l'ami des frères Gihaut, éditeurs lithographes qui publient pour les étrennes des albums à la mode, auxquels collabore Charlet, Croquis lithographiques, 1822-1824, par exemple) de 1822 à 1837. Son art, centré sur les types de l'enfant (Alphabet moral et philosophique à l'usage des petits enfants, Gihaut, 1835 et du soldat (Le Grenadier de Waterloo), montre la vie quotidienne des classes moyennes ; c'est celui du croquis saisi sur le vif, agrémenté d'une légende spirituelle, d'un mot qui transcrit le langage enfantin ou le français oral et populaire. Ce mot, il l'a peut-être noté dans une des guinguettes qu'il aime à fréquenter en compagnie de son imprimeur Villain. Ses opinions bonapartistes se manifestent sous la Restauration et la monarchie de Juillet dans une œuvre lithographique répétitive et abondante 1 200 gravures, ce qui n'empêche pas Louis-Philippe de faire appel à lui pour certaines peintures du musée de l'Histoire de France à Versailles. Ségolen Lemen. Sa vie Fils d’un dragon de l’armée de Sambre-et-Meuse, Charlet perd très tôt son père et, élevé à l’École des enfants de la patrie, reçoit une éducation très négligée. Il débute dans la vie par un médiocre emploi la mairie du 2e arrondissement de Paris, chargé d’enregistrer et de toiser les jeunes recrues. Ses opinions bonapartistes et la part active qu’il prend à la défense de la barrière de Clichy, lui font perdre sa place à la Restauration en 1816. Charlet entre alors, en 1817, dans l’atelier d'Antoine-Jean Gros où il rencontre Gilles-François Closson et, forcé de produire pour vivre, il se voue dès lors tout entier à l’art, pour lequel il se sent une puissante vocation. Il débute par une lithographie, La Garde meurt et ne se rend pas, qui lui fait aussitôt un nom. Les dessins et les aquarelles de Charlet se succèdent alors rapidement et, inspirés par les mêmes sentiments, obtiennent la même popularité que les odes de Béranger. Il réussit surtout dans le dessin et la lithographie, et acquiert bientôt une vogue immense en traitant les sujets militaires ou des scènes populaires que tout le monde connaît au XIXe siècle, comme Vous ne savez donc pas mourir ?, L’Aumône du soldat, La Résignation ou Le Grenadier de Waterloo. Il s’exerça aussi avec succès dans la peinture, Épisode de la campagne de Russie, Passage du Rhin en 1796. Il ouvre un atelier de lithographie dans les années 1820. Géricault apprécie le talent de Charlet : les deux artistes se lient d’une vive amitié, et font ensemble le voyage d’Angleterre. En 1832, c’est le général de Grigny qu’il accompagne au siège de la citadelle d'Anvers. En 1838, il est nommé professeur de dessin à l’École polytechnique. Le caricaturiste Cham fréquente son atelier en 1840 ainsi que Théodore Valerio qui devient à la fois un élève et un ami. Jules-Antoine Duvaux compte aussi parmi ses élèves. L’œuvre lithographique de cet artiste infatigable se compose de près de 1 100 feuilles. Il a produit, en outre, près de 2 000 dessins à la sépia, à l’aquarelle, à la plume et des eaux-fortes, et son atelier était rempli d’ébauches à l’huile. Avec Auguste Raffet, Nicolas-Toussaint Charlet est l’un des principaux créateurs de la légende napoléonienne dans le domaine de l’illustration. L’époque romantique et le Second Empire sont des périodes de vulgarisation de l’histoire dans le domaine du livre. Les ouvrages historiques illustrés se multiplient. L’illustration est un art populaire dans lequel l’image est accessible à tous et qui doit être immédiatement compréhensible. Charlet crée une iconographie percutante qui va largement contribuer à ancrer la légende napoléonienne dans l’imaginaire collectif. À sa mort, il travaillait à une publication : L’Empereur et la Garde impériale, dont il n’a pu terminer que quatre dessins. Étroitement mêlé à celui de la lithographie romantique, le nom de Charlet est aussi, comme ceux de Bellangé, Raffet ou Vernet, associé au mythe de Napoléon, dont la gloire rejaillit sur lui. Très populaire auprès de ses contemporains, il s'est spécialisé dans la scène de genre à sujet militaire ou enfantin. Gros admire son Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, et Delacroix le place après Molière et La Fontaine pour la peinture des caractères ; mais Baudelaire, qui le compare à Béranger, ne l'aime pas du tout : C'est une grande réputation, une réputation essentiellement française, une des gloires de la France. Il a réjoui, amusé, attendri aussi, dit-on, toute une génération d'hommes vivant encore [...]. Cependant, il faut avoir le courage de dire que Charlet n'appartient pas à la classe des hommes éternels et des génies cosmopolites . Il persifle ensuite « le tourlourou et le grenadier » de Charlet le démagogue, et ses « gamins », « ces chers petits anges qui feront de si jolis soldats, qui aiment tant les vieux militaires, et qui jouent à la guerre avec des sabres de bois ». Finalement, il prophétise l'oubli de ce « fabricant de niaiseries nationales, commerçant patenté de proverbes politiques, idole qui n'a pas, en somme, la vie plus dure que tout autre idole » Quelques Caricaturistes français. Baudelaire a vu juste : Charlet a chu dans l'oubli... d'où il mérite d'être exhumé. Il connut pourtant un regain de faveur à la fin du XIXe siècle : une exposition lui est consacrée en 1893, et Willette en compose l'affiche ; en 1897, une affiche de Hugo d'Alesi pour l'exposition du centenaire de la lithographie montre une Parisienne élégante chinant sur les quais ; elle admire une affiche de Charlet, qui est mise en parallèle avec une œuvre de Chéret, alors tenu pour le maître de l'affiche en couleurs. Charlet, il est vrai, peut être considéré comme l'un des premiers et des plus féconds propagateurs de l'art lithographique en France. En 1838, il devient professeur à l'École polytechnique, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort. Dans cette dernière période, sa production lithographique diminue ; la popularité de Gavarni lui porte ombrage, et se consacre davantage à la peinture ; surtout, il illustre le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases (2 vol., Bourdin, 1842), et il fournit dans l'année les 500 croquis commandés par l'éditeur au début de 1841, comme pour répondre aux 500 vignettes de Horace Vernet qui ont illustré l'Histoire de l'empereur Napoléon de Laurent de l'Ardèche Dubochet, 1839 : le tirage à 22 000 exemplaires résume bien les gloires conjointes de Napoléon, après le retour des cendres 1840, et de Charlet, l'apôtre de sa légende.Ségolen Lemen Il a aussi laissé quelques grands tableaux d’histoire, et son Épisode de la retraite de Russie, vers 1836, musée des beaux-arts de Lyon, admirée par Alfred de Musset, fait partie des classiques de la peinture française. Il fut un bon vivant, aimant boire et chanter, habitué et doyen d’une goguette : les Frileux ou Joyeux. Une rue du 15e arrondissement de Paris a reçu son nom. Un monument lui est dédié, portrait en médaillon en bronze ornant une colonne en pierre, avec une inscription : « À Charlet 1792-1845, à Paris dans le square de la place Denfert-Rochereau. Collections publiques musée d'Évreux : Le Repos, aquarelle sur papier vélin Méditation de l’Empereur Napoléon Ier, aquatinte avec rehauts de peinture Musée des beaux arts de Lyon : Épisode de la retraite de Russie, vers 1836, huile sur toile Illustrations La Marseillaise, Paris : Laisné, 1840. Élèves Victor de Born-Schlegel Cham en 1840 Jules-Antoine Duvaux Théodore Valerio
#33
Donatello
Loriane
Posté le : 13/12/2015 14:55
Le 13 décembre 1466 meurt à Florence, Donatello,
de son vrai nom Donato di Niccolò di Betto Bardi, à Florence, il naît vers. 1386 dans la même ville, sculpteur italien. Il est, selon Leon Battista Alberti, un des cinq rénovateurs de l'art italien avec Masaccio, Brunelleschi, Ghiberti et Luca Della Robbia. Ses maîtres sont Bicci di Lorenzo, Lorenzo Ghiberti, son Élève est Bertoldo di Giovanni. Il appartient au mouvement Première Renaissance, ses Œuvres les plus réputées sont David Bargello, Cantoria au musée de l'Œuvre du Duomo, Saint Jean-Baptiste au Duomo de Sienne. « Sculpteur florentin du XVe siècle », ainsi présente-t-on généralement Donatello, mais la formule se révèle par trop étroite et contraignante tant le génie propre de l'artiste la dépasse : associé à l'épanouissement de Florence, présent dans les grandes réalisations de sa cité natale, en relation avec ceux qui en font le renom, tels Ghiberti et Brunelleschi, animateur huit années durant d'un atelier en compagnie de Michelozzo, Donatello échappe cependant au style, à l'esprit de Florence ; le rayonnement de son œuvre en fait d'abord un artiste italien, et la voie qu'il suit en fait plus qu'un sculpteur, et autre chose qu'un artiste « de la Renaissance ». Aussi ne peut-il être comparé ou assimilé à aucun des créateurs – sculpteurs ou non – de son époque : l'étendue, la diversité de son activité créatrice à l'intérieur d'un domaine très restreint de la sculpture constituent sa première originalité. En bref Donato di Niccola di Betto Bardi naît et meurt à Florence ; sa vie est mal connue – pour sa naissance, deux dates sont avancées, 1383 ou 1386 – ce qui importe peu tant sa carrière créatrice se suffit à elle-même. Sa biographie, pas plus que son origine florentine ne sauraient expliquer la profonde originalité de l'artiste, qui le conduira vite à une solitude où il demeurera jusqu'à la fin de son œuvre. Ses premières statues, d'inspiration religieuse, toutes de marbre, sont destinées soit à la cathédrale Santa Maria del Fiore – ainsi les quatre Prophètes du campanile, entre 1415 et 1436 –, soit à l'église Or' San Michele, tel le célèbre Saint Georges, vers 1415. Ce sont là deux chantiers auxquels continuent de travailler tous les artistes florentins, mais rapidement Donatello se distinguera de ses contemporains. Élève de Ghiberti, il s'affirme dès ses premières œuvres, en partie grâce aux leçons qu'il tire de l'art antique. Âgé d'une vingtaine d'années, il se rend à Rome, comme tous les jeunes artistes de son temps – en compagnie de Brunelleschi. De ses observations, des mesures qu'il prend, il tire vite plusieurs conséquences, techniques certes, pour le poli du marbre, le fini du bronze, l'aisance des mouvements et le traitement du nu, mais, surtout, spirituelles : il repense l'art de la statue en fonction du cadre qui lui est imposé pour le mieux abolir, et abandonne les représentations traditionnelles ou stéréotypées pour une approche personnelle du sujet traité, une plus grande pénétration psychologique ; individu, il crée des individus qui, saints ou héros, fixeront sur le monde le regard d'une conscience nouvelle, née de l'impérieuse exigence de l'artiste pour lui-même et ses créations. Dans cette perspective d'une utilisation foncièrement personnelle de l'héritage antique, qui l'amène à transcender l'art florentin, son deuxième voyage romain, entrepris à l'âge mûr, est significatif. Il prélude aux grands itinéraires dans toute la péninsule, voyage d'études, et aussi de créations puisque Donatello sculpte un grand Tabernacle vers 1430 pour la basilique Saint-Pierre de Rome, et sans doute deux tombeaux. Nombre de cités l'appellent où il poursuit une œuvre que le courant « classique » qui se développe à Florence ne comprend plus. Après Naples, Sienne lui commande des fonts baptismaux (entre 1423 et 1434) ; puis à Padoue, Donatello ouvre un atelier et entreprend deux œuvres monumentales : le maître-autel de l'église Saint-Antoine (1446 à 1449), orné de reliefs et de sept grandes statues de bronze, et la statue équestre du Gattamelata, coulée entièrement en bronze et finie en 1453, commandée par Venise où il se rend ensuite. De là, il ira à Ferrare, à Prato, à Sienne, pour un deuxième séjour au cours duquel il donnera un Saint Jean-Baptiste en bois (1457), et concevra un projet, abandonné, de portes pour la cathédrale. Ces voyages ne l'empêchent pas de poursuive son activité à Florence même où il sculpte, avant de mourir en 1466, la grande Judith en bronze (1453 à 1455), les reliefs destinés à l'église Saint-Laurent, et enfin la Madeleine en bois (après 1460). Ce long itinéraire a permis à Donatello de connaître, d'assimiler des techniques et des manières différentes pour parfaire son propre style, ses prores expériences et poursuivre son œuvre. Son influence fut considérable dans toute l'Italie, mais force est de constater qu'aucun de ses élèves ne s'imposa vraiment. Ni Andrea dell' Aquila à Naples, ni Vecchietta à Rome puis à Sienne, ni surtout Bertoldo et Bellano qui le secondèrent à Florence pour les travaux des reliefs de l'église Saint-Laurent, n'atteignent à sa violence, à sa rigueur. Artiste célèbre dans toute l'Italie, artiste entouré et écouté, il demeure seul : avec la Madeleine, son entreprise parvient à son terme. À ce paradoxe s'ajoute celui du sculpteur qui limita ses recherches à certaines possibilités de son art et qui néanmoins aboutit dans cette limitation même à l'universalité. Donatello, en effet, ne semble pas exercer les multiples activités de ses contemporains ; il n'est pas de ces hommes de la Renaissance dits universels, tout à la fois peintres, sculpteurs, architectes, ingénieurs, théoriciens ou poètes ; ses incursions hors de la sculpture sont rares : en 1430, il participe comme ingénieur militaire au siège de Lucques par Florence ; jeune encore, il avait ébauché un projet de coupole ; plus tard, il dessine un vitrail ; sa contribution à des réalisations architecturales se limite soit à des chaires ou à des tribunes, comme pour les cathédrales de Florence et de Prato, soit à des éléments de pure décoration, comme les médaillons réalisés pour la vieille sacristie de Saint-Laurent. Il est sculpteur – et encore n'exploite-t-il pas également toutes les possibilités qu'offre alors la sculpture. Statues en marbre et en bronze, reliefs, surtout en bronze, tel demeure l'essentiel de sa production ; ses statues en bois – matériau traditionnel de l'imagerie religieuse italienne – se limitent à quatre. Donatello abandonnera vite les tombeaux dont il a exécuté un très petit nombre au début de sa carrière, en collaboration, le plus souvent, avec Michelozzo ; il se détache donc d'une mode très répandue alors, comme il cesse de faire des petites statuettes de bronze ; le seul exemple qui nous soit parvenu de ce genre, le seul qui ne s'intègre pas à un ensemble sculpté plus vaste – comme les fonts baptismaux de Sienne – est si ambigu par le sujet traité, si éloigné de toute convention décorative qu'il ne peut être assimilé réellement à cette mode ; il s'agit d'un Atys, parfois nommé Amour ou Jeune Satyre, conservé à Florence. De même, dans le domaine de la statue, ou du buste reliquaire, les réalisations de Donatello sont rares. Le champ de l'artiste est donc restreint, mais ses œuvres, à force de progrès et d'inventions techniques, échappent peu à peu à la simple sculpture d'alors, à la simple représentation proposée dans un cadre précis et préétabli. La statue s'impose au spectateur : elle occupe, dans l'espace, une place qui lui est propre ; son attitude et son expression, à chaque fois profondément individualisées, donnent au sujet traité une valeur nouvelle qui oblige le spectateur à une prise de conscience particulière tant est violente l'emprise voulue par Donatello ; par ailleurs, de même que la statue crée autour d'elle son propre espace, le relief, sous le ciseau de Donatello, tend à fondre en une seule et unique réussite l'art du peintre, du sculpteur et de l'architecte. Sa vie Donatello naît dans une famille modeste. Son père est cardeur de laine. Dans sa première jeunesse, il étudie, dit-on, sous le peintre Bicci di Lorenzo qui, d'après des documents découverts au XIXe siècle, est aussi sculpteur. Ensuite, durant son adolescence, il entre dans l'atelier de Lorenzo Ghiberti, où il fait connaissance de Brunelleschi. Les deux amis collaborent souvent, Donatello tirant parti des innovations architecturales de l'autre, comme la découverte de la perspective. Avec ce dernier, il se rend à Rome pour étudier les modèles antiques. Très rapidement, Donatello acquiert une grande notoriété, et obtient plusieurs commandes pour la décoration du Dôme de Florence. En 1428, il ouvre un grand atelier à Florence et il a comme assistants Bertoldo di Giovanni, Bartolomeo Bellano et influencera par ses productions Desiderio da Settignano. En 1434, Cosme de Médicis dit Cosme l'Ancien le prend sous sa protection, ce qui permet à l'artiste de ne pas se soucier de l'argent. En effet, le sculpteur avait du mal à tenir ses comptes, et sa fortune périclitait du fait de sa mauvaise gestion. Lorsque Cosme meurt en 1464, il demande par testament que Donatello reste entretenu par les Médicis. Donatello se voit donc attribuer une petite propriété, qu'il rend un an plus tard, sa gestion le distrayant trop de son art. Le fils de Cosme, Pierre le Goutteux, lui assure alors une rente viagère. Donatello continue à sculpter jusqu'à ses derniers jours. Il est, certainement, le plus grand des sculpteurs toscans qui précèdent Michel-Ange, et s'il est loin d'égaler la vigueur et la puissance de conception de ce dernier, il lui est de beaucoup supérieur au point de vue de la délicatesse du travail, de la vérité des détails, de l'expression du caractère et de l'habileté d'exécution, que ce soit dans le maniement du bronze ou dans celui du marbre. Quand il meurt le 13 décembre 1466, Florence lui fait des funérailles en grande pompe, qui ne seront égalées que par celles de Michel-Ange. Ne voulant pas plus, après sa mort que pendant sa vie, s'éloigner de Cosme de Médicis, il avait demandé à être enterré dans la basilique San Lorenzo de Florence, où ses funérailles eurent lieu, en présence de tous les artistes de la ville et d'une foule immense de ses concitoyens. Le sculpteur Raffaello Romanelli 1858 - 1926 fit son cénotaphe au XIXe siècle. Biographie complète La Renaissance La Renaissance a été un temps d’exceptionnelle vitalité dans les arts. À partir de 1400 environ et pendant deux siècles, l’Europe a été bouleversée par un afflux d’idées novatrices : de nouvelles façons de construire, un nouveau style artistique et de nouveaux modes de vie. Les arts furent transformés par le désir de représenter le monde tel qu’il était et non plus simplement en termes symboliques. Peintures et sculptures illustrèrent des personnages réels dans des lieux réels – pour la première fois depuis l’Antiquité. On y produisit un nombre extraordinaire de chefs-d’œuvre. Certains des plus grands artistes de tous les temps sont contemporains de cette période : Brunelleschi, Masaccio, Michel-Ange, Léonard de Vinci, Raphaël et Titien pour l’Italie. L’atmosphère inédite de liberté spirituelle encouragea les artistes à explorer de nouvelles techniques. Dans ce contexte nouveau, les hommes se conçurent davantage comme des individus et prirent conscience de leur propre valeur. L’Europe se remettait de la Grande Peste, qui avait tué près du tiers de sa population au xive siècle. La croissance économique était forte ; le commerce et les échanges en tous genres connurent un véritable essor. Le soudain enrichissement poussa les nobles, les marchands et les autorités municipales à dépenser de l’argent pour des œuvres d’art. À partir des travaux de plusieurs artistes du XIVe siècle, les peintres inventèrent la représentation de la perspective. Les sculpteurs étudièrent les statues de l’Antiquité grecque et romaine, apprenant à travailler la pierre pour exprimer mouvement et action. Les bronziers rivalisèrent d’audace et développèrent une méthode pour mouler de grandes statues, jusqu’à dix mètres de haut. D’Italie, ces techniques se répandirent dans toute l’Europe. Tous les artistes travaillèrent bientôt dans le nouveau style, produisant à leur tour davantage d’idées et de procédés. Vers 1600, toutefois, les nobles et les marchands n’avaient plus tant d’argent à dépenser pour l’art et les autorités municipales préférèrent utiliser l’argent des impôts pour se payer de solides murailles et des armées, afin de se protéger. La vie de Donatello Donato di Niccolò di Betto Bardi, dit Donatello, fils d’un cardeur de laine, nait à Florence, en Italie, en 1386. Il travaille entre 1404 et 1407, comme compagnon dans l’atelier du célèbre Ghiberti qui se consacre alors à sa première porte du Baptistère. Il y rencontre Brunelleschi, qu’il accompagne à Rome en 1402-1404 pour y étudier les modèles antiques. Sur le chantier du Museo dell'Opera del Duomo Florence, Ghiberti lui communique sa technique de fusion du bronze et son goût pour le bas-relief. La première œuvre certaine de Donatello est le David de marbre 1408-1409 destiné aux arc-boutants de la cathédrale. Au cours des années suivantes, il réalise de nombreuses statues en marbre, terre cuite, bronze et bois pour des clients résidant avant tout à Florence, mais aussi à Pise, Sienne ou Prato. De 1411 à 1423, les œuvres du jeune artiste déjà fort connu dans les milieux artistiques se succèdent sans interruption : en particulier les statues pour les niches d’Orsanmichele. En 1425, Donatello s’associe pour former, pendant plus de dix ans, une compagnie avec Michelozzo un architecte, et produit des œuvres capitales à la cathédrale de Prato, à Sienne et à Naples. De 1430 à 1433, le sculpteur séjourne à Rome où il effectue le Tabernacle du Saint- Sacrement. Dans les années 1430, Donatello puise son inspiration aux sources les plus variées : le David en bronze tradition classique et le tabernacle de l’Annonciation simplicité expressive et exubérance du décor. De retour à Florence, pour la cathédrale, il conçoit les bas-reliefs de la Cantoria. En 1434-1437, Donatello exécute un carton de vitrail qui représente le Couronnement de la Vierge. En 1437, il reçoit une commande très prestigieuse, la réalisation des chambranles des portes de la cathédrale de Florence. Donatello doit également répondre à des commandes venant des autres cités italiennes ; à Venise, il réalise la statue de saint Jean-Baptiste en 1438. À partir de la fin de l’année 1435 et jusqu’à 1443 environ, Donatello travaille à la décoration de la vieille sacristie de Saint-Laurent. De 1444 à 1453, Donatello travaille surtout à Padoue où il s’installe en 1446-1447. Sa principale œuvre padouane est une statue équestre : l’Erasmo da Narni, dit le Gattamelata. C'est une réplique moderne de la statue équestre de Marc-Aurèle qui révèle un guerrier au visage dur et fier. Cette dernière est commandée par la ville de Venise. Et, toujours à Padoue, il exécute l’autel dans la basilique Saint-Antoine. On suppose qu’en 1453, il retourne à Florence où les commandes se raréfient, apparemment, de plus en plus. Car quatre ans plus tard, alors qu’il a déjà plus de soixante-dix ans, il essaie d’obtenir la commande des portes de bronze de la cathédrale ; celles-ci ne dépasseront pas le stade de projet. Il crée aussi ses œuvres les plus personnelles et les plus déroutantes : Judith et Holopherne ainsi que Marie-Madeleine. Donatello se retrouve ensuite à Sienne en 1457, modelant les plaques de cire pour les portes de bronze de la cathédrale, qui ne seront d’ailleurs jamais coulées. Il se peut qu’il soit retourné à Florence en 1459, après que Cosme de Médicis lui a commandé les chaires de bronze de San Lorenzo. Donatello, atteint d’une paralysie progressive, meurt le 13 décembre 1466, alors qu’il était en train de travailler à cette œuvre. Présentation générale de son œuvre Donatello, en cinquante ans de progrès continuels stimulés par une autocritique constante, réussit à bouleverser l’art de la sculpture de la pré-Renaissance. Son art entraîna l’une des plus décisives évolutions du style dans l’histoire de la sculpture en Occident. Donatello est un sculpteur, et même dans ce domaine se limite-t-il aux statues de marbre ou de bronze et aux bas-reliefs principalement en bronze aussi. Il ne travaille que peu le bois pour réaliser des statues, matériau habituellement utilisé dans le milieu religieux. Il réalise peu de tombeaux et de petites statuettes qui sont très courantes à l'époque. Cependant, même avec un champ d'investigation limité, les œuvres de Donatello s'imposent tant par leur occupation de l'espace, que par le rendu des attitudes et des expressions. Donatello s'adonne à l'art des statues et du bas-relief de façon concomitante. Le travail des statues lui permet de perfectionner le rendu des attitudes et des expressions du visage. Le bas-relief lui permet de traiter des problèmes de l'espace et de la perspective. Il commence à travailler sur du marbre, mais peu à peu il utilise le bronze qui lui permet d'intégrer des innovations techniques. Dans ses premières œuvres comme les Prophètes du campanile de Florence, il tient compte de la hauteur du socle des statues par rapport au public. Pour rapprocher ses statues du public, il incline le visage, afin de transmettre à ceux qui les regardent toutes ses expressions. Peu à peu les statues vont acquérir une existence propre, Donatello marquant par son réalisme qui ne sert pas uniquement à traduire un élément extérieur mais à dégager une attitude intérieure, une conscience individuelle. Par exemple, on ne dira pas la statue sourit mais bien la statue a l’air heureux. Cela se retrouve dans le Gattamelata de Padoue et la Judith. Dans sa Vie de Donatello, sculpteur florentin, Giorgio Vasari fait remarquer que : ses œuvres sont si remarquables par leur grâce, leur dessin et leur beauté, qu'elles furent jugées plus proches des plus excellentes productions de l'antiquité que celles de n'importe quel autre artiste. Aussi est-il considéré, à juste titre, comme le premier qui ait su bien employer les sujets traités en bas-reliefs. À voir le jugement et la facilité dont il fit preuve, on reconnaît qu'il les maîtrisait parfaitement ; aucun artiste ne l'a surpassé, et de nos jours encore personne ne s'est montré son égal. Les statues Il est difficile de faire la part, dans l'effort créateur de Donatello, entre l'art de la statue et celui du relief. L'artiste mena les deux de front dès ses débuts et jusqu'à sa mort : la statue lui permet d'abord de maîtriser l'attitude proprement dite, les grandes lignes des vêtements opposés au corps lui-même, et aussi l'expression des visages. Avec le relief, les problèmes de l'espace, de l'angle sous lequel peut apparaître l'œuvre, et de la perspective se posent avec plus d'acuité encore. Sculpture et relief lui donnent la possibilité de résoudre progressivement les difficultés posées par les matériaux eux-mêmes : dans les deux domaines, Donatello commence par utiliser le marbre, qu'il abandonnera peu à peu pour le bronze qui lui permet des innovations techniques. Dans l'exécution de ses premières statues, il se montre soucieux de résoudre le problème du cadre de l'œuvre ; ainsi, pour les Prophètes du campanile de Florence, tient-il compte de la hauteur de leurs socles par rapport au public : pour les mieux rapprocher de celui-ci, il incline leur visage, tentant de communiquer leur méditation, leur tension. Mais le cadre demeure trop étroit, l'agencement des lignes du corps tend à le briser, et peu à peu la statue prend une existence autonome : elle peut être vue de partout, elle s'impose par le réalisme du détail qui sert, non pas à traduire un simple trait extérieur, mais à exalter une attitude intérieure, intensément pathétique. Quelle que soit la perfection imitative d'une chevelure bouclée (les Saint Jean-Baptiste, de Florence et de Sienne) par exemple, le réel semble transcendé par la volonté expressive ; la perfection formelle, l'harmonie, l'équilibre que chacune des statues de Donatello propose, s'effacent dans la tension, inquiète ou méditative, du personnage et de son créateur. Chaque saint, chaque héros devient ainsi, au-delà du prétexte du sujet représenté avec une grande précision, une conscience individuelle, un symbole auxquels le génie tumultueux de Donatello confère une réalité supérieure, vibrante et explosive. Ainsi pourra-t-il tenir ces deux gageures que sont le Gattamelata, exécuté à Padoue et la Judith. Le premier est le défi relevé à la perfection antique : Donatello donne à la statue équestre de Marc-Aurèle, à Rome, sa première réplique moderne, tour de force technique et affirmation, face à l'empereur philosophe, de l'homme moderne, ici un guerrier au visage dur et hautain, dont l'implacable fierté contraste singulièrement avec la vocation religieuse et funéraire du monument. Au centre une place, le Gattamelata possède le plus vaste des cadres spatiaux ; la Judith, elle, se suffit à elle-même et contraint le spectateur à en faire le tour pour la découvrir dans sa multiplicité. Elle se dresse sur un socle cylindrique, dont la section circulaire est coupée par un second socle triangulaire orné de reliefs ; sur ce dernier est posé un coussin carré soutenant les deux personnages : Judith, debout, brandissant un glaive de la main droite et maintenant contre elle, de la main gauche, Holopherne, assis endormi. Donatello oppose ici les lourdes draperies vêtant la femme au corps nu de l'homme, la rigidité, le fini du visage de Judith à l'expression pathétique d'Holopherne, à son traitement non finito, c'est-à-dire à peine poli, remarquable dans la chevelure. Par ailleurs, la fusion des deux personnages, la pose tout à la fois active et figée permettent, grâce aux socles successifs, au moins quatre points de vue différents qui constituent une véritable narration du geste et de l'action profonde. Donatello obtient cette narration à un degré supérieur dans les reliefs où il affirme la maîtrise la plus absolue et la plus originale. Les reliefs Tandis que, pour une niche extérieure d'Or' San Michele, Donatello sculpte un imposant Saint Georges (1416) de marbre, d'une attitude martiale, soulignée par les angles que forment la verticale du bouclier et les obliques du bras gauche et de la jambe droite, il réalise pour le socle lui-même un relief figurant le combat du saint contre le dragon. Si le procédé de la sculpture narrative n'est pas original à Florence, la technique utilisée ici est nouvelle par ce premier emploi que fait Donatello du rilievo schiacciato, c'est-à-dire du relief écrasé. C'est ce procédé que Donatello, sa vie durant, développera, sur le marbre d'abord, puis sur la terre cuite ou le stuc peint, sur la pierre dorée, et enfin – et exclusivement – sur le bronze. Du Combat de saint Georges aux ultimes scènes destinées à Saint-Laurent, Donatello ne cesse d'améliorer sa technique : rendre le maximum d'espace par un minimum de relief. En diminuant l'entaille du relief au fur et à mesure des plans successifs, Donatello parvient à intégrer dans chaque scène un ensemble de perspectives linéaires, ce qui lui fournit à la fois le mouvement et la construction architecturale (les trois dimensions sont rigoureusement rendues) ; par ailleurs, il associe à ses progrès dans le travail du bronze, en particulier le non finito, un art du dessin et de la composition, et aussi de la couleur, par l'utilisation de petites surfaces dorées, dans certains reliefs en pierre ou en bronze. Ses premiers reliefs demeurent sereins, malgré quelques audaces de composition comme dans l'Ascension du Christ dont la tête inclinée et le corps assis mais tiré vers le haut traduisent le mouvement ascendant. Après l'étape de la cantoria (tribune des chanteurs de la cathédrale, 1433-1439) et de l'Annonciation de Santa Croce (également à Florence, 1433), où Donatello semble fondre statue et relief, les reliefs suivants – en particulier les séries réalisées pour Padoue (autel de la basilique de Saint-Antoine, 1446-1449) et Saint-Laurent, à Florence (1455 à 1460, mais il y eut des retouches jusqu'en 1466) – atteignent à une vie, un mouvement si intense et violent qu'ils semblent être autant d'ébauches jaillies du plus ardent de l'inspiration de l'artiste : jeu de lignes qui se heurtent (Descente de croix), jeu de lumières aussi, mouvements de foules aux expressions horrifiées ou passionnées, perspectives infinies, sujets et motifs décoratifs étroitement unis, tout se fond et vibre jusqu'à décourager toute logique comme dans la montée éperdue de l'Ascension de saint Jean L'Évangéliste. La célèbre Madeleine du Baptistère de Florence offre l'image symbolique de cette transe qui saisit le créateur et qui lui permet de jouer avec les formes, la lumière, le mouvement en usant de ses matériaux d'une façon toute moderne : on « sent » le marbre, le bronze utilisés pour eux-mêmes. Pour sa dernière œuvre achevée, Donatello choisit le bois et un personnage unique : ce retour à la vieille tradition religieuse n'est qu'une apparence. En marge de son siècle, ou au-delà de lui, dans l'isolement que connaîtra aussi Michel-Ange, il réaffirme brutalement ses convictions artistiques, par l'exaspération réaliste du détail, et une signification morale quasi mystique que traduisent, plus encore que l'attitude orante de la pénitente solitaire, son visage hagard et décharné et le regard énigmatique que, de ses yeux à demi baissés, elle semble jeter vers le spectateur. Patrick Olsson Les époques Certains historiens divisent l’œuvre de Donatello en quatre époques : L’époque de la jeunesse, jusqu’au voyage à Rome 1406-1432 Saint Marc 1411 marbre de 236 cm, Orsanmichele, Florence. Les statues de la cathédrale et d’Orsanmichele ; le crucifix de bois ; les monuments funéraires, les fonts baptismaux de Sienne ; les deux statues de la Casa Martelli, le portrait de Nicolas Uzzano. David 1408 marbre, hauteur : 191 cm - Musée national du Bargello, Florence Saint Jean l’évangéliste 1410-1411, marbre, hauteur : 210 cm - Museo dell'Opera del Duomo Florence Saint Marc 1411, marbre, hauteur : 236 cm - Orsanmichele, Florence Saint Jean l'Évangéliste. Saint Louis 1413, bronze doré, hauteur : 266 cm - Santa Croce, Florence Saint Georges 1416, marbre, hauteur : 214 cm, commandité par l'Arte dei Corazzai e Spadai corporation des armuriers - original conservé au Musée national du Bargello, Florence5 Le Prophète Habacuc Lo Zuccone 1427-1436, marbre, hauteur : 196 cm - Museo dell'Opera del Duomo, Florence Prophète Habacuc Crucifix 1412-1413, bois, 168 x 173 cm - Santa Croce, Florence Banquet d’Hérode 1427, bronze, 60 x 60 cm - Sienne, Baptistère, fonts baptismaux Buste de Nicolas Uzzano 1430, terre cuite polychrome, hauteur : 46 cm - Musée national du Bargello, Florence Monument Funéraire pour Jean XXIII 1435, pietra serena10 dorée, hauteur : 419 cm - Baptistère Saint-Jean Florence L’époque de la maturité 1433-1443 Le Tabernacle de Saint-Pierre, l’Annonciation de Santa Croce, les deux dernières Statues de la cathédrale ; la Cantoria ; la Chaire extérieure de Prato ; l’Ancienne Sacristie de San Lorenzo, le David de bronze. Annonciation 1435 en pietra serena dorée, 218 x 168 cm - Santa Croce, Florence Cantoria 1439 marbre, 348 x 570 cm - Museo dell'Opera del Duomo Florence Cantoria - Museo dell'Opera del Duomo, Florence David 1430 bronze, hauteur : 185 cm - Musée national du Bargello, Florence Détail. Chaire extérieure de Prato. Ancienne Sacristie 1428-1443 - Basilique San Lorenzo de Florence L’époque de Padoue 1443-1453 Le maître-autel de San Antonio le Monument équestre à Gattamelata. Statue équestre du Gattamelata 1447-1450, bronze de 340 × 390 cm, Piazza del Santo, Padoue. La dernière époque 1454-1466 Saint Jean-Baptiste, bronze 1457, 185 cm - Duomo de Sienne. Judith et Holopherne 1455-1460, bronze, hauteur : 236 cm - Palazzo Vecchio, Florence Madeleine repentante 1457, bois, hauteur : 188 cm - Museo dell'Opera del Duomo, Florence Saint Jean-Baptiste 1438, bois, hauteur : 141 cm - Santa Maria Gloriosa dei Frari, Venise Chaire à droite 1465, marbre et bronze, 123 x 292 cm - Église de San Lorenzo, Florence Caractéristiques et techniques Caractéristiques générales Les premières œuvres de Donatello montrent un passage assez rapide d’une manière proche du gothique tardif à un style ayant assimilé les idéaux humanistes de retour à l’antique et de réalisme. Depuis son voyage à Rome avec Brunelleschi, Donatello s’est beaucoup inspiré de l’antiquité. On remarque que les personnages sont souvent représentés en contrapposto, le personnage intrigue par les directions opposées des jambes et de la tête. On constate, par l’étude des différentes techniques utilisées, que l’emplacement de la sculpture a pour Donatello beaucoup d’importance car il fait toujours en sorte que le spectateur voie la statue fort imposante et bien proportionnée. Caractéristiques des œuvres L’allongement inhabituel du buste et de la tête ainsi que la légère inclinaison des cuisses sont relativement étonnantes chez le David de marbre. Mais ces disproportions apparentes se régularisent quand on considère la figure par-dessous. Le Banquet d’Hérode pousse à leurs extrêmes limites la dilatation de l’espace et les jeux de perspective, mis au service d’une intense dramatisation de l’épisode représenté. Le Gattamelata renouvelle la tradition romaine du monument équestre ; les statues et les bas-reliefs forment une sorte de conversation sacrée sculptée où les figures, les espaces architecturaux et les paysages naturels se fondent en un ensemble à la fois prodigieusement cohérent et infiniment varié. Judith et Holopherne, par son hiératisme et sa rigueur géométrique, le raffinement dans le rendu des surfaces, la richesse de ses allusions symboliques, la subtilité de sa conception et la virtuosité de son exécution, réaffirment l’attachement de l’artiste aux principes formels de la première Renaissance. Avec l’extraordinaire Marie-Madeleine, la désagrégation des formes exprime, avec une puissance dont on n’avait jusque là connu aucun exemple, l’ardeur de la prière et l’angoisse de la mort. Son David de bronze et son Saint Jean l'Évangéliste montrent, vu de près, des visages déformés. Ils n'atteignent leurs justes proportions que vus d'une certaine distance et d'une certaine hauteur. Donatello excella également à rendre les plis des vêtements ou les motifs architecturaux, par exemple la Cantoria du Dôme. Il était également reconnu pour sa représentation des sentiments humains, du courage de la jeunesse pour le David ou le Saint Georges à la contrition de la Madeleine pénitente. Le stiacciato Les innovations de Donatello dans le domaine du relief ouvrirent de nouvelles voies et furent déterminantes pour le développement de l’art européen. Le point de départ est le relief du socle de sa statue de saint Georges pour Orsanmichele. Par rapport au relief du socle des Quattro Santi Coronati de Nanni di Banco, créé environ un an plus tôt, il rompt radicalement avec les habituelles conceptions du bas-relief. Alors que Nanni aligne ses quatre tailleurs de pierre et leurs œuvres en un haut-relief sans distinction de plans différents dans l’espace, Donatello parvient pour la première fois à introduire la profondeur dans son relief. Des deux côtés, le théâtre de l’action, la lutte de saint Georges contre le dragon, est apparemment rétréci par des raccourcis perspectifs, mais, dans la mesure où ces limitations spatiales latérales se résolvent dans une vue de paysage, qui se trouve dans le fond, l’espace de la scène s’élargit en profondeur. La nouvelle technique de relief, qui produit cet effet d’optique, est ce qu’on appelle le Stiacciato ou schiacciato, c’est-à-dire le relief écrasé ou plat. Une dramatisation du mode narratif vient s’ajouter à cette technique : le moment principal de l’action est judicieusement choisi, la Madonna Pazzi sculptée entre 1425 et 1430, marbre, de 74,5 x 69,5 cm, et conservée aux Musées nationaux de Berlin en est un bon exemple. Un autre exemple est visible au palais des beaux-arts de Lille : Salomé ou le festin d'Hérode (vers 1435). Sur ce panneau de marbre de 50 x 71,5 cm, Donatello nous présente différents moments de la tragédie biblique : le festin, la danse de Salomé, l'arrestation de saint Jean... Pas moins de 9 plans sont visibles, de la jeune femme assise sur le banc au premier jusqu'au dernier plan qui représente une architecture. Cette sculpture montre la précision du travail de Donatello, qui a su donner une grande profondeur à son œuvre en utilisant les théories contemporaines de son ami Brunelleschi. Il fait ainsi la jonction entre le monde antique profil de médaille des personnages et la perspective. Œuvres Donatello s'est distingué comme le premier, peut-être, grand sculpteur de la Renaissance, l'inspirateur de Michel-Ange et des autres grands sculpteurs qui lui succédèrent. Il a travaillé une grande variété de matériaux avec une égale virtuosité. Il a appliqué à la sculpture des techniques nouvelles, issues de l'architecture. Ainsi, par sa technique du schiacciato écrasé , il a tiré parti de la découverte des lois de la perspective par Brunelleschi. Cette nouveauté lui a permis de travailler en fonction du regard du futur spectateur. Ainsi, son David entre 1430 et 1440 de bronze et son Saint Jean l'Évangéliste 1408 montrent, vu de près, des visages déformés. Ils n'atteignent leurs justes proportions que vus d'une certaine distance et d'une certaine hauteur. Donatello excella également à rendre les plis des vêtements ou les motifs architecturaux, par exemple la Cantoria balcon pour orgue du Dôme. Il était également reconnu pour sa représentation des sentiments humains, du courage de la jeunesse pour le David ou le Saint Georges 1416 à la contrition de la Madeleine pénitente 1454. Exposition de ses œuvres Florence La plupart des œuvres de Donatello se trouvent à Florence. Parmi les plus connues, on peut citer : Abraham prêt à sacrifier Isaac - Marbre, musée de l'Œuvre du Dôme Musée de l'Œuvre du Dôme : Habacuc surnommé lo Zuccone, la grosse courge, à cause de la calvitie du personnage représenté Madeleine pénitente Prophète, statue, 1406-1409 Saint Jean l’Évangéliste, peinture Cantoria de Donatello, 1433-1439 Le Sacrifice d'Isaac, groupe, 1408-1421 L'Homme pensif, statue, 1408-1421 Prophète imberbe, statue, 1408-1421 Christ Rédempteur encadrés de deux prophètes, groupe, Simone di Francesco Talenti et Donatello, 1410-1431 Musée de l'Œuvre de Santa Croce : Saint Louis de Toulouse, 1422-1425, bronze doré, argent, émaux et cristaux de roche, 285 x 101 x 78 cm20. Église de Santa Croce : L'Annonciation Cavalcanti. Église d'Orsanmichele : Niche du parti guelfe Saint Georges 1416 commandité par l'Arte dei Corazzai e Spadai Corporation des Armuriers Palazzo Vecchio : Judith et Holopherne Musée national du Bargello : Saint Georges et le dragon, vers 1417, marbre, 50 x 172 x 21.5 cm20. David en marbre, David en bronze compositions très différentes Pise Buste-reliquaire de saint Rossore, vers 1424-1427, bronze fondu ciselé, doré et argenté, 56 × 60,5 × 37 cm, Musée national San Matteo. Naples Tête de cheval dite Protomé Carafa, vers 1455, bronze, 176 x 182 x 140 cm, Musée archéologique national de Naples. Citerna Madonna di Citerna, église San Francesco, Citerna. France Salomé ou le festin d'Hérode, vers 1435, marbre, 50 x 71,5 cm, palais des beaux-arts de Lille. Spiritello de la cantoria du Duomo de Florence, 1439, bronze avec traces de dorure, base en marbre, 60.5 x 41 x 24 cm, Collection Institut de France, musée Jacquemart-André, Paris. Vierge et l'enfant, vers 1445, haut-relief, terre cuite polychrome, 102 x 74 cm, musée du Louvre, Paris. Allemagne Vierge et l'enfant(Vierge Pazzi), vers 1420-1425, marbre, 74.5 x 73 x 6.5 cm, Musée de Bode, Berlin. Angleterre La Vierge et l'enfant et quatre anges Madame Chellini, vers 1450, bronze partiellement doré, Victoria and Albert Museum, Londres. États-Unis Œuvres exposées à la National Gallery of Art, Washington D.C., sculptures : Bacchante, bronze Christ mort tenu par des anges Angelot jouant, bronze Saint Jérôme, bronze Satyre, bronze
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Vassily Kandinsky
Loriane
Posté le : 13/12/2015 14:07
Le 13 décembre 1944 meurt Vassily Kandinsky
en russe : Василий Васильевич Кандинский, Vassili Vassilievitch Kandinski, à Neuilly sur Cette aquarelle, qui serait le premier tableau abstrait du monde, a soulevé controverses et discussions, et suscité bien des thèses contradictoires. Deux tendances s'opposent : celle qui la date réellement de 1910 et qui l'inclut dans une série d'études pour Composition VII, celle qui rejette cette datation et la rapproche des œuvres et du style de 1913. Plaident pour cette dernière thèse le format inhabituel et trop grand pour l'époque et surtout une inscription tardive de cette œuvre dans le registre manuscrit que tient régulièrement Kandinsky à partir de 1919 Cependant, le mouvement des Arts Incohérents avait produit dès les années 1880 des œuvres abstraites, dont le monochrome noir de Paul Bilhaud, puis les œuvres d'Alphonse Allais. En bref Depuis longtemps considéré, à côté de Mondrian, comme l'« inventeur » de la peinture abstraite dans le courant des années 1910 et comme l'un de ses principaux théoriciens, Kandinsky a vu, après la Seconde Guerre mondiale, sa position remise en cause par l'apparition de nouvelles formes d'art abstrait, et le renouveau même de la peinture figurative. Mais, depuis le début des années 1970, l'ensemble de son œuvre a commencé à faire l'objet d'un nouvel examen : elle ne cesse aujourd'hui de redéployer toute sa richesse et sa complexité pour retrouver la place centrale qu'elle mérite d'occuper dans l'histoire de l'art européen de la première moitié du siècle. La marche à l'abstraction. La vocation de Kandinsky (né le 4 décembre 1866 à Moscou, dans une famille aisée et cultivée) est tardive : ce n'est qu'à quarante ans qu'il abandonne la carrière universitaire pour se consacrer à la peinture. Mais cette conversion a été précédée d'une longue maturation : depuis la petite enfance le futur peintre a appris dans les domaines les plus divers (la musique, le droit, l'art populaire...) à reconnaître au-delà de l'apparence des choses le poids déterminant des motivations intérieures. La découverte de la peinture impressionniste, où l'objet ne semble jouer qu'un rôle secondaire, a été l'ultime révélateur : il choisit alors d'étudier la peinture à Munich, où il se rend en 1896. Mais entre 1903 et 1908 il voyage aussi dans toute l'Europe (avec un séjour d'un an à Paris, en 1906-1907) et découvre les plus récentes avant-gardes : Cézanne, Matisse, Picasso, les trois noms qu'il fait ressortir en tête de son livre Du spirituel dans l'art, achevé en 1910, prouvent des connaissances et une lucidité alors peu courantes. À Munich, Kandinsky déploie une activité inlassable au sein de plusieurs groupes dont il est successivement président : Phalanx, de 1901 à 1904 ; la Nouvelle Association des artistes de Munich (N.K.V.M.), fondée en 1909 ; Le Cavalier bleu (Der Blaue Reiter), en 1911. Mais sa peinture, en constante progression, ne cesse de déborder celle de ses amis (Gabriele Münter, rencontrée à Phalanx en 1902, et avec laquelle il vit jusqu'en 1915 ; Franz Marc, avec lequel il édite l'Almanach du Cavalier bleu en 1912) : c'est finalement un homme seul dont l'univers pictural conquiert peu à peu son autonomie et trouve sa cohérence. Jusqu'en 1910 environ, son œuvre se développe parallèlement selon deux séries, en apparence hétérogènes : des paysages « d'après nature », peints notamment au village de Murnau, en Haute-Bavière, où le peintre séjourne l'été ; et des scènes « de fantaisie », inspirées en partie du Moyen Âge russe ou germanique. Dans la première, Kandinsky fait peu à peu l'apprentissage des toutes dernières recherches formelles – celle du fauvisme en particulier – libérant la couleur et simplifiant le dessin, avec des références à l'objet de plus en plus allusives. Dans la seconde, au contraire, la forme reste longtemps marquée par l'Art Nouveau international : Jugendstil allemand ; Monde de l'art russe, Ivan Bilibine et Nicolas Roerich surtout ; Nabis français, Vallotton notamment, très présent dans les gravures sur bois ; mais la thématique propre du peintre peu à peu s'y découvre, et s'y concentre sur un petit nombre de motifs à forte résonance spirituelle. C'est la fusion progressive des deux séries (par l'intermédiaire des montagnes de Murnau en particulier, et des églises à bulbe de Haute-Bavière) qui conduit à la nouvelle peinture. Dans ce processus la mémoire joue un rôle essentiel : à Munich, Kandinsky peint des « souvenirs » de Russie (avec laquelle il garde des contacts étroits) ou de Tunisie (où il a séjourné en 1905). L'éloignement du motif permet d'en épurer la représentation et favorise son investissement par les données de l'inconscient. L'œuvre se réorganise ainsi en trois nouvelles séries : les « Impressions », bien vite arrêtées, car elles sont sous la seule dépendance de la réalité extérieure, les « Improvisations », et les « Compositions » (en fait, des improvisations plus élaborées), où, au contraire, les images surgies de l'inconscient ont la première place. Le travail du peintre consiste à conserver à ces dernières toute leur fraîcheur et leur force, sans chercher à en élucider pleinement la signification, mais en tirant tout le parti des ressources propres à la peinture : il ne s'agit donc nullement d'une peinture « littéraire », et encore moins « symboliste », mais bien d'une peinture « pure » ou « absolue », dont la seule différence avec celle des Français est qu'elle reste liée à un « contenu ». À partir de 1910, le problème principal du peintre – et ce qui, malgré ses fortes réticences, le conduit inéluctablement à l'abstraction – est précisément de trouver la forme « nécessaire » qui découle immédiatement de ce contenu, et le manifeste tout entier. De mois en mois on assiste ainsi à une forte concentration de la thématique et de l'iconographie, qui viennent proprement « coïncider » avec les moyens plastiques. À partir des sujets religieux, le grand thème de l'Apocalypse, du Déluge et de la Résurrection s'impose de plus en plus nettement et annonce la « nouvelle aurore » spirituelle qui suivra l'écroulement du vieux monde matérialiste condamné par la guerre qui menace. Ce noyau thématique voit graviter autour de lui autant de motifs satellites : la barque et ses rameurs sur les flots déchaînés du déluge, la montagne couronnée par l'église ou la forteresse de la spiritualité, le cavalier surtout, héros des forces du Bien, qui au milieu de la tempête maîtrise les forces brutales de l'inconscient... Mais les uns et les autres ne valent que pour autant qu'ils peuvent se transfigurer en signes purement plastiques (l'arc de cercle coupé par des segments de droite par exemple, pour la barque et ses rameurs...) et qu'ils servent à renforcer la structure de l'œuvre. Le choix fréquent des formats carrés, la concentration sur des compositions binaires (fondées sur la diagonale notamment), qui traduisent l'affrontement du Bien et du Mal mieux encore que la représentation de saint Georges et du dragon, vont en ce sens. Les sept grandes « Compositions » d'avant guerre, qui font passer de l'affrontement des cavaliers ou de paysages d'ambiances différentes à la seule opposition de « centres » contrastés de lignes et de couleurs, résument cette évolution qui culmine dans Composition VII (1913), l'œuvre la plus importante de la période. Mais, dans ces conditions, on ne peut s'étonner non plus de la persistance çà et là, et même après 1913, d'une donnée figurative sous-jacente, et parfois même très explicite, qui a plongé naguère dans l'embarras les partisans et les théoriciens d'une abstraction « pure » et « définitive »... Pendant cette période décisive où l'amateur moscovite se hausse au premier rang de l'art international, les textes tiennent une place importante. Le plus célèbre, Du spirituel dans l'art, traduit en français en 1949, n'est peut-être pas le plus utile pourtant pour la compréhension même de la peinture de Kandinsky. Publié à la fin de 1911, mais écrit pour l'essentiel en 1910, il donne en fait l'état de la pensée du peintre au moment où il hésite encore devant l'étape ultime : son chapitre le plus connu, sur « le langage des formes et des couleurs », risque d'égarer si l'on veut s'en servir simplement comme d'un dictionnaire pour les œuvres à venir. Publié en 1912 dans l'Almanach du Cavalier bleu, le long article « sur la question de la forme » est d'une autre pertinence, qui commente l'axiome fondamental selon lequel « la forme est l'expression extérieure du contenu intérieur », pour conclure qu'« il n'existe pas de problème de la forme », et qu'une forme (l'abstraction par exemple) n'est pas a priori meilleure qu'une autre (la constante admiration de Kandinsky pour le Douanier Rousseau, et sa croyance affirmée en la possibilité, à côté de l'art abstrait, d'un « grand réalisme » s'expliquent aussi par là). La forme n'est donc déterminée que par la « nécessité intérieure » (innere Notwendigkeit), notion qui tient une place centrale dans ces textes, mais dont on a voulu faire un concept obscur, alors qu'à ce moment délicat elle a surtout pour Kandinsky une fonction pratique et toute personnelle : éviter, dans l'abstraction, les formes qui seraient seulement stylisées, la pure décoration, et l'expérimentation gratuite. Au demeurant, le peintre l'a répété, la théorie n'influe alors en rien sur sa pratique et n'intervient qu'au moment des bilans, hors de l'atelier : l'évolution de sa peinture résulte d'un enchaînement logique interne dont le peintre doit prendre conscience mais dont il est à peine le maître (et le parallèle avec Braque et Picasso, au même moment, est là encore saisissant). Le désir de chercher une « explication » immédiate et d'ordre rationnel dans un « manifeste » théorique que Kandinsky n'a en fait jamais écrit a ainsi dissimulé longtemps l'importance et la fonction réelle des nombreux autres textes publiés pendant cette période : les « compositions scéniques » (La Sonorité jaune, 1909, publiée dans l'Almanach du Cavalier bleu), où l'addition des moyens qui finalement s'annulent dans le théâtre et l'opéra traditionnels (le geste emphatique du chanteur, la musique « illustrative »...) est remplacée par l'utilisation spécifique de chacun d'eux pour démultiplier l'effet de l'ensemble ; les poèmes réunis dans le volume de 1913, Sonorités (Klänge), qui ne sont pas « transpositions d'art », mais où joue le même rapport dialectique entre forme et contenu, avec cette fois toutes les ressources propres de l'écriture qui font aussi de Kandinsky l'un des écrivains d'avant-garde des années 1910. Mais les textes autobiographiques sont les plus révélateurs, et les plus utiles pour la compréhension de l'œuvre du peintre : la « Conférence de Cologne » (1914, publiée seulement en 1957) et surtout Regards sur le passé (Rückblicke, 1913, nouvelle traduction française en 1974). Source d'information de premier ordre bien sûr, mais importante plus encore par la construction du texte lui-même, où la suite chronologique et la linéarité de la narration sont brisées en courts fragments soigneusement remontés, exemple de ce qui est à l'œuvre au même moment dans la peinture ; et libération, par le regard rétrospectif sinon par l'auto-analyse, des thèmes de l'inconscient, qui permet d'en bannir définitivement la figuration littérale dans le tableau. Les précieux commentaires de ses œuvres dont Kandinsky fait suivre son texte sont souvent partiels, et détournés, omettant des éléments qui nous semblent essentiels ; mais la démarche est typique : expliquer « le caché par le caché », selon la formule favorite du peintre, et remplacer la désignation par la métaphore, ce qui, là encore, est au cœur de la peinture même. Sa vie Né dans un milieu aisé, à Moscou, le 16 décembre 4 décembre 1866, Vassily est le fils aîné de Vassily Silvestrovitch Kandinsky et de Lydia Ivanovna. L'enfant a cinq ans lorsque son père décide s'installer en au bord de la mer Noire pour raisons de santé. Vassilily passe son enfance à Odessa, où ses parents se séparent. Vassily vit chez son père, et chaque jour, sa mère lui rend visite. L'éducation de Vassily est confiée à sa tante maternelle, Élisabeth Ivanovna, qui l'initie au dessin et à la peinture. Sa mère se remarie avec un médecin d'Odessa. Chaque année, pendant son adolescence, il accompagne son père pour un voyage à Moscou. En août 1885, il s'inscrit à l’université de Moscou en faculté de Droit. Il décide de commencer des études de peinture dessin d’après modèle, croquis et anatomie à l’âge de 30 ans. En 1896, il s’installe à Munich, où il étudie à l’Académie des Beaux-Arts. Il retourne à Moscou en 1918,après la Révolution russe. En conflit avec les théories officielles de l’art, il retourne en Allemagne en 1921. Il y enseigne au Bauhaus à partir de 1922 jusqu’à sa fermeture par les nazis en 1933. Il émigre alors en France et y vit le reste de sa vie, acquérant la nationalité française en 1939. Il s'éteint à Neuilly-sur-Seine en 1944, laissant derrière lui une œuvre abondante. Périodes artistiques La création par Kandinsky d’une œuvre purement abstraite n’est pas intervenue comme un changement abrupt, elle est le fruit d’un long développement, d’une longue maturation et d’une intense réflexion théorique fondée sur son expérience personnelle de peintre et sur l'élan de son esprit vers la beauté intérieure et ce profond désir spirituel qu’il appelait la nécessité intérieure et qu’il tenait pour un principe essentiel de l’art. Jeunesse et inspirations 1866-1896 La jeunesse et la vie de Kandinsky à Moscou lui apportent une multitude de sources d’inspiration. Il se souvient plus tard qu’étant enfant, il était fasciné et exceptionnellement stimulé par la couleur. C’est probablement lié à sa synesthésie, qui lui permettait littéralement de transformer les sons en couleurs. Sa fascination pour les couleurs continue à augmenter pendant son enfance à Moscou. Il pratique seul la joie du dessin, bien qu’il n’eût, semble-t-il, jamais tenté de faire des études artistiques. En 1889 il participe à un groupe ethnographique qui voyagea jusqu’à la région de Vologda au nord-est de Moscou pour étudier les coutumes relatives au droit paysan. Il raconte dans Regards sur le passé qu’il a l’impression de se mouvoir dans un tableau lorsqu’il rentre dans les maisons ou dans les églises de cette région décorées des couleurs les plus chatoyantes. Son étude du folklore de cette région, en particulier l’usage de couleurs vives sur un fond sombre a rejailli sur son œuvre primitive. Kandinsky écrit quelques années plus tard que la couleur est le clavier, les yeux sont les marteaux et l’âme est le piano avec les cordes. Cette même année, avant de quitter Moscou, voyant une exposition de Monet, il est impressionné par la représentation d’une meule de foin, qui lui montre la puissance de la couleur utilisée presque indépendamment de l’objet lui-même. En 1892, il obtient son diplôme de droit et épouse sa cousine Anja Shemyakina, une des rares étudiantes de l'université de Moscou. Ils divorceront en 1911. Entre-temps, Kandinsky avait commencé à suivre des cours dans une académie des beaux-arts avec Franz von Stuck qui avait été le professeur de Paul Klee et de Josef Albers, deux futurs membres du Bauhaus. Épanouissement artistique 1896-1911 Le temps que Kandinsky a passé à l’École des Beaux-Arts est facilité par le fait qu’il est plus âgé et plus expérimenté que les autres étudiants. Il commence une carrière de peintre tout en devenant un véritable théoricien de l’art du fait de l’intensité de ses réflexions sur son propre travail. Malheureusement, très peu de ses œuvres de cette période ont subsisté au temps, bien que sa production ait probablement été importante. Cette situation change à partir du début du XXe siècle.Un grand nombre de tableaux de paysages et de villes, utilisant de larges touches de couleur, mais des formes bien identifiables, ont été conservés. Pour l’essentiel, les peintures de Kandinsky de cette époque ne comportent pas de visages humains. Une exception est Dimanche, Russie traditionnelle 1904 où Kandinsky nous propose une peinture très colorée et sans doute imaginaire de paysans et de nobles devant les murs d’une ville. Sa peinture intitulée Couple à cheval 1906-1907 dépeint un homme sur un cheval, portant avec tendresse une femme, et qui chevauche devant une ville russe aux murs lumineux au-delà d’une rivière. Le cheval qui est couvert d’une étoffe somptueuse se tient dans l’ombre, tandis que les feuilles des arbres, la ville et les reflets dans la rivière luisent comme des taches de couleur et de lumière. Une peinture fondamentale de Kandinsky de ces années 1900 est probablement Le cavalier bleu Der Blaue Reiter, 1903 qui montre un personnage portant une cape chevauchant rapidement à travers une prairie rocailleuse. Kandinsky montre le cavalier davantage comme une série de touches colorées que par des détails précis. En elle-même, cette peinture n’est pas exceptionnelle, lorsqu’on la compare aux tableaux d’autres peintres contemporains, mais elle montre la direction que Kandinsky va suivre dans les années suivantes, et son titre annonce le groupe qu’il va fonder quelques années plus tard. De 1906 à 1908 Kandinsky passe une grande partie de son temps à voyager à travers l’Europe, jusqu’à ce qu’il s’installe dans la petite ville bavaroise de Murnau. La montagne bleue (1908-1909) peinte à cette époque montre davantage sa tendance vers l’abstraction pure. Une montagne de bleu est flanquée de deux grands arbres, l’un jaune et l’autre rouge. Un groupe de trois cavaliers et de quelques autres personnages traverse le bas de la toile. Le visage, les habits et la selle des cavaliers sont chacune d’une couleur unie, et aucun des personnages ne montre de détail réaliste. Le large emploi de la couleur dans La montagne bleue illustre l’évolution de Kandinsky vers un art dans lequel la couleur elle-même est appliquée indépendamment de la forme. À partir de 1909, ce que Kandinsky appelle le chœur des couleurs devient de plus en plus éclatant, il se charge d’un pouvoir émotif et d’une signification cosmique intense. Cette évolution a été attribuée à un ouvrage de Goethe, le Traité des couleurs Farbenlehre, qui a influencé ses livres Du Spirituel dans l’Art et Regards sur le passé. L'année suivante, il peint la première œuvre abstraite réalisée à partir d’une conviction profonde et dans un but clairement défini : substituer à la figuration et à l’imitation de la réalité extérieure du monde matériel une création pure de nature spirituelle qui ne procède que de la seule nécessité intérieure de l’artiste. Ou pour reprendre la terminologie du philosophe Michel Henry, substituer à l’apparence visible du monde extérieur la réalité intérieure pathétique et invisible de la vie. Kandinsky a expliqué que l'intuition qui l'avait mené vers l'abstraction s'était produite en 1908, à la vue d'un de ses propres tableaux posé sur le côté, méconnaissable dans la lumière déclinante du crépuscule. Le Cavalier bleu 1911-1914 Les peintures de cette période comportent de grandes masses colorées très expressives évoluant indépendamment des formes et des lignes qui ne servent plus à les délimiter ou à les mettre en valeur, mais se combinent avec elles, se superposent et se chevauchent de façon très libre pour former des toiles d’une force extraordinaire. La musique a eu une grande influence sur la naissance de l’art abstrait, étant abstraite par nature et ne cherchant pas à représenter vainement le monde extérieur, mais simplement à exprimer de façon immédiate des sentiments intérieurs à l’âme humaine. Kandinsky utilise parfois des termes musicaux pour désigner ses œuvres : il appelle beaucoup de ses peintures les plus spontanées des improvisations, tandis qu’il nomme compositions quelques-unes parmi les plus élaborées et les plus longuement travaillées, un terme qui résonne en lui comme une prière. En plus de la peinture elle-même, Kandinsky se consacre à la constitution d’une théorie de l’art. Il a contribué à fonder l’association des Nouveaux Artistes de Munich dont il devint le président en 1909. Le groupe fut incapable d’intégrer les approches les plus radicales comme celle de Kandinsky du fait d’une conception plus conventionnelle de l’art, et le groupe se dissout fin 1911. Kandinsky fonde alors une nouvelle association, Le Cavalier bleu Der Blaue Reiter avec des artistes plus proches de sa vision de l’art tels que Franz Marc. Cette association réalise un almanach, appelé L’Almanach du Cavalier Bleu qui connut deux parutions. Davantage de numéros étaient prévus, mais la déclaration de la première guerre mondiale en 1914 mit fin à ces projets, et Kandinsky retourna chez lui en Russie via la Suisse et la Suède. Son premier grand ouvrage théorique sur l’art, intitulé Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, paraît fin 1911. Il expose dans ce court traité sa vision personnelle de l’art dont la véritable mission est d’ordre spirituel, ainsi que sa théorie de l’effet psychologique des couleurs sur l’âme humaine et leur sonorité intérieure. L’Almanach du Cavalier Bleu est publié peu de temps après. Ces écrits de Kandinsky servent à la fois de défense et de promotion de l’art abstrait, ainsi que de démonstration que toute forme d’art authentique était également capable d’atteindre une certaine profondeur spirituelle. Il pense que la couleur peut être utilisée dans la peinture comme une réalité autonome et indépendante de la description visuelle d’un objet ou d’une autre forme. Sa première huile sur toile : L'arc noir C’est une des premières œuvres abstraites qui ne représente rien de la réalité, et conçue comme telle, de l’histoire de l’art. Elle ne représente rien d'autre que des formes et des couleurs libérées de la figure, de la représentation du monde. Cette liberté des formes tend à provoquer des émotions, des sentiments par le jeu de la composition, des harmonies colorées, des équilibres, des masses et du mouvement organisé autour de l'arc noir. Il est comme le chef d’orchestre de toute la toile. Le geste improvisé du peintre révèle malgré tout une mise en scène réfléchie, pensée, où rien n'est laissé au hasard pour déclencher chez le spectateur une vibration. Kandinsky cherche ici à restituer la musique de Wagner, d’où le terme abstraction lyrique lié à la musique . Il est d’ailleurs ami du compositeur Arnold Schoenberg, qui écrira la première partition atonale. Retour en Russie 1914-1921 Durant les années 1918 à 1921, Kandinsky s’occupe du développement de la politique culturelle de la Russie, il apporte sa collaboration dans les domaines de la pédagogie de l’art et de la réforme des musées. Il se consacre également à l’enseignement artistique avec un programme reposant sur l’analyse des formes et des couleurs, ainsi qu’à l’organisation de l’Institut de culture artistique à Moscou. Il peint très peu durant cette période. Il fait la connaissance en 1916 de Nina Andreievskaïa qui deviendra son épouse l’année suivante. Kandinsky reçu en 1921 pour mission de se rendre en Allemagne au Bauhaus de Weimar, sur l’invitation de son fondateur, l’architecte Walter Gropius. L’année suivante, les Soviétiques interdirent officiellement toute forme d’art abstrait, car jugé nocif pour les idéaux socialistes. Les utopies de la reconstruction Le grand déluge qu'annonce avec une tension croissante la peinture de Kandinsky avant 1914 est suivi d'une apocalypse bien réelle. Mais la guerre marque aussi pour lui une crise profonde ; en 1915, il note pour la première fois dans son catalogue : « Aucun tableau ». À quoi s'ajoute la rupture avec Gabriele Münter. C'est la révolution russe qui paraît enfin annoncer la « résurrection » attendue : Kandisky va devoir maintenant, et jusqu'en 1933, mettre à l'épreuve de la réalité, en Russie puis en Allemagne, le projet utopique de reconstruction d'un monde placé cette fois sous le seul signe du spirituel. Comme plus d'un artiste de l'avant-garde, il semble avoir cru fermement à cette impossible gageure. Après son retour en Russie, dès la fin de 1914, l'une de ses premières préoccupations est de faire publier en russe ses textes antérieurs, et notamment Regards qui, sous un rhabillage de surface, réaffirme, en octobre 1918, le même idéalisme fervent au cœur d'un pays dont pourtant la philosophie est maintenant officiellement celle du plus strict matérialisme... Mais le projet d'éditer Du spirituel dans l'art, lui, n'aboutira pas. Chargé d'importantes responsabilités officielles, il fait passer au second plan sa propre peinture, dont la production se réduit sensiblement (aucun tableau à nouveau en 1918), pour se consacrer à une intense activité théorique, pédagogique, administrative (pour la réorganisation des musées notamment), appuyée par de nouveaux textes. Il espère notamment pouvoir abolir les cloisonnements antérieurs (entre les différents arts, les artistes des différents pays...) pour aboutir à une nouvelle « synthèse », et pense que cette « grande utopie » (c'est le titre, significatif, d'un de ses articles) va devenir réalité. La radicalisation croissante du milieu artistique lui-même ne laisse que peu de chances à cet immense effort, qui reste fondé sur les principes énoncés avant 1914. De plus en plus vivement contesté, notamment à propos du programme de l'Institut de la culture artistique (Inkhouk) à la fondation duquel il a participé, Kandinsky part définitivement pour l'Allemagne en décembre 1921, avec Nina Andreievskaïa qu'il a épousée en 1917 et qui sera sa compagne jusqu'à la fin de sa vie. Parallèlement, son œuvre a vu surgir, sur sa « gauche » cette fois, de nouveaux adversaires. Le suprématisme de Malévitch et de ses disciples, qui se développe à partir de 1915, participe sans doute d'un idéalisme comparable, mais ses formes géométriques simples sur fond blanc apparaissent à bien des égards plus neuves et plus radicales. De même pour les différentes tendances du constructivisme, dont la géométrie froide et rigoureuse semble assurer, mieux que le lyrisme subjectif de l'avant-guerre, l'objectivité scientifique requise pour l'édification du monde nouveau. Et plus encore, à l'extrême gauche, pour l'art de la « culture des matériaux » prôné par Tatline, et qui va conduire en quelques années à une production purement utilitaire : Kandinsky ne peut qu'en rejeter en bloc le matérialisme et le dogmatisme sectaire. Mais sa peinture marque un temps d'hésitation devant les nouvelles formes d'abstraction géométrique (et quelques tableaux, non retenus dans le catalogue il est vrai, indiquent même un retour passager à la figuration la plus traditionnelle) : après un assagissement de la composition et un assourdissement des couleurs, la conversion va s'effectuer progressivement en effet, jusqu'au début des années 1920, pour aboutir à une peinture géométrique claire et vivement colorée que résument les grands tableaux de 1923, Composition VIII ou Trait transversal (Durchgehender Strich), et qui donne, pour l'essentiel, l'orientation de l'œuvre de Kandinsky pour les dix ans à venir. Malgré d'évidentes analogies de surface, il ne s'agit pourtant pas d'une adhésion au suprématisme : le support thématique reste celui de l'avant-guerre, et les données iconographiques, qui persistent dans plus d'une œuvre « à double lecture » (abstraite et figurative), assurent la continuité. En 1924, un tableau qui porte à son tour le titre révélateur de Regard sur le passé (Rückblick) reprend purement et simplement, en le géométrisant, un tableau important de 1913, Petites Joies (Kleine Freuden), et donne la mesure d'une plus fondamentale fidélité. Appelé par Walter Gropius au Bauhaus, fondé en 1919 à Weimar (puis transféré à Dessau et à Berlin, où le peintre restera jusqu'à sa fermeture par les nazis en 1933, témoignant ainsi de sa foi persistante dans l'entreprise), Kandinsky retrouve dans un pays qui croit lui aussi avoir fait table rase du passé les conditions de mise en œuvre de la « grande utopie ». Dans la nouvelle école, les paradoxes ne manquent pourtant pas. En principe la peinture de chevalet, jugée trop individualiste, n'a pas droit de cité dans un établissement dont le but ultime est la « construction », au service de laquelle doivent se mettre tous les arts : Kandinsky est d'abord nommé à la tête de l'atelier de peinture murale. Mais il ne travaillera lui-même qu'à deux réalisations de ce type : un projet pour un hall de musée (exposition de la Juryfreie, Berlin, 1922) et un salon de musique revêtu de céramique (également exposé à Berlin, en 1931). Et la mise en scène des Tableaux d'une exposition de Moussorgski (1928) est la seule occasion qui lui soit donnée de témoigner de son aspiration renouvelée à la synthèse des arts. La peinture de chevalet continue pourtant, dans l'atelier personnel, et pendant les heures du travail libre. Ses éléments constitutifs font l'objet d'analyses approfondies (dessin analytique et séminaire sur la couleur) dans le « cours préliminaire » puis à la « classe de peinture libre », à partir de 1927. Kandinsky en résume l'apport dans plusieurs textes, dont le plus important est son livre Punkt und Linie zu Fläche (littéralement : « Point et ligne (rapportés) au plan »), publié en 1926 dans la collection du Bauhaus. Mais, et c'est un second paradoxe, on peut se demander comment la tentative pédagogique, qui a vocation scientifique, et universelle, peut se concilier avec le développement d'une œuvre aussi individualisée et si profondément ancrée dans la structure d'une personnalité. De fait, la théorie reste marquée par la préoccupation spiritualiste et, malgré le recours à la psychologie de la forme ou à des analyses qui anticipent largement sur la « sémiotique » contemporaine, guidée d'abord par l'intuition personnelle, ce qui vaudra à Kandinsky de vives attaques au sein même de l'école. Quant à son œuvre propre – que Kandinsky caractérise, pendant cette période, comme un « grand calme avec forte tension intérieure » –, il lui arrive parfois de subir le contrecoup du caractère expérimental de la recherche : tableaux plus froids, d'un dessin et d'une couleur plus sèche, et dont le systématisme pourrait finir par étouffer la spontanéité. Plus généralement, la géométrie implique maintenant la substitution à l'espace fluide et homogène de l'avant-guerre d'un ensemble de figures distinctes du fond sur lequel elles se détachent, et pose ainsi le problème difficile de la structuration cohérente du tableau. Le recours renouvelé, et même renforcé, à l'allusion figurative pourrait être l'indice ici d'une difficulté qui n'est pas totalement résolue. Avec l'irruption de plus brutales réalités, la fermeture du Bauhaus marque la fin du temps des utopies : l'aurore tant espérée n'est plus qu'une étroite bande claire, menacée d'étouffement, au milieu de Développement en brun (Entwicklung in Braun), le dernier tableau peint en Allemagne, en août 1933. L'ultime décennie Réfugié désormais à Paris (où il se fait naturaliser, en 1939, et où il mourra le 13 décembre 1944), Kandinsky est entouré d'amis et de nombreuses relations, mais dans un milieu qui n'est pas vraiment préparé à comprendre sa démarche et où les éloges mêmes (ceux des surréalistes, André Breton au premier chef, et simultanément ceux des abstraits parisiens, le groupe Cercle et Carré puis Abstraction-Création) reposent sur l'équivoque. Sa peinture s'oriente alors différemment et peut donner d'abord l'impression d'un repli, sinon d'un reflux, malgré la qualité du métier, qui n'a peut-être jamais été aussi grande. On y voit en particulier apparaître un étrange univers de formes biologiques : feuilles, vers, serpents, insectes, oiseaux, mais surtout larves, amibes, embryons, groupements cellulaires...Souvent présentées dans des enveloppes au contour mou et flottant, mais dans une ambiance lumineuse et légère, ces formes renvoient avant tout à une vision ludique et paradisiaque du monde fœtal, même quand elles servent ensuite à l'élaboration de compositions complexes où la géométrie conserve ses droits et qui jouent avec subtilité des effets d'équilibre, d'échos le tableau dans le tableau, de contrastes, de matières (avec l'introduction temporaire du sable, seule innovation technique, empruntée aux Français. La référence biologique qui est au centre de cette nouvelle peinture s'appuie en partie sans doute sur les découvertes de la science contemporaine et trouve sa justification théorique dans l'affirmation, répétée, qu'art et science doivent marcher de pair pour l'avènement de la « grande synthèse ». Mais l'on peut se demander si, plus profondément, elle ne traduit pas aussi une aspiration à retourner aux origines, physiques et spirituelles, du moi, qui se situent bien à Moscou, et à Munich, avant 1914. On en lirait alors d'autres indices dans la vie même de Kandinsky, qui utilise à nouveau la langue russe, meuble son appartement de Neuilly-sur-Seine avec une partie du mobilier de Munich, rendu par Gabriele Münter, reprend la technique ancienne de la peinture a tempera sur carton, et tend, pour ses expositions, à omettre la période du Bauhaus pour rapprocher ses toiles récentes de celles de l'avant-guerre... Dans la peinture même, les formes « amibiennes » finissent par retrouver les motifs fondateurs de la période de Munich : la barque et ses rameurs, le saint Georges armé de sa lance, lui-même avatar du cheval de la petite enfance, traversent les dernières œuvres ; et dans le tout dernier tableau inscrit au catalogue (L'Élan tempéré, mars 1944) le chevalier est bien là, protégé des forces du Mal par une Vierge tutélaire... Avec ce refermement sur soi qui est aussi l'affirmation renouvelée de la foi dans les valeurs de l'esprit, la boucle est bouclée. Il y a bien eu, chez Kandinsky, abstraction du monde et perpétuel exil, non pour un passage à l'au-delà comme chez Malévitch, ou une révélation privilégiée de l'essence même de l'Univers, comme chez Mondrian, mais pour un retour aux sources du moi. Les origines de l'abstraction pourraient bien n'avoir été, après tout, qu'une autre forme de la quête des origines. Jean-Paul Bouillon Le Bauhaus 1922-1933 Le Bauhaus est alors une école d'architecture et d’art novateur qui a pour objectif de fusionner les arts plastiques et les arts appliqués, et dont l’enseignement repose sur la mise en application théorique et pratique de la synthèse des arts plastiques. Kandinsky y donne des cours dans le cadre de l’atelier de peinture murale, qui reprennent sa théorie des couleurs en y intégrant de nouveaux éléments sur la psychologie de la forme. Le développement de ces travaux sur l’étude des formes, en particulier le point et les différentes formes de lignes, conduit à la publication de son second grand ouvrage théorique Point et ligne sur plan en 1926. Les éléments géométriques prennent dans son enseignement comme dans sa peinture une importance grandissante, en particulier le cercle, le demi-cercle, l’angle et les lignes droites ou courbes. Cette période est pour lui une période d’intense production. Par la liberté dont témoigne chacune de ses œuvres, par le traitement des surfaces riches en couleurs et en dégradés magnifiques comme dans sa toile Jaune – rouge – bleu 1925, Kandinsky se démarque nettement du constructivisme ou du suprématisme dont l’influence était grandissante à cette époque. Les formes principales qui constituent cette toile de deux mètres de large intitulée Jaune – rouge – bleu sont un rectangle vertical jaune, une croix rouge légèrement inclinée et un grand cercle bleu foncé, tandis qu’une multitude de lignes noires droites ou sinueuses et d’arcs de cercles, ainsi que quelques cercles monochromes et quelques damiers colorés contribuent à sa délicate complexité. Cette simple identification visuelle des formes et des principales masses colorées présentes sur la toile ne correspond qu’à une première approche de la réalité intérieure de l’œuvre dont la juste appréciation nécessite une observation bien plus approfondie non seulement des formes et des couleurs utilisées dans la peinture, mais également de leur relation, de leur position absolue et de leur disposition relative sur la toile, de leur harmonie d’ensemble et de leur accord réciproque. Confronté à l’hostilité des partis de droite, le Bauhaus quitta Weimar pour s’installer à Dessau-Roßlau dès 1925. À la suite d'une campagne de diffamation acharnée de la part des nazis, le Bauhaus est fermé à Dessau en 1932. L’école poursuit ses activités à Berlin jusqu’à sa dissolution en juillet 1933. Kandinsky quitte alors l’Allemagne pour venir s’installer à Paris. La grande synthèse 1934-1945 À Paris, il se trouve relativement isolé, d’autant que l’art abstrait, en particulier géométrique, n’est guère reconnu : les tendances artistiques à la mode étaient plutôt l’impressionnisme et le cubisme. Il vit et travaille dans un petit appartement dont il a aménagé la salle de séjour en atelier. Des formes biomorphiques aux contours souples et non géométriques font leur apparition dans son œuvre, des formes qui évoquent extérieurement des organismes microscopiques, mais qui expriment toujours la vie intérieure de l’artiste. Il recourt à des compositions de couleurs inédites qui évoquent l’art populaire slave et qui ressemblent à des ouvrages en filigrane précieux. Il utilise également du sable qu’il mélange aux couleurs pour donner à la peinture une texture granuleuse. Cette période correspond en fait à une vaste synthèse de son œuvre antérieure, dont il reprend l’ensemble des éléments tout en les enrichissant. Il peint en 1936 et 1939 ses deux dernières grandes compositions, ces toiles particulièrement élaborées et longuement mûries qu’il avait cessé de produire depuis de nombreuses années. Composition IX est une toile aux diagonales puissantes fortement contrastées et dont la forme centrale évoque un embryon humain dans le ventre de sa mère. Les petits carrés de couleurs et les bandes colorées semblent se détacher du fond noir de Composition X comme des fragments ou des filaments d’étoiles, tandis que d’énigmatiques hiéroglyphes aux tons pastels recouvrent la grande masse marron qui semble flotter dans le coin supérieur gauche de la toile. Dans les œuvres de Kandinsky, un certain nombre de caractéristiques sautent immédiatement aux yeux tandis que certaines sonorités sont plus discrètes et comme voilées, c’est-à-dire qu’elles ne se révèlent que progressivement à ceux qui font l’effort d’approfondir leur rapport avec l’œuvre et d’affiner leur regard. Il ne faut donc pas se contenter d’une première impression ou d’une identification grossière des formes que l’artiste a utilisées et qu’il a subtilement harmonisées et mises en accord pour qu’elles rentrent efficacement en résonance avec l’âme du spectateur. Gloire posthume À partir de la mort de Vassily Kandinsky et durant une trentaine d’années, Nina Kandinsky n’a cessé de diffuser le message et de divulguer l’œuvre de son mari. L’ensemble des œuvres en sa possession ont été léguées au Centre Georges Pompidou, à Paris, où l’on peut voir la plus grande collection de ses peintures. Nina Kandinsky créa en 1946 le prix Kandinsky destiné à couronner la recherche de jeunes peintres dans le domaine de l’abstraction et décerné pour la première fois à Jean Dewasne Écrits théoriques sur l’art Les analyses de Kandinsky sur les formes et sur les couleurs ne résultent pas de simples associations d’idées arbitraires, mais de l’expérience intérieure du peintre qui a passé des années à créer des peintures abstraites d’une incroyable richesse sensorielle, à travailler sur les formes et avec les couleurs, observant longuement et inlassablement ses propres toiles et celles d’autres artistes, constatant simplement leur effet subjectif et pathétique sur son âme d’artiste et de poète d’une très grande sensibilité aux couleurs. Il s’agit donc d’une forme d'expérience purement subjective que chacun peut faire et répéter en prenant le temps de regarder ses peintures et de laisser agir les formes et les couleurs sur sa propre sensibilité vivante. Il ne s’agit pas d’observations scientifiques et objectives, mais d’observations intérieures radicalement subjectives et purement phénoménologiques qui relèvent de ce que le philosophe Michel Henry appelle la subjectivité absolue ou la vie phénoménologique absolue. Du spirituel dans l’art Cet ouvrage est écrit en 1910, alors que l'artiste vient de peindre son premier tableau abstrait. Kandinsky compare la vie spirituelle de l’humanité à un grand Triangle semblable à une pyramide et que l’artiste a pour tâche et pour mission d’entraîner vers le haut par l’exercice de son talent. La pointe du Triangle est constituée seulement de quelques individus qui apportent aux hommes le pain sublime. Un Triangle spirituel qui avance et monte lentement, même s’il reste parfois immobile. Durant les périodes de décadence les âmes tombent vers le bas du Triangle et les hommes ne recherchent que le succès extérieur et ignorent les forces purement spirituelles. Lorsque l’on regarde les couleurs sur la palette d’un peintre, un double effet se produit : un effet purement physique de l’œil charmé par la beauté des couleurs tout d’abord, qui provoque une impression de joie comme lorsque l’on mange une friandise. Mais cet effet peut être beaucoup plus profond et entraîner une émotion et une vibration de l’âme, ou une résonance intérieure qui est un effet purement spirituel par lequel la couleur atteint l’âme. La nécessité intérieure est pour Kandinsky le principe de l’art et le fondement de l’harmonie des formes et des couleurs. Il la définit comme le principe de l’entrée en contact efficace de la forme et des couleurs avec l’âme humaine. Toute forme est la délimitation d’une surface par une autre, elle possède un contenu intérieur qui est l’effet qu’elle produit sur celui qui la regarde avec attention. Cette nécessité intérieure est le droit de l’artiste à la liberté illimitée, mais cette liberté devient un crime si elle n’est pas fondée sur une telle nécessité. L’œuvre d’art naît de la nécessité intérieure de l’artiste de façon mystérieuse, énigmatique et mystique, puis elle acquiert une vie autonome, elle devient un sujet indépendant animé d’un souffle spirituel. Les premières propriétés qui sautent aux yeux lorsque l’on regarde la couleur isolée, en la laissant agir seule, c’est d’une part la chaleur ou la froideur du ton coloré, et d’autre part la clarté ou l’obscurité de ce ton. La chaleur est une tendance au jaune, la froideur une tendance au bleu. Le jaune et le bleu forment le premier grand contraste, qui est dynamique. Le jaune possède un mouvement excentrique et le bleu un mouvement concentrique, une surface jaune semble se rapprocher de nous, tandis qu’une surface bleue semble s’éloigner. Le jaune est la couleur typiquement terrestre dont la violence peut être pénible et agressive. Le bleu est la couleur typiquement céleste qui évoque un calme profond. Le mélange du bleu et du jaune produit l’immobilité totale et le calme, le vert. La clarté est une tendance vers le blanc et l’obscurité une tendance vers le noir. Le blanc et le noir forment le second grand contraste, qui est statique51. Le blanc agit comme un silence profond et absolu plein de possibilités55. Le noir est un néant sans possibilité, il est un silence éternel et sans espoir, il correspond à la mort. C’est pourquoi toute autre couleur résonne si fortement à son voisinage56. Le mélange du blanc et du noir conduit au gris, qui ne possède aucune force active et dont la tonalité affective est voisine de celle du vert. Le gris correspond à l’immobilité sans espoir, il tend vers le désespoir lorsqu’il devient foncé et retrouve un peu d’espoir en s’éclaircissant. Le rouge est une couleur chaude très vivante, vive et agitée, il possède une force immense, il est un mouvement en soi. Mélangé au noir, il conduit au brun qui est une couleur dure58. Mélangé au jaune, il gagne en chaleur et donne l’orangé qui possède un mouvement d’irradiation sur l’entourage. Mélangé au bleu, il s’éloigne de l’homme pour donner le violet, qui est un rouge refroidi. Le rouge et le vert forment le troisième grand contraste, l'orangé et le violet le quatrième. Point Ligne Plan Ce second ouvrage est publié en 1926, quand Kandinsky est professeur au Bauhaus. L'artiste y analyse les éléments géométriques qui composent toute peinture, à savoir le point et la ligne, ainsi que le support physique et la surface matérielle sur laquelle l’artiste dessine ou peint et qu’il appelle le plan originel ou P.O.62 Il ne les analyse pas d’un point de vue objectif et extérieur, mais du point de vue de leur effet intérieur sur la subjectivité vivante du spectateur qui les regarde et les laisse agir sur sa sensibilité63. Le point est dans la pratique une petite tache de couleur déposée par l’artiste sur la toile. Le point qu’utilise le peintre donc n’est pas un point géométrique, il n’est pas une abstraction mathématique, il possède une certaine extension, une forme et une couleur. Cette forme peut être carrée, triangulaire, ronde, en forme d’étoile ou plus complexe encore. Le point est la forme la plus concise, mais selon son emplacement sur le plan originel il va prendre une tonalité différente. Il peut être seul et isolé ou bien être mis en résonance avec d’autres points ou avec des lignes. La ligne est le produit d’une force, elle est un point sur lequel une force vivante s’est exercée dans une certaine direction, la force exercée sur le crayon ou sur le pinceau par la main de l’artiste. Les formes linéaires produites peuvent être de plusieurs types : une ligne droite qui résulte d’une force unique exercée dans une seule direction, une ligne brisée qui résulte de l’alternance de deux forces possédant des directions différentes, ou bien une ligne courbe ou ondulée produite par l’effet de deux forces qui agissent simultanément. Une surface peut être obtenue par densification, à partir d’une ligne que l’on fait pivoter autour d’une de ses extrémités. L’effet subjectif produit par une ligne dépend de son orientation : la ligne horizontale correspond au sol sur lequel l’homme se repose et se meut, au plat, elle possède une tonalité affective sombre et froide semblable au noir ou au bleu, tandis que la ligne verticale correspond à la hauteur et n’offre aucun point d’appui, elle possède au contraire une tonalité lumineuse et chaude proche du blanc ou du jaune. Une diagonale possède par conséquent une tonalité plus ou moins chaude ou froide selon son inclinaison par rapport à la verticale ou à l’horizontale. Une force qui se déploie sans obstacle comme celle qui produit une ligne droite correspond au lyrisme, tandis que plusieurs forces qui s’opposent et se contrarient forment un drame67. L’angle que forme une ligne brisée possède également une sonorité intérieure qui est chaude et proche du jaune pour un angle aigu triangle, froide et similaire au bleu pour un angle obtus cercle et semblable au rouge pour un angle droit carré. Le plan originel est en général rectangulaire ou carré, il est donc composé de lignes horizontales et verticales qui le délimitent et qui le définissent comme un être autonome qui va servir de support à la peinture en lui communiquant sa tonalité affective. Cette tonalité est déterminée par l’importance relative de ces lignes horizontales et verticales, les horizontales donnant une tonalité calme et froide au plan originel, tandis que les verticales lui communique une tonalité calme et chaude. L’artiste possède l’intuition de cet effet intérieur du format de la toile et de ses dimensions, qu’il va choisir en fonction de la tonalité qu’il souhaite donner à son œuvre. Kandinsky considère même le plan originel comme un être vivant que l’artiste « féconde » et dont il sent la « respiration. Chaque partie du plan originel possède une coloration affective qui lui est propre et qui va influer sur la tonalité des éléments picturaux qui seront dessinés dessus, ce qui contribue à la richesse de la composition qui résulte de leur juxtaposition sur la toile. Le haut du plan originel correspond à la souplesse et à la légèreté, tandis que le bas évoque plutôt la densité et la pesanteur. Il appartient au peintre d’apprendre à connaître ces effets afin de produire des peintures qui ne soit pas l’effet du hasard, mais le fruit d’un travail authentique et le résultat d’un effort vers la beauté intérieure. Ce livre comporte une multitude d’exemples photographiques et de dessins issus d’œuvres de Kandinsky qui offrent la démonstration de ses observations théoriques, et qui permettent au lecteur d’en reproduire en lui l’évidence intérieure pour peu qu’il prenne le temps de regarder avec attention chacune de ces images, qu’il les laisse agir sur sa propre sensibilité et qu’il laisse vibrer les cordes sensibles de son âme et de son esprit. Kandinsky met néanmoins son lecteur en garde contre une contemplation trop longue, qui conduirait l'imagination à prendre le dessus sur l'expérience intérieure immédiate : Pour ce genre d'expérience, il vaut mieux se fier à la première impression, car la sensibilité se lasse vite et cède le champ à l'imagination Œuvres 1914 : Improvisation avec Formes froides, huile sur toile, Galerie Tretiakov, Moscou. 1915 : Peinture non objective, Musée des beaux-arts de Riazan. 1916 : Moscou. La Place Rouge, huile sur toile, Galerie Tretiakov, Moscou. Composition VII Sans titre 1925 : Jaune ; Rouge ; Bleu, huile sur toile, Centre Pompidou, Paris 1939 : Complexité simple, huile sur toile, Musée de Grenoble Publications de Vassily Kandinsky Interférences, traduit en français par Armel Guerne, Delpire, 1959 ; éd. Gallimard, 1967. Point Ligne Surface. Contribution à l'analyse des éléments picturaux, traduit de l'allemand par Christine Boumeester, Paris, Éditions de Beaune, Les nouveaux manifestes no 4, in-8 broché, 126 pp + 26 planches d'illustrations hors-texte, 1963. Du spirituel dans l'art, et dans la peinture en particulier, éd. Denoël-Gonthier, 1969, 1979, 1989 ; éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 1989. Point Ligne Plan, éd. Denoël-Gonthier, 1970, 1991 ; éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 1991. Écrits complets (tome I), éd. Denoël-Gonthier, 1970. Écrits complets (tome II) : Point ligne plan - La grammaire de la création - L'avenir de la peinture., éd. Denoël-Gonthier, 1970. Regards sur le passé et autres textes 1912-1922, éd. Hermann, 1974. Écrits complets (tome III) : La synthèse des arts, éd. Denoël-Gonthier, 1975. Cours du Bauhaus, éd. Denoël-Gonthier, 1978. Vassily Kandinsky et Franz Marc (éd.), L’almanach du "Blaue Reiter" : Le Cavalier bleu, éd. Klincksieck, 1987. Vassily Kandinsky et Olga Medvedkova, Kandinsky ou la critique des critiques – Les Écrits russes de Kandinsky (1901-1911), Centre d'Histoire de Sciences Po - Les Presses du Réel, 2014 Ouvrages sur Kandinsky Ouvrages philosophiques Michel Henry, Voir l’invisible. Sur Kandinsky, Bourin-Julliard, 1988, PUF, coll. "Quadridge", 2005. Philippe Sers, Kandinsky. Philosophie de l'art abstrait: peinture, poésie, scénographie., éd. Skira, 2003. Alexandre Kojève, Les Peintures concrètes de Kandinsky, La Lettre volée, 2002. Serge Chamchinov, La méthode du « lire » la peinture: Michaux, Klee, Kandinsky, Moscou, éd. OGI, 2006, ISBN 5-94282-341-3. Témoignages et correspondances Nina Kandinsky, Kandinsky et moi, éd. Flammarion, 1978. Schoenberg - Busoni, Schoenberg - Kandinsky, correspondances, textes, Éditions Contrechamps, Genève, 1995. Reproductions de ses œuvres Jéléna Hahl-Fontaine, Kandinsky, Marc Vokar éditeur, 1993. François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, collection "Les grands maîtres de l’art contemporain", 1986. Hajo Duechting, Kandinsky, éd. Taschen, 1990. Pierre Volboudt, Kandinsky, éd. F. Hazan, 1984. V. E. Barnett et A. Zweite, Kandinsky. Dessins et aquarelles, éd. Flammarion, 1992. A. et L. Vezin, Kandinsky et le cavalier bleu, éd. Terrail, 1991. Ramon Tio Bellido, Kandinsky. Les Chefs d'œuvre, Fernand Hazan. Paris, 1987, 142 p. . Catalogues d'expositions Kandinsky. Trente peintures des musées soviétiques, Centre Georges Pompidou, 1979. Kandinsky. Œuvres de Vassily Kandinsky (1866-1944), Centre Georges Pompidou, 1984. Kandinsky. Rétrospective, Fondation Maeght, 2001. Kandinsky 1914-1921, Christian Derouet et Fabrice Hergott, monographie, Hazan, 2001, 160 p. Sjeng Scheijen (dir.), The Big Change. Revolution in Russian Painting 1895-1917, Musée des Bons-Enfants Maastricht, 2013, 188 p. Ouvrages d'histoire de l'art Marcel Brion, Kandinsky, éd. Somogy, 1960. Dictionnaire Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des peintres,sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays, vol. 7, éditions Gründ, janvier 1999, 13440 p. (ISBN 2700030176), p. 681-685. Philippe Sers, Comprendre Kandinsky, éd. Infolio, 2009. Brigitte Hermann, Kandinsky : sa vie, Paris, Hazan, coll. « Bibliothèque Hazan », 2009, 440 p. Nicholas Fox Weber, La Bande du Bauhaus, six maîtres du modernisme, Fayard 2015. Filmographie Wassily Kandinsky (1866-1944), Figures de l'invisible, « Jaune-Rouge-Bleu » ou « gelb-rot-blau » , émission de la série Palettes dirigée par Alain Jaubert, 25 min, réalisée par Palettes production en 1994, diffusée le 27 novembre 1994 sur Arte, première édition vidéo en 1995, DVD vidéo ARTE/ éditions Montparnasse, 2007.
#35
Jean Chardin
Loriane
Posté le : 05/12/2015 16:26
Le 6 décembre 1779 meurt Jean Siméon Chardin
à 80 ans, à Paris considéré comme l'un des plus grands peintres français et européens du XVIIIe siècle. Il est surtout reconnu pour ses natures mortes, ses peintures de genre et ses pastels. Il naît le 2 novembre 1699 à Paris. Il reçoit sa formation à l'académie de Saint-Luc, il appartient au mouvement rococo. Ses Œuvres les plus réputées sont La Raie, Le Buffet, Les Attributs de la musique, des arts et des sciences. En bref Chardin peint en dehors du temps, en marge de son temps et des vogues bruyantes. Tout le relief de sa vie exigeante et modeste est celui qu'il sait donner à un fruit, à un verre, à un humble pichet. Peu lui importe de n'être pas le peintre des grands genres ni, en vérité, le successeur d'aucun maître, pourvu qu'en ces pâtes denses et épaisses, qu'il accroche en couches successives sur la toile à gros grain, il confère aux réalités simples de la vie, non pas la vertu d'un récit, d'une description ou d'une allégorie, mais le mystère de la vie silencieuse et secrète des choses dans sa durée illimitée. On ne peint pas seulement avec des couleurs, on peint avec le sentiment, disait un jour Chardin. Tout est là. Et parler d'une œuvre qui nous est aujourd'hui si familière, si évidente, et pourtant si lointaine en sa perfection, c'est tenter de saisir comment, de la seule couleur, Chardin sut faire naître le sentiment. On peut dire que d'emblée la vie du peintre fut placée au registre qui devait demeurer le sien et qu'en naissant à Paris, rue de Seine, fils de menuisier, dans un milieu d'artisans habiles et actifs, Chardin trouvait aussitôt le climat de gravité sérieuse, de probité, et jusqu'au décor qui allaient marquer son œuvre et lui assigner ses dimensions. Son apprentissage : non point l'enseignement officiel que dispensait l'Académie, ni celui d'un maître unique, mais des moments successifs. Chez Pierre-Jacques Cazes, il dessine d'après l'antique ; Noël-Nicolas Coypel, demi-frère d'Antoine, lui révèle la lumière et la densité des choses, si l'on en croit un récit, en l'invitant à peindre un fusil ; J. B. Van Loo, pour l'aider dans ses débuts difficiles, fait appel à lui pour le seconder dans la restauration des fresques de Rosso et de Primatice, au château de Fontainebleau. On sait aussi qu'une enseigne aujourd'hui disparue, et qu'on eût tant aimé comparer à celle que Watteau venait d'exécuter pour Gersaint, lui fut commandée par un chirurgien barbier, ami de son père. Mais tout cela ne nous dit rien de l'acheminement intime et secret de Chardin vers la maîtrise et les premiers succès : ceux que lui vaudront, lorsqu'il les exposera place Dauphine, en 1728, à l'occasion de la Fête-Dieu, La Raie et Le Buffet, qui étonneront à ce point les peintres de l'Académie royale, et surtout Largillière, qu'il est sur-le-champ admis et, deux mois après, reçu parmi eux comme peintre « dans le talent des animaux et des fruits », quand toute son ambition se serait sans doute bornée à la vieille Académie Saint-Luc où il avait d'ailleurs été reçu en 1724. Dès ce moment, Chardin est en pleine possession de ses moyens ; et quoique toute sa vie, il se soit passionné pour les mille secrets techniques de la peinture, sans doute n'ira-t-il jamais plus loin dans l'accomplissement de son métier. De compagnon devenu maître grâce, à ces deux très belles œuvres qu'on pourrait, au regard de ce qu'il allait peindre, juger aujourd'hui un peu démonstratives, Jean-Baptiste Chardin va maintenant, délivré des problèmes de la couleur, de la matière où il est désormais inimitable, partir à la seule recherche du sentiment, élever au niveau des grands genres et bien peu le comprendront en son siècle les humbles thèmes où il va se complaire avec un patient travail, et devenir, d'œuvre en œuvre, très simplement Chardin. La fidélité d'un peintre à soi-même rend ici bien vaine toute chronologie, et de Chardin, comme de Corot, l'on pourrait dire que le fil de leur vie tient à la tendresse pénétrante du regard constant qu'ils portent aux êtres et aux choses, à cette lumière candide dont ils les baignent et les font s'interpénétrer. Officiellement peintre de fruits et d'animaux, Chardin n'aborde la figure qu'après 1730, année de son premier mariage, avec Marguerite Saintard, dont il aura deux enfants. Veuf en 1735, il perd, à la même époque, sa fille Marguerite Agnès et, remarié en 1744 avec Marguerite Pouget, voit encore mourir en bas âge la fille qu'il avait eue de son second mariage. Peut-être l'influence toute flamande du portraitiste Aved décida-t-elle Chardin à ne point se limiter à la seule peinture des objets ; peut-être aussi Chardin fut-il sensible à ce qu'Aved, un jour, lui aurait dit qu'il est « plus difficile de peindre un portrait qu'un cervelas ». Mais l'on peut supposer aisément qu'atteint en ce qu'il avait de plus cher, Chardin eût, de toute manière, incliné à recréer, fût-ce pour lui seul, des scènes d'intimité telles que Le Bénédicité ou La Toilette du matin, évocatrices d'une vie familiale qu'il avait perdue. Aussi son œuvre est-elle double : tableaux d'objets, d'animaux et de fruits, qui ne sont jamais des « natures mortes », tableaux d'intimité, scènes de la vie domestique, qui, mis à part les autoportraits au pastel des dernières années, ne sont pas des portraits au sens où l'on entendait ce genre au XVIIIe siècle. Et, par-delà ces distinctions, l'unité de l'œuvre est là, faite d'un admirable métier, d'un espace toujours clos sur lui-même (à la différence des Hollandais, Chardin n'ouvre point de fenêtre ou d'échappée sur le monde extérieur) où l'objet immobile s'anime de vie silencieuse. Le geste de l'Écureuse, du Garçon Cabaretier, celui de la Dame cachetant une lettre, la pose même de la Pourvoyeuse, comme surprise en flagrant délit par le peintre, s'interrompant et s'éternisant au point de prendre une indicible valeur de symbole, se situent au sein d'un espace absolu, intemporel qu'il s'agit de ne point troubler car tout y est à sa place, une fois pour toutes, par une harmonie secrète, longuement méditée, dont on subit le charme sans jamais (et pourquoi le faire ?) pleinement pouvoir le définir. Sa vie Jean Siméon Chardin naît à Paris le 2 novembre 1699, d'un père artisan, fabricant de billards. Mis à part le fait qu'il a été l'élève du peintre d'Histoire Pierre-Jacques Cazes et qu'il a peut-être été conseillé par Noël Nicolas Coypel, on n'a aucune certitude à propos de sa formation avant le 6 février 1724, date à laquelle il est reçu à l'Académie de Saint-Luc avec le titre de maître – titre auquel il renonça en 1729. D'après les frères Goncourt, Coypel aurait fait appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, ce qui lui aurait donné le goût pour les natures mortes. Il est probable que deux de ses tableaux, la Raie et Le Buffet aient été remarqués par deux membres de l'Académie royale à l'Exposition de la Jeunesse, place Dauphine, en 1728 : Louis Boulongne, Premier peintre du Roi, et Nicolas de Largillière un des meilleurs peintres français de natures mortes Chardin devient ainsi peintre académicien dans le talent des animaux et des fruits, c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres reconnus. La Raie fait l'objet d'une admiration et d'une fascination unanimes depuis le xviiie siècle. Notons que le Buffet est une des premières œuvres datées de Chardin. Henri Matisse copia ces deux tableaux en 1896 ; ils se trouvent actuellement au musée Matisse du Cateau-Cambrésis. Chose rare chez Chardin, un animal vivant figure dans la Raie comme dans le Buffet. L'artiste peint très lentement, revient sans cesse sur son travail, ce qui n'est guère compatible avec la représentation d'animaux vivants. Il est aussi probable que Chardin ait redouté que l'on compare ses œuvres à celles des deux maîtres du temps « dans le talent des animaux » : Alexandre-François Desportes 1661-1743 et Jean-Baptiste Oudry 1661-1755. Ce dernier avait précédé Chardin à l'Académie de Saint-Luc en 1708 et à l'Académie royale en 1717. À ce propos, voir plus bas. L'année 1731 est marquée par des événements particulièrement importants. Il épouse Marguerite Saintard sept ans après un contrat de mariage passé avec elle. Le père de l'artiste meurt peu après, et son fils Jean Pierre naît en novembre. Cette même année, sous la direction de Jean-Baptiste van Loo (1684-1745), il participe à la restauration des fresques de la galerie François Ier du château de Fontainebleau. Sa femme Marguerite meurt en 1735 et sa fille Marguerite Agnès en 1737. Il se remarie en 1744 avec Françoise-Marie Pouget, dont il n'eut pas d'enfant. Jean-Baptiste Chardin, alors conseiller et trésorier de l'Académie royale de peinture et de sculpture, meurt le 6 décembre 1779 à Paris au Palais du Louvre. Les scènes de genre : un défi remporté Œuvres nouvelles Les premiers tableaux à figures de Chardin ont été peints en 1733 au plus tard. Chardin se rend compte qu'il ne peut pas vendre indéfiniment des natures mortes. Il lui faut devenir maître dans un autre genre pictural. Dans son Abecedario (1749), un contemporain de Chardin, Pierre-Jean Mariette, rapporte l'anecdote suivante : Chardin faisant remarquer à un de ses amis peintres, Joseph Aved (1702–1766), qu'une somme d'argent même assez faible était toujours bonne à prendre pour un portrait commandé quand l'artiste n'était pas très connu, Aved lui aurait répondu : « Oui, si un portrait était aussi facile à faire qu'un cervelas. » L'artiste était mis au défi de peindre autre chose que des natures mortes. Mais ce n'était pas la seule raison de changer de registre. Mariette ajoute : « Ce mot fit impression sur lui et, le prenant moins comme une raillerie que comme une vérité, il fit un retour sur son talent, et plus il l'examina, plus il se persuada qu'il n'en tirerait jamais grand parti. Il craignit, et peut-être avec raison, que, ne peignant que des objets inanimés et peu intéressants, on ne se lassât bientôt de ses productions, et que, voulant essayer de peindre des animaux vivants, il ne demeurât trop au-dessous de MM. Desportes et Oudry, deux concurrents redoutables, qui avaient déjà pris les devants et dont la réputation était établie. » Chardin se consacre donc aux scènes de genre, ce qui n'est pas sans difficultés pour lui. Les amateurs de peinture du xviiie siècle prisent, plus que tout, l'imagination. Or, c'est la faculté qui faisait le plus défaut à Chardin. Il a du mal à composer ses tableaux, et c'est ce qui explique en partie que lorsqu'il trouve, après de longues et patientes recherches, une structure qui lui convient, il la reproduit dans plusieurs œuvres. Cette période de la vie de Chardin s'ouvre sur deux pièces maîtresses : Une Femme occupée à cacheter une lettre (146 × 147 cm, Potsdam, palais de Sanssouci. Ce tableau est exposé place Dauphine en 1734, et le Mercure de France le décrit ainsi : « Le plus grand représente une jeune personne qui attend avec impatience qu'on lui donne de la lumière pour cacheter une lettre, les figures sont grandes comme nature. » Une Femme tirant de l'eau à la fontaine, dit La Fontaine, ou encore La Femme à la fontaine (38 × 43 cm, Stockholm, Nationalmuseum). Comme dans le tableau précédent, une ouverture dans le mur du fond, à droite, apporte de la clarté et montre une scène secondaire. Cependant aucun rapprochement n'est possible avec les tableaux hollandais : les intérieurs de Chardin sont fermés et les fenêtres sont très rares4. Chardin expose ce dernier tableau au Salon du Louvre en 1737, ainsi que la Blanchisseuse (37 × 42,5 cm, Stockholm, Nationalmuseum), La Fillette au volant (81 × 65 cm, Paris, collection particulière) et Le Château de cartes (82 × 66 cm, Washington, National Gallery of Art). Puis les expositions se succéderont presque tous les ans jusqu'à sa mort. Particulièrement dans la Fillette au volant, le peintre ne fait preuve d'aucune volonté de donner une impression de mouvement. Figée dans une attitude, le regard fixe, la petite fille est en train de poser pour Jean Siméon et son attitude trahit presque la surveillance dont elle fait l'objet. Cette immobilité, par contre, semble naturelle dans Le Château de cartes, du fait même du thème qui convient si bien à Chardin qu'il effectue quatre compositions avec peu de variantes sur ce sujet. Présenté à Louis XV à Versailles en 1740 par Philibert Orry, surintendant des Bâtiments du Roi5 et contrôleur général des Finances, Chardin offre deux tableaux au souverain. On peut lire à cette occasion dans le Mercure de France : « Le dimanche 27 novembre 1740, M. Chardin de l'Académie royale de peinture et sculpture, fut présenté au roi par M. le contrôleur général avec deux tableaux que Sa Majesté reçut très favorablement; ces deux morceaux sont déjà connus, ayant été exposés au Salon du Louvre au mois d'août dernier. Nous en avons parlé dans le Mercure d'octobre, sous le titre : la Mère laborieuse et le Bénédicité. » Ce fut la seule rencontre de Chardin avec Louis XV. Le regard du XIXe siècle : Chardin, peintre des vertus bourgeoises Le Bénédicité (49,5 × 38,5 cm, Paris, musée du Louvre) et la Mère laborieuse 49 × 39 cm, même musée sont tombés dans l'oubli dix ans après la mort de Louis XV, puis ont été redécouverts en 1845 : le siècle bourgeois apprécie les représentations des vertus bourgeoises qu'il oppose à la dissolution supposée générale des mœurs de la noblesse. L'auteur anonyme d'un article du volume XVI du Magasin Pittoresque écrit en 1848 : « À Watteau les déjeuners sur l'herbe, les promenades au clair de lune, la capricieuse beauté du jour avec l'élégant cavalier de son choix, les danses sous la feuillée des bergères et des bergers titrés ; mais à Chardin l'honnête et paisible intérieur, la mère qui brosse l'habit de son fils avant de l'envoyer à l'école, la mère apprenant à bégayer le nom de Dieu à sa petite couvée. Il imite le calme avec calme, la joie avec joie, la dignité avec dignité. Il semble qu'un siècle ne puisse contenir deux histoires si différentes; cependant elles se côtoient. Chacune a eu son historien, tous deux hommes de génie. Le brillant chatoiement de Watteau a trop souvent éclipsé la douce clarté de Chardin. Ébloui par l'agaçante coquetterie de la marquise, à peine s'arrête-t-on devant l'humble bourgeoise; et pourtant, quel plus doux mystère que cette suave peinture renfermant les vrais trésors de la vie humaine : honneur, ordre, économie ! » Et si l'auteur, dans le même passage, parle de Chardin comme d'un poète aux doux coloris, ce n'est qu'un bref intermède avant de s'émerveiller devant la représentation de son idéal féminin : « Elle est le type de ces milliers d'autres femmes auxquelles les hommes rigides, honnêtes, confient leur honneur, leur joie, leur nom, leurs enfants, et dont la présence est une bénédiction pour le seuil qu'elles ont une fois passé. » Les natures mortes de la maturité En 1744, Chardin épouse Françoise-Marguerite Pouget (1707–1791)6. Il a 45 ans, elle en a 37. Bientôt Chardin est protégé et encouragé par un personnage important, le marquis de Vandières (1727–1781), futur marquis de Marigny et de Menars, directeur des Bâtiments de 1751 à 1773. Il obtient une pension pour Chardin7. « Sur le rapport que j'ai fait au Roy Monsieur de vos talents et de vos Lumières, Sa Majesté vous accorde dans la distribution de ses grâces pour les Arts, une pension de 500 livres, je vous en informe avec d'autant plus de plaisir, que vous me trouverez toujours très disposé de vous obliger, dans les occasions qui pourront se présenter et qui dépendront de moi à l'avenir. » En 1754, son fils Jean Pierre remporte le premier prix de l'Académie et entre à l'École royale des élèves protégés. En 1757, il reçoit son brevet pour aller poursuivre ses études de peinture à Rome. Enlevé par des corsaires anglais au large de Gênes en 1762, puis libéré, Jean Pierre meurt en 1767 à Paris, à moins qu'il ne se soit suicidé à Venise. Il est nommé trésorier de l'Académie en 1755, et deux ans après Louis XV lui accorde un petit appartement dans les Galeries du Louvre, ce dont il se montre très fier. Marigny, dont la bienveillance à l'égard de Chardin ne se démentit jamais, est à l'origine de cet honneur rendu au peintre et l'en avertit lui-même. « Je vous apprends avec plaisir, Monsieur, que le Roy vous accorde le logement vacant aux Galeries du Louvre par le décès de S. Marteau, vos talents vous avaient mis à portée d'espérer cette grâce du Roy, je suis bien aise d'avoir pu contribuer à la faire verser sur vous. Je suis, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur. » On imagine sans peine Chardin savourant avec délice l'annonce de cette distinction devant ses confrères, en pleine séance de l'Académie : « M. Chardin, Conseiller, Trésorier de l'Académie, a fait part à la Compagnie de la grâce honorable que le Roy lui a faitte en lui accordant un logement aux Galeries du Louvre. La Compagnie a témoigné de l'intérest qu'elle prend à tous les avantages que son mérite et ses talents lui procurent. » L'inventaire après décès des biens de Chardin révèle que cet appartement comportait quatre chambres, une salle à manger, une cuisine, un corridor, une cave et une soupente sous l'escalier. Très occupé par ses fonctions de trésorier et par la responsabilité qui lui incombe de l'arrangement des tableaux pour le Salon de l'Académie (office dit de « tapissier » qui lui vaut des démêlés avec Oudry), Chardin se consacre à nouveau à la nature morte depuis 1748. Il expose toujours des peintures de genre, mais cesse d'en créer : ce sont, la plupart du temps, des œuvres antérieures ou des variantes. Les natures mortes qu'il expose dans cette période sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres, etc. Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, voire des effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi. Durant cette période le style de Chardin évolue : « En un premier temps,l'artiste peint par larges touches qu'il dispose côte à côte sans les fondre entre elles (…) ; après avoir pendant quelques années, vers 1755-1757, multiplié et miniaturisé les objets qu'il éloigne du spectateur, tenté d'organiser des compositions plus ambitieuses, il accordera une place de plus en plus grande aux reflets, aux transparences, au « fondu »; de plus en plus ce sera l'effet d'ensemble qui préoccupera l'artiste, une vision synthétique qui fera surgir d'une pénombre mystérieuse objets et fruits, résumés dans leur permanence. » Retenons La Table d'office, dit aussi Partie de dessert avec pâté, fruits, pot à oille8 et Huilier (38 × 46 cm, Paris, musée du Louvre). Chardin propose ici une composition horizontale dans laquelle il multiplie des couleurs et les formes géométriques. Au musée des beaux-arts de Carcassonne, se trouve une nature morte de même titre, mêmes dimensions, avec les mêmes objets. Il peint aussi des compositions plus sobres, inscrites dans une figure ovale, avec des fruits, et où l'accent porte sur les reflets, les jeux complexes de la lumière. Par exemple, le Bocal d'abricots (Ovale 57 × 51 cm, Toronto, Art Gallery of Ontario), et le Melon entamé (Ovale 57 × 52 cm, Paris, collection particulière9. Il faut rappeler enfin Le Bocal d'olives (7I × 98 cm, Paris, musée du Louvre) dont Diderot disait qu'il fallait commencer par le copier pour apprendre le métier de peintre. Mais le mieux est de laisser la parole au philosophe : « C'est que ce vase de porcelaine est de la porcelaine; c'est que ces olives sont vraiment séparées de l'œil par l'eau dans laquelle elles nagent, c'est qu'il n'y a qu'à prendre ces biscuits et les manger, cette bigarade l'ouvrir et la presser, ce verre de vin et le boire, ces fruits et les peler, ce pâté et y mettre le couteau. C'est celui-ci qui entend l'harmonie des couleurs et des reflets. Ô Chardin ! Ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette : c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile. (…) On n'entend rien à cette magie. Ce sont des couches épaisses de couleur appliquées les unes aux autres et dont l'effet transpire de dessous en dessus. D'autres fois, on dirait que c'est une vapeur qu'on a soufflée sur la toile; ailleurs une écume légère qu'on y a jetée. Rubens, Berghem, Greuze, Loutherbourg vous expliqueraient ce faire bien mieux que moi; tous en feront sentir l'effet à vos yeux. Approchez-vous, tout se brouille, s'aplatit et disparaît; éloignez-vous, tout se crée et se reproduit. (…) Ah ! Mon ami, crachez sur le rideau d'Apelle et sur les raisins de Zeuxis. On trompe sans peine un artiste impatient et les animaux sont mauvais juges en peinture. N'avons-nous pas vu les oiseaux du jardin du Roi se casser la tête contre la plus mauvaise des perspectives ? Mais c'est vous, c'est moi que Chardin trompera quand il voudra. » En 1765, Chardin est reçu, à la suite d'un vote à l'unanimité, à l'Académie des Sciences, des Belles Lettres et des Arts de Rouen comme associé libre. En 1769, les époux Chardin reçoivent une rente viagère annuelle de 2 000 livres exempte d'impôts – rente augmentée de 400 livres l'année suivante. Marigny lui avait déjà fait obtenir une pension de 200 livres par an pour ses responsabilités dans l'organisation du Salon du Louvre et l'accrochage des tableaux. « J'ai obtenu du Roy, pour vous, Monsieur, 200 livres par an en considération des soins et peines que vous prené lors de l'Exposition des tableaux du Louvre, Regardé ce petit avantage comme un témoignage du désir que j'ay de vous obliger. ». En 1772 Chardin commence à être gravement malade. Il souffre probablement de ce que l'on appelait « la maladie de la pierre », c'est-à-dire de coliques néphrétiques. À cause de l'âge et de la maladie, le 30 juillet 1774, il démissionne de sa charge de trésorier de l'Académie. Le temps des pastels Il faut faire une place à part au pastel dans l'œuvre de Chardin. Cet art, déjà pratiqué par Léonard de Vinci et Hans Holbein[Lequel ?], prend son essor au xvie siècle, notamment avec les portraits de la famille royale par Quentin de La Tour (1704-1788). Peut-être est-ce lui qui a donné le goût de cette technique à Chardin, son ami. En 1760, Quentin de La Tour avait fait, au pastel, un portrait de Chardin (Paris, musée du Louvre) qui l'avait offert à l'Académie à l'occasion de sa démission de la charge de trésorier. « Le Secrétaire a ajouté que M. Chardin seroit flatté si l'Académie avoit agréable de lui permettre de placer en l'Académie son portrait peint au pastel par M. de la Tour (…). [L'Académie] a reçu le don de son portrait avec action de grâces, et Elle a prié M. le Moyne, ancien Directeur et M. Cochin, Secrétaire, d'aller chés M. Chardin, de la part de la Compagnie, lui réitérer ses remerciements » — Procès verbal de la Séance du 30 juillet 1774 Le 7 janvier 1775, en présence de Chardin, ce portrait est accroché dans la salle des séances. C'est au début des années 1770 que Chardin se consacre véritablement au pastel, ce qu'il explique notamment par des raisons de santé, dans une correspondance avec le comte d'Angivillier. Ce dernier est directeur et ordonnateur des Bâtiments du Roi depuis 1774. Les relations entre Chardin et lui sont extrêmement différentes de celles que le peintre entretenait avec le frère de Mme de Pompadour. Il est même possible de dire que Chardin doit faire face à un mépris teinté d'hostilité. Ainsi, lorsqu'en 1778, il exprime auprès de d'Angivillier son désir de percevoir les honoraires jadis affectés à sa charge de trésorier de l'Académie, il se heurte au dédain du comte. Chardin est à la fois conscient de la haute maîtrise dont témoigne son art, et du peu d'estime que l'on accorde aux peintres de nature morte : « Si j'osais, en finissant, Monsieur le Comte après avoir parlé des intérêts du Trésorier, stipuler aussi ceux du peintre, je prendrois la liberté d'observer au Protecteur des Arts que cette faveur rejailliroit en même tems sur un artiste qui se plaît à convenir à la vérité que dans le courant de ses travaux, les bienfaits de sa Majesté l'ont aidé à soutenir la peinture avec honneur, mais qui a malheureusement éprouvé que les études longues et opiniâtres qu'exige la nature, ne le conduisoient point à la fortune. Si cette capricieuse m'a refusé ses faveurs, Elle n'a pu me décourager, ni m'enlever l'agrément du travail. Mes infirmités m'ont empêché de continuer à peindre à l'huile, je me suis rejeté sur le pastel qui m'a fait recueillir encore quelques fleurs, si j'ose m'en rapporter à l'indulgence du public. Vous même, Monsieur le Comte, avez paru m'accorder votre suffrage aux précédens Salons, avant que vous en fussiez le premier ordonnateur et vous m'avez encouragé dans cette carrière dans laquelle je me suis montré plus de 40 années. » — Lettre du 28 juin 1778, fautivement datée par Chardin du 21 juin. Dans sa réponse, d'Angivillier fait remarquer que Chardin percevait une somme déjà plus importante que les autres « officiers » (ceux qui ont un office, c'est-à-dire une charge, un emploi) dans le cadre de l'Académie. Mais surtout il reprend à son compte l'idée, qui n'avait presque plus cours chez les véritables amateurs d'art, que la peinture de natures mortes demande moins d'études et de travail que la peinture d'Histoire. En conséquence, il considère que ce fut une erreur de rémunérer aussi largement Chardin, qui devrait s'estimer bien heureux que le roi lui ait attribué un logement. « Si vos ouvrages prouvent les soins qui vous ont mérité une réputation dans un genre, vous dévés sentir que l'on doit la même justice à vos confrères, et vous devés convenir qu'à travail égal vos études n'ont jamais comporté les frais aussi dispendieux ny des pertes de temps aussi considérables que celles de MM. Vos confrères qui ont suivi les grands genres. L'on peut même leur savoir gré du désintéressement, car si leurs prétentions se montoient en raison de leur fatigue, l'administration ne seroit pas en mesure de les satisfaire. » Lettre du 21 juillet 1778. À aucun moment d'Angivillier ne suppose que l'absence de revendications de la part des autres membres de l'Académie puisse être simplement due à une reconnaissance du génie de Chardin dont les œuvres transcendant l'archaïque classement en « genres ». À sa mort, Madame de Pompadour avait, en quelque sorte, légué Boucher 1703-1770 à Louis XV qui en fit son Premier peintre en 1765 et le nomma directeur de l'Académie. Les attaques d'un Diderot, que sa morale bourgeoise frappe parfois de cécité esthétique, n'y font rien : Boucher est un grand peintre. Mais à la mort du « favori de la favorite », les tenants de la peinture d'histoire se déchaînent. Charles Nicolas Cochin le jeune11 (1715-1790), grand ami de Chardin et jadis protégé de Marigny, en sera la victime : forcé de démissionner de sa place de secrétaire de l'Académie, il est remplacé par Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789), nouveau Premier peintre du Roi. Soutenue par d'Angevillier et Pierre qui tous deux méprisent Chardin – qui le leur rend bien plus encore – la peinture de grand genre se tourne alors vers le néo-classicisme. C'est dans ce contexte, et malgré ses ennemis, que Chardin s'impose auprès des amateurs par ses pastels, ultimes joyaux de son art. Aux Salons de 1771, 1773, 1775, 1777, 1779 il expose des autoportraits, des portraits de sa femme, des têtes de vieillards, des têtes d'enfants, des têtes d'expression12, et une copie de Rembrandt. Chardin connaît le succès avec ces dessins dans lesquels il fait preuve de bien plus de maîtrise que dans ses quelques portraits à l'huile. « C'est un genre auquel on ne l'avait point vu encore s'exercer, et que, dans ses coups d'essais, il porte au plus haut degré », écrit un critique dans l'Année littéraire, en 1771. Déjà les connaisseurs avaient remarqué que, dans ses peintures à l'huile, l'artiste juxtaposait les pigments plutôt qu'il ne les mélangeait sur la palette. Ainsi, l'abbé Guillaume-Thomas-François Raynal (1713-1796, dans sa Correspondance littéraire, écrit en 1750 : « Il place ses couleurs l'une après l'autre sans presque les mêler de sorte que son ouvrage ressemble un peu à la mosaïque de pièces de rapport, comme la tapisserie faite à l'aiguille qu'on appelle point carré. » Le pastel permet à Chardin d'approfondir cette technique. Quant aux couleurs, elles s'imposent à l'artiste dans leur relation. En effet, le problème n'est pas de savoir s'il y a du bleu ou du vert sur tel visage réel, mais s'il en faut dans le portrait. Un demi-siècle avant que les théories d'Eugène Chevreul (1786-1899) n'influencent les impressionnistes, il développe dans ses pastels l'art du mélange optique des teintes, et de la touche hachurée qui accroche la lumière. Par-dessus ses bésicles, dans son Autoportrait de 1771 (Paris, musée du Louvre), le doux et malicieux regard du « Bonhomme Chardin » invite l'amateur, non pas à scruter l'âme du peintre, mais à revenir sur l'œuvre même, pour observer, étudier sans cesse les audaces picturales qui confèrent une vie fascinante à son visage. « Des trois couleurs primitives se forment les trois binaires13. Si au ton binaire vous ajoutez le ton primitif qui lui est opposé, vous l'annihilez, c'est-à-dire vous en produisez la demi-teinte nécessaire. (…) De là, les ombres vertes dans le rouge. La tête des deux petits paysans. Celui qui était jaune avait des ombres violettes; celui qui était le plus sanguin et le plus rouge, des ombres vertes. » Chardin aurait pu écrire, s'il avait été théoricien, ces notes extraites des Carnets de voyage au Maroc de Delacroix (1832)… comme il aurait pu lui aussi déclarer que « l'ennemi de toute peinture est le gris ». Louis XV meurt en 1774, mais depuis dix ans déjà, Mme de Pompadour n'était plus à ses côtés pour orienter ses goûts. Cette même année, d'Angivillier, dont on a vu le peu d'estime qu'il avait pour Chardin, succède au frère de la favorite, protectrice des arts et des lettres. Le peintre souffre finalement assez peu de ces changements, et de toute façon, ses détracteurs ne parviennent pas à entraîner une désaffection du public cultivé. Ainsi, au Salon du Louvre du 25 août 1779, Chardin expose ses derniers pastels. Mesdames – ainsi nommait-on les filles de Louis XV – connaissaient et appréciaient Chardin : pour leur demeure de Bellevue, il avait peint en 1761 deux dessus de portes, Les Instruments de la musique guerrière, et Les Instruments de la musique civile. L'une d'elles, Mme Victoire, se laisse tenter par un portrait de Jacquet (c'est-à-dire de jeune laquais): « On a beaucoup parlé de la richesse du dernier salon. La reine14 et toute la famille royale voulurent le voir et en marquèrent leur satisfaction. Un des morceaux qui fit le plus de plaisir à Mme Victoire, dont le suffrage éclairé fait l'ambition des meilleurs artistes, fut un petit tableau de M. Chardin représentant un petit Jacquet. Elle fut si frappée de la vérité de cette figure que dès le lendemain, cette princesse envoya au peintre, par M. le comte d'Affry, une boîte en or, comme un témoignage du cas qu'elle faisait de ses talents. » Un art médité Une comparaison avec l'art de Vermeer s'impose ici. Mais, tandis que le métier aigu et lisse du maître de Delft ne se laisse point pénétrer ou ne se livre qu'au travers d'une lumière toute d'irréalité et de distante discrétion, l'art de Chardin garde une humaine présence qui nous touche plus directement. Tout tient d'abord à un métier des plus nouveaux pour l'époque. Rembrandt est là, lui aussi, avec sa touche grasse et somptueuse, et cette qualité des blancs et des oppositions de lumière que seul peut-être jusqu'alors, parmi les Français, Louis Le Nain avait su maîtriser. Les natures mortes flamandes, celles de Pieter Claesz et de Willem Heda en particulier, baroques et descriptives par la qualité sans mystère de tous les détails minutieux de la vie d'une époque qu'elles nous livrent, n'ont, en effet, pas plus que les intérieurs « léchés » peints par Mieris ou Gérard Dou, la retenue, la science de composition que nous trouvons dans les œuvres de Chardin. Aussi bien un verre peint par Heda n'est-il qu'un objet fragile fait pour y boire. Mais le moindre gobelet, la moindre bouteille vus par Chardin ont, comme plus tard les pommes de Cézanne, la consistance des choses qui ne meurent pas, parce que l'esprit et la main de l'artiste sont allés au-delà de la simple apparence. Chardin ne doit pas davantage à la somptuosité d'un Snyders ou d'un Largillière, d'âme flamande lui aussi. Cet amoncellement de viandes et de fruits, de bêtes écorchées et d'ustensiles épars qui saturent la toile dans un foisonnement de couleurs lui sont résolument étrangers. Ce que son art médité peut avoir de savoureux se condense entièrement en une matière précieuse où le lyrisme est présent, mais contenu par une exigence d'ordre, de composition, de sobriété qui confère à l'émotion première une indéfinissable résonance. Et cet équilibre parfait entre la sensation des choses et leur mise en harmonie, ce dépassement de deux mouvements contraires de l'esprit, auquel on ne peut atteindre que par l'exigence la plus élevée, est sans doute le trait qui permet de définir non seulement Chardin, mais tous les grands maîtres de la peinture européenne depuis cinq cents ans. Le métier La manière de Chardin, son goût pour la vérité simple ne pouvaient que surprendre ses contemporains épris du maniérisme aristocratique et factice que dispensaient alors Boucher, Lancret, Pater et, avec eux, tous les petits maîtres du XVIIIe siècle. Mariette lui-même, grand amateur de dessin, a peine à comprendre que Chardin dessine peu et il tient pour un défaut d'imagination que « monsieur Chardin [soit] obligé d'avoir continuellement sous les yeux l'objet qu'il se propose d'imiter... » Car, pour les hommes du temps, voir et imiter, c'est tout un « quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux », écrivait déjà Pascal). Aussi ne leur vient-il point à l'idée qu'on puisse aller plus loin par le regard qui observe et recréée que par le don, commun aux peintres officiels, d'imaginer dans le seul respect des conventions établies. Et la technique de Chardin étonne, autant que son goût du vrai, ceux mêmes qui l'admirent. « La manière de peindre de Chardin est singulière », écrit Bachaumont. « Il place ses couleurs l'une après l'autre, sans presque les mêler de façon que son ouvrage ressemble un peu à de la mosaïque. » Habitués à la technique vernissée du XVIIIe siècle, les amateurs d'alors comprenaient mal qu'un tableau, peu lisible de près, pût à distance si parfaitement se composer, ni qu'à une manière, apparemment respectueuse des traditions, répondit une technique aussi nouvelle. Ce que Chardin veut exprimer n'a plus rien à voir, en effet, avec la classique opposition des Hollandais entre l'ombre et la lumière. Séparant ses touches, il obtient par des procédés qui lui sont propres, le fondu parfait de l'œuvre terminée et s'efforce, comme dans Le Gobelet d'argent du Louvre, d'animer chaque objet, chaque moment, de la lumière et de la teinte de tout ce qui l'entoure. Les innovations techniques de Chardin touchent notre sensibilité ; car ce que l'on aime aujourd'hui à découvrir dans une œuvre, c'est le « faire » d'un peintre, c'est la présence sensuelle, spontanée et vécue de la touche, alors que la vieille tradition académique du métier parfait, exigeait encore, au temps de Louis XV, pour qu'une œuvre fût tenue pour achevée, que la trame de son exécution ne fût jamais apparente. C'est pourtant à ce métier même qu'un contemporain qualifiait de « brut » et de « raboteux » que Chardin doit aujourd'hui, par notre admiration, d'être toujours présent. La composition picturale Chardin n'obtient la simplicité poétique de ses mises en page que par la plus extrême justesse dans la disposition des objets et des lignes. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que Braque portait une particulière dilection à la nature morte Pipe et vase à boire, et que Malraux compare La Pourvoyeuse à « un Braque génial ». La Pourvoyeuse, comme toute composition de Chardin, est pyramidale. Au centre du tableau, la tache lumineuse, doucement inclinée vers la droite, de la Pourvoyeuse, fixe le regard. Mais la vie même de l'œuvre, la parfaite insertion d'une silhouette dans une surface plane ne pouvaient naître que du contraste des lignes et de la répartition subtile des zones de clarté et d'ombre. Il fallait, pour y parvenir, aménager le fond du tableau et faire vivre le premier plan. Une porte s'ouvre donc à gauche, dont les contours nets et droits s'opposent aux obliques de la figure centrale. L'espace qu'elle délimite est l'occasion, pour Chardin, de créer une seconde zone de lumière qu'il peuple d'objets familiers – chaudron, fontaine de cuivre – et qu'il anime d'une fine silhouette de femme, si bien que ce rectangle clair apparaît, au sein même de l'œuvre, comme un second tableau plus dense qui vient s'inscrire dans l'espace du premier, le répéter à moindre échelle, l'animer et lui donner sa profondeur. Du linge que tient la Pourvoyeuse pointe l'os d'un gigot : la géométrie de l'embrasure de la porte en est atténuée, et l'indispensable passage, le trait d'union entre les zones de lumière, que sépare un mur d'ombre, est créé. L'oblique du bahut, compense, à droite, l'inclinaison du sol : le déhanchement de la femme lourdement chargée de victuailles s'en trouve accentué. L'écuelle de terre, enfin, vient, où il le faut, interrompre la nudité du sol et les deux bouteilles noires – l'une renversée pour mieux occuper le bas du tableau – apportent à l'œuvre la note fondamentale qui lui confère sa profondeur, sa gravité, en faisant jouer sa lumière. Ainsi, nul hasard dans l'art de Chardin. Une volonté consciente et discrète choisit le motif et en assure l'ordonnancement. Et l'univers clos et intime où se complait l'artiste, comme s'il peignait à l'écart du monde, achève de donner à son œuvre une tonalité d'absolu. Peut-être notre goût pour les formes abstraites, élaboré à l'école de Juan Gris, de Braque, de Staël et de Morandi, nous porte-t-il aujourd'hui vers les tableaux d'objets, plus que vers les scènes familiales peintes par Chardin. Peut-être aussi la manière déclamatoire d'un Greuze et, plus tard, les paysanneries symboliques d'un Millet nous sont-elles, parce qu'œuvres anecdotiques et littéraires, une gêne quand nous voulons apprécier la qualité du Bénédicité, de La Toilette du matin, de La Blanchisseuse, ou de La Pourvoyeuse elle-même. Et, en ce XVIIIe siècle qui redécouvre l'art des maîtres flamands et hollandais, longtemps proscrits de la cour de Louis XIV, la secrète originalité de Chardin n'est-elle pas flagrante, plus immédiatement saisissable dans Les Apprêts du déjeuner, ou dans tel Bouquet de fleurs du musée d'Édimbourg que dans les tableaux de vie familiale où s'exprime une autre forme de sensibilité plus dépendante d'un temps et de la tradition qui l'a préparé ? Chardin connut les succès d'une honnête carrière, non l'engouement et les faveurs de la Cour. Il n'y prétendait d'ailleurs pas et ne reçut jamais d'elle que quelques commandes de dessus-de-porte pour Choisy et Bellevue (les attributs des arts, de la musique et des sciences) et les prérogatives et pensions attachées à sa fonction d'académicien. Autre est sa clientèle, d'autres sources les suffrages qu'il obtint lors de tous les Salons auxquels il participa. L'estime de ses confrères qui marqua ses débuts lui fut toujours acquise. La constante amitié de Cochin, secrétaire de l'Académie, celle de l'amateur La Live de Jully, les éloges répétés de la critique et surtout de Diderot suffirent à entourer Chardin d'un climat d'intelligente compréhension. Résolument en marge des faux brillants d'une société finissante, recherchant avec une passion tenace la vérité des choses, Chardin, comme l'écrit René Huyghe, « comprit qu'il n'est d'œuvre valable que si le point d'arrivée est la peinture ». La quasi-disgrâce que lui valut, dans ses dernières années, le dédain du surintendant d'Angiviller et l'emprise croissante du néo-classicisme n'entamèrent en lui ni la bonhomie du peintre ni les certitudes qu'il s'était lentement acquises. Cette quête du sentiment, quand son regard commence à se lasser, il la tourne vers lui-même et nous laisse, peu avant sa mort, deux admirables autoportraits au pastel qui sont comme la signature de sa vie. « Simplificateur doucement impérieux », écrit Malraux, Chardin n'a pas fini de nous conduire à la poésie et à la réalité des choses, car son œuvre est hors du temps, et « rien ne peut lui être opposé en France, de Watteau à la Révolution ». Philippe Levantal — Nécrologe des Hommes Célèbres, t. XV, 178015 Sans doute Mme Victoire a-t-elle voulu acheter le pastel; Chardin le lui a offert, et le lendemain elle lui a fait parvenir une tabatière en or. Le 6 décembre 1779, à 9 heures du matin, meurt Jean Siméon Chardin dans son appartement des galeries du Louvre, à Paris Par l'inventaire après décès, nous savons que le ménage Chardin était à l'aise. Toutefois, Madame Chardin demande une part de réversion des rentes de son mari. On ne peut, cette fois, reprocher à d'Angivillier son refus : « Mais quoiqu'il y ait eu, en effet, quelques exemples de veuves d'artistes qui ont obtenu des pensions après la mort de leurs maris, je trouve que c'étoient des ou des veuves d'artistes qui étoient morts spécialement au service du roy, ou quelques-unes qui, par la suite de la mort de leur mari, restoient dans un état de détresse telle que l'honneur des arts de l'Académie exigeoit en quelque sorte que l'on vint à leur secours. M. Chardin s'est fait une réputation méritée et dans le public et dans l'Académie, mais n'a pas eu le premier avantage, parce que la nature de son talent, quoique éminent, ne le comportoit pas. Je suis assuré que le second cas ne vous est pas applicable, et votre délicatese refuseroit sûrement un bienfait du roi à ce titre. » — Documement des Archives nationales datant de 1779 Madame Chardin se retire chez un membre de sa famille. Elle meurt le 15 mai 1791. La diffusion des œuvres : gravures et poèmes Avant le xixe siècle et en dehors des expositions et Salons qui, de toute façon, ne duraient guère, peu de personnes pouvaient contempler des tableaux, hormis dans les lieux de culte. La gravure, mode de reproduction autant que certes moyen d'expression pour de grands artistes, comme Rembrandt, fut également un mode de reproduction et diffusion d'une extrême importance depuis la fin du xive siècle jusqu'à l'invention de la photographie en 1839 par Daguerre. Au xviiie siècle particulièrement, les collectionneurs se plaisaient à faire reproduire ainsi les œuvres de leurs collections particulières. Les tableaux de Jean-Baptiste Greuze et de Chardin les peintures de genre sont sans doute ceux qui, en ce siècle, ont donné lieu au plus grand nombre de gravures. Mariette en témoigne dans son Abécédario : « Les estampes qu'on a gravées d'après les tableaux de M. Chardin (…) sont devenues des estampes à la mode (…). Le gros public revoit avec plaisir des actions qui se passent journellement sous ses yeux dans son ménage. » Souvent une brève légende en vers accompagne l'image. En voici quelques exemples : Une Femme occupée à cacheter une lettre, gravé par Étienne Fessard. Une femme occupée à cacheter une lettre16, gravé par Étienne Fessard (1714-1777) : « Hâte-toi, Frontain : vois ta jeune Maîtresse, Sa tendre impatience éclate dans ses yeux ; Il lui tarde déjà que l'objet de ses Vœux Ait reçu ce Billet, gage de sa tendresse. Ah ! Frontain, pour agir avec cette lenteur Jamais le Dieu d'Amour n'a donc touché ton cœur. » Les Bouteilles de savon, gravé par Pierre Filloeul (1696-après 1754) : « Contemple bien Garçon Ces petits globes de Savon : Leur mouvement si variable Et leur éclat si peu durable Te feront dire avec raison, Qu'en cela mainte Iris leur est assez semblable. » Une Dame qui prend du thé gravé par Pierre Filloeul. Une Dame qui prend du thé18, gravé par Pierre Filloeul : « Que le jeune Damis seroit heureux, Climène, Si cette bouillante liqueur, Pouvoit échauffer votre cœur, Et si le sucre avait la vertu souveraine D'adoucir ce qu'en votre humeur Cet amant trouve de rigueur. » Le Château de cartes ou Le Fils de M. Le Noir s'amusant à faire un château de cartes19, gravé par Pierre Filloeul : « Vous vous moquez à tort de cet adolescent Et de son humble ouvrage Prest à tomber au premier vent Barbons dans l'âge même où l'on doit être sage Souvent il sort de nos serveaux (sic) De plus ridicules châteaux. » Et parfois, le graveur lui-même est l'auteur de l'épigramme. Ainsi de la gravure d'après ce même tableau, par François-Bernard Lépicié (1698-1755) : « Aimable Enfant que le plaisir décide, Nous badinons de vos frêles travaux : Mais entre nous, quel est le plus solide De nos projets ou bien de vos châteaux. » La fortune critique La Fillette au volant 1741, Florence, Galerie des Offices. Le lien avec le rôle des estampes se fait tout naturellement sitôt que l'on sait que la sortie de chaque nouvelle gravure d'après un tableau de Chardin est la source d'un commentaire, généralement élogieux, dans le Mercure de France. Toutefois, ce n'est pas dans ce périodique qu'il convient de puiser quelques critiques. La Font de Saint-Yenne 1688-1776, Réflexions sur quelques causes de l'État présent de la Peinture en France, 1747 : « J'aurais dû parler du Sieur Chardin dans le rang des peintres compositeurs et originaux. On admire dans celui-ci le talent de rendre avec un vrai qui lui est propre et singulièrement naïf, certains moments dans les actions de la vie nullement intéressants, qui ne méritent par eux-mêmes aucune attention, et dont quelques-uns n'étaient dignes ni du choix de l'auteur ni des beautés qu'on y admire: ils lui ont fait cependant une réputation jusque dans le pays étranger. Le public avide de ses tableaux, et l'auteur ne peignant que pour son amusement et par conséquent très peu, a recherché avec empressement pour s'en dédommager les estampes gravées d'après ses ouvrages. Les deux portraits au Salon, grands comme nature, sont les premiers que j'ai vus de sa façon. Quoi qu'ils soient très bien, et qu'ils promettent encore mieux, si l'auteur en faisait son occupation, le public serait au désespoir de lui voir abandonner, et même négliger un talent original et un pinceau inventeur pour se livrer par complaisance à un genre devenu trop vulgaire et sans l'aiguillon du besoin. » Anonyme, « Éloge historique de M. Chardin », dans Le nécrologue des Hommes illustres, 1780 : « Son premier maître fut la nature : il avait porté en naissant l'intelligence du clair-obscur, et il s'attacha de bonne heure à perfectionner ce talent si rare, persuadé que c'est la couleur qui fait tout le charme de l'imitation, et qui donne à la chose imitée un prix qu'elle n'a pas souvent dans la réalité. Cette exactitude l'empêcha sans doute de s'élever au genre de l'Histoire, qui exige plus de connaissances, une imagination plus vaste, plus d'effort, de génie, et plus de détails que tous les autres genres, ou, pour mieux dire, qui les réunit tous. Il se borna à un seul, préférant d'être le premier dans un genre inférieur, que d'être confondu dans la foule des Peintres médiocres dans un genre plus élevé ; aussi sera-t-il toujours regardé comme un des plus grands Coloristes de l'École Française. » Charles Nicolas Cochin, 1715-1790, Essai sur la vie de M. Chardin, 1780 : « Ces tableaux lui coûtaient beaucoup de temps, parce qu'il ne se contentait pas d'une imitation prochaine de la nature, qu'il y voulait la plus grande vérité dans les tons et dans les effets. C'est pourquoi il les repeignait jusqu'à ce qu'il fut parvenu à cette rupture de tons que produit l'éloignement de l'objet et les renvois de tous ceux qui l'environnent, et qu'enfin il eût obtenu cet accord magique qui l'a si supérieurement distingué. (…) Aussi, quoiqu'en général son pinceau fût peu agréable et en quelque sorte raboteux, il était bien peu de tableaux qui pussent se soutenir à côté des siens, et l'on disait de lui, comme de M. Restout le père, que c'était un dangereux voisin. Ses tableaux avaient, de plus, un mérite fort rare: c'était la vérité et la naïveté, soit des attitudes, soit des compositions. Rien n'y paraissait amené exprès ni pour grouper ni pour produire de l'effet ; et cependant toutes ces conditions étaient remplies avec un art d'autant plus admirable qu'il était plus caché. Indépendamment du vrai et de la force du coloris, cette simplicité si naturelle charmait tout le monde. En général, le public est peu touché des efforts de génie qu'on fait pour trouver des effets et des tournures qu'on nomme pittoresques. À la vérité, elles ont quelquefois un vrai mérite ; mais trop souvent elles s'écartent de la nature et manquent par là l'impression qu'on s'était proposé qu'elles fissent. C'est la vérité et le naturel que le plus grand nombre cherche principalement: aussi M. Chardin eut-il les plus grands succès dans toutes les expositions. » Edmond et Jules de Goncourt, « Chardin », dans Gazette des Beaux-Arts, 1864 : « Chez lui, point d'arrangement ni de convention : il n'admet pas le préjugé des couleurs amies ou ennemies. Il ose, comme la nature même, les couleurs les plus contraires. Et cela sans les mêler, sans les fondre : il les pose à côté l'une de l'autre, il les oppose dans leur franchise. Mais s'il ne mêle pas ses couleurs, il les lie, les assemble, les corrige, les caresse avec un travail systématique de reflets, qui, tout en laissant la franchise à ses tons posés, semble envelopper chaque chose de la teinte et de la lumière de tout ce qui l'avoisine. Sur un objet peint de n'importe quelle couleur, il met toujours quelque ton, quelque lueur vive des objets environnants. À bien regarder, il y a du rouge dans ce verre d'eau, du rouge dans ce tablier bleu, du bleu dans ce linge blanc. C'est de là, de ces rappels, de ces échos continus, que se lève à distance l'harmonie de tout ce qu'il peint, non la pauvre harmonie misérablement tirée de la fonte des tons, mais cette grande harmonie des consonances, qui ne coule que de la main des maîtres. » Marcel Proust, Chardin et Rembrandt , écrit en 1895 et publié en premier dans Le Figaro Littéraire : « Si je connaissais ce jeune homme, je ne le détournerais pas d'aller au Louvre et je l'y accompagnerais plutôt ; mais le menant dans la galerie Lacaze et dans la galerie des peintres français du xviiie siècle, ou dans telle autre galerie française, je l'arrêterais devant les Chardin. Et quand il serait ébloui de cette peinture opulente de ce qu'il appelait la médiocrité, de cette peinture savoureuse d'une vie qu'il trouvait insipide, de ce grand art d'une nature qu'il croyait mesquine, je lui dirais : Vous êtes heureux ? Pourtant qu'avez-vous vu là? qu'une bourgeoise aisée montrant à sa fille les fautes qu'elle a faites dans sa tapisserie (La mère laborieuse), une femme qui porte des pains (la Pourvoyeuse), un intérieur de cuisine où un chat vivant marche sur des huîtres, tandis qu'une raie morte pend aux murs, un buffet déjà à demi dégarni avec des couteaux qui traînent sur la nappe (Fruits et Animaux), moins encore, des objets de table ou de cuisine, non pas seulement ceux qui sont jolis, comme des chocolatières en porcelaine de Saxe (Ustensiles variés), mais ceux qui vous semblent le plus laids, un couvercle reluisant, les pots de toute forme et toute matière (la Salière, l'Écumoire), les spectacles qui vous répugnent, poissons morts qui traînent sur la table (dans le tableau de la Raie), et les spectacles qui vous écœurent, des verres à demi vidés et trop de verres pleins (Fruits et Animaux). Si tout cela vous semble maintenant beau à voir, c'est que Chardin l'a trouvé beau à peindre. Et il l'a trouvé beau à peindre parce qu'il le trouvait beau à voir. » Maurice Denis 1870-1943, « Cézanne », dans l'Occident, no 70, septembre 1907, p. 131 : « L'aspect caractéristique des tableaux de Cézanne vient de cette juxtaposition, de cette mosaïque de tons séparés et légèrement fondus l'un dans l'autre « Peindre, disait-il, c'est enregistrer ses sensations colorées. » Telles étaient les exigences de son œil qu'il lui fallait recourir à ce raffinement de technique pour conserver la qualité, la saveur de ses sensations, et contenter son besoin d'harmonie… Les fruits de Cézanne, ses figures inachevées sont le meilleur exemple de cette méthode de travail, renouvelée peut être de Chardin: quelques touches carrées en indiquent par de doux voisinages de teintes la forme arrondie ; le contour ne vient qu'à la fin, comme un accent rageur, un trait à l'essence, qui souligne et isole la forme déjà rendue sensible par le dégradé de la couleur. » Élie Faure 1873-1937, Histoire de l'Art, Art Moderne, IV, 1921, p. 226-227 : « Toute la splendeur est dans la volupté exclusive de peindre que jamais, Vermeer de Delft à part, sans doute, nul ne posséda à ce degré. Le bon peintre Chardin fait sa tâche avec amour, comme un bon menuisier, un bon maçon, un bon tourneur, un bon ouvrier qui a fini par aimer la matière qu'il travaille et l'outil qui le tire de l'uniforme ennui et l'élève à la dignité de connaître ses moyens. Il n'y a pas plus d'amour dans le bras nu sortant de la manche échancrée que dans la serviette qu'il tient et le gigot qui la remplit et pèse à la main rose et grasse. C'est avec la même attention qu'il a peint la petite fille appliquée à bien dire le Bénédicité pour avoir plus vite sa soupe, la maman qui va la servir et s'amuse à la regarder, et les harmonies bourgeoises qui les entourent l'une et l'autre, les tabliers, les robes de laine, la raie bleue courant sur la nappe, la soupière, les meubles de chêne verni, l'ombre rôdante et caressante. Il sait que tout cela s'accorde, que la vie des objets dépend de la vie morale des êtres, que la vie morale des êtres reçoit le reflet des objets. Tout ce qui est a droit à son tendre respect. Il est avec Watteau, en France, le seul peintre religieux de ce siècle sans religion. » André Malraux 1901-1976, Les Voix du silence, Paris, 1951 : « L'humilité de Chardin implique moins une soumission au modèle qu'une destruction secrète de celui-ci au bénéfice de son tableau. Il disait qu'« on fait de la peinture avec des sentiments, non avec des couleurs » ; mais avec ses sentiments il faisait des pêches. L'enfant du Dessinateur n'est pas plus attendrissant que la nature morte au pichet, et l'admirable bleu du tapis sur lequel il joue n'est pas très soumis au réel : la Pourvoyeuse est un Braque génial, mais tout juste assez habillé pour tromper le spectateur… Chardin n'est pas un petit maître du xviiie siècle plus délicat que ses rivaux, c'est, comme Corot, un simplificateur doucement impérieux. Sa maîtrise silencieuse détruit la nature morte baroque des Hollandais, fait de ses contemporains des décorateurs, et rien ne peut lui être opposé en France, de la mort de Watteau à la Révolution… » René Demoris, «La Nature morte chez Chardin, : « Fréquemment, la nature morte hollandaise surprend les objets, dans l'ordre où l'homme, pour son usage, les a disposés. Elle tend en somme à constituer une scène de genre dont l'homme est provisoirement absent (…). Latente encore chez les Hollandais, la présence humaine est résolument expulsée chez Chardin. (On saisit mieux pourquoi il se débarrasse si vite du chien et du chat, qui constituent un élément anecdotique et parasite.) (…) Si les personnages sont bien représentés dans une action, cela ne veut pas dire en mouvement: ils sont saisis dans un temps mort de cette action, qui les met en position de repos. Pour le déjeuner, c'est l'instant du Bénédicité ; pour la sortie de l'enfant, celui où la gouvernante jette sur lui un dernier regard. De même, la servante immobile et courbée tient une cruche sous la fontaine. Mieux encore, le garçon cabaretier et la servante qui nettoient poêle ou tonneau ont relevé la tête et regardent quelque chose qui doit être hors du tableau. L'instant où est présentée la pourvoyeuse, c'est celui où, ayant déposé le pain sur le buffet et son sac encore à la main, elle semble reprendre son souffle. Suspension encore plus nette dans le cas des enfants qui construisent des châteaux de cartes et semblent retenir geste et souffle pour ne pas les ébranler, ou de celui qui est fasciné par son toton. (…) Chez les mères ou les gouvernantes qui regardent des enfants, le regard est attentif, mais sans fonction précise: on peut mettre tout ce qu'on veut dans le regard de la Jeune Gouvernante de la National Gallery ou dans celui de la Mère du Bénédicité. Il semble que, l'enfant cessant de requérir l'attention, l'adulte, prenant sur lui un léger recul, le regarde pour rien, pour le regarder – et c'est peut-être sur cette plage d'attention sans but précis que pourrait se définir le sentiment, dans ce moment de temps perdu, où l'être, objet de l'activité, est regardé pour lui-même, hors de toute exigence pratique. Ce temps mort, que rien n'habite (car nous ne savons ce que regarde la servante, et le visage de la mère n'exprime rien), n'est pas soumis au temps que découpe l'activité entreprise : il donne donc le sentiment d'une durée indéfinie, nous montrant des personnages à la fois engagés dans une action et détachés d'elle. » Collectionneurs célèbres du XVIIIe siècle Frédéric II de Prusse Louis XV par Quentin de La Tour. L'œuvre de Chardin a été largement diffusée de son vivant auprès de nombreux collectionneurs. La liste des différents propriétaires de ses tableaux, très loin d'être exhaustive, n'est ici présente que pour donner un aperçu de la très haute estime dans laquelle Chardin était tenu par ses contemporains. Les princes Louise Ulrique de Prusse, reine de Suède 1720-1782, sœur du roi de Suède Adolphe Frédéric : au moins 10 tableaux. N.B. Les ambassadeurs de Suède ont apporté beaucoup d'informations sur les méthodes de travail de Chardin. Louis XV 1710-1774 : 3 tableaux et 5 dessus de porte. Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt 1723-1783, margravine de Bade. Elle possédait 5 tableaux de Chardin (dont 4 se trouvent encore au musée de Karlsruhe. Catherine II de Russie 1729-1796 possédait 5 tableaux. Frédéric II de Prusse, 1712-1786 : 3 tableaux. Prince Joseph Wenzel de Liechtenstein 1696-1772, ambassadeur d'Autriche à Paris : 10 œuvres, dont 3 pastels. La noblesse Pierre-Louis Éveillard, marquis de Livois 1736-1790 : 10 œuvres 3 sont au musée des beaux-arts d'Angers, et 2 au Louvre. Chevalier Antoine de Laroque (1672-1744) : 10 tableaux à la vente après décès. Les artistes Joseph Aved 1702-1766, peintre et ami de Chardin. Ce dernier fit son portrait. Il possédait au moins 9 tableaux de Chardin, uniquement des natures mortes. Il en vendit 2 à la margravine Caroline Louise. Jean-Baptiste Pigalle 1714-1785, sculpteur : au moins 6 tableaux. Jacques-Augustin de Sylvestre 1719-1809, graveur : au moins 16 tableaux. Dominique Vivant, baron Denon, dit Vivant Denon 1747-1825, graveur et directeur du Musée Napoléon : 2 tableaux. Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789), peintre : un tableau représentant une poularde et un coquemard. Philatélie En 1946, émission d'un timbre de 2 francs et surtaxe de 3 francs au profit de L'Adresse Musée de La Poste, rouge-brun, représentant Le cachet de cire, ce timbre a fait l'objet d'une vente anticipée à Paris au Salon de la Philatélie le 25 mai 1946. Il porte le n° YT 753 En 1956, un timbre de la série Célébrités du XVème au XXème siècle, vert, de 15 francs avec surtaxe de 5 francs est émis par la poste. Il figure la reproduction d'un autoportrait. Il est vendu en 1er jour à Paris le 9 juin. Il porte le n° YT 1069. En 1997, dans la série artistique, la poste émet un timbre multicolore de 6,70 francs représentant le tableau Raisins et Grenades. La vente anticipée 1er jour a eu lieu à Paris le 27 septembre. Il porte le n° YT 310521.
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Frédérik Bazille
Loriane
Posté le : 05/12/2015 15:21
Le 6 décembre 1841 à Montpellier Hérault naît Frédéric Bazille
peintre français impressionniste du XIXe siècle. Il meurt au combat, à 28 ans le 28 novembre 1870 à Beaune-la-Rolande Loiret, peintre français impressionniste du XIXe siècle. Il a pour maître Charles Gleyre, il appartient au mouvement impressionnisme. Ii lest influencé par Monet, Renoir, Degas, Sisley, Manet, Morisot, Cézanne, Pissarro, Guillaumin... Ses Œuvres les plus réputées sont : Vue de village L'Atelier de la rue de Furstenberg, Réunion de famille. Un peintre qui eut la chance de rencontrer très tôt Monet et Renoir, et de travailler avec eux, la chance de voir son talent vite reconnu par Émile Zola et par de bons critiques comme Edmond Duranty et Zacharie Astruc, la chance aussi de n'avoir jamais été dans le besoin ; mais qui eut le malheur de disparaître très jeune, moins de quatre ans avant la première exposition de groupe de ses amis les futurs impressionnistes, dont il eût sans doute partagé les vicissitudes et la gloire : on pourrait ainsi résumer la brève carrière de Frédéric Bazille, en ajoutant aussitôt que la qualité et la richesse de l'œuvre, fatalement réduite (moins de soixante-dix tableaux), qu'il laissa à la postérité révèlent admirablement les différentes voies qui s'ouvraient à un jeune peintre français au tournant des années 1860. En Bref Né dans une famille de notables protestants de Montpellier Hérault, son père Gaston Bazille est agronome et sénateur1, sa mère Camille Vialars hérite d'un domaine agricole à Saint-Sauveur. Frédéric Bazille commence des études de médecine pour faire plaisir à ses parents. Mais la vocation est pressante : dès 1859, il suit des cours de dessin et de peinture dans l'atelier du sculpteur Baussan. En 1862, il part s'installer à Paris où il s'inscrit à l'atelier du peintre Charles Gleyre sous les conseils de son cousin peintre Eugène Castelnau. Dès lors, il sera peintre. Dans cet atelier il rencontre Claude Monet puis Auguste Renoir. Très vite, un groupe se forme qui intègre Edgar Degas, Alfred Sisley, Édouard Manet, Berthe Morisot, Paul Cézanne, Camille Pissarro, Émile Zola, Paul Verlaine... Plus favorisé qu'eux, il partage ses divers ateliers avec Renoir et Monet dès 1865. À partir de 1866, il est présent au Salon de peinture de Paris, sans grand succès. Il passe généralement ses étés dans la propriété familiale du Domaine de Méric, à Montpellier, et face au village de Castelnau-le-Lez, domaine qui sert de décor à quelques-unes de ses toiles, comme La Robe rose 1864, Réunion de famille 1867 ou Vue de village 1868. Sa palette s'éclaircit et se colore. En août 1870, il s'engage dans un régiment de zouaves. Il est tué, à 28 ans, le 28 novembre 1870, lors de la Bataille de Beaune-la-Rolande. La première exposition des Impressionnistes, où plusieurs de ses toiles sont exposées, a lieu en 1874, quatre ans après sa mort. Il est inhumé au cimetière protestant de Montpellier dans une tombe réalisée par le sculpteur Auguste Baussan. Sa vie Né en 1841 à Montpellier, dans un milieu protestant fortuné et cultivé (son père, propriétaire terrien et éleveur, fut sénateur de l'Hérault), Frédéric Bazille put très tôt découvrir chez un voisin ami de sa famille, le célèbre collectionneur Alfred Bruyas, d'importantes œuvres des plus grands maîtres français de l'époque : Corot, Delacroix, Couture, Théodore Rousseau, Courbet... et l'on peut supposer que là s'éveilla sa vocation de peintre. Tout en étudiant la médecine, il suit des cours de dessin auprès d'un sculpteur montpelliérain, Auguste Baussan. En 1862, il part pour Paris afin de poursuivre ses études, dont il va se détourner progressivement au profit de la peinture. À peine arrivé dans la capitale, il entre en effet dans l'atelier du peintre suisse Charles Gleyre, où il rencontre Monet, Renoir et Sisley. En 1863, il passe huit jours à Chailly, près de Fontainebleau : « J'étais avec mon ami Monet, du Havre, qui est assez fort en paysages, écrit-il à sa mère, il m'a donné des conseils qui m'ont beaucoup aidé. » L'année suivante, celle de ses premiers tableaux connus, il fait en juin un séjour à Honfleur, encore avec Monet. Et c'est avec lui qu'il s'installe dans un atelier de la rue Furstenberg, au-dessus de celui de Delacroix, en janvier 1865. Avec lui, la même année, il travaille à nouveau à Chailly, posant pour plusieurs personnages du grand Déjeuner sur l'herbe, que Monet laissera finalement inachevé (et qu'il découpera plus tard en trois morceaux, dont deux sont aujourd'hui conservés à Paris, au musée d'Orsay). Bazille retourne de temps à autre à Montpellier voir ses parents, séjournant aussi dans le domaine familial de Méric, à quelques kilomètres de la ville, près de Castelnau – beau village qui apparaît au fond de deux de ses œuvres les plus célèbres : La Robe rose, (1864, musée d'Orsay) et la Vue de village, (1868, musée Fabre, Montpellier). En 1866, il change par deux fois d'atelier : après avoir passé quelques mois dans le premier, rue Godot-de-Mauroy, il partage le second, rue Visconti, avec Renoir, et l'année suivante, Monet les rejoint, comme Bazille l'écrit plaisamment à sa mère : « Monet m'est tombé du ciel avec une collection de toiles magnifiques qui vont avoir le plus grand succès à l'Exposition. Il couchera chez moi jusqu'à la fin du mois. Avec Renoir, voilà deux peintres besogneux que je loge. C'est une véritable infirmerie. J'en suis enchanté, j'ai assez de place, et ils sont tous deux fort gais. » Il aide par ailleurs Monet en lui achetant à tempérament Femmes au jardin (1867, musée d'Orsay) et en lui trouvant un acquéreur pour l'une de ses natures mortes. Au cours de l'été 1867, il entreprend le tableau qui est tenu parfois pour son chef-d'œuvre, Réunion de famille (musée d'Orsay), où il affronte la grande difficulté de représenter un groupe de personnages posant en plein air, en pleine lumière naturelle, ce qu'il avait déjà fait l'hiver précédent dans La Terrasse de Méric (musée du Petit Palais, Genève). Cette année 1867, Renoir représente Bazille (musée d'Orsay) en train de peindre dans l'atelier de la rue Visconti un trophée de chasse, Le Héron, également peint au même endroit et au même moment par Sisley, les tableaux de Bazille et Sisley sont au musée Fabre. Au Salon de 1868, deux toiles de Bazille sont acceptées, Réunion de famille (1867) et Pots de fleurs (1866, collection particulière). Dans un article publié sur ce Salon par L'Événement illustré du 24 mai 1868, Émile Zola, après un long éloge de Monet, consacre quelques lignes au premier de ces tableaux, « qui témoigne d'un vif amour de la vérité. [...] On voit que le peintre aime son temps, comme Claude Monet, et qu'il pense qu'on peut être un artiste en peignant une redingote ». Au cours des deux années suivantes, Bazille sera de nouveau admis au Salon, avec un tableau chaque fois : la Vue de village en 1869, œuvre soutenue par le très académique Alexandre Cabanel (un Montpelliérain...) et remarquée par Berthe Morisot, puis Scène d'été (1869, The Fogg Art Museum, Harvard University, Cambridge, Massachusetts) en 1870, que le peintre appelle dans sa correspondance Baigneurs – une œuvre complexe et étrange, où l'on retrouve son souci de la représentation des figures, mais nues cette fois, dans la nature. À la fin de l'année 1869, Bazille peint L'Atelier de la rue La Condamine, qui sera son avant-dernier atelier, le dernier étant rue des Beaux-Arts ; dans ce tableau, conservé au musée d'Orsay, on voit le peintre au milieu de ses amis, Manet, Monet, Renoir (ou Sisley ?), Zola et Edmond Maître Au lendemain de la déclaration de guerre de la France à la Prusse, en 1870, Bazille s'engage dans un régiment de zouaves. Il est tué le 28 novembre, au combat de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret. « Pour moi, aurait-il dit au général d'Armagnac, qui a rapporté ce propos, je suis bien sûr de ne pas être tué, j'ai trop de choses à faire dans la vie. » Une œuvre diverse et partagée Pour réduite qu'elle soit en nombre, l'œuvre de Frédéric Bazille est d'une remarquable diversité. Hormis la peinture mythologique, religieuse ou historique – qui occupait le devant de la scène dans les Salons –, tous les genres y sont représentés : le paysage ; l'intérieur, avec ou sans figures ; le portrait, isolé ou de groupe, en plein air ou dans une pièce ; le nu, masculin et féminin ; la nature morte. En ce sens, il s'agit d'une œuvre moderne, attachée à la représentation de la réalité, conforme au programme esquissé par Baudelaire une vingtaine d'années plus tôt, à la fin de son Salon de 1845. C'est d'ailleurs la qualité que Zola reconnaît aussitôt, dans la phrase citée plus haut, à la Réunion de famille peinte par Bazille. Aussi, plutôt que de l'imaginer en peintre impressionniste qui n'aurait pas eu le temps de le devenir, émule trop tôt disparu de Monet et de Renoir, faut-il voir en Bazille un héritier direct et résolu de la tradition réaliste énergiquement ranimée par Courbet et Manet, deux maîtres qu'il fréquentait et admira. S'il n'aborda que des sujets modernes (hormis bien sûr les copies d'œuvres anciennes qu'il fit au Louvre et au musée Fabre) et s'il pratiqua volontiers le plein air, en adepte de la peinture claire, rien de sa manière ne peut être vraiment assimilé à celle des futurs impressionnistes (Monet développait alors cette fragmentation des touches que l'on observe, par exemple, dans la série de tableaux peints au bord de la mer, en 1867, à Sainte-Adresse). On chercherait en vain, dans toute l'œuvre de Bazille, les petites silhouettes de personnages à peine esquissés, ou la liberté et la fougue d'exécution quand il s'agit de rendre les mouvements des nuages ou des vagues, que l'on trouve dans les tableaux de Monet dès avant 1870. Le souci de bien construire les formes, d'en restituer la solidité, prévaut largement chez Bazille sur le désir de saisir exactement les effets changeants de la lumière naturelle, si impérieux chez Monet. Et quand le hasard – mais est-ce vraiment le hasard ? – veut que l'un et l'autre, la même année 1868, représentent une jeune femme en robe claire isolée dans la campagne, le premier montre un modèle qui pose devant un paysage, et le tableau (Vue de village) « sent » un peu l'atelier, tandis que le second peint une figure parfaitement fondue dans le paysage, le tableau (Au bord de l'eau, Bennecourt, The Art Institute of Chicago) respirant admirablement. Dans celui de Bazille, il est d'ailleurs remarquable que la vue, au second plan, de la rivière et du relief sablonneux qui la borde évoque, bien davantage que Monet, le Corot de certains paysages d'Italie – Corot qui était pour Bazille, ainsi qu'il l'écrivait à son cousin Louis, « le premier des paysagistes passés et présents, et l'un des premiers peintres français ». Un artiste original entre Courbet et les impressionnistes Il y a chez Bazille, contraire à toute effusion, une étrange inquiétude de l'espace, et pas seulement de l'espace pictural. Au cours de sa brève carrière, il loue successivement six ateliers à Paris et peint l'intérieur de trois d'entre eux, avec des tableaux identifiables aux murs, comme s'il éprouvait le besoin de s'assurer des lieux où il travaille, d'y fixer des repères. Les scènes et les figures qu'il représente sont toujours cadrées de près, évitant les lointains, les perspectives trop larges ou trop ouvertes, les espaces vides. Même dans la Vue de village, les maisons serrées de Castelnau, à l'arrière-plan, paraissent bien proches ; et dans les deux tableaux des Remparts d'Aigues-Mortes (1867), qui appartiennent au musée Fabre et à la National Gallery of Art de Washington, la solide ligne des fortifications ferme l'horizon au loin, retient le regard entre l'eau des marais et le ciel. Seules deux études (également conservées au musée Fabre) pour un grand tableau de Vendange envisagé au cours de l'automne de 1868, mais jamais peint, et dont certains croquis préparatoires montrent qu'il aurait été peuplé de nombreux personnages, laissent percevoir, dans l'espace qu'elles ouvrent très simplement, très largement, tout ce qui entrait de fascination dans cette crainte du vide. Il est assez significatif aussi qu'au cours des deux dernières années de sa vie, Bazille semble s'être détourné du paysage « pur », genre le plus étroitement lié à la peinture impressionniste : hormis une vue des Bords du Lez (1870, The Minneapolis Institute of Arts), où les troncs, les branches et les feuilles des arbres sont exécutés avec une précision presque sèche, qui fait d'ailleurs penser à Théodore Rousseau plutôt qu'à Monet, l'artiste ne produit plus en effet que des tableaux d'intérieur, portraits ou figures et natures mortes, et une scène de baignade où la nature n'est guère qu'un décor. Aux infinis reflets changeants de la lumière naturelle, recherchés passionnément par Monet, et aux grands espaces vacants qui l'attirent et l'inquiètent, Bazille oppose la plénitude des formes et la netteté du dessin – parfois aussi, peut-être sous l'influence de Renoir, un sens décoratif raffiné, très perceptible quand il peint des vêtements de femme ou des bouquets de fleurs. En témoignent La Toilette (musée Fabre) et les deux tableaux intitulés Négresse aux pivoines (musée Fabre et National Gallery of Art, Washington) : trois œuvres de 1870 où il cherche une synthèse heureuse entre la tradition de Delacroix, les audaces de Manet et la solidité, l'aplomb de Courbet, usant d'une touche tantôt vive et minutieuse, tantôt grasse et brossée, jamais expéditive, qui s'exalte surtout à rendre les matières – le poli d'une peau jeune, le velouté d'une étoffe ou d'une fourrure, la fragilité des pétales –, et de beaux accords de couleurs : par exemple avec le visage de la femme noire auprès de son caraco de coton blanc. Et l'on comprend que Bazille se soit étonné de voir La Toilette refusée (sans doute « par erreur », écrit-il à son frère) par le même jury du Salon qui acceptait sans sourciller sa Scène d'été, une œuvre autrement ambitieuse et, dirait-on aujourd'hui, dérangeante, où il aborde non sans naïveté, fraîcheur et maladresse, un thème qui obsédera toute sa vie Cézanne. Ici les personnages ne posent pas pour le peintre, comme dans la Réunion de famille. Les baigneurs sont censés être surpris en action : l'un nage, un autre aide son camarade à sortir de l'eau, deux autres s'empoignent... Bazille voudrait exprimer le mouvement, mais le manque d'unité de la composition et d'articulation entre les figures, et quelque chose d'emprunté dans leurs gestes, donnent à la scène un caractère artificiel. Reste une belle lumière, aussitôt notée par la critique : les tableaux d'été de Bazille, écrit Émile Duranty, « sont pleins de verdure, de soleil et de carrure simple » (Paris-Journal, 19 mai 1870), et Zacharie Astruc : « Bazille est déjà maître d'un élément qu'il a conquis : la plénitude de la lumière – l'impression particulière de plein air, la puissance du jour. Le soleil inonde ses toiles » (L'Écho des beaux-arts, 12 juin 1870). Pourtant, ce n'est pas cet aspect de l'art du jeune maître montpelliérain qui frappe et retient aujourd'hui, peut-être parce que nous savons ce qui est arrivé après lui : le triomphe de l'impressionnisme, et Van Gogh et les Fauves. Plutôt est-ce un sens inné de la forme nette et pleine, mis au service de figures sobrement et fermement construites, sans effet extérieur. Ainsi, la Jeune femme aux yeux baissés et la Tireuse de cartes (collections particulières) ont une présence grave, baignée d'une singulière poésie, dont on aurait peine à trouver d'autres exemples dans la peinture française des années 1860, et une qualité plastique qui semblent annoncer de loin, par-delà Cézanne, certains tableaux de Derain et de Balthus. Alain Madeleine-Perdrillat Œuvres sélection La Robe rose 1864, 147 × 110 cm, Musée d'Orsay, Paris. Atelier de la rue Furstenberg, 80 × 65 cm, Montpellier, Musée Fabre. Aigues-Mortes, 46 × 55 cm, Montpellier, Musée Fabre. Autoportrait, 1865, 109 × 72 cm, Institut d'art de Chicago, Chicago. Réunion de Famille, 1867, 152 × 230 cm, Musée d'Orsay, Paris. Le Pêcheur à l'épervier, 1868, 134 × 83 cm, Fondation Rau pour le tiers-monde, Zurich. Vue de village, 1868, 130 × 89 cm, Musée Fabre, Montpellier. Scène d'été, 1869, 158 × 158 cm, Cambridge, Harvard University. La Toilette, 1870, 132 × 127 cm, Musée Fabre, Montpellier. L'Atelier de la rue La Condamine, 1870, 98 × 128,5 cm, Musée d'Orsay, Paris. Paysage au bord du Lez, 1870, 137,8 × 202,5 cm, The Minneapolis institute of Art, Minneapolis. Porte de la Reine à Aigues-Mortes, 1867, 80.6 x 99.7 cm, Metropolitan Museum of Art, New-York. Expositions récentes Frédéric Bazille et ses amis impressionnistes, Montpellier, Musée Fabre et Brooklyn (USA), Museum of Art, juillet 1992-janvier 1993 Monet & Bazille A Collaboration, Atlanta (USA), High Museum of Art, 23 février - 16 mai 1999 Bazille, Musée Marmottan, Paris, d'octobre 2003 à janvier 2004 Bibliographie Frédéric Bazille et ses amis impressionnistes, catalogue de l'exposition Montpellier, Musée Fabre et Brooklyn USA, Museum of Art, juillet 1992-janvier 1993. Paris, Réunion des Musées nationaux et Brooklyn, Art museum, 1992 Frédéric Bazille : Correspondance éditée par Guy Barral et Didier Vatuone, Montpellier, Presses du Languedoc, 1992 Valérie Bajou, Frédéric Bazille, Édisud 1993 - Pascal Bonafoux: Bazille, les plaisirs et les jours, 1994 Dianne W. Pitman : Bazille, Purity, pose and paintings in the 1860s., Pennsylvania State University Press USA, 1998 Marianne Delafond et Caroline Genet-Bondeville, Frédéric Bazille, La Bibliothèque des Arts Catalogue de l'exposition au musée Marmottan Monet, 2003, 93 p. Lucile Encrevé, Gaston Bazile, in Patrick Cabanel et André Encrevé dir., Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, tome 1 : A-C, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2015, p. 210-211
#37
César Baldaccini
Loriane
Posté le : 05/12/2015 13:36
Le 6 décembre 1998 meurt à Paris César Baldaccini
à 77 ans, dit César, sculpteur français, né le 1er janvier 1921 à Marseille Bouches-du-Rhône. Il fait partie des membres des Nouveaux réalistes, mouvement né en 1960. Il est également le créateur du trophée en bronze de la cérémonie des césar du cinéma français. Il appartient au mouvement des nouveaux réalistes, Art contemporain Il reçoit pour distinction "Praemium Imperiale ", ses Œuvres les réputées sont Le Centaure, Le Pouce, Marseille. En bref Lorsqu'on prononce le nom de César, c'est immanquablement l'image d'un personnage farfelu cherchant à épater le public qui vient à l'esprit de la plupart des gens. Surnommé le Benvenuto Cellini de la ferraille, il a en effet provoqué nombre de scandales bien qu'il ne les ait jamais à proprement parler recherchés et que ses tentatives visent seulement la découverte de modes d'expression véritablement contemporains. D'origine modeste, ce fils d'émigrés italiens passe sa jeunesse dans le quartier de la Belle-de-Mai à Marseille et commence des études artistiques à l'âge de quinze ans. En 1946, il s'inscrit à l'École des beaux-arts de Paris, où il est actuellement professeur. C'est en voyant une reproduction du Prophète de Gargallo qu'il a l'idée de travailler la ferraille, un matériau très économique surtout lorsqu'on en utilise les déchets. La soudure à l'arc représente une autre étape de sa formation, et peu à peu César constitue des figures en assemblant des éléments hétéroclites : sa première réalisation d'importance, Le Poisson 1954, prix du collabo à l'École des beaux-arts, est acquise pour le musée national d'Art moderne de Paris en 1955. César installe alors son atelier à Villetaneuse parmi les chantiers de ferraille, les récupérateurs lui fournissant sa matière première. Les pièces métalliques se métamorphosent peu à peu en insectes, en bêtes imaginaires, en créatures humaines. En 1956, César a maîtrisé cette technique et la salle qui lui est consacrée à la biennale de Venise lui apporte enfin le succès. Loin de se confiner dans cette voie, il réalise des reliefs qui l'amènent peu à peu à concevoir des compressions. Exposées pour la première fois au Salon de mai de 1960, ces automobiles transformées par une presse ne sont cependant pas le fruit du hasard puisque le résultat en est déterminé par le choix des matériaux. À cause de ses compressions, César adhère au Nouveau Réalisme, mouvement animé par Pierre Restany, mais il n'en réalisera que sept, refusant, encore une fois, de s'enfermer dans un système. L'artiste traverse alors une période de crise pendant laquelle il réalise quelques œuvres importantes en métal : La Victoire de Villetaneuse 1965 ; La Pacholette 1966, musée Cantini, Marseille. Dans sa quête de recherches, il réalise ensuite d'immenses agrandissements du moulage de son pouce, Le Pouce, 1988, bronze doré, 6 m de hauteur, placé dans la cour de la Vieille Charité à Marseille ; en 1993, installation d'un pouce de 12 m à La Défense, qui seront suivis par d'autres moulages de membres humains. La découverte du polyuréthanne le fascine et il cherche immédiatement à utiliser en grande quantité cette mousse légère dont le volume augmente au cours de sa formation. C'est la série des expansions, à partir de 1967 : leur fabrication dirigée donne lieu à des sortes de happenings de 1967 à 1970 et elles firent l'objet d'une exposition à Paris en 1977. L'exposition César à la Vieille Charité à Marseille, en 1993, a permis de mesurer l'ampleur des manifestations de l'inventivité de César dont témoignaient, en 1973, ses autoportraits en pain, les masques en différentes matières 1976-1977, les compressions de bijoux et d'orfèvrerie 1971, les compressions murales en tissu, carton et papier 1976, reprise des compressions d'automobiles Les Championnes, 1986, pour Peugeot, incessante juxtaposition de différentes pratiques. Nicole Barbier Sa vie Ses parents, Omer et Leila Baldaccini, italiens d’origine toscane, tenaient un bar à Marseille, où César est né en 1921 dans le quartier populaire de la Belle-de-Mai, au no 71 de la rue Loubon, dans le centre. Je suis fondamentalement un autodidacte absolu, dira-t-il. Il travaille d'abord chez son père, avant de suivre en 1935 les cours de l'École des Beaux-Arts de sa ville natale avec son condisciple Raymond Normand puis, en 1943, de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris avec Michel Guino, Albert Féraud, Daniel David et Philippe Hiquily, comme lui dans l’atelier de Marcel Gimond. Il occupe un atelier dans un ancien bordel de la rue de l'Échaudé, dont les chambres, à la suite de la loi Marthe Richard, avaient été attribuées à des étudiants. Dès 1947, il travaille le plâtre et le fer. En 1952, à Trans-en-Provence, il fait ses premiers essais de soudure et ses premières sculptures en ferrailles, en utilisant des matériaux de récupération peu coûteux : ses moyens sont alors toujours modestes, ainsi par manque d'argent pour s'offrir du marbre, César va récupérer dans les décharges de ferraille les matériaux de ses premières sculptures ; des tubes, des boulons, des vis, qui deviennent des insectes, ou se retrouvent dans les courbes puissantes de la Vénus de Villetaneuse. En 1954, il expose à la galerie Lucien Durand et obtient le prix collabo pour une sculpture intitulée Le poisson réalisée à Villetaneuse ; ville où il travaillera une douzaine d'années, grâce à l'aide d'un industriel local, Léon Jacques. En 1956, il participe à la biennale de Venise ; ensuite à la biennale de São Paulo et à la Documenta II en 1959. En 1961, il se rapproche de Marino di Teana, et rejoint le groupe des Nouveaux réalistes, mouvement fondé par le critique d'art Pierre Restany, comprenant notamment Mimmo Rotella, Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps. En 1968, il créera à la Manufacture nationale de Sèvres, un Cendrier en porcelaine édité en 50 exemplaires. Réalisé en porcelaine à couverte nacrée semi-mat, il représente un moule en plâtre utilisé pour la production des pièces, et a été produit à partir d'un modèle original en aluminium. Les Compressions À partir de 1960, César centre ensuite son travail sur la technique de la compression dirigée, qui devient sa marque de fabrique : à l'aide d'une presse hydraulique, il compresse des objets divers. La vicomtesse de Noailles lui offre sa première voiture, une Zil soviétique toute neuve, la seule à Paris. César la renvoie compressée et plate comme une omelette et ayant perdu 90 % de son volume, d'autres automobiles vont aussi subir le même sort. Cet acte d'appropriation se veut un défi à la société de consommation et le rapproche des Nouveaux réalistes, dont il fait partie aux côtés de son ami Arman, auquel son nom est souvent associé. À la Fondation Cartier en 1986 il présente ainsi une compression monumentale de Peugeot 205 Turbo 16 accidentées dans des rallyes automobiles les Championnes. Ce sont les voitures de Jean Todt compressés comme des galettes de maïs. À la Biennale de Venise, il présente une montagne de compressions, œuvre monumentale de 520 tonnes. En 1998, sa Suite milanaise est une série réalisée avec des voitures Fiat neuves qui, une fois compressées, sont passées dans les chambres à peinture de l'usine Fiat de Turin, aux couleurs de la gamme de l'année. Il compresse toutes sortes de matériaux : tissus, papiers, et même bijoux en or que les femmes du monde lui apportent et qu'il rend compressés en cube à porter autour du cou. Les Expansions En inversant l'esprit des compressions, César présente au Salon de Mai en 1967 La grande expansion orange, réalisée en polyuréthane. Ses expansions exploitent les possibilités de ce matériau en coulées lisses et dures; l'intervention du créateur se fait soit sur la rigidité, l'épaisseur, la coloration, soit sur les coulées superposition ou juxtaposition soit sur la masse figée travail de finition sous forme de nappage, de ponçage, de laquage. Il commence à travailler le cristal en fusion. Dans les années 1970, il accède à une reconnaissance internationale. Désormais universellement connu, il devient un des artistes français de tout premier plan et bénéficie de très nombreuses expositions. En 1971 lors d'une première au Lido, il trouve plus médiatique que lui : Salvador Dalí, le maître de l'extravagance. Il débat la même année dans Italiques avec François Truffaut, Lucien Bodard et Asher Ben-Natan. Son œuvre Conserve expansion - Martial Raysse, 1970-1972, est conservée au Museo Cantonale d'Arte de Lugano. Les Empreintes humaines Deux facteurs vont l'amener à se pencher sur cette problématique: tout d'abord l'invitation à participer à une exposition de groupe consacrée à La Main, de Rodin à Picasso et sa découverte de l'agrandissement pantographique. En 1965, il présente son célèbre Pouce agrandi 1,85 mètre de haut. C'est l'empreinte de son propre pouce5. À l'occasion des Jeux olympiques de Séoul 1988, il crée un Pouce en bronze de 6 mètres de haut. Cette œuvre a été la plus médiatisée et répétée. En 1967, il réalise 6 exemplaires du Sein, moulage en polyester de 82 x 193 x 266 cm, un des exemplaires est visible au Musée d'art de Toulon, un autre à la Fondation Gianadda. Il crée Le Poing, sculpture monumentale de 7 tonnes en fonte d'acier inoxydable polie, installée sur la place d'armes au Lycée militaire de Saint-Cyr à l'été 1970. Les Fers et les Animaux imaginaires César commence dès 1949 à s'approprier la technique de la soudure à l'arc et créera plus de 300 constructions jusqu'en 1966. En 1983, il entreprend la réalisation de son Centaure en « hommage à Pablo Picasso », sculpture de 4,70 mètres de haut, achevée en 1985. La sculpture est installée au carrefour de la Croix-Rouge à Paris. Toujours en 1983, César réalise son Hommage à Eiffel et Le flying French man, pour la Ville de Hong Kong. Il est également le créateur du trophée César du cinéma qu'il créa en 1976, récompense attribuée par les professionnels du cinéma français, pour laquelle il réalise une compression en bronze. Homme à la fois simple et complexe, au franc-parler méridional, il cultive son image d'éternel artisan, de soudeur, et surtout de grand créateur. Les dernières années de sa vie ont été très heureuses, César multiplie les expositions : grande rétrospective au Jeu de Paume à Paris en 1997, rétrospectives à Malmö, Milan, São Paulo, Mexico. César termine sa carrière par une série de portraits et d'autoportraits, face à face marquant avec la mort. Il partage les dix dernières années de sa vie avec Stéphanie Busuttil, qui gère aujourd'hui son œuvre et est détentrice de son droit moral. Les œuvres de César sont collectionnées par les musées Centre Pompidou, Tate Gallery, MoMA… et les particuliers du monde entier. L'exécuteur testamentaire de la succession est Alain-Dominique Perrin. Citations et jugements "Je n’ai pas d’imagination. Elle ne me vient qu’avec le toucher et les yeux. Sans ces deux éléments, le cerveau ne fonctionne pas. César " "Ce sont mes mains qui font travailler ma tête César "
#38
Giovanni Bellini
Loriane
Posté le : 28/11/2015 21:23
Le 29 novembre 1516 meurt Giovanni Bellini dit Giambellino
né à Venise, entre 1425 et 1433, peintre, enlumineur italien de la Renaissance, considéré comme le précurseur de l'école vénitienne, dont l'œuvre marque la rupture définitive avec le style gothique, par son attachement à la rigueur géométrique, à travers des peintures qui effacent la différence entre monde sacré et profane. Fils de Iacopo Bellini 1400-1470, Giovanni Bellini incarne avec un talent extraordinaire l’esprit de la Renaissance italienne, mais toujours d’une manière adaptée aux traditions et aux goûts du milieu local. Peinture, enluminure. Son maître est Iacopo Bellini. Ses lèves Giorgione, Titien. Il appartient au mouvement Renaissance. Il est influencé par Andrea Mantegna Il a influencé Le Titien. Son père est Iacopo Bellini, son frère est Gentile Bellini, sa Sœur est Nicolosia Bellini. Parentèle Andrea Mantegna beau-frère. Ses Œuvres les plue réputées, L'Ivresse de Noé, La Clémence de Scipion, Quatre allégories En bref La date de naissance de Giovanni Bellini n'est pas établie avec certitude. L'année 1425 semble acceptable. Il travaille vers 1450 dans l'atelier de son père ; à partir de 1460, dans son propre atelier, où il peint de nombreuses œuvres destinées à des congrégations religieuses de Venise. C'est alors qu'il est chargé, avec son frère, de la décoration de la salle du Grand Conseil. En 1475, Antonello de Messine est à Venise ; une légende veut que Giovanni ait alors découvert sur les toiles de ce maître l'importance de l'huile. Puis Giovanni Bellini voyage et se rend à Urbino, où il voit sans doute des toiles de Piero Della Francesca. À Pesaro, il peint un Couronnement de la Vierge. De retour à Venise, sa production s'accroît, il exécute un grand nombre de portraits à caractère officiel. Invité par le sultan, il laisse son frère, Gentile, faire le voyage. En 1507, il achève une œuvre de son frère, qui vient de mourir, puis une autre, commandée à Mantegna, lui aussi disparu. Il mourra en 1516. La recherche de Giovanni Bellini va tendre de plus en plus vers un équilibre harmonieux entre le personnage et son milieu. Les lignes perdent peu à peu de leur dureté ; à l'arrondi d'une épaule répond la courbe d'une montagne. Cette évolution va se préciser quand les surfaces et les volumes auront des limites de plus en plus floues et imprécises. Alors apparaît son style propre. Voulant placer l'homme, le dieu, le saint, la madone ou le paysan dans un espace réel, il unifie par ce qui est commun aux personnages et au paysage : la lumière. Celle-ci souligne à peine les volumes, elle donne aux paysages un aspect diaphane, elle illumine les façades des édifices, fait jaillir le jour dans les forêts profondes et transforme les lacs en miroirs (Madone des arbres). Cette volonté de tout baigner de lumière écarte définitivement la violence mantégnesque : les nuances de couleurs, les dégradés, la lente montée de l'aube ont remplacé les constructions géométriques. Et pourtant, son œuvre est toujours parcourue par des types mantégnesques, qui resurgissent lors même qu'ils semblent étrangers à son nouvel univers. Mais quand ces types disparaissent, Giovanni crée une lumière et des couleurs qui peupleront désormais les paysages de Giorgione et de Titien. Il aura donc transformé l'humanisme archéologique de Mantegna en une peinture où le paysage ne sera plus qu'un paysage. De ces influences réciproques est-il né une manière originale ? Peut-on dire que Giovanni Bellini ait utilisé au mieux la perspective de son père et l'humanisme dramatique d'Andrea Mantegna ? A-t-il fondé une peinture véritablement vénitienne ? Ne doit-on pas aussi noter que Gentile a ouvert la voie à une peinture dont Venise en fête sera le thème constant ? Henri Peretz Sa vie Giovanni Bellini naît à Venise, ville dans laquelle il révèle petit à petit son art, pour finalement être reconnu comme le plus grand des Bellini. C’est dans l’atelier paternel que Giovanni apprend son métier de peintre. Il fait par la suite connaissance avec le milieu savant et novateur de Padoue, et ce à travers l’art de son beau-frère Andrea Mantegna, qui épouse sa sœur Nicolosia Bellini en 1453, et qui devait le marquer profondément. Plus tard, le coloris de Giovanni est plus profond, plus homogène et joue déjà un grand rôle dans la représentation du relief. Il y a plus d’humanité dans les sentiments exprimés, tendresse, joie ou douleur. La nature est représentée, ce qui est nouveau : souvent les compositions se détachent sur un fond de paysage où l’on reconnaît la campagne ou les collines de Vénétie. Les premiers ouvrages sont des petits panneaux peints alors qu’il n’a que 21 ans, telle la Pietà, qui groupe, selon un thème fréquent chez les Bellini, les figures de la Vierge, de Saint Jean l’Évangéliste et du Christ au Tombeau. On peut dater de la même année la Transfiguration et le Christ au mont des Oliviers. C’est à 31 ans que Giovanni commence à multiplier les variations sur un thème qu’il ne cessera d’exploiter : celui de la Vierge à l’Enfant. Les travaux plus ambitieux S’étant fait connaître par ces ouvrages, il se voit confier lors de ses 36 ans, des travaux plus ambitieux. Ainsi, le polyptyque de saint Vincent Ferrier est une des grandes entreprises de Giovanni. C’est entre 1470 et 1475 que Bellini doit se rendre à Rimini pour peindre le retable de San Francesco qui marque un tournant capital dans sa carrière. Les années suivantes donneront à Bellini l’épanouissement de ses moyens. Cette période est celle de l’équilibre entre la forme et les couleurs, plus belles les unes que les autres. Un climat spirituel se fait ressentir et une certaine poésie émane du paysage. Son importance est primordiale dans plusieurs panneaux peints entre la 46e et 56e année du peintre, tels le Saint François recevant les stigmates et la lumineuse Transfiguration ; plus tardive est l’Allégorie mystique des Offices. Les grands retables Vers 1480 et pour une période de 10 ans, Bellini peint pour des églises vénitiennes deux de ses grands retables. Pour exemple, le retable de San Giobbe représente six figures de saints encadrant une Vierge à l’Enfant assise sur un trône au bas duquel jouent trois anges musiciens. En cette même année, Bellini reprend le thème vénitien de la conversation sacrée avec la Madone des Frari, encore en place à l’église des Frari à Venise, et dans laquelle on retrouve également l’Assomption du Titien. Vers la fin du siècle, la clientèle de Bellini lui fait peindre de nombreuses madones de petit format. Le thème de la conversation sacrée revient dans plusieurs tableaux. Le contact avec la jeune génération, Giorgione et Titien Repoussé à l’idée de réchauffer les formules qui lui avaient assuré le succès, Bellini sait renouveler son inspiration et son langage, tirant profit de ses contacts avec de jeunes peintres tels que Giorgione et Titien. C’est ainsi que le Baptême du Christ lie plus étroitement visages et paysages, les tons chauds prédominent. En 1513 Giovanni Bellini signe le Saint Jérôme lisant avec saint Christophe et saint Louis de Toulouse (Église San Giovanni Grisostomo, Venise), l’influence de Titien s’y affirme, tout comme dans l’Ivresse de Noé. L’année suivante, Bellini aborde le domaine mythologique avec le Festin des Dieux que Titien a remanié plus tard. C’est aux dernières années du peintre qu’appartient quelques-uns de ses plus beaux portraits, comme celui du doge de Venise, Leonardo Loredano, et le présumé Pietro de Hampton Court. Bellini ne fait peut-être pas figure de révolutionnaire, mais le retentissement de son œuvre est capital. Aux autres peintres vénitiens, il enseigne l’épanouissement de la forme, les ressources de la couleur, le goût de la nature et l’expression du sentiment. Dans son atelier, il forme de nombreux élèves, dont certains vont travailler sur la terre ferme (en dehors de Venise). Dans la première moitié du xvie siècle, beaucoup de peintres subiront encore l’attrait de sa manière. Disciple de Mantegna On ne peut embrasser d'un regard ou définir d'un mot l'œuvre d'un peintre qui a produit durant soixante ans. Parti de bases bien déterminées, Giovanni Bellini a peu à peu élaboré une manière dont ses élèves profiteront. Très lié aux préoccupations humanistes et archéologiques de Mantegna, il s'en est peu à peu délivré non pour les oublier, mais pour leur donner vie dans un milieu de lumière et de nuances. Giovanni Bellini utilisera toute sa vie la peinture à l'huile sur bois ; ce procédé d'origine flamande était encore peu utilisé en Italie ; il permet un trait plus précis et des couleurs moins tranchées. Son humanisme sera très différent de celui de Mantegna. Ainsi, à part quelques exceptions très remarquables, il n'illustrera que peu de thèmes ou de textes antiques ou d'inspiration antique : l' allégorie païenne est rarement représentée pour elle-même, elle peut figurer comme motif dans une scène d'inspiration chrétienne ; tel est le cas dans le Sang du Rédempteur : des bas-reliefs romains représentant des sacrifices ornent la balustrade qui sépare le Christ du paysage. Giovanni n'est ni un archéologue ni un philologue. Il ne recherche pas de nouvelles humanités. Et pourtant toute son œuvre est remplie de types humanistes en tous points identiques à ceux d'Andrea Mantegna. Car tous deux furent marqués par les préoccupations de l'université de Padoue, devenue Université de Venise au début du XVe siècle. Là se développa l'étude des textes et des monuments de l'Antiquité romaine. Rivale de Florence, Padoue peut s'enorgueillir de compter parmi ses artistes Donatello et Ucello, des exilés de marque comme Philippe Strozzi, auteur d'une histoire naturelle, ou Francesco Barbaro, grand connaisseur de la sculpture païenne. Ainsi, la majeure partie des tableaux de Giovanni Bellini est comme un montage d'éléments codifiés par les peintres et les humanistes de l'époque. En premier lieu, nous retrouvons l'architecture, objet des recherches de Jacopo et de Mantegna. L'architecture romaine n'a pas sa place, si ce n'est allusivement : colonnes ou pilastres corinthiens, arènes de Vérone. C'est surtout l'architecture contemporaine de la terra ferma que l'on découvre : villes entières avec leurs remparts, leurs châteaux forts, leurs ponts, leurs églises. Comme Mantegna, Giovanni mêle sans cesse l'archéologie et l'étude de la terre ; les paysages paraissent usés et travaillés par le temps, les rochers s'entrouvent, la terre laisse apparaître les couches qui la constituent. On pourrait croire que les paysages sont autant d'architectures où l'on lit l'âge de la terre. Cette parenté est renforcée par l'emploi de certaines formes : lignes courbes et très accentuées, chemins tortueux, lacs ovales. De même, les personnages de Giovanni auront pendant longtemps ces visages déchirés, ces expressions pathétiques, ces musculatures nerveuses qui appartiennent aux types mantégnesques. Giovanni Bellini ne serait-il que le continuateur d' Andrea Mantegna ? Certes, la typologie est la même, et les erreurs d'attribution suffisent à montrer combien la différence est parfois difficile à observer. Ainsi Giovanni reprend certaines œuvres de Mantegna. La Prière dans les jardins en est l'exemple le plus saisissant : le thème est le même ; Mantegna utilise son matériel habituel et presque tous ces éléments se retrouvent chez Giovanni Bellini. Un premier signe permet de distinguer les deux œuvres : leur disposition est inverse ; chez Bellini, le Christ est en haut, les apôtres en bas ; chez Mantegna, c'est l'inverse. Et si les éléments sont semblables, la composition diffère. Mantegna surdétermine le fond et accentue le relief ; l'arrière-plan jaillit vers l'avant comme si le peintre voulait faire intervenir l'humanité antique et l'architecture imaginaire au sein du récit chrétien. Au contraire, Giovanni ôte au fond toute valeur rhétorique ; il lui laisse ses composants, mais n'en accentue pas le relief. Ici, la scène se déroule dans un espace qui tend à devenir un milieu naturel plutôt qu'un montage. Au lieu d'être écrasés par ce fond très accentué, les personnages s'avancent vers nous. Principales œuvres La Madone grecque (1460-1464), huile sur bois, 82 × 62 cm, pinacothèque de Brera, Milan L'Extase de saint François (1480-1485), huile sur bois, 124,4 × 141 cm, Frick Collection, New York La Vierge et l'Enfant - La Madone aux deux arbres (1487), huile sur bois, 74 × 58 cm, Gallerie dell' Accademia, Venise la Vierge et l'Enfant bénissant (1510), huile sur bois, 85 × 118 cm, pinacothèque de Brera, Milan Jeune Femme à sa toilette (1515), musée d'histoire de l'art, Vienne À Venise Montage du retable de San Giobbe. 1487, huile bois, 471 × 258 cm) sur son autel renaissance (1493). Gallerie dell' Accademia 2 La Transfiguration du Christ, 1455, bois, 133 × 90,3 cm, musée Correr, partie supérieure mutilée. Proviendrait de l'église San Giobbe Le Christ mort soutenu par deux anges, v. 1455-1460, bois, 64,5 × 50 cm, musée Correr Polyptyque de saint Vincent Ferrier (dominicain espagnol), 1464, en neuf panneaux, basilique Santi Giovanni e Paolo : Registre central grandes figures : Saint Vincent, Saint Christophe à gauche, Saint Sébastien à droite. Panneaux supérieurs : le Christ mort porté par les anges, l’Archange Gabriel et la Vierge de l’Annonciation sur les côtés Prédelle : miracles de saint Vincent : Le saint sauve une femme du fleuve et protège une femme et un enfant d’un effondrement à gauche ; la Prédication de Tolède où le saint ressuscite deux morts pour qu’ils témoignent des vérités qu’il prêche, au centre ; Le saint ressuscite un enfant et libère des prisonniers à droite Présentation de Jésus au temple, fin années 1470, bois, 80 × 105 cm, Pinacothèque de la Fondation Querini-Stampalia3 Triptyque dei Frari, 1488, église Santa Maria Gloriosa dei Frari Le Repas des pélerins d'Emmaüs, 1490, toile, 272 × 355 cm, église San Salvador Le Baptême du Christ, 1500-1502, église San Corona La Vierge et l'Enfant avec quatre saints, 1505, retable, huile sur bois, reportée sur toile, 402 × 273 cm, église San Zaccaria Gallerie dell'Accademia Vierge à l'Enfant debout bénissant, première moitié des années 1480, bois, 60 × 78 cm, offert par Girolamo Contarini. Vierge aux chérubins rouges, 1485, bois, 77 × 60 cm. Provient de la Scuola della Carità. Vierge aux arbrisseaux, datée 1487, bois, 71 × 58 cm Allégories décoratives (meuble de toilette ?), 1490, bois Mélancolie, bois, 34 × 22 cm, Prudencce ou Vanité, bois, 34 × 22 cm Bacchus, bois, 32 × 22 cm, 34 × 22 cm Envie ?, bois, 34 × 22 cm Fortuna Inconstans La Vierge à l'Enfant avec deux saintes, v. 1490-1495, bois, 107 × 58 cm Retable de saint Job (san Giobbe) ou La Sainte Conversation, v. 1497, huile sur bois, 471 × 259 cm Vierge à l'Enfant entre saint Jean-Baptiste et une sainte, dite aussi Sainte Conversation Giovanelli, avt 1504, bois, 54 × 76 cm Pietà, dite Pietà Donà dalle Rose, début xvie, bois, 63 × 87 cm Saint Jérôme lisant avec saint Christophe et saint Louis de Toulouse 1513, église San Giovanni Grisostomo. Ailleurs en Italie Le Baptême du Christ (1500-1502), huile sur toile, 400 × 263 cm. Santa Corona, Vicenza Pietà, Pinacothèque vaticane Jésus Christ mort, entre la Vierge et saint Jean l'évangéliste, v. 1450, Tempera sur bois, 43 × 32 cm, Académie Carrara, Bergame Pietà (1460), Pinacothèque de Brera, Milan Saint Jérôme au désert (1480), peinture sur bois, 151 × 113 cm, Galerie Palatine, Florence Lamentations sur le Christ mort (début des années 1480), peinture sur bois, 74 × 118 cm, musée des Offices, Florence La Vierge et l'Enfant bénissant dans un paysage, (1510), Pinacothèque de Brera, Milan La Couronnement de la Vierge dit Retable de Pesaro (1473), musée civique, Pesaro La Transfiguration (v. 1485), musée de Capodimonte, Naples Portrait d'un humaniste, (1475)-(1480), Civiche Raccolte d'Arte, Milan Madone Alzano5, 1488, huile sur panneau, 83 × 66 cm, Académie Carrara, Bergame Allégorie sacrée 1490-1500, huile sur bois, 73 × 119 cm, musée des Offices, Florence Portrait d'homme, début xvie siècle, huile sur bois, 31 × 26 cm, musée des Offices, Florence L'Assomption 1513, église Saint-Pierre-Martyr, Murano En Europe Vierge à l'Enfant, musée Fesch, Ajaccio Le Christ soutenu par un ange, Madrid, musée du Prado Le Calvaire, 1465-1470, bois, 71 × 63 cm, musée du Louvre Le Christ aux jardins des oliviers, v. 1465-1470, tempera sur bois, 81 × 127 cm, National Gallery Londres Deux Vierge à l'Enfant (1465-1470), Rijksmuseum Amsterdam, inv. no SK-A-3287 et SK-A-3379 Le Christ bénissant, 1470, bois, 58 × 46 cm, musée du Louvre, Paris La Résurrection du Christ, 1475-1479, musées nationaux de Berlin La Vierge et l'Enfant entre saint Pierre et saint Sébastien, v. 1487, bois, 82 × 58 cm, musée du Louvre, Paris Le Doge Leonardo Loredano, 1501-1504, huile et tempera sur peuplier, 62 × 45 cm, National Gallery Londres L'Assassinat de saint Pierre, 1509, huile sur bois, 67,3 × 100,4 cm, Institut Courtauld, Londres Nunc Dimminitis, v. 1505-1510, bois, 62 × 82,5 cm, musée Thyssen-Bornemisza7, Madrid La Vierge et l'Enfant, 1510, huile sur bois, 132 × 122 cm, musée Jacquemart-André, Paris Femme à la toilette, 1515, huile sur bois, 62 × 78 cm, musée d'histoire de l'art, Vienne L'Ivresse de Noé, vers 1515, musée des beaux-arts et d'archéologie, Besançon un manuscrit de la Passion de saint Maurice et de ses compagnons par Jacopo Antonio Marcello, en 1453, Paris, Bibliothèque de l'Arsenal Ms.940 4 miniatures attribuées un manuscrit du De situ orbis geographia de Strabon, vers 1459, Albi, Bibliothèque municipale 2 miniatures, manuscrit ayant appartenu à René d'Anjou) Aux États-unis Le Festin des dieux , National Gallery, Washington DC Le Christ bénissant, au musée d'art Kimbell, Fort Worth, Texas. Saint François en extase (1480), huile sur bois, 124,4 × 141,9 cm, The Frick Collection, New York. Le Festin des dieux (1514), National Gallery of Art, Washington. La Clémence de Scipion (1507-1508), National Gallery of Art, Washington. Vierge à l'Enfant (fin des années 1480), huile sur bois, 88,9 × 71,1 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.
#39
Han Holbein le jeune
Loriane
Posté le : 28/11/2015 21:03
Le 29 novembre 1543 meurt Hans Holbein
à Londres, à l'âge de 46 ans le jeune peintre et graveur allemand, né à Augsbourg en 1497, à Augsbourg dans le Saint-Empire romain germanique. Il appartient au mouvement de la renaissance du Nord. Il est nfluencé par Hans Holbein l'Ancien. Il a influencé la peinture sur bois. Son père est Hans Holbein l'Ancien. Son frère est Ambrosius Holbein Ses Œuvres réputées sont Les Ambassadeurs, Noli me tangere En bref En 2003, le Mauritshuis de La Haye, qui possède trois portraits peints par Hans Holbein le Jeune, présentait une exposition intitulée Hans Holbein, portraitiste de la Renaissance. On pouvait y voir la célèbre Madone de Darmstadt, ou Madone du bourgmestre Jakob Meyer, conservée depuis le XIXe siècle au château de Darmstadt et aujourd'hui en dépôt à l'Institut Staedel de Francfort-sur-le-Main, qui lui consacra une exposition en 2004. À l'automne de 2006 eut lieu à la Tate Gallery de Londres une grande exposition d'œuvres de la période anglaise de l'artiste, à laquelle préluda celle du Kunstmuseum de Bâle, qui portait sur les années que le peintre passa dans cette ville. Il était né en 1497 à Augsbourg, qui célébra l'événement par une exposition en 1997. Le musée de Bâle, qui conserve la plus importante collection de ses œuvres, en montre toujours une grande partie et organise régulièrement des expositions partielles sur tel ou tel aspect de sa production, après celle de grande ampleur qui avait été consacrée en 1960 à toute la famille Holbein à Bâle. Tout aussi vaste, celle qui s'est tenue du 1er avril au 2 juillet 2006 avait pour ambition d'offrir une vue d'ensemble de la production de Hans le Jeune de 1515 à 1532 – peintures, dessins et gravures –, y compris pendant le premier séjour en Angleterre, de 1526 à 1528. La présentation suivait un ordre à la fois chronologique et thématique, assez clair pour rendre la visite aussi facile qu'instructive – bien que les dessins, copies et fragments peints relatifs à ses décorations murales eussent gagné à être réunis plutôt que dispersés par périodes. Il s'agit là en effet d'un aspect majeur de son art, mais que la disparition des décors eux-mêmes permet mal d'apprécier. Aux œuvres conservées à Bâle s'ajoutait un certain nombre de prêts importants tels que la Madone de Soleure, qui a fait l'objet d'une monographie récente, la célèbre Madone de Darmstadt ou la série, moins connue, des dessins des apôtres de Lille. On regrettait par contre l'absence du Portrait d'Érasme du Louvre et du Portrait d'Érasme au pilastre de la Galerie nationale de Londres dans la section consacrée à l'humaniste. Si le premier séjour en Angleterre, de 1526 à 1528, était documenté par quelques tableaux venus de Londres, Dresde ou Saint-Louis (Bâle n'en possède aucun de cette période), là aussi, les œuvres majeures que sont les portraits de William Warham, archevêque de Canterbury et du mathématicien Nikolaus Kratzer, conservés au Louvre, faisaient cruellement défaut. Quelques tableaux et dessins du père de l'artiste, Hans Holbein l'Ancien, de son frère Ambrosius et même de Baldung Grien appartenant au musée de Bâle avaient été intégrés à l'exposition à titre de comparaisons, mais ne se retrouvent pas dans le catalogue (si ce n'est sous la forme d'illustration de certains essais), à l'exception d'un tableau d'Ambrosius, prêté par l'Ermitage, qui fut un temps attribué à son frère Hans le Jeune. Plusieurs œuvres tardives de celui-ci, postérieures à 1532, figuraient également dans l'exposition. Quel qu'en fût l'intérêt intrinsèque, l'exposition apparaissait comme un prétexte à la publication d'un volumineux catalogue destiné à assurer aux résultats des recherches récentes une plus large diffusion. Sa lecture, cependant, ne bouleverse pas l'image qu'on avait du peintre, si elle apporte sur certains points d'utiles précisions. En ce qui concerne sa vie, c'est surtout le point de vue qui a changé : au nationalisme germanique ou au campanilisme bâlois s'est substituée la notion de stratégie de carrière qui met en valeur, en particulier, les efforts déployés par Holbein pour trouver un emploi à la cour de François Ier. On pensait qu'il avait appris lors de son bref séjour en France, en 1524, la technique des crayons de couleurs ; mais elle était déjà pratiquée en Allemagne bien avant cette date, ce qui rend l'hypothèse inutile. C'est en France, par contre, qu'il se serait familiarisé avec le style d'Andrea Solario, qui aurait exercé sur lui une forte influence, sensible sur la Laïs Corinthiaca du musée de Bâle. Laïs passait pour avoir un pendant : la Vénus à l'Amour de la même collection. Selon une légende tenace qui remonte à la fin du XVIe siècle, mais n'en est pas moins invraisemblable, Holbein aurait pris pour modèle une patricienne de Bâle qui aurait été sa maîtresse. Dans une étude récente dont il reprend l'essentiel dans le catalogue, Jochen Sander a montré que la Vénus ne pouvait être qu'une œuvre d'atelier, sans doute exécutée pendant le premier séjour du peintre en Angleterre. Ce changement d'attribution passerait pour un point de détail si ses arguments ne possédaient pas une évidence telle qu'on en vient à se demander comment l'erreur a été si longtemps possible. On est alors conduit à s'interroger sur la perception des œuvres et la confiance qu'on peut avoir dans le regard, serait-ce celui des connaisseurs. Sa vie Fils du peintre Hans Holbein l'Ancien, il est le frère cadet du peintre Ambrosius Holbein vers 1493/94 - vers 1519, avec lequel il étudie dans l'atelier paternel qui était alors un des plus fameux et recherché de la ville. Hans et son frère Ambrosius profitèrent aussi sans doute de l'enseignement de leur oncle, Hans Burgkmair, l'un des plus grands peintres allemands de l'époque. En 1515, il se rend à Bâle, haut lieu de l'humanisme. De 1516 à 1526. Il réalise des portraits, pour la haute bourgeoisie commerçante, en particulier celui des Époux Meyer, Jacob Meyer étant alors bourgmestre de la ville. En 1517, à Lucerne, l'administration communale lui commande de petits travaux de décoration et il réalise des fresques, aujourd'hui détruites, pour la demeure du bourgmestre Jacob von Hertenstein, pour lesquelles il fit probablement appel à son père. Les dessins préparatoires montrent des innovations qui évoquent un voyage à Milan avec son oncle Hans Burgkmair pendant l'année 1518. En 1519, de retour à Bâle, il est conféré maître par la Guilde des peintres et signe le Portrait de Bonifacius Amerbach, humaniste, hommes de lettres et juriste. Amerbach est un vieil ami d'Érasme et lui présentera Holbein 4 ans plus tard. La même année, il épouse Elsbeth, une riche veuve. En 1520, il obtient la citoyenneté bâloise et en 1521 commence les fresques aujourd'hui disparues de la Salle du Grand Conseil. C'est aussi l'année de la naissance de son fils Philipp. En 1523, il rencontre Erasme de Rotterdam qui vit à Bâle depuis 1521 et fera de lui deux portraits, qui deviendront plus tard son laisser passer pour l'Angleterre où Erasme les envoie à ses amis anglais. Lors d'un voyage en France en 1524, il découvre Léonard de Vinci. Il y apprend sa fameuse technique "des trois crayons", consistant à exécuter les portraits à l'encre noire, à la sanguine et à la craie blanche. Durant cette période, il accomplit également de nombreux voyages en Italie, à Rome et Florence. Influencé par Matthias Grünewald, son style s'ouvre aux nouvelles conceptions de la Renaissance italienne. Il travaille également à des compositions religieuses, décorations murales, cartons de vitraux et gravures. En 1526, fuyant la Réforme, il part pour Londres, recommandé par Érasme à Thomas More. Il revient à Bâle en 1528, où il s'achète une maison, après avoir vécu en Angleterre dans une atmosphère de liberté intellectuelle et spirituelle qui va lui manquer à Bâle. La ville est alors en proie au fanatisme et à l'intolérance religieuse qui font fuir Erasme réfugié à Fribourg. Christine de Danemark 1538, Londres Il est donc de retour à Londres en 1533. Mais là aussi Thomas More est tombé en disgrâce et la liberté d'esprit n'est plus au rendez-vous. Ses commanditaires ne sont plus les humanistes mais les riches marchands qui veulent être représentés avec tous les attributs de leur pouvoir. Cette époque constitue l'apogée de sa carrière. Il exécute le projet d'un arc de triomphe pour l'entrée d'Anne Boleyn à Londres et peint le tableau Les Ambassadeurs en 1533. Ce dernier est particulier. En effet, une partie de cette œuvre est réalisée selon le procédé de l'anamorphose. Ainsi, si le regard se positionne par rapport à la tranche droite du tableau, on voit apparaître un crâne humain au milieu des deux personnages. La présence de ce crâne fait de ce tableau un memento mori, qui rappelle à l'humilité. Les deux personnages représentés étant invités à se souvenir qu'ils sont mortels comme tout un chacun. En 1536, nommé peintre-valet de chambre d'Henri VIII, il devient en peu de temps le peintre officiel de la cour d'Angleterre. Entre 1538 et 1539, il voyage en Europe afin de faire le portrait des princesses candidates au mariage avec Henri VIII après la mort de Jane Seymour. En 1540, c'est Anne de Clèves que le roi épouse. En 1543, en pleine gloire, il meurt de la peste. Son testament nous apprend l'existence de deux fils naturels, qu'il dote généreusement. Recherchant derrière les apparences les expressions marquantes des visages, il cherche à réunir les traditions gothiques et les nouvelles tendances humanistes. Christ mort 1521, Bâle Réception Selon Anna Dostoïevskaïa, qui fait un rapport circonstancié de l'accident, et qui craint une nouvelle crise d'épilepsie à cette occasion, Fiodor Dostoïevski, grand admirateur d'Holbein, est fort secoué lorsqu'il voit à Bâle, en juin 1867, son tableau Le Corps du Christ mort dans la tombe ; selon lui, ce tableau peut faire perdre la foi. Le tableau l'a tellement troublé qu'il en fait une brève description dans L'Idiot. Œuvres À Bâle Le musée d'art de la ville de Bâle possède la plus importante collection au monde d'œuvres de la famille Holbein. Les Ambassadeurs 1533, Londres Laïs de Corinthe 1526 attribuée à Holbein. 1516 : Portraits de Jacob Meyer et de Dorothée Kannengiesser, détrempe sur panneau, 38,5 × 31 cm chaque, Kunstmuseum Bâle 1519 : Portrait de Bonifacius Amerbach, détrempe sur panneau, 48 × 35 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne 1521-22 : Le Corps du Christ mort dans la tombe, détrempe sur panneau, 30,5 × 200 cm, Kunstmuseum Bâle 1521-1522 Retable Oberried, détrempe sur panneau : Adoration des bergers et Adoration des mages, 231 × 110 cm, dôme de Fribourg 1522 : La Madone de Soleure Huile sur bois de tilleul, 143,3 × 104 cm, musée des beaux-arts, Soleure 1523 : Portrait d'Érasme de Rotterdam, huile sur bois, 42 × 32 cm, musée du Louvre, Paris Portrait d'Erasme de Rotterdam, détrempe sur papier, marouflé sur bois de pin, 37 × 30 cm, Kunstmuseum Bâle 1526 : Laïs de Corinthe, huile sur bois de tilleul, 37 × 27 cm, Kunstmuseum Bâle 1526-1528 : Dame à l'écureuil et à l'étourneau, huile sur chêne, 56 × 39 cm, National Gallery, Londres 1526 repris en 1529 : La Vierge et l'Enfant avec la famille du bourgmestre Meyer, retable, huile sur bois, 146,5 × 102 cm, Darmstadt, Schlossmuseum 1527 : William Warham (1457-1532), archevêque de Cabterbury en 1504, bois, 82 × 66 cm, Musée du Louvre Sir Thomas More, huile sur panneau, 75 × 60 cm, Frick Collection, New York9 Anne Cresacre, bru de Thomas More, pierre noire et pastel sur papier, 37,9 × 26,9 cm, Royal Library, château de Windsor. Nicholas Kratzer, huile sur toile, 81,9 × 64,8 cm, musée du Louvre Portrait de Sir Bryan Tuke, huile sur panneau, 49 × 38 cm, National Gallery of Art, Washington 1528 : La Femme du peintre avec ses deux aînés, détrempe, 77 × 64 cm, Kunstmuseum Bâle Portrait de Thomas Godsalve et de son fils John Godsalve, détrempe sur panneau, 35 × 36 cm, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde 1532 : Portrait de Georg Gisze, huile sur bois, 96,3 × 85,7 cm, Gemäldegalerie Berlin 1532 : Portrait d'un membre de la famille Wedigh, probablement Hermann Wedight, huile sur bois, 42,2 × 32,4 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. 1532-1533 : Thomas Cromwell, huile sur panneau, 78 × 64 cm, Frick Collection, New York 1533 : Les Ambassadeurs , huile sur panneau, 207 × 209 cm, Londres, National Gallery Portrait de Dirk Tybis, détrempe sur panneau, 48 × 35 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne Portrait de Robert Cheseman, 1533, détrempe sur panneau, 59 × 63 cm, Mauritshuis, La Haye 1534-1535 : Portrait d'homme au luth, tempera sur bois, 43 × 43 cm, Gemäldegalerie Berlin 1536 : Portrait de Sir Richard Southwell, huile sur bois, 47,5 × 38 cm, Florence, Galerie des Offices. À la cour d'Angleterre 1536 : Portrait de Jane Seymour, reine d'Angleterre, panneau de chêne, 65 × 51 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne 1536-1537 : Portrait d'Henri VIII, détrempe sur panneau, 26 × 19 cm, Collection Thyssen1 Portrait d'Henri VIII, huile sur bois, 237,7 × 134,6 cm, Walker Art Gallery, Liverpool Portrait de Jeanne Seymour, détrempe sur panneau, 26 × 19 cm, Mauritshuis, La Haye. Serait une réplique de l'original conservé à Vienne par l'artiste et l'atelier. 1538 : Portrait de Christine de Danemark, détrempe sur panneau, 178 × 81 cm, National Gallery Londres Portrait de Jean Bugenhagen, Chantilly, musée Condé Sir Henry Wyatt, Musée du Louvre Portrait d'Edouard VI, prince de Galles à deux ans, détrempe sur panneau, 57 × 44 cm, National Gallery of Art, Washington 1539 : Portrait d'Anne de Clèves, reine d'Angleterre, quatrième épouse d'Henri VIII, 1539, vélin sur toile, 65 × 48 cm, Musée du Louvre Thomas Howard, huile sur panneau, 81 × 61 cm, Royal Collection, Château de Windsor 1539-1540 : Henri VIII, détrempe sur panneau, 88 × 75 cm, Galerie nationale d'art ancien Rome 1541 : Portrait d'un jeune marchand, panneau de chêne, 46 × 35 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne 1542 : Autoportrait, pastels colorés, 32 × 26 cm, musée des Offices, Florence 1543 : Portrait d'Antoine de Lorraine, Berlin, Gemäldegalerie Portrait d'Edouard, prince de Galles, détrempe sur panneau, diam. 32,4 cm, Metropolitan Museum, New York Docteur John Chambers, médecin d'Henri VIII, panneau de chêne, 58 × 40 cm, Kunsthistorisches Museum de Vienne Gravures En 1526, il réalise une série de 41 gravures sur bois « Danse macabre ». Elles seront publiées sans texte en 1530, puis en 1538, dans un recueil intitulé Simulacres et historiées faces de la mort ; en 1545 les gravures, primitivement au nombre de 41, furent portées à 53 et accompagnées de sentences latines et de quatrains moraux français. Il ne s’agit pas de farandoles où la mort entraîne ses victimes vers leur fin et les scènes ne se passent pas non plus dans les cimetières, la mort fait irruption dans la vie quotidienne, elle interrompt les activités de chacun, qu’il s’agisse du travail du négociant, de l’activité du juge, du médecin ou encore du chevalier. La mort surprend les hommes dans leurs occupations ou dans les plaisirs qu’offre la vie ; elle ne fait aucune distinction d’ordre ou de classe. Cependant, toujours agressive et moqueuse, la mort d'Holbein prend les allures d’un justicier, l’œuvre de l’artiste a un côté subversif dans la mesure où il dénonce les abus du pouvoir, les autorités religieuses qui profitent de leur statut et la puissance des plus riches. Certes, il montre que la mort touche tout le monde mais avec ironie et férocité il ridiculise les puissants dans le domaine religieux et politique en dénonçant leurs travers ou leurs manquements au rang qu’ils doivent tenir ou aux serments prononcés. Dessins Christ au repos, 1519, dessin à la plume et au pinceau sur papier brun, Kupferstichkabinett, Berlin Etude de mouvement d'un corps féminin, 1535, dessin à la plume et au pinceau, Kunstmuseum Bâle Portrait de jeune homme, pierre noire et sanguine, 30 × 19 cm, Collection Ian Woodner, New York
#40
Giulio di Pietro di Filippo
Loriane
Posté le : 30/10/2015 22:11
Le 1er novembre 1546, à Mantoue meurt Giulio di Pietro di Filippoi
de Gianuzzi dit Giulio Pippi, puis Giulio Romano, connu en France sous le nom francisé de Jules Romain, né à Rome vers 1492, peintre, architecte et décorateur italien du XVIe siècle, l'un des premiers artistes maniéristes de la Renaissance et l'élève favori de Raphaël. Il fut l'élève et le collaborateur de Raphaël à Rome, il a pour élèves Raffaellino del Colle, Benedetto Pagni, Fermo Guisoni mais se différencia de celui-ci sous l'influence, notamment, de Michel-Ange. Il influença le Primatice.Son œuvre majeure est le palais du Te à Mantoue 1525-1534, qui s'écarte des principes classiques, en architecture, par des effets de rusticité accusés et, en peinture, par une vitalité allant jusqu'au pathos fresques de la salle des Géants. Il a donné des tableaux religieux ou mythologiques et des cartons de tapisseries Histoire de Scipion, pour François Ier. L'énergie de son style définit une des faces du maniérisme. En bref Il fut l'élève et le collaborateur de Raphaël à Rome, mais se différencia de celui-ci sous l'influence, notamment, de Michel-Ange. Son œuvre majeure est le palais du Te à Mantoue 1525-1534, qui s'écarte des principes classiques, en architecture, par des effets de rusticité accusés et, en peinture, par une vitalité allant jusqu'au pathos fresques de la salle des Géants. Il a donné des tableaux religieux ou mythologiques et des cartons de tapisseries Histoire de Scipion, pour François Ier. L'énergie de son style définit une des faces du maniérisme. Né à Rome où il se forme au contact même de la ville antique que l'on redécouvrait alors avec passion, Jules Romain est le principal collaborateur de Raphaël entre 1515 et 1520 : il l'aide à la salle de l'Incendie 1512, peint, selon Vasari, plusieurs commandes importantes de Raphaël La Sainte Famille pour François Ier, Louvre, travaille aux cartons de tapisseries 1515 et à la Farnésine 1518. Après la mort de son maître, Jules Romain termine plusieurs de ses œuvres la salle de Constantin ; La Transfiguration. Ses propres tableaux d'autel Santa Maria dell'Anima ou La Lapidation de saint Étienne Santo Stefano, Gênes le montrent dominé par l'exemple de Raphaël, mais son tempérament plus dramatique et grandiloquent le rapproche aussi de Michel-Ange. Il affirme ses qualités personnelles et montre son originalité à Mantoue au service de Frédéric de Gonzague à partir de 1523. Au Palais ducal 1525, 1536, 1539 et surtout au palais du Té 1526-1535, il invente un nouveau système décoratif en unissant le stuc et la peinture, en faisant alterner des ensembles précieux salle des Aigles, salle des Stucs aux décors grandioses salle de Psyché et surtout salle des Géants. Toutes les ressources de l'illusionnisme et du clair-obscur y sont employées au service d'allégories dédiées à la gloire et au plaisir des Gonzague. Jules Romain imprime sa propre marque à un groupe important de collaborateurs, dont certains très doués comme le jeune Primatice. Le culte de l'antique et ses travaux d'architecte le font évoluer à la fin de sa carrière vers un art plus austère, d'une tendance antiquisante marquée travaux de sa propre maison et plus lourde fresques de la cathédrale de Vérone. Il meurt à Mantoue où il a créé un des centres les plus brillants du maniérisme. Sa vie Giulio Romano est né et a grandi à Rome, via Macel dei Corvi près de la colonne Trajane, au moment même où l'on redécouvre la ville antique. Son nom de famille est Gianuzzi, mais on le surnomme d'abord Pippi, diminutif provenant du nom de son oncle Filippo ; plus tard il adoptera Romano, en référence à sa ville natale. Sa date de naissance est incertaine : Vasari, avec qui il était très lié, suggère 1492 puisqu'il écrit qu' il est mort dans sa cinquante-quatrième année. Rome et Raphaël Comme apprenti, il entre au service de l'atelier de Raphaël. Sous les ordres du pape Léon X, il exécute, d'après les dessins de son maître, la plus grande partie des fresques des loggias du Vatican, dans les stanze, un groupe de figures faisant partie de la fresque dite de L'Incendie de Borgo, et l'essentiel des compositions de la chambre dite de Constantin. Il collabore aussi à la décoration du plafond de la villa Farnesina. Il hérite, avec Giovan Francesco Penni, de l'atelier de Raphaël à la mort de celui-ci en 1520, et achève les compositions non terminées du maître, en particulier son Couronnement de la Vierge dit Madonna di Monteluce, commandé dès 1503 et sa Transfiguration commencée par Raphaël en 1518. Un scandale ? Peu après la mort du pape Léon, Giulio Romano aurait commis une suite de dessins érotiques inspirée des amours des dieux ovidiennes. Est-ce le fruit d'une commande privée du marquis Frédéric II de Mantoue et destinée à l'un de ses cabinets ? Étaient-ce des dessins préparatoires à une série de toiles ou de fresques ? Toujours est-il que certains de ces dessins, exécutés à la plume, provoquèrent la colère du nouveau pape, Adrien VI dit le Flamand, de mœurs austères, qui suspendit les commandes en cours faites à tous les élèves de Raphaël. En 1523, un nouveau pape est élu, Clément VII, qui, loin de tempérer les foudres vaticanes, relance la procédure judiciaire à propos de ces dessins, laquelle sera suspendue à la suite d'événements politiques, dont le sac de Rome, et avant tout grâce à l'influence de la famille Médicis, décidée à protéger Giulio mais aussi ses amis impliqués dans cette affaire. On compte au rang de ses proches le poète Pierre l'Arétin et le graveur Marcantonio Raimondi, le premier composant 16 sonnets qui évoquent le désir et les pratiques sexuelles sans ambages, le second les illustrant de manière explicite à partir des encres de Giulio. Ce travail effectué au départ dans le plus grand secret, et connu sous le nom de I Modi que l'on peut traduire par Les Positions valu à Raimondi une peine d'emprisonnement. Ces estampes furent durant près de trois siècles reprises, imitées, détournées et renvoient à l'histoire des représentations érotiques en Occident. L'architecte-émissaire de Mantoue Quelques années avant le sac de Rome de 1527 et sans doute pour fuir la cour papale où il n'est plus le bienvenu, Giulio, recommandé par son ami le comte écrivain Baldassare Castiglione, rejoint la ville de Mantoue, où il passe le restant de sa carrière. Giulio fit énormément pour l'embellissement de Mantoue, il fut avec son équipe, l'émissaire en charge des grands travaux de la ville. Il bénéficia durant toute cette période du mécénat de la famille Gonzague en la personne du marquis Frédéric II qui lui commande le Palais Te, que Giulio réalise de 1526 à 1534 tant pour la décoration intérieure que l'architecture. Primatice, âgé alors de 22 ans, y fut son assistant. Cette résidence princière devient rapidement un modèle du genre pour l'art maniériste, avec l'utilisation, pour la première fois, d'une architecture à colonnes baguées à bossages, ainsi que la construction, en dehors de Rome, d'un nymphée dans le jardin. Les façades extérieures jouent aussi sur l'emploi d'un ordre dit rustique avec ses effets bosselés et un jeu sur les ruines en simulant l'écroulement de certaines parties. À l'intérieur, Giulio et son atelier peignent à fresque les murs de motifs ayant recours aux faux semblants, au clair-obscur et aux allégories, souvent antiquisants, notamment un Banquet de Psyché et un putti urinant plein d'humour, ou une monumentale Lutte des géants et des dieux qui met en scène le combat mythologique avec de vigoureux effets de raccourcis. Durant l'occupation du nord de l'Italie par les troupes de Charles Quint, celui-ci vient à Mantoue et Giulio dut, selon Vasari, et sur l'ordre de Frédéric II, réalisé quantité de peintures décoratives, fresques, et autres aménagements destinés à des fêtes, joutes et tournois, travaux d'embellissements qui plurent beaucoup à l'empereur. La réputation de Giulio dépasse bientôt les frontières : le roi François Ier appelle Giulio à travailler pour la cour de France, il s'y rend mais n'y reste pas, car c'est finalement l'un de ses jeunes collaborateurs sur le chantier du Palais Te, Le Primatice, qui répond à cet appel et devient l'un des principaux protagonistes de l'école de Fontainebleau aux côtés de Rosso. Dernières années En 1537, il réalise onze panneaux pour le cabinet des Césars de Federico Gonzaga au palais ducal de Mantoue, où ils étaient placés sous des portraits d'empereurs peints par Titien, lequel avait réalisé le portait de Giulio en 1536. Son protecteur Frédéric meurt en 1540. Son art devient plus austère vers la fin de sa carrière, à tendance antiquisante marquée comme les travaux de sa propre maison à Rome, ou plus lourde comme les fresques de la cathédrale de Vérone9. Vasari encore, qui le fréquente durant ces années-là, entretenant une correspondance avec lui, le décrivant comme étant une personne profondément aimable. Il meurt à Mantoue, y ayant créé l'un des centres les plus brillants du maniérisme et son élève Giovanni Battista Bertani fut nommé comme son successeur auprès du duc. Marié, Giulio eut un garçon et une fille, Virginia, laquelle survécut. Œuvres Vierge à l'Enfant 1520-1522, Offices La Vierge à L'Enfant et le petit saint Jean, v. 1516, huile sur panneau, 29 × 25 cm, Paris, musée du Louvre. La Sainte Famille, v. 1518, huile sur panneau, 147 × 116 cm, Madrid, musée du Prado. La Vierge à l'Enfant avec saint Jean Baptiste, 1518-1523, huile sur panneau, Édimbourg, National Gallery of Scotland. Sainte Marie Madeleine soutenue par des anges, 1520-1521, huile sur toile, 165 × 236 cm, Londres, National Gallery. Vierge à l'Enfant, 1520-1522, huile sur panneau, 195 × 77 cm, Florence, Galerie des Offices. Sainte Famille10, 1520-1523, huile sur panneau, 78 × 62 cm, Los Angeles, J. Paul Getty Museum. Les Symboles des Evangélistes, 1520-1525, huile sur panneau, 22 × 22 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum. Le Christ en majesté, la Vierge, saint jean Baptiste et des saints, 1521-1522, huile sur panneau, 134 × 98 cm, Parme, Galleria Nazionale. Vierge à l'Enfant, 1522-1523, huile sur panneau, 37 × 30 cm, Rome, Galerie nationale d'art ancien. Vierge à l'Enfant et sainte Anne (Madone du chat), v. 1523, huile sur panneau, 171 × 143 cm, musée Capodimonte de Naples. Femme dans le miroir, 1523-1524, huile sur panneau transposée sur toile, 111 × 92 cm, Moscou, musée Pouchkine. Deux amoureux, 1523-1524, huile sur panneau transposée sur toile, 163 × 337 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l'Ermitage. Jupiter et Thétis, 1527-1530, Palais Te, Mantoue. Sainte Marguerite, v. 1528, huile sur panneau, 185 × 117 cm, Musée du Louvre, Paris. Naissance de Bacchus, v. 1530, huile sur panneau, Los Angeles, J. Paul Getty Museum. Adoration des bergers avec des saints, 1532-1534, huile sur panneau, 275 × 212 cm, Musée du Louvre, Paris Pluton sur son char, 1532-1536, huile sur toile, 92 × 62 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum Triomphe de Titus et Vespasien, 1537, huile sur panneau, 120 × 70 cm, Musée du Louvre, Paris. Un des panneaux du Cabinet des Césars. non datées La Circoncision, transposé de bois sur toile, 1 150 × 122 cm, Musée du Louvre, Paris |
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