Plume d'Or
Inscrit: 23/10/2013 18:00
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Voici ma contribution. Bonjour à tous.
« S'il ne vous donne pas le message ou si vous jugez que celui qu'il vous remettra n'est pas « catholique », tuez-le. » Walter Marcott avait dit cela d'une voix aussi anodine que s'il avait dit : « Offrez-lui un verre. ». Mais n'était-ce pas de cela qu'il s'agissait en effet ? Ôter la vie comme on paye une tournée. La vie qui, dans le Bureau, n'était qu'une autre monnaie d'échange Derek Stevens se tenait silencieux. Il observait son chef, debout devant lui. « Tuez-le de quelle que façon que vous jugerez préférable. - Entendu, répondit enfin Derek Stevens, sur ton las. - Que se passe-t-il, Derek ? Je vous trouve bizarre. » Marcott en prononçant ces mots fixait Derek Stevens, son meilleur agent. Un super-spy, comme on l'appelait ici. « Cette mission ne me plait guère. - Depuis quand faut-il que votre boulot vous plaise ? - Justement, ce n'est pas mon boulot ! Pour simplement recevoir un message, vous n'avez pas besoin de moi. N'importe quel bleu ferait l'affaire. - Ce n'est pas moi qui ai choisi. - Vous mentez, marcott ! Derrière votre barbe, je vous vois rougir. - Disons, que je vous ai recommandé, précisa Marcott, en allant s'asseoir dans son fauteuil. - Pourquoi ? - Si je vous le dis, me promettez-vous de n'en rien dire à personne ? - Ah ! Elle est bien bonne, celle-là ! Cela fait vingt ans que je risque mes fesses pour vous et notre beau pays et vous me demandez de vous faire des promesses !? - Ne vous emballez pas, Derek ! C'est un secret. - Des secrets j'en ai plein les poches. Si je voulais les déballer, je ferais transpirer tout le service, vous, y compris…. » - Je vous en prie ! lança Marcott en s'agitant sur son fauteuil. C'est bien ! Je vais tout vous dire. » Marcott pestait en lui-même contre Stevens. Il s'en voulait aussi de ne l'avoir jamais compris. Comment l'aurait-il pu ? Son agent numéro un avait toujours été caché par le brouillard dans lequel il passait sa vie à la poursuite des ennemis invisibles du pays. Maintenant, soumis à son regard magnétique, il sentait qu'il fallait lui confier, sinon la vérité, du moins, une partie. Ainsi, il prononça, avec un air important : « Je ne vous en avais jamais parlé mais, puisque nous en avons l'occasion aujourd'hui… eh bien voilà ! Le mur de Berlin va tomber ! » Stevens avait compris depuis longtemps le jeu de son chef et il était heureux parfois de s'y prêter. Il répondait sans avoir l'air de rien, sachant que toutes les occasions étaient bonnes pour satisfaire son besoin de s'instruire. Durant leurs entretiens, il l'écoutait disserter ou mentir sur tous les sujets de sa voix lente et monotone, sans jamais se démunir de son flegme. Cett fois-ci, il éclata de rire. « C'est ça votre secret ? fit-il. Tout le monde s'y attendait. En tout cas, moi, je le savais. Il vous faut faire mieux que cela, Marcott, pour me convaincre. - Cette mission sera votre dernière mission de ce genre. - Vous ne m'avez toujours pas répondu. Pourquoi moi ? - Le message est d'une importance vitale. C'est le dernier message ! Vous comprenez ? Avant que le mur ne tombe, il nous faut ce message ! » - Qu'y a-t-il dans ce message ? - Une liste. Une liste de noms. Je ne peux vous en dire plus. » Stevens n'avait plus aucune envie de se battre avec Marcott. Il avait fini par croire que l'ordre venait de plus haut. La défaite de son chef n'eût servi à rien. Il soupira et concéda : « C'est bon ! Vous gagnez ! » Walter Marcott eut alors un geste comme s'il avait oublié quelque chose. Il mis la main dans la poche de sa veste et en retira une enveloppe. Il la contempla un instant avant de la tendre à Stevens. « Tenez ! Ceci contient ce que vous remettrez à Petrof Ostrofsky en échange de la Liste. Ne l'ouvrez pas. Laissez-le en prendre connaissance lui-même.Tout est arrangé avec Igor Malin, son supérieur. S'il s'aperçoit que l'enveloppe a été manipulée, il se méfiera. C'est tout. Bonne chance. » Les mots de son chef firent soudain réaliser à Stevens l'étrange et imprévisible vie qu'il menait. Une vie dans laquelle ne pouvait que se préciser la certitude du désastre. Cette révélation tardive eut pour effet de faire naître en lui la nécessité de se mettre au travail à la minute-même. Il sortit du bureau sans daigner jeter un regard sur son chef, toujours assis à sa place. ** Stevens remonta la quarante-cinquième rue, jusqu'à la deuxième avenue. Il héla un taxi qui vint comme une fusée s'arrêter devant lui. « Ôu ça, Patron ? lui demanda le chauffeur, un homme sympathique à l'accent de Brooklyn. - Kennedy Airport. - Quel vol ? » Stevens ne répondit pas. « Pas de bagage ? - Démarre ! lui signifia sèchement, Stevens. - Bien Patron. » Le chauffeur sans discuter, embraya. Il fit tourner son taxi dans la première rue à gauche, pour rejoindre l'entrée de l'autoroute, en direction de l'aéroport international. Stevens songea qu'il en avait au moins pour quarante-cinq minutes avant d'arriver à l'aéroport Kennedy. Demain matin il serait à Paris. A quatre heure, après midi, il contacterait Petrof Ostrofsky. Le vieux Petrof ! Stevens se surprit à espérer que ce vieil ennemi lui apportât ce qu'il désirait. Il serait au regret de le supprimer… Bah ! Tout cela n'avait guère d'importance ! Petrof, tout comme lui, n'était plus depuis longtemps, ce qu'on appelle un homme. Ils étaient devenus des machines humaines. Ils analysaient tout. Ils traitaient tout, y compris les sentiments, comme une information numérique. La vie et la mort, n'étaient qu'un chiffre binaire…. « Patron ! On arrive ! lui lança le chauffeur. - Arrêtez-moi devant « Air-France-Départs » - Bien Patron ! » Stevens lui donna un billet de 50 dollars. « Garde la monnaie. » Le chauffeur le remercia avec passion. « Voulez-vous que je passe vous reprendre quand vous reviendrez ? » Stevens ne répondit pas. Il se rendit directement à la loge des premières pour y prendre un whisky, puis attendit patiemment l'heure du départ en lisant le New York Times. Une fois dans l'avion, Stevens répéta mentalement tout ce qu'il devait faire en arrivant à Paris. Les missions les plus simples ne l'empêchaient jamais d'en réviser à l'avance les moindres détails. Quatre heures de l'après-midi au café de la Paix. Une table à la terrasse, du côté opéra. Petrof devait arriver le premier ; cinq minutes à l'avance. Quant à lui, il arriverait avant Petrof, mais uniquement pour vérifier de loin, que ce dernier était là . Ensuite, Stevens irait s'asseoir à sa table. Il était entendu que dès l'arrivée de l'américain, Petrof commanderait deux whiskeys. Il était aussi entendu, en signe de reconnaissance de la mission spéciale, que les deux espions ne devaient toucher à leur boisson qu'après « l'échange ». Stevens allongea les jambes sous le siège devant lui et attendit la fin du voyage. ***
Lorsque Stevens traversa la place de l'opéra, ses soupçons soudain refirent surface. Il s'arrêta sur place. De nouveau la question : « Pourquoi Marcott l'avait-il choisi, lui, une super-spy pour une mission aussi simple ? » revenait le harrasser. Évidemment la Liste avait une valeur importante mais… Il y avait quelque chose de louche… On était en temps de détente. Reagan et Gorbachev s'entendaient bien. Alors, pourquoi, lui ? Le temps d'un éclair il eut envie d'avorter la mission mais une pensée l'en empêcha. Petrof était également une super-spy ! Si on l'avait aussi choisi pour cette mission, c'est qu'elle devait être plus importante qu'elle ne le paraissait. Cette idée le rassura. Stevens se dit qu'il devrait lire le message avec attention. Peut-être serait-il capable d'en deviner l'importance. Il continua son chemin. Stevens alla directement à la table de Petrof. Il s'y assit tranquillement. Regardant droit devant lui, il murmura : « Salut Petrof. - Salut camarade. » Stevens se retourna brusquement et le regarda dans les yeux. Il ne put s'empêcher de sourire. Ce vieux Petrof ! Toujours aussi sérieux ! Il avait passé depuis longtemps la quarantaine mais il y avait encore en lui cette petite flamme qui brûlait. Il y croyait encore ! Bof ! Allons-y, se dit-il. Finissons-en ! J'espère ne pas avoir à le détruire. « Garçon ! lança immédiatement Petrof ! - Oui, monsieur ? - Deux whiskeys ! » Le garçon s'inclina et s'en alla avec empressement s'occuper de la commande. Il revint aussitôt avec les boissons et retourna dans son coin, ce coin discret où un vrai garçon de café sait se tenir afin de tout voir, tout entendre et ne se souvenir de rien. Comme il en avait été instruit, Stevens ne toucha pas à son verre. Il attendit que son compagnon sortît le document dont il était porteur. Mais à sa surprise, ce dernier lui dit : « Je suis venu parce que c'est vous ! - C'est gentil. - C'est prudent. - Écoutez, Petrof ! Finissons-en ! Moi aussi, je suis venu parce que c'est vous ! Alors, allons-y ! » Stevens sortit l'enveloppe de sa poche et la posa sur la table. Petrof l'imita sans rien dire. Les deux hommes contemplèrent une seconde les deux enveloppes qu'ils avaient sous les yeux. En même temps, ils se saisirent de celle qui leur revenait et l'ouvrirent calmement. Stevens en sortit la feuille de papier que contenait son enveloppe. Elle était blanche. Il la referma sans rien laisser paraître. Il jeta un coup d'œil à Petrof. Celui-ci paraissait satisfait. « Pouvons-nous trinquer, maintenant ? dit Petrof. Tenez ! Faites signe au garçon, j'ai besoin de glaçons. - Moi aussi. » Le garçon finalement les ayant aperçus s'agiter pour l'appeler, vint à leur secours et leur apporta ce qu'ils désiraient dans un petit sceau en argent. « A la vôtre ! lança Petrof en levant son verre. - A la vôtre ! » Les deus espions reposèrent leurs verres vides sur la table. Trente secondes plus tard Petrof s'effondra sur la table. Stevens le retint. Discrètement, il redressa le corps du mort sur sa chaise. Il jeta un billet sur la table et s'en alla. En traversant la place de l'opéra ressentit la première douleur qui le fit se tordre. Il eut juste le temps de comprendre ce qui s'était passé, avant de tomber mort sur le sol.
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« Allo ! Allo ! Walter ! Igor Malin à l'appareil ! - Oui, c'est moi ! Bonjour Igor ! - Le mur de Berlin est tombé ! - Bravo ! - Dommage que Petrof et Stevens ne verront pas cet événement si important pour nos deux pays. - Le monde n'a plus besoin de gens comme eux ! - Adieu Walter. - Good bye, Igor.
FIN
Posté le : 22/12/2014 17:19
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