| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Accueil >> xnews >> Guerre des chefs - Nouvelles confirmées - Textes
Nouvelles confirmées : Guerre des chefs
Publié par couscous le 12-10-2014 14:17:14 ( 922 lectures ) Articles du même auteur



Je m’appelle Canard Boiteux. Vous trouvez cela étrange comme prénom ? C’est pourtant courant chez nous, les indiens. Vous connaissez sûrement les plus célèbres d’entre nous comme Sitting Bull ou Little Horse. Lorsque je suis né, mes parents ont tout de suite été étonnés par la grandeur de mes panards et mon patronyme me fut attribué.
À l’âge adulte, il a fallu choisir une épouse. Tout cela s’est fait lors d’une cérémonie organisée avec tous les jeunes gens du village, prêts à se mettre en couple. Après de longues agapes, des danses endiablées autour du feu, il nous a fallu choisir. J’avoue avoir un peu abusé du blé fermenté et du calumet fourré aux longues feuilles venant du sud. J’ai jeté mon dévolu sur la première qui m’a souri, avant d’aller faire plus ample connaissance sous la chaude couverture en peau de bison. Le lendemain matin, je me suis réveillé avec un mal de crâne et une épouse. Le premier allait rapidement se dissiper mais pas la seconde.
« Bonjour, moi c’est Canard Boiteux.
– Je le sais !
– Cela se voit tant que cela ?
– Non, tu me l’as dit hier soir lors des présentations.
– Je n’étais pas trop dans mon assiette. Comment te nommes-tu ?
– Louve Grincheuse.
– Ah ! Enchanté !
– Bon, va chasser, j’ai faim.
– Mais moi j’aimerais qu’on apprenne un peu plus à se connaître. Viens près de moi, je vais te réchauffer.
– Non ! Tu as eu ta chance hier soir mais tu as préféré ronfler ! Va et ramène de quoi mettre au-dessus du feu.
– Femme ! Tu n’as pas d’ordre à me donner. Je suis l’homme ici et c’est moi le chef. »

Elle me regarde avec des yeux écarquillés avant de mettre à rire bruyamment. Lorsque son corps cesse d’être secoué par des soubresauts joyeux, elle reprend son souffle pour me dire :

« Toi, un chef ? Parviens déjà à mettre un pied devant l’autre sans tomber pour aller me chercher de la viande et on en reparle !
– Allume le feu. Je reviens très vite. »

Vexé, je me rends dans la forêt toute proche, muni de mon arc. Après une longue traque, trois flèches dans des troncs d’arbres et deux autres dans des buissons, je jette l’éponge. Afin de ne pas rentrer bredouille, je cueille quelques champignons. Je passe l’entrée de ma tente et tends ma récolte à mon épouse.

« C’est tout ? me lance-t-elle.
– Je suis encore fatigué de notre soirée d’hier.
– Je savais que je ne pouvais pas compter sur toi. Heureusement que mes pièges sont efficaces. »

Je constate amèrement qu’un beau lièvre dore au-dessus du feu. Elle jette un œil à mes champignons avant de les jeter dans le brasier.

« Mais, que fais-tu ?
– Tu veux déjà m’empoisonner ?
– Non… je…
– C’est bon. Pose tes fesses là, Monsieur le chef de famille. »

Et ce ne fut que le début d’une longue série de déceptions. Elle était décidément meilleure que moi en tout. Dans notre couple, elle portait la culotte en croûte de cuir. Je suis devenu la risée de mes amis.

Un jour, notre chef, Grand Cerf Volant, nous annonce qu’il veut passer le flambeau. Il faut donc sélectionner un nouveau leader. Il demande alors qui se porte volontaire. Après une longue hésitation, je lève la main, ce qui génère des petits rires parmi mes concurrents. Nous sommes donc quatre en lice pour hériter du grand chapeau à plumes et la responsabilité du village. Pour cela, il nous faut passer quatre épreuves. Je dois prouver à tous, et surtout à ma femme, que j’ai l’étoffe d’un chef.

La première épreuve consiste à ramener au village la plus belle prise à la chasse. En pleine nuit, je me faufile vers le village voisin. Après une longue tractation avec Sanglier Sauvage, il accepte de me céder un de ses caribous. Le lendemain, je m’engage dans la forêt en même temps que les trois autres. Pendant qu’ils partent plus loin, j’en profite pour aller dénicher ma proie dans sa cachette afin de la ramener triomphalement autour de mon cou.

La seconde doit évaluer notre capacité à invoquer les esprits. Pendant la nuit, je tire quelques cheveux de la longue tignasse de ma dulcinée. Je les accroche à une couverture grâce à une aiguille en os de chien. Au lever du jour, nous sommes tous invités dans la tente centrale. Un grand feu brûle en plein milieu. Nous sommes recouverts de peinture rouge et les incantations commencent. Je dépose la couverture que je porte sur le dos juste devant moi. Tout en faisant courir mes mains sur l'étoffe, je cherche discrètement les poils de crinière de ma louve. Les saisissant entre mes doigts, je commence à faire bouger lentement la couverture. J'entends le chef s'écrier : « Regardez ! Les esprits de nos ancêtres sont parmi nous. ». Je continue mon cinéma quelques minutes jusqu'à ce que les fils invisibles cèdent. Je fais alors mine d'une sortie de transe laborieuse.

La troisième épreuve est la lutte. Ma carrure étant largement inférieure à celle de mes concurrents, il faut que je me creuse les méninges. Une promenade en forêt m'apporte la solution. Au matin, je me retrouve face à Gros Minet. Malgré son patronyme bien sympathique, c'est un coriace. Mais une poignée d'herbe à chat relevée d'épices me permet de lui faire perdre ses moyens et de prendre le dessus. Par contre, face à Bison Fumant, c'est une autre histoire. Il parvient à me porter un mauvais coup au visage. Mais lorsqu'il se met à tenter de m'étrangler, je sors mon arme secrète. Ma main droite part chercher dans mon pantalon un peu de déjections de moufette que je lui colle sous le nez. Écœuré, il recule pour vomir. Je n'ai plus qu'à lui faire une clé de bras musclée pour obtenir son abandon.

Vient le dernier test, celui de la bravoure. Toute la journée, un feu nourri a brulé. Le soir, les braises sont étalées sur plusieurs mètres. Nous sommes invités à les traverser, pieds nus. Les autres le font en courant et en grimaçant, tandis que ma traversée s'apparente à une promenade, sourire aux lèvres.

Au terme de cette dernière épreuve, le chef réunit la tribu. J'ai juste le temps de me débarrasser discrètement de l'écorce collée sous la plante de mes pieds. Après une longue méditation, Grand Cerf Volant retire sa coiffe imposante et vient la déposer sur mon crâne. Je n'en reviens pas. Enfin la reconnaissance de mes pairs et avec la bénédiction des esprits de nos ancêtres en prime !

Fier de ma promotion, je m'empresse de fuir les mondanités pour pénétrer dans ma tente en annonçant triomphalement :

« Incline-toi devant le nouveau chef du village ! »

Ma femme me dévisage et me lance nonchalamment :

« Retire tes mocassins pleins de boue. C'est toujours moi le chef ici !
– Oui Mamour. »

Article précédent Article suivant Imprimer Transmettre cet article à un(e) ami(e) Générer un PDF à partir de cet article
Les commentaires appartiennent à leurs auteurs. Nous ne sommes pas responsables de leur contenu.
Auteur Commentaire en débat
Donaldo75
Posté le: 12-10-2014 16:27  Mis à jour: 12-10-2014 16:27
Plume d'Or
Inscrit le: 14-03-2014
De: Paris
Contributions: 1111
 Re: Guerre des chefs
Mamour, tu n'aurais jamais du révéler au grand jour mes fourberies pour obtenir ce poste.
Maintenant, je vais devoir rendre mon chapeau à plumes, mon calumet et mes herbes magiques.
Promis, je ne rentrerai plus dans le tipi avec mes mocassins tous crottés et j'arrêterai l'eau de feu.
Ugh !
emma
Posté le: 12-10-2014 16:54  Mis à jour: 12-10-2014 16:54
Modérateur
Inscrit le: 02-02-2012
De: Paris
Contributions: 1494
 Re: Guerre des chefs
derrière tout grand chef, il y a souvent une femme de forte, c'est bien connu! J'ai bien aimé ton camps indien revisité façon Asterix. On retrouve d'ailleurs, tous les ingrédients d'une bonne bande dessinée. Amitié,
couscous
Posté le: 12-10-2014 17:06  Mis à jour: 12-10-2014 17:06
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Guerre des chefs
Cher Donald,

Tu es le chef maintenant, faut assumer ! Il fallait y réfléchir avant...

Allez, moi je te pardonne. Va me chasser un beau bison pour ce soir ! Ta mère vient souper.

Bises

Couscous
couscous
Posté le: 12-10-2014 17:07  Mis à jour: 12-10-2014 17:07
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Guerre des chefs
Emma,

Tu as tout à fait raison. C'est de notoriété publique. "Les femmes de l'ombre"...

Un BD ? Je suis flattée.

Merci

Couscous
EXEM
Posté le: 12-10-2014 17:23  Mis à jour: 12-10-2014 17:23
Plume d'Or
Inscrit le: 23-10-2013
De:
Contributions: 1480
 Re: Guerre des chefs
La plume de Couscous est solide comme la lance. Une écriture naturelle qui nous fait tout croire tout accepter, et à la fin se dire : " C'est bien vrai". Evidemment l'humour nous fait digérer mieux certaines vérités que nous acceptons dans la vie avec moins de jovialité.
Ce texte m'a beaucoup plu, et me procure la joie de saluer Couscous, une personne de grande classe qui mérite un grand respect. Grosses bises.
couscous
Posté le: 12-10-2014 17:32  Mis à jour: 12-10-2014 17:32
Modérateur
Inscrit le: 21-03-2013
De: Belgique
Contributions: 3218
 Re: Guerre des chefs
Mon but est atteint alors !

Merci pour tes encouragements.

Je t'embrasse aussi

Couscous
Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
65 Personne(s) en ligne (19 Personne(s) connectée(s) sur Textes)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 65

Plus ...