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Accueil >> newbb >> Défi du 03-05-2014 [Les Forums - Défis et concours]

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Re: Défi du 03-05-2014
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Bacchus,

Le Pape connaît maintenant la notion de "calvaire", lui imposer Dédé, mais ça ne va plus ? Heureusement tes talents d'hôte ont un peu sauvé la mise. Tes voisins étaient spectateurs, j'espère qu'ils ont payé leur place, pour payer les réparations de ton mobilier. Je pense que François n'est pas là de retourner chez un autre citoyen choisi au hasard !

J'ai bien ri. Tu as lancé quelques idées quii se retrouvent dans mon texte que j'ai écrit hier. Je le posterai dès qu'il sera corrigé.

Merci

Couscous

Posté le : 04/05/2014 09:27
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Re: Défi du 03-05-2014
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Un invité de marque

Ce matin, je me dirige vers ma boîte aux lettres extérieure, comme à mon habitude, en pantoufles et peignoir bien serré fermé car je suis nue en-dessous. Je suis persuadée que mon voisin d’en face, voyeur à ses heures perdues, reste à l’affut, espérant secrètement que ma ceinture se fasse la malle. Je découvre trois courriers. Il y a une carte postale de ma sœur qui est en vacances à la Réunion. Il me tarde de la rejoindre la semaine prochaine.

L’écriture sur la première enveloppe m’est malheureusement très familière. C’est encore Pierre ! Il ne me lâche plus depuis quelques mois, me suppliant qu’on se revoie, me proposant un rendez-vous dans le restaurant de mon choix. Il me dit qu’il a changé, qu’il a perdu ses mauvaises habitudes comme se prendre une biture tous les vendredis soirs avec ses copains pour revenir cuver toute la journée du samedi. Et le dimanche, c’était juste pour aller manger chez ses parents, les gens les plus ennuyeux du monde ! J’en ai très vite eu marre et il a retrouvé ses valises sur le pas de la porte lors d’un retour de beuverie.

Et puis, il y a une autre lettre qui me paraît étrange car elle provient... du Vatican ! Notre chère Eglise catholique serait-elle à ce point en manque d’ouailles qu’elle doive se résoudre à faire de la publicité personnalisée envers chaque citoyen, à l’instar de nos non moins chers politiciens en campagne électorale ? J’ouvre l’enveloppe cachetée de cire rouge portant la marque de la bague du souverain pontife. À l’intérieur se trouve une lettre qui semble écrite à la plume d’oie et à l’encre de Chine. L’écriture est belle et ronde, parfaitement rectiligne jusqu’à la signature. En voici les termes :

Ma chère fille,
À l’image de Jésus, notre Seigneur, je souhaite me rapprocher de mes concitoyens afin de rester à l’écoute de leur détresse et de leurs idées. Vous avez marqué votre soutien à une action locale en faveur des défavorisés et je vous en remercie. C’est ainsi que vivent les vrais chrétiens.
J’aimerais que nous partagions un moment afin de faire plus amples connaissance. Si cela vous sied, faites-moi part de vos disponibilités.
Catholiquement vôtre, je vous administre ma bénédiction.
F. 1er


Je reste pantoise devant cette lettre surréaliste. Je me souviens avoir signé une pétition et donné cinq euros pour le maintien de l’asile dans ses locaux actuels. Evidemment, sinon ils venaient s’installer devant chez moi ! Ils auraient généré des pannes de courant dans le quartier à cause des séances d’électrocution et pompé toutes nos réserves d’eau avec leurs douches glacées. De plus, je n’avais pas envie de retrouver un jour un mec qui se prend pour un canard, occupé à barboter dans la fontaine artisanale de mon jardin.

Mais cela me semble gros tout de même ! Je me demande si ce n’est pas une blague de Sophie. Peut-être veut-elle se venger de la frousse que je lui ai faite avec une bête araignée en plastique planquée sur sa chaise au bureau. Quel cri elle a poussé ! On était morts de rire. De plus, elle essaie toujours de me caser avec l’un ou l’autre : le gars chauve et boursoufflé de la compta, l’électricien macho ou encore le geek d’informaticien ! Mais le Pape tout de même !

Bon, je décide de jouer le jeu et je vais faire d’une pierre (et même d’un Pierre) deux coups en invitant François et Pierre au même dîner. Un SMS pour le premier et une lettre tapée à l’ordinateur pour le second car mon écriture est illisible pour les autres. Certains disent que c’est le signe d’un esprit vif et intelligent, et d’autres que c’est juste de la fainéantise et un côté bordélique qui s’exprime. Les premiers sont mes amis, les autres, juste des jaloux ! Mes prétendants confirment leur présence.

Jour J, heure H. Je me suis mise sur mon trente-et-un avec ma plus belle mini-jupe, mon décolleté pigeonnant, semblant me faire gagner deux tailles de bonnet, grâce à des rembourrages astucieusement placés dans les coutures de ma blouse. Un maquillage léger rehausse le bleu de mes yeux et un brushing parfait l’élégance de ma chevelure brune.

Un premier coup de sonnette. C’est Pierre qui me tend un énorme bouquet de roses rouges et me sert son plus beau sourire niais. Je le remercie en parvenant à éviter ses grandes embrassades, et ce, malgré plusieurs tentatives. Pendant que je pars dans la cuisine afin d’installer les fleurs dans un vase, une nouvelle sonnerie retentit et je demande à Pierre de jouer les portiers. J’entends la porte s’ouvrir, puis des bruits de pas feutrés pénétrer dans mon salon. Lorsque j’entre dans la pièce, j’ai un choc : un homme déguisé en pape trône sur mon tapis multicolore, à côté des mes photos de vacances où je pose en bikini brésilien et mon puzzle de mille pièces collé au mur, représentant deux corps nus lovés artistiquement.

Je reste un moment bouche bée. Sophie est tout de même très forte car cet acteur ressemble vachement au vrai Pape, celui qu’on voit à la télé courir le monde et bénir les foules. Habillé avec soutane, pèlerine et calotte blanches, il a même pris un petit accent italien, assez craquant, en m’adressant un « Bonjour ». Il me sourit et j’approche en lui tendant la main avec un air gêné. Là, il me pose sa paume grand ouverte sur le haut de mon crâne, au risque de détruire mon brushing, en disant « Sois bénie, mon enfant ! ». Là, je sens que son cinéma va vite m’énerver et je décide de mettre les choses au point :

« Pouvez-vous cesser de jouer ce rôle ? Je sais très bien que c’est Sophie qui vous a demandé de me piéger. Vous pouvez aller lui dire que je ne ferai plus jamais de mauvaise blague. C’est promis !
- Vous faites bien de vous confessez de la sorte et je vous donne l’absolution pour ce péché. Vous réciterez un Notre Père chaque soir pendant sept jours en expiation.
- Mais je vous dis que vous pouvez arrêter vos salamalecs.
- Vous vous égarez. Les catholiques ne font pas de salamalecs mais des prières. Je ne comprends pas votre réaction. Vous étiez d’accord pour la rencontre.
- Oui, mais je ne cherche pas à ma caser, vous savez. Je n’ai pas encore su me débarrasser de Pierre. Je vous le présente d’ailleurs. »

Les deux hommes se saluent poliment et l’homme en soutane dit :

« Vous savez que Pierre est le premier apôtre et que c’est lui qui détient les clés du Paradis.

Je ne peux m’empêcher de pouffer en disant :

- Ne lui confiez aucune clé, il a la mauvaise habitude de les perdre. Remarque, cela ferait les affaires de la concurrence.

L’homme en blanc continue sur sa lancée en s’adressant toujours à Pierre :

- Vous devez être béni, mon cher, avec un tel prénom.
- Ben pas vraiment. J’ai toujours eu la poisse. Je suis chômeur et mes copines me larguent toutes au bout de quelques mois.

Là, je ne peux m’empêcher d’intervenir à nouveau :

- Tu arrêterais de te pochtronner, ça irait mieux !
- Mes enfants, ne vous disputez pas ! Le conflit n’est pas une solution. Le Seigneur est Amour et c’est par cette voie que nous trouvons le Bonheur. »

Pierre et moi échangeons un regard moqueur. Je propose à mes invités de prendre place à table et je sers le vin.

« Désolée, mais je n’ai pas trouvé de vin de messe. Je vous propose un bon vin de Touraine, recommandé par un ami connaisseur. »

J’apporte ensuite le plateau de saumon fumé et les toasts. Lorsque nous sommes tous servis, François crie solennellement :

« Prions afin de remercier Dieu pour cette nourriture providentielle.

- Ce n’est que du modeste saumon de Norvège. Il a juste de providentiel qu’il était à cinquante pour cent car il périme demain. Pas besoin d’en faire un plat. »

Bon, il insiste. Je commence à me demander si ce n’est pas un des échappés de l’asile que Sophie a embauché. Radine comme elle est, elle lui aura proposé de le payer en pièces en chocolat. On se retrouve donc à se tenir la main en cercle et à répéter le Notre Père en latin.

Je constate que François a bon appétit et le pain vient vite à manquer. Je lui lance, non sans ironie :

« Dites, il n’y aurait pas la possibilité que vous fassiez apparaître quelques toasts supplémentaires. J’ai entendu dire que l’un d’entre vous y était parvenu.
- Notre Seigneur Jésus en effet. Mais je n’en suis pas capable, désolé.
- Je pensais que c’était comme pour les magiciens, que vous vous transmettiez les secrets des tours. »

Soudain, le Pape se lève et se prosterne devant mon buffet en psalmodiant des prières inaudibles. Je m’interroge lorsque je remarque que la petite statuette en verre de la Vierge, un legs de ma grand-mère, pieuse avant de perdre la tête, posée sur mon meuble s’illumine par intermittence. François semble s’adresser à elle :

« Oui, Sainte Mère, délivrez-moi votre message. Je suis tout ouï. »

Je m’approche de cette scène ubuesque et prends mon GSM qui se trouve derrière la statuette. L’écran clignote et une petite voix répète « Ecoute le message… Ecoute le message ». L’homme quasi en transe me regarde, ahuri.

« Désolée, j’ai oublié de le mettre sur silencieux. Il y a bien un message d’une mère, la mienne, mais ce n’est pas pour vous ! »

François, la tête basse, reprend sa place à table et je peux servir mes carbonnades flamandes et ma purée au cumin.

« C’est du bœuf, ne craignez rien. Et je l’ai acheté dans la petite épicerie halal, au bout de ma rue. Vous désirez un essuie pour ne pas vous tacher ?
- Non, merci. Cela ira. »

Pendant le repas, François aborde divers sujets et nous interroge. Concernant la foi, je lui dis que je ne crois que ce que je vois et qu’il devrait poser la question à Ophélie Winter. Il n’a pas ri ou il n’a pas compris mon allusion. Pour la pauvreté, je lui rétorque que s’il hypothéquait la Basilique Saint Pierre, il pourrait nourrir tous les pays en développement pendant au moins un an. Il me demande un conseil pour que les gens repeuplent les églises. Je lui suggère que le vin ne soit plus que pour le prêtre. S’il partageait avec ses ouailles, elles seraient plus nombreuses. De même pour l’hostie qui ne nourrit pas son homme, faudrait prévoir plus grand et plus goûteux. Je lui propose de se renseigner auprès du patron du kebab du coin, il lui donnera des idées pour les fourrer. Et si les prêtres avaient le droit de se marier… là il m’a arrêtée tout de suite. Je n’ai pas insisté. Et une femme papesse ? Pierre ne lui apporte aucune réponse à ses interrogations car il est trop occupé à vider systématiquement toutes les bouteilles de vin que j’amène à table.

Comme dessert, je sers des pets de nonnes, François sourit et se régale. Au moment de partir, il se lève et me remercie pour le repas. Il me bénit de nouveau car l’autre bénédiction doit sûrement perdre de son effet. Lorsqu’il s’approche de Pierre, qui vacille dangereusement dans le couloir, ce dernier lui a dit :

« La prochaine fois, faudra qu’on trouver un Jean … On aura Jean, Pierre, François. »

Et là, le poivrot se met à chanter à tue-tête « Je te survivrai, d’un amour vivant … »

François propose de le ramener chez lui, me permettant ainsi de m’en débarrasser facilement et m’évite de devoir nettoyer ses inévitables vomissures demain matin.

Le lundi matin, je me dirige vers le bureau de Sophie en disant :

« Très drôle ta blague !
- Quelle blague ? Tu sais qu’on parle de toi dans le journal ?
- Hein ? »

Elle me tend un article intitulé : « Initiative du Vatican, le fiasco ! ». Le journaliste cite mon nom en faisant référence à mon repas de samedi soir. Le lendemain, le Pape a démissionné car ses propositions de réforme ont toutes été rejetées par ses cardinaux : pas de vin ni d’hosties fourrées pour les personnes qui fréquentent la messe, ni d’hypothèque pour nourrir le tiers monde. Avant de partir, il a proposé de nommer une nonne à sa place, sans succès.

Là, mon GSM sonne, c’est Pierre qui veut me voir. Oh, non ! La bénédiction ne fait plus effet, François, reviens !!

Posté le : 04/05/2014 10:05
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Re: Défi du 03-05-2014
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Eh bien couscous,

Une petite crise de foi ?
Je constate que sur ce forum le pape en prend pour son grade en tant qu'institution et sa religion avec.
Dans ton texte, on reconnait bien ton style et tes marottes et le pape a juste eu à s'installer dans cet univers si personnel pour exister; j'aime vraiment cette critique sociale que tu mènes et comment tu règles son compte à certaines personnes (Pierre ça sent le vécu).

Une fois de plus, je me suis bien marré à la lecture de ce texte truculent.
Je sens que ce sujet vous inspire tous, oh mauvais catholiques et petits incroyants.

"Revenons aux fondamentaux et brulons quelques Belges , dit le Seigneur au nouveau pape autrichien."

Bises

Donald

PS: Moi, ça m'allait bien un asile près de chez toi.


Posté le : 04/05/2014 11:23
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Re: Défi du 03-05-2014
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Donald, contrairement aux apparences, Pierre ne fait référence à aucune personne par contre la blague envers Sophie est réelle, je lui envoie le texte d'ailleurs !

Si on peut m'oublier pour le bûcher, ce serait sympa ! Je passe mon tour.

Si c'est toi qui vient barboter dans ma fontaine, je t'y autorise.

Couscous

Posté le : 04/05/2014 14:56
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Re: Défi du 03-05-2014
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Pasta papale


J’entendis la sonnette de mon appartement retentir au moment où je regardais tranquillement sur mon ordinateur portable une vidéo d’un groupe de beautés gothiques ; évidemment j’avais enlevé le son dont je n’avais rien à foutre vu que la musique n’était pas le motif. Ma canette était dans la cuisine en train d’apprendre à ses petits monstres l’art et la science de faire cuire les spaghettis sans déclencher les détecteurs de fumée. J’étais donc à l’abri de son regard inquisiteur et des questions à un euro de son ainée, du genre « pourquoi elle se trémousse comme ça la dame avec ses seins à l’air ? » et j’en passe des plus gênantes. Autant dire que j’allais bien le recevoir celui qui osait me déranger un samedi matin en ce beau jour de mai ; je verrouillai l’écran de mon PC et me dirigeai vers l’interphone.
— C’est à quel sujet ? demandai-je de mon ton le plus aimable, celui que je réservai aux représentants en assurance-vie et autres professionnels du dérangement.
— C’est pour la visite du pape François que vous avez invité à déjeuner.
J’avais complètement oublié ! Comme je n’en avais pas parlé à ma canette, je n’avais pas marqué la date sur nos tablettes communes et en plus n’habitant pas ensemble je ne l’hébergeais avec ses enfants qu’une semaine sur quatre. « Quelle erreur ! » me dis-je à ce moment précis. Je devais réagir sans pour autant montrer mon oubli.
— Je vous ouvre ; c’est au troisième étage à gauche.
Une fois le combiné raccroché, je décidai d’informer Barbara de cette visite.
— Je dois t’informer de la surprise que je t’avais préparé ; le pape François est notre invité ce midi.
— A la bonne heure, j’espère qu’il aime les spaghettis bien craquants.
Visiblement, Barbara ne croyait pas un instant à ce que je venais de lui raconter ; elle avait du croire que c’était une de mes réparties décalées. Je la laissai à ses convictions et attendit l’arrivée du chef vénéré de l’Eglise catholique.

J’étais en train de guetter mes invités quand je vis la porte de l’ascenseur s’ouvrir ; un majestueux septuagénaire habillé de blanc en sortit accompagné de deux autres vieux messieurs drapés de pourpre. « Ils se sont mis sur leur trente-et-un. » me surpris-je à penser. A ma vue, ils se dirigèrent vers ma modeste demeure ; je les conviai à passer le pas de la porte après leur avoir serré la main et servit les formules de politesse que j’avais en magasin.
— Merci de cette invitation, commença le souverain pontife. J’espère que vous n’avez pas mobilisé des batteries de cuisiniers pour nous recevoir. Je tiens particulièrement à honorer la mission d’humilité propre à notre religion et je suis persuadé que vous êtes dans cet état d’esprit.
— Ne vous inquiétez pas, mon amie a seulement dépêché ses deux filles de sept et huit ans pour vous préparer leur spécialité : des spaghettis croquants comme on aime les déguster dans l’Italie profonde.
— A la bonne heure, je préfère de loin un repas simple et convivial aux luxueuses agapes dont j’ai l’habitude avec les présidents laïcs et autres dirigeants de ce monde d’apparat.
— En termes de simplicité vous ne serez pas déçus ; nous avons même garanti l’authenticité de notre quotidien dans notre tenue vestimentaire.
Il était vrai qu’en matière de vêtements, j’avais fait fort avec mon jean ‘grunge’ et mon maillot de Zlatan Ibrahimovic sans parler de mes pantoufles en forme de lapin offertes par ma canette en hommage au clip de Queen où Freddie Mercury chantait ‘I want to break free’ en passant l’aspirateur avec une perruque à la Sophia Loren sur la tête. Quand je pensais à l’apparence de Barbara avec sa tenue collante et futuriste digne de la série ‘Cosmos 1999’ je rigolais d’avance et je n’osais pas imaginer le supplément de fou rire que pourraient inspirer les deux petites filles déguisées en mitrons.
Pendant que j’attablais mes convives au bord du grand rectangle de verre qui ornait mon salon, je réfléchissais au meilleur moyen d’amener ma compagne à la réalité de cette situation inattendue.
Dieu en décida autrement car dans son immense sagesse il savait certainement que la vérité passait mieux en images que par des paroles creuses ce qui soit dit entre nous représentait l’exact contraire des principes de base de tout bon consultant. Barbara fit irruption dans la salle sans tambours ni trompettes, fidèle à elle-même. Dès qu’elle aperçut le pape François et ses assistants, elle décrocha sa mâchoire, écarquilla ses yeux et perdit l’usage de sa voix.
— Barbara, le pape François nous honore de sa visite ; je ne te l’avais pas dit pour garder l’effet de surprise car je sais combien tu es émotive.
— Ma chère enfant, je suis ravi de vous rencontrer et sachez que j’apprécie le côté authentique de cette invitation.
Barbara ne retrouvait toujours pas la parole et je commençai à me dire qu’il faudrait improviser une pirouette rhétorique pour combler les vides dans la conversation. Heureusement, le Tout Puissant ne manquait pas de ressources et il utilisa son autre joker ; l’ainée des deux enfants entra à son tour en scène.
— Donald, les spaghettis sont prêts et pour une fois Maman n’a pas fait sonner les détecteurs de fumée.
— Je suis fier de toi ma petite Cassandra ; nous n’aurons pas à prévenir les pompiers de Paris que c’était une fausse alerte comme la fois où ta mère a fait bruler des steaks hachés.
Sur cette manœuvre de diversion si bien orchestrée par le Créateur, j’en avais profité pour placer une anecdote dont je pensais alors qu’elle donnerait toute sa saveur et un parfum d’authenticité à la partition improvisée que Barbara devrait jouer pour préserver les formes.
Cerise sur le gâteau, la cadette choisit ce moment pour nous gratifier de sa présence ; elle avait entendu des voix inconnues et n’avait pas osé rentrer de suite dans le salon, mais comme sa sœur l’avait fait elle ne pouvait pas rester sur la touche.
— Donald, on a fait des pâtes pour tout le weekend.
— C’est parfait Clarissa. Nous avons des invités de marque et ils viennent de Rome en Italie.
Barbara reprit le dessus et l’usage de ses cordes vocales ; elle effectua les présentations en bonne maîtresse de maison qu’elle était. Le pape François aimait visiblement les enfants et sut trouver les mots pour mettre dans sa poche les deux petites pestes en culotte courte qui me faisaient office de belles-filles.

L’apéritif fut cordial ; le pape François était en verve et peu avare de bons mots surtout dans un contexte aussi décomplexé. Barbara attirait les regards de ses assistants qui n’avaient probablement jamais regardé un épisode de Star Trek ou un clip de Robert Palmer. Cette situation semblait fortement amuser leur leader religieux qui leur décochait quelques petites flèches de temps à autre.
Clarissa et Cassandra ne s’embarrassèrent pas des formalités en vogue dans les églises et embrayèrent rapidement sur des questions, existentielles pour elles et mignonnes pour le commun des parents.
— Dis pape François, est-ce qu’il existe des multitudes de vies dans l’Univers comme n’arrête pas de nous dire Donald quand nous ne sommes pas sages ?
— Que dit exactement Donald ?
— Quand on fait trop de bruit, il nous traite d’extra-terrestres et dit qu’on vient d’une autre planète pleine de petits monstres comme nous.
— Donald vous raconte ces histoires pour rire ; nous sommes tous les enfants de Dieu qui a créé toutes les formes de vie dans l’Univers même les petites filles habillées en mitrons.
— Donald dit qu’il ne peut pas se marier avec Maman parce qu’elle a déjà été à l’église avec notre papa. Nous on veut que Donald se marie avec Maman et nous fasse des petits frères, sauf qu’on ne veut pas qu’ils aient des grands pieds comme lui.
— Donald a raison mais je cherche une solution à ce problème.
— Donald dit que c’est toi qui décide et que c’est de ta faute.
Je savais bien que les enfants répétaient tout mais dans ma naïveté je ne m’imaginais pas que ces deux pestes puissent me placer dans une telle situation ce jour là. Il me fallait contourner l’obstacle.
— Je ne l’ai pas dit en ces termes, voyons Cassandra.
— Entends-tu par là que mes enfants mentent ?
— Barbara, je veux seulement expliquer à notre convive que mes mots ont certainement mal été interprétés par de jeunes enfants qui ne saisissent pas toujours la subtilité des arguments que les adultes formulent à leur encontre quand ils sont coincés.
— C’est sûr que ton langage de consultant est proprement incompréhensible du commun des mortels ; je me demande comment tes clients peuvent se retrouver dans ce verbiage caquetant.
Barbara était du genre lionne quand il s’agissait de ses enfants ; avant leur naissance le monde n’existait certainement pas en sa forme actuelle faite de matière et de principes logiques et répondant à une physique simple. Après le Big Bang de son premier accouchement, un univers apparut, pas franchement relativiste et constitué de couches et de biberons puis de doudous et de crèmes glacées. Elle expulsa le reste d’antimatière représenté par son ex-mari et remplaça la mécanique quantique par des principes et des postulats déclinés en tables de loi. Je comprenais qu’elle soit catholique au vu de son étroitesse d’esprit sur le sujet des enfants et surtout des siens, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle m’explosât en vol devant le pape François. Je ne tenais pas spécialement à le compter parmi mes futurs clients, quoique quelques conseils en stratégie de produit et de marché ne lui feraient pas de mal, mais j’étais moi-même d’obédience chrétienne et ce type de remarque en face de notre référence religieuse me chiffonnait un peu.

Le salut vint une fois de plus du Divin en la personne de son représentant sur Terre ; le pape François sentit qu’il allait vivre une nouvelle guerre de religions et débrancha la querelle par une allocution de grande classe.
— Donald, je déduis de cette intéressante controverse que vous n’avez jamais été marié et que ces deux charmantes petites filles ne sont pas issues de votre sang.
— Exactement, mon père ; je ne suis pas leur géniteur et je ne vis même pas avec elles à plein temps.
— Barbara, vous avez connu une première union que vous avez célébrée devant Dieu ; cependant les choses ont changé et vous avez pris la bonne décision de vous séparer de votre mari.
— C’était un minimum que je devais faire si je voulais que mes deux filles ne finissent pas abruties.
— Donald ne connait pas encore le plaisir qu’apportent les enfants et je ne peux l’en blâmer car nous les hommes d’église ne le connaitrons jamais. Toutefois il a décidé de changer son mode de vie et de passer du tranquille célibat à une forme de vie maritale en temps partagé.
— Barbara, cette situation vous apporte la sécurité d’un couple avec un conjoint qui n’est pas encore votre époux mais que vous considérez comme tel ; la force de votre présente diatribe le laisse à penser. Pour qu’il y ait scène de ménage il faut qu’il existe cette relation qui fait de deux individus une cellule familiale comme un atome est composé de particules chargées ou neutres. C’est ce que dit la physique nucléaire et qui n’est finalement rien d’autre que la traduction scientifique de la volonté de Dieu.
— Vos enfants ont raison dans la minute présente et le proche futur viendra changer cet état de fait ; vous pourrez vous marier de nouveau dans une église et ainsi confirmer votre statut de famille auprès de notre Seigneur.
— Tout ce que je peux vous conseiller d’ici là c’est de vivre ensemble à temps plein dans le souci d’accorder votre quotidien à vos personnalités respectives ; les scènes de ménage deviendront alors de moins en moins fréquentes et vous en parlerez bientôt comme de vieux faits d’armes du temps où vous étiez plus enflammés que raisonnables.
Barbara essuya une larme ; pour ma part, catholique par naissance et non par vocation mais complètement consultant en management, je ne pus qu’admirer l’argumentaire de ce dirigeant religieux. S’il devait être un jour élu au suffrage universel, je voterais pour lui des deux palmes. Le seul bémol que je mettais à la partition qui venait de se jouer résidait dans le fait que ma futée Barbara allait utiliser ce mémorable discours pour s’incruster chez moi avec ses deux morpions. Je devrais vivre avec ; après tout le pape François semblait psychologue et il n’aurait pas pris le risque de me pourrir la vie s’il avait estimé que ce n’était pas jouable.
Le reste du déjeuner s’avéra plus tranquille ; Cassandra et Clarissa jouèrent leur rôle de divertissement et notre illustre invité celui de bon grand-père réunificateur des familles recomposées. A la fin du repas, le souverain pontife nous déclara qu’il avait passé une excellente journée et qu’il nous inviterait à venir le visiter au Vatican ; Barbara en profita pour prendre la main sur cette invitation. « Une femme avertie en vaut deux. » me lança-t-elle perfidement entre la poire et le fromage, en allusion à mon manque de rigueur en matière de planning et d’agenda.

Posté le : 04/05/2014 17:53
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Re: Défi du 03-05-2014
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Cette visite quasi impromptue s'est finalement bien déroulée et a été positive pour votre couple !
Je suppose que les allusions aux talents culinaires lamentables de ta cannette ne sont que pure fiction ... à moins que ...
Quel look ! Fan de foot et de Queen alors ?

Elles ont une belle curiosité ces deux petites. Arrête de leur racontez des bobards extraterrestres !

Bon, j'espère que votre cohabitation à temps plein se passera bien et que c'est le Pape en personne qui célèbrera votre union.

Merci Donald

Couscous

Posté le : 04/05/2014 18:14
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Re: Défi du 03-05-2014
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Je savais que mon look allait faire rire.
Je ne sais pas si je dois remercier le pape pour son initiative; l'avenir le dira car ... demain est un autre jour.

Posté le : 04/05/2014 21:56
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Re: Défi du 03-05-2014
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Alexis : C'est vrai qu'il a l'air sympa ce pape, je n'ai pas eu le temps de participer cette semaine, mais je m'y mets dès que j'ai fini de lire vos productions.

Posté le : 10/05/2014 16:27
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Re: Défi du 03-05-2014
Plume d'Or
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Incorrigible Bacchus ! Qu'est-ce que tu as fait subir au Saint Père, crois-tu vraiment que Dieu va encore t'accueillir au paradis maintenant ? Bon, il te pardonne sûrement, au nom de Père...

Posté le : 10/05/2014 16:33
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Re: Défi du 03-05-2014
Plume d'Or
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Couscous, j'ai compris toutes tes références musicales ! J'ai bien ri, et j'aurais bien aimé être là ! Accueillir le pape en mini-jupe, incroyable !

Posté le : 10/05/2014 16:42
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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