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Accueil >> newbb >> Défi du 11/10/2014 [Les Forums - Défis et concours]

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Défi du 11/10/2014
Plume d'Or
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Cette semaine c'est mon tour ! Je suis un peu décalée en ce moment au niveau des défis, et j'essaie de participer même si je suis un peu en retard. Pour ce nouveau sujet, j'aurai un jour d'avance ! Et pour que tout soit bien clair je poserai la question fatidique à mes amis Oriens : "Qui est le chef de famille ?"

Je sais , c'est un peu bizarre, mais je suis bizarre...

Posté le : 10/10/2014 18:13
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Re: Défi du 11/10/2014
Plume d'Or
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Ce texte, en réponse au défi de mon enseignante préférée, est à lire en écoutant si possible la musique du groupe 'The Doors' et en particulier le premier album.

Ravive ma flamme


La pièce résonnait sous les accords endiablés de Ray Manzarek. Margie dansait comme une folle, envoûtée par la voix de Jim Morrison chantant 'Break on through to the other side' et l'invitant à célébrer l'amour dans un torrent de fleurs.
Margie se souvint : sa vie avait basculée en avril, quand elle avait trouvé son nouveau boulot, passant de l'ombre à la lumière, dans une totale renaissance.

Avant, elle était une sobre enseignante de lycée, occupée à expliquer les fondamentaux de la langue de Shakespeare à des adolescents à casquette et à des boutonneux priapiques. Venue de la Cité des Anges, Margie avait épousé un prince charmant français rencontré lors d'un échange étudiant entre Berkeley et La Sorbonne. François était à l'époque un intellectuel modèle standard : il lisait Libération, votait communiste, vénérait Jean-Paul Sartre et applaudissait les films d'Eric Rohmer. Margie lui avait trouvé un côté décalé, éloigné des standards de son Amérique natale. Pour sûr, on était loin du beau Robert Redford qui faisait se pâmer les midinettes californiennes. François, c'était plus Jean-Pierre Léaud dans 'Un dernier tango à Paris' de Bernardo Bertolucci ; énervant, poseur de questions, coupeurs de cheveux en mille-vingt-quatre et chanteur de poèmes inconnus, il représentait l'anti-héros, l'anti-glamour, l'anti-surhomme. Évidemment, si elle avait eu le choix, Margie aurait préféré tomber sur le Marlon Brando du même film mais le sort en avait décidé autrement et elle avait hérité du second rôle. « Tant mieux pour moi, je n'aurais pas aimé le coup du beurre de toutes façons. » se disait-elle lors des séquences souvenirs.

Après, elle était devenue directrice artistique pour un site de ventes en ligne spécialisé dans la musique et la bande dessinée. Son amie d'enfance, Lucille, l'avait branchée sur ce plan, lors d'un de ses rares séjours au pays des grenouilles.
— Tu ressembles à un sac ma pauvre Margie, lui avait sortie tout-de-go l'ineffable Lucille.
— Tu sais remonter le moral de tes copines, toi.
— Regarde toi ma vieille. Tu as des bouées à la place du ventre, des poches sous les yeux, les cheveux en serpillière et des frusques de mémé. On est loin du sosie de Candice Bergen.
— Je n'ai pas les moyens de me payer les meilleurs bistouris de la Cote-Ouest.
— A ton niveau, le scalpel ne peut plus rien faire. Ce qu'il te faut, c'est un virage à cent-quatre-vingt degrés. Change de mec !
— Tu n'as jamais aimé François. Et puis, avec quatre divorces et autant de pensions alimentaires, c'est facile pour toi de critiquer.
— Tu n'avais qu'à faire comme moi, prendre un leasing au lieu de t'endetter sur cinquante ans avec un modèle démodé dès le départ.
— On laisse tomber le sujet. J'ai trois enfants et ils comptent sur moi. Tu n'as pas une solution plus simple à ma vie pourrie ?
— Ah, tu le reconnais quand même ! Ce n'est pas trop tôt. Je commençais à croire que tu étais accro à ton gras du bide.
— Je te le dis. François me fatigue et je n'ai plus la force de lutter contre sa connerie. Tu es contente ? J'irai me flageller demain à l'église du quartier. Na !
— Et si je te trouvais un nouveau job ? Pas un truc de mémère à torcher des petites brutes mais un trip excitant. Tu pourras enfin réveiller tes neurones créatifs et abandonner les tâches ménagères.
— Banco !

De la théorie à la pratique, il y avait un univers. Il s'appelait François et avait toujours son mot à dire sur tout et son contraire, à n'importe quel moment tant que ça faisait des bulles. Margie prit son bâton de pèlerin et attaqua la montagne, un soir, entre la poire et le fromage, en l'absence des enfants.
— Chéri, qu'est-ce que tu dirais si je changeais de job ?
— Laisse moi réfléchir, mon cœur. Si on prend en compte la crise économique, la mondialisation et le déclin des valeurs occidentales, le risque de quitter une place au chaud dans la fonction publique me semble inapproprié au regard de notre situation socio-économique et financière.
— Et en français, corrigé des variations saisonnières et du prix du baril de brut, ça donne quoi ?
— Tu veux quelle version ? Diplomatique ou officieuse ?
— On est entre nous, tu peux lâcher les chevaux.
— Je ne suis pas chaud. A moins que tu ne restes fonctionnaire, je ne vois que des inconvénients à changer. Nous avons un emprunt sur la maison, un monospace à payer, des enfants pas encore indépendants et bientôt mes parents à charge.
— En effet, le tableau est bien noir.
— C'est le quotidien des Français, ma chère.
— On est loin du Pays des Lumières.
— Depuis la chute de l'Union Soviétique, c'est la réalité mondiale.
— Vivement le retour du Christ et le contact du troisième type.
— Tu peux ironiser à volonté si ça te chante.
— Cui-cui.
— C'est bon. Parle moi de ce job.

Margie vit la porte ouverte et elle s'engouffra. François eut droit à une explication certes chaotique mais ô combien passionnée du métier de directrice artistique, des médias virtuels, bref de la modernité. Coincé dans ses certitudes de dinosaure, il répondit avec des arguments datés, ceux déjà utilisés par son père pour museler sa mère, et par son grand-père avant lui. Margie répliqua avec son rire de petit oiseau, ses proverbes américains et des citations de Joan Baez. Rien n'y fit. Non seulement François resta sur sa ligne Maginot culturelle mais il donna du mortier, sans semonces.
— Mais qu'est ce que tu t'imagines ma petite Margie ? Qui paie les factures ? Toi, avec ton salaire de misère ?
— Je participe un peu, quand même ?
— Ta contribution est marginale.
— Et le temps que j'ai passé à éduquer les enfants pendant que tu faisais le beau dans des séminaires à expliquer les ressources humaines aux cheminots et à gratter le dos aux syndicats ? Il ne compte pas dans ton équation ? Je te fais grâce des tâches ménagères et autres broutilles dont tu n'as pas idée.
— Tu les as voulus ces gosses.
— Pourquoi, pas toi ?
— Si, mais j'ai surtout succombé à tes demandes.
— Dans ce cas, il fallait épouser une béni-oui-oui. Moi, je suis une femme, tu sais ce que c'est ? Je ne me résume pas à une colonne dans la déclaration d'impôts, à une ligne budgétaire dans ton tableau de dépenses et encore moins à un petit coup le samedi soir les yeux fermés et la lumière éteinte.
— Ne sois pas vulgaire, Margie !
— Arrête d'être con, François !
— Le con il t'emmerde ! Le constat est simple : je suis le chef de famille. Tu sais ce que ça signifie ?
— Non. J'attends ton explication. Vas-y, donne moi un cours magistral en droit des familles !
— Tu me cherches ? Le principe est simple et sans appel : je finance donc je suis.
— A vos ordres, chef !

Margie avait laissé son chefaillon conjugal s'exciter à coups de concepts ringards, d'articles de loi et de sociologie à deux euros. François était un faible qui s'ignorait, bardé de certitudes et conforté par les publicités sexistes livrées en pâture à des millions de Français. Une fois qu'il avait épuisé son catalogue de clichés et fait le tour des banalités d'usage, elle l'avait travaillé en profondeur, tous les jours un peu plus cruellement, passant de l'ange au démon à la vitesse de la lumière.
Pour terminer, elle n'avait pas tenu compte de son avis éclairé et elle avait signifié sa démission à son chef d'établissement, un autre gras du bide perclus de conformisme.

Nick, Sylvia et Andy l'avaient soutenue, à leur façon, en pourrissant le quotidien de leur père. Pour ces enfants élevés à l'américaine, le rôle de la femme ne ressemblait pas à l'image d’Épinal diffusée par les mangeurs d'escargots, en quatre par trois sur les murs parisiens ou en Technicolor sur les écrans de cinéma. Nick avait élevé la révolte adolescente au niveau de l'art surréaliste : pendant une semaine, son frère et lui s'étaient déguisés en madame Michu tandis que leur sœur avait revêtue une tenue de nonne. Les trois comploteurs avaient développée la farce jusqu'au lycée et le proviseur avait du convoquer les parents pour s'expliquer. « Je n'ai pas le temps d'écouter ce fonctionnaire arriéré et en plus tu es le chef de famille. » avait lancé Margie avant de partir au travail. François s'était coltiné les reproches du sieur Dugenou, fier directeur d'établissement dans la ville royale de Rueil-Malmaison, au sujet de l'éducation des enfants, de la préservation des valeurs familiales et une flopée de concepts républicains. Fatigué d'avaler des couleuvres par paquets de douze, usé par des semaines de guérilla larvée, François avait rendues les armes.

« Take it easy babe, take it as it comes. » chantait le Roi Lézard sur le premier album des mythiques Doors. Margie se regarda dans le miroir du salon, contemplant sa ligne impeccable, son visage rajeuni par le docteur Glouque et sa superbe poitrine en silicone dernier cri. Lucille était passée par là et lui avait conseillé de revoir aussi la forme, après le fond. A cinquante ans, Margie s'était offert ce petit plaisir et elle ne s'en plaignait pas. Sylvia était fière d'arpenter les magasins avec sa mère version 2.0, Nick se moquait de ses copains bavant devant la nouvelle Candice Bergen et Andy lui écrivait des poèmes.
Seul le chef de famille, François le gras du bide, affichait une météo pluvieuse, telle la grenouille assise sur son baromètre, en attendant l'été. « C'est ça d'avoir des responsabilités et de financer une famille d'attaqués du bulbe. » lui avait déclamé Margie, un matin entre le jus d'orange et les céréales, tandis qu'il ronchonnait sur le temps d'avant, celui des femmes au foyer et du Général.

Posté le : 11/10/2014 11:58

Edité par Donaldo75 sur 12-10-2014 09:39:20
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Re: Défi du 11/10/2014
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Quel régal Donaldo, cette petite (cette grande!!!) chronique des années 65-70, avec entre autres la référence mythique de DOORS.
Je me suis retrouvé, durant ce temps de lecture, à l'époque de mes 15 ans, quand le général réprimait les étudiants ( diants- diants, )booster par Dany Le rouge devenu bien plus (voir trop) ,sage aujourdhui !!! alors que Jim Morisson abusait des boissons ‘’énergétiques ‘’ comme lors du concert de Miami de mars 69 ou, ‘’fort ému’’ il proposait au public de monter sa virilité !!!.

Ne m’en veux pas , mon cher Donaldo, mais pour des raisons de sécurité locale, J’ai effacé sur mon ordi, le petit couplet ‘’tu faisais le beau dans des séminaires à expliquer les ressources humaines aux cheminots et à gratter le dos aux syndicats ? ‘’, habitant depuis plus de 30 ans, dans une commune dénommée, St Pierre des corps, et composée d’une majorité de gens du rail : cette commune ayant possédée pendant des années le plus grand site de triage de France !!

Je me permettrais une dernière remarque sur ce remarquable exposé : à l’instant ou les femmes réclament à corps et à cris l’égalité des sexes, l’époque évoquée n’était elle pas une époque dorée ou les femmes se réalisaient en restant à la maison pour la cuisine et le ménage, tout en s'occupant des enfants, pendant que nous les hommes, les chefs de famille, les vrais, les tatoués, les costauds, s'efforcions de changer le monde, au bistrot d’a coté, attendant que la soupe chauffe ???

Ah la belle époque, aujourd’hui, hélas révolue, ou chacun et chacune étaient à sa place !!!

Enfin, les choses évoluent, mais heureusement mon cher Donaldo, ton délicieux récit nous rappelle ces heures ou la gente masculine savait se faire respecter !! Ou quand on disait Madame le président à l'assemblée nationale, on ne jetait point l’opprobre à l'orateur auteur volontaire de cette nouvelle faute de Français .....!!

Quelle tristesse, je comprend l'homme de gauche, Zémour, quand il évoque la déliquescence de notre beau pays, ou les plus jeunes non seulement ne mangent plus la baguette de pain, mais également refusent de porter le béret!!

Pour redevenir quelques secondes sérieux, Donaldo, Je me suis régalé à ta lecture de ta nouvelle, tant sur le fond que sur la forme, véritablement un bon, très très bon moment.

Difficile après cela de déposer un texte sur le sujet !!!La prochaine fois attends le milieu de la semaine qui suit, pour nous éviter de faire des complexes.
.
Allez, je vais de ce pas faire retraite à Colombey en passant par l'ile d’yeu pour faire coucou au maréchal ......!!!

Amitiés Tourangelles, mon cher Donaldo.

Posté le : 11/10/2014 14:36
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Titi
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Re: Défi du 11/10/2014
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Chapeau bas Donald. J'en ai appris des choses sur la politique de l'époque. Tu as eu du pif de choisir cette période dela libération de la femme. Elle a su se mettre les trois enfants dans la poche. Je garde cette astuce au cas où mon cher et tendre voudrait me renvoyer dans ces années de soumission féminine.
La chenille qui se mue en papillon. Elle risque d'aller butiner ailleurs si le François n'évolue pas.

Je ne sais pas comment je vais rivaliser.

Tu es l'homme qui écrit plus vite que son ombre.

Merci pour ce bon moment.

Bises

Couscous

Posté le : 12/10/2014 06:52
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Re: Défi du 11/10/2014
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Mon cher Kjtiti,

C'était un plaisir, au vu du thème d'Arielle, de rendre hommage aux femmes. Je l'ai fait en me lâchant complètement (ou presque) et du coup j'en ai mis aussi à d'autres sujets qui m'énervent tels que le militant de gauche devenu gros beauf cadre supérieur dans une boite publique, les années soixante au temps du Général et les proviseurs de lycée quelque soit leur époque ils resteront des cons.

Moi, en 1968 j'avais deux ans et ma mère lançait des pavés dans les rues de Paris au grand dam de son médecin de mari.
Je suis conscient qu'à l'époque où Jim Morrison chantait 'Break on through' la société était bien ancrée dans le conformisme, en particulier en France.
Je le dis tout net, au cas où on me prenne pour un nostalgique des sixties: j'aurais détesté vivre dans les années soixante, à entendre Johnny et Sylvie à la radio, à subir une télévision d'état, à écouter un vieux général ringard nous expliquer la France éternelle, à écouter de la musique noire américaine en douce tout en sachant que les mecs qui l'avaient écrite n'avaient pas les mêmes droits que leurs voisins blancs, à trembler à chaque fois que Brejnev ou Johnson se crépaient le chignon, j'en passe et des bien pires.

Ce n'était pas mieux avant.
On a quand même encore de la marge, surtout en ce qui concerne l'égalité des chances, dans notre beau pays.

Mais, reconnaissons le, Jim Morrison, quel putain de style il avait dans son pantalon de cuir ! Et sa musique, c'était du lourd, du révolutionnaire. Même si je ne voudrais pas vivre cette époque, admettons que l'Oeil dans le Ciel m'y renvoie, alors je me démerderais pour finir au lit avec Candice Bergen en écoutant "Light my fire" en boucle.

Merci ami Tourangeau,

J'attends avec impatience ta version et oui, je patienterai un peu la prochaine fois pour envoyer la mienne.

Posté le : 12/10/2014 09:52
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Re: Défi du 11/10/2014
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Ma chère Delphine,

Je ne t'en veux pas de ta petite blague à Mouscron, où habillé en Hurlu, j'ai dansé toute la nuit au son du bombardon et dans une pluie de froufrous, avec des garnements qui me parlaient d'allumoirs.
Comme quoi, je suis un gars facile à vivre.

Tu es déjà papillon et je vois mal quiconque t'attraper avec un filet et te mettre dans une boite.

J'écris plus vite que mon ombre ?
Non, en fait, je suis super inspiré en ce moment, c'est la saison haute du côté de mon cerveau et en plus les deux derniers défis ont provoqué mes neurones.

Bises

Donald.

Posté le : 12/10/2014 09:58
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Re: Défi du 11/10/2014
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La guerre des chefs

Je m’appelle Canard Boiteux. Vous trouvez cela étrange comme prénom ? C’est pourtant courant chez nous, les indiens. Vous connaissez sûrement les plus célèbres d’entre nous comme Sitting Bull ou Little Horse. Lorsque je suis né, mes parents ont tout de suite été étonnés par la grandeur de mes panards et mon patronyme me fut attribué.
À l’âge adulte, il a fallu choisir une épouse. Tout cela s’est fait lors d’une cérémonie organisée avec tous les jeunes gens du village, prêts à se mettre en couple. Après de longues agapes, des danses endiablées autour du feu, il nous a fallu choisir. J’avoue avoir un peu abusé du blé fermenté et du calumet fourré aux longues feuilles venant du sud. J’ai jeté mon dévolu sur la première qui m’a souri, avant d’aller faire plus ample connaissance sous la chaude couverture en peau de bison. Le lendemain matin, je me suis réveillé avec un mal de crâne et une épouse. Le premier allait rapidement se dissiper mais pas la seconde.
« Bonjour, moi c’est Canard Boiteux.
– Je le sais !
– Cela se voit tant que cela ?
– Non, tu me l’as dit hier soir lors des présentations.
– Je n’étais pas trop dans mon assiette. Comment te nommes-tu ?
– Louve Grincheuse.
– Ah ! Enchanté !
– Bon, va chasser, j’ai faim.
– Mais moi j’aimerais qu’on apprenne un peu plus à se connaître. Viens près de moi, je vais te réchauffer.
– Non ! Tu as eu ta chance hier soir mais tu as préféré ronfler ! Va et ramène de quoi mettre au-dessus du feu.
– Femme ! Tu n’as pas d’ordre à me donner. Je suis l’homme ici et c’est moi le chef. »

Elle me regarde avec des yeux écarquillés avant de mettre à rire bruyamment. Lorsque son corps cesse d’être secoué par des soubresauts joyeux, elle reprend son souffle pour me dire :

« Toi, un chef ? Parviens déjà à mettre un pied devant l’autre sans tomber pour aller me chercher de la viande et on en reparle !
– Allume le feu. Je reviens très vite. »

Vexé, je me rends dans la forêt toute proche, muni de mon arc. Après une longue traque, trois flèches dans des troncs d’arbres et deux autres dans des buissons, je jette l’éponge. Afin de ne pas rentrer bredouille, je cueille quelques champignons. Je passe l’entrée de ma tente et tends ma récolte à mon épouse.

« C’est tout ? me lance-t-elle.
– Je suis encore fatigué de notre soirée d’hier.
– Je savais que je ne pouvais pas compter sur toi. Heureusement que mes pièges sont efficaces. »

Je constate amèrement qu’un beau lièvre dore au-dessus du feu. Elle jette un œil à mes champignons avant de les jeter dans le brasier.

« Mais, que fais-tu ?
– Tu veux déjà m’empoisonner ?
– Non… je…
– C’est bon. Pose tes fesses là, Monsieur le chef de famille. »

Et ce ne fut que le début d’une longue série de déceptions. Elle était décidément meilleure que moi en tout. Dans notre couple, elle portait la culotte en croûte de cuir. Je suis devenu la risée de mes amis.

Un jour, notre chef, Grand Cerf Volant, nous annonce qu’il veut passer le flambeau. Il faut donc sélectionner un nouveau leader. Il demande alors qui se porte volontaire. Après une longue hésitation, je lève la main, ce qui génère des petits rires parmi mes concurrents. Nous sommes donc quatre en lice pour hériter du grand chapeau à plumes et la responsabilité du village. Pour cela, il nous faut passer quatre épreuves. Je dois prouver à tous, et surtout à ma femme, que j’ai l’étoffe d’un chef.

La première épreuve consiste à ramener au village la plus belle prise à la chasse. En pleine nuit, je me faufile vers le village voisin. Après une longue tractation avec Sanglier Sauvage, il accepte de me céder un de ses caribous. Le lendemain, je m’engage dans la forêt en même temps que les trois autres. Pendant qu’ils partent plus loin, j’en profite pour aller dénicher ma proie dans sa cachette afin de la ramener triomphalement autour de mon cou.

La seconde doit évaluer notre capacité à invoquer les esprits. Pendant la nuit, je tire quelques cheveux de la longue tignasse de ma dulcinée. Je les accroche à une couverture grâce à une aiguille en os de chien. Au lever du jour, nous sommes tous invités dans la tente centrale. Un grand feu brûle en plein milieu. Nous sommes recouverts de peinture rouge et les incantations commencent. Je dépose la couverture que je porte sur le dos juste devant moi. Tout en faisant courir mes mains sur l'étoffe, je cherche discrètement les poils de crinière de ma louve. Les saisissant entre mes doigts, je commence à faire bouger lentement la couverture. J'entends le chef s'écrier : « Regardez ! Les esprits de nos ancêtres sont parmi nous. ». Je continue mon cinéma quelques minutes jusqu'à ce que les fils invisibles cèdent. Je fais alors mine d'une sortie de transe laborieuse.

La troisième épreuve est la lutte. Ma carrure étant largement inférieure à celle de mes concurrents, il faut que je me creuse les méninges. Une promenade en forêt m'apporte la solution. Au matin, je me retrouve face à Gros Minet. Malgré son patronyme bien sympathique, c'est un coriace. Mais une poignée d'herbe à chat relevée d'épices me permet de lui faire perdre ses moyens et de prendre le dessus. Par contre, face à Bison Fumant, c'est une autre histoire. Il parvient à me porter un mauvais coup au visage. Mais lorsqu'il se met à tenter de m'étrangler, je sors mon arme secrète. Ma main droite part chercher dans mon pantalon un peu de déjections de moufette que je lui colle sous le nez. Écœuré, il recule pour vomir. Je n'ai plus qu'à lui faire une clé de bras musclée pour obtenir son abandon.

Vient le dernier test, celui de la bravoure. Toute la journée, un feu nourri a brulé. Le soir, les braises sont étalées sur plusieurs mètres. Nous sommes invités à les traverser, pieds nus. Les autres le font en courant et en grimaçant, tandis que ma traversée s'apparente à une promenade, sourire aux lèvres.

Au terme de cette dernière épreuve, le chef réunit la tribu. J'ai juste le temps de me débarrasser discrètement de l'écorce collée sous la plante de mes pieds. Après une longue méditation, Grand Cerf Volant retire sa coiffe imposante et vient la déposer sur mon crâne. Je n'en reviens pas. Enfin la reconnaissance de mes pairs et avec la bénédiction des esprits de nos ancêtres en prime !

Fier de ma promotion, je m'empresse de fuir les mondanités pour pénétrer dans ma tente en annonçant triomphalement :

« Incline-toi devant le nouveau chef du village ! »

Ma femme me dévisage et me lance nonchalamment :

« Retire tes mocassins pleins de boue. C'est toujours moi le chef ici !
– Oui Mamour. »

Posté le : 12/10/2014 13:48
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Re: Défi du 11/10/2014
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Excellent !
Le plus drôle, c'est que des gars comme Canard Boiteux, j'en croise tous les jours et ce sont des grands chefs à plumes dans leur boite mais des toutous dans leur tipi.
Je sens que ce défi va inspirer les esprits de la tribu orienne.
Bravo, Couscous.
Ugh !
Donald le cow-boy.

Posté le : 12/10/2014 16:24
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Re: Défi du 11/10/2014
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Quand, le père posait, en rentrant du turbin
Le salaire du mois, sur la table commune.
Maman était heureuse, de la dive fortune
Qui sera épuisée,…….. le 15 du mois prochain.

Nous affichions, dés lors, pour notre géniteur
Des yeux admiratifs, pour le père argentier
Qui grâce à son boulot, à son noble métier
Mettait dans les patates, une noisette de beurre.

Et Maman pardonnait, quand le soir un peu tard
Papa, un peu hagard, revenant du bistro,
Gueulait jusqu'à plus soif( ?) : alors là, ça en trop
La table n’est pas mise, et sort donc le pinard.

C’était la belle époque, chacun avait sa place
Les femmes à la maison, s’occupant des moutards
Du ménage, des courses, la couture, les devoirs,
La cuisine, c’était tout, pas de quoi être lasse.

Le chef de la famille, respectueux des coutumes
Jamais ne s’occupait des taches ménagères,
Il aimait trop sa femme pour privait sa bergère
De l’ouvrage quotidien, qu’elle adore, je présume.

Mon devenir, dés lors, fut comme une évidence :
Chef de famille, voila, tel sera mon futur,
Seul, puisqu’étant le chef, conduirais la voiture,
Ma femme se pâmant, devant ma grande aisance.

Mais en 2014, l’amour, j’ai rencontré
Le vrai, celui qui dure et fait fondre le cœur
Dés le premier instant, Cupidon fut vainqueur
La passion,par sa flèche, m'avait pénétré

Aussi, me direz-vous, pas d’os dans le boudin
Tu peux en tant que mâle imposer ton dictat
Pourtant j’ai un problème, (elle) ,il, s’appelle Jacques,
Aussi vais-je appeler ce jour, Christine Boutin……. !!

Par avance, mes excuses à toutes les femmes délicieuses et talentueuses de L’Orée, ceci n’est qu’un mauvais poème, dont je ne pense pas le traitre mot…..

Ce que je pense est encore pire !!!!

Milles baisers de Touraine à vous toutes ORésiennes, pour cet écrit machiste et rétrograde qui mériterait de na pas paraître.

PS pour Donaldo:j'ai fais ce j'ai pu


Posté le : 12/10/2014 16:25
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Titi
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Re: Défi du 11/10/2014
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Cher Kjtiti,

N'aurais-tu pas vidé quelques bonnes bouteilles afin d'y trouver l'inspiration au fond ?

Ton avenir devait être tout tracé mais le destin en a décidé autrement. Pour choisir le chef, vous n'avez qu'à tirer à la courte paille. N'y vois rien de grivois bien sûr !

Merci pour ton retour dans nos défis.

à bientôt pour de nouvelles folies littéraires.

Bises

Couscous

Posté le : 12/10/2014 17:31
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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